L’application du savoir et l’autorégulation 89
Interactions Vol. 6, no 1, printemps 2002
problématiques se sont habituellement développés dans un contexte qui les rend
compréhensibles, ils finissent néanmoins par saboter les objectifs de la personne
adulte (Benjamin, 1993; Kernberg, 1984; Linehan, 1993; Masterson et Klein,
1987,1994; Young et Koslo, 1997). Il faut donc cibler ces modes inappropriés de
fonctionnement. Or, pour la personne avec un trouble de personnalité, les modes
de fonctionnement qui engendrent les problèmes ne suscitent aucun conflit en
elle, car ils sont justifiés par la situation. Par exemple, pour un client dont la
personnalité est de type paranoïaque, la méfiance ne constitue pas un problème;
elle est au contraire la solution au problème des intentions malveillantes que les
autres ont le plus souvent à son égard! Pour une personnalité de type narcissique,
le sentiment d’avoir droit à un traitement spécial ne constitue pas un problème,
mais plutôt le prolongement normal de sa conception de soi : il possède des
attributs extraordinaires et le problème est plutôt que les autres ne le reconnaissent
pas. Nous sommes loin du « bon » client qui se plaint de son trouble anxieux, de
sa dépression ou d’un trait de personnalité dont il souhaiterait se débarrasser à
tout prix. Nous trouvons donc un deuxième sens à la notion de résistance telle
qu’elle peut s’appliquer aux troubles de la personnalité durant une démarche de
relation d’aide : la résistance suscitée par les aspects défensifs de la personnalité
qui sabotent les objectifs mêmes du client sans que celui-ci ne s’en rende compte.
Par exemple, lors d’un atelier de praxéologie, un enseignant rapportait un
dialogue dans lequel il était inquiet par les conséquences prévisibles de l’attitude
arrogante et prétentieuse d’un étudiant narcissique. L’enseignant avait des indices
que cette attitude risquait de provoquer des problèmes à l’étudiant dans sa future
profession et avec ses collègues. Toutefois, ce dernier n’était aucunement dérangé
par l’effet de sa conduite sur les autres et il était persuadé que, concernant sa
profession, « il l’avait l’affaire ».
La difficulté du changement
Il existe enfin un troisième type de résistance qui concerne, de façon générale, le
changement des traits de personnalité. La plupart des spécialistes de la
psychothérapie, tout en reconnaissant l’utilité de leurs interventions sont humbles
quant aux réelles possibilités de changements en profondeur de la personnalité.
Stone (2001), un chercheur reconnu pour ses études longitudinales dans le
domaine explique que, dans la mesure où les définitions de certains troubles du
DSM-IV incluent des critères qui sont davantage des symptômes que de véritables
traits de personnalité, on peut effectivement observer des changements
importants. Toutefois, ajoute-t-il, « si on définit les troubles plus rigoureusement
sur la base de véritables traits de personnalité, ils semblent posséder une stabilité
plus grande sur de longues périodes. La stabilité, dans ce contexte, signifie une
résistance au changement. Ceci signifie que les troubles plus sévères […] sont