bassin du Niger 11 Les multiples visages du fleuve Niger Troisième fleuve d’Afrique par sa longueur après le Nil et le Congo, le Niger parcourt sur 4 200 km Soumis à un régime tropical dans son bassin supérieur, le fleuve Niger se transforme en Delta Intérieur au Mali, où il perd près de la moitié de son eau par évaporation et infiltration dans le sol. Dans ce delta, où vit un million de personnes, les activités alternent au rythme des inondations : pêche en hautes eaux, pâturage et cultures en basses eaux. Le cours du Niger traverse le Sahel et serpente dans le désert du Sahara avant de prendre la direction du sud pour se jeter, par les multiples bras d’un grand delta, dans le golfe de Guinée, au Nigéria. Chacun de ces « paysages » du fleuve a un fonctionnement particulier en relation avec le climat, le rythme des précipitations, la morphologie des bassins versants, les infrastructures sur le fleuve et les activités humaines. LE SAVIEZ-VOUS ? l’Afrique de l’Ouest. Il présente de multiples visages tout au long de son cheminement. Pirogues destinées au transport de voyageurs d’une rive à l’autre du fleuve aux alentours de Mopti. Lamantin Trichechus senegalensis. Le Delta Intérieur du Niger est une vaste zone inondable, riche en biodiversité, où l’on peut rencontrer des hippopotames, des lamantins... CARTE D’IDENTITÉ Source : monts Tingi Embouchure : golfe de Guinée – océan Atlantique Longueur : 4 184 km Débit à l’embouchure : 5 600 m3/s Surface du bassin versant : 1,2 million de km² Le Delta Intérieur du Niger dans la région du lac Débo. L’exploitation du pétrole, dans le delta maritime du fleuve au Nigéria, pose de graves problèmes environnementaux avec des marées noires quasi permanentes. Aigrette garzette attrapant un poisson. Le Delta Intérieur du Niger est la plus grande zone d’hivernage de l’Afrique de l’Ouest pour les oiseaux. Les chercheurs y ont répertorié 250 espèces. Pays : Sierra Leone, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Mali, Niger, Bénin, Nigeria, Cameroun, Tchad. Marché de Bamba, dans la région de Gao au Mali. Les cours d’eau sont d’une importance économique majeure en permettant de transporter les marchandises du lieu de production vers le lieu de vente. La population du bassin devrait doubler d’ici à une vingtaine d’années 12 bassin du Niger Les caprices des crues La ressource en eau du fleuve Niger et de ses principaux affluents de rive droite comme le Bani - dépend essentiellement du haut bassin en Guinée, Mali et Côte d’Ivoire. Les précipitations y sont plus abondantes que dans les parties sahélienne et saharienne. Mais elles restent irrégulières, causant une grande variabilité des écoulements. Depuis 1970, une diminution des pluies entraîne une baisse durable des ressources en eau souterraine et une réduction des surfaces inondées dans le delta. L’impact du changement climatique sur le bassin du Niger peut entraîner aussi bien une augmentation qu’une baisse des pluies et des débits, variant localement selon la géologie et les sols. Le débit très abondant favorise la pêche, la navigation et l’irrigation, sur tout le cours du fleuve et en particulier dans le Delta Intérieur du Niger. Mais, des inondations dévastatrices ont lieu régulièrement comme en 1967 à Bamako, 1994 dans le delta intérieur, 2001 sur les berges du Sankarani, ou 2010 et 2012 à Niamey. Celles-ci sont essentiellement causées par un fort ruissellement des pluies sur des sols dénudés, dus à la sécheresse et à l’augmentation des surfaces cultivées, ou par l’inondation de zones urbanisées dans le lit du fleuve. RECHERCHE L’objectif de l’observatoire AMMA-Catch est de mieux comprendre le phénomène de la mousson en Afrique de l’Ouest et son impact sur l’environnement. Les chercheurs suivent sur le long terme la végétation et le cycle de l’eau ainsi que leur interaction avec le climat. Ils modélisent l’hydrologie et les échanges solatmosphère afin d’évaluer leur rôle et de prévoir la dynamique des pluies et de la végétation. Dans le contexte de changement climatique et d’usage du sol actuel, ces informations sont vitales afin de planifier le futur développement économique de la région. Le changement climatique et les activités humaines - exploitation des terres, irrigation et barrages entrainent une modification du régime du fleuve Niger qui se traduit par une diminution des réserves d’eau en période sèche et une augmentation En amont, sur la partie guinéenne du fleuve, les précipitations sont très abondantes, de l’ordre de 2 000 mm/an. Dans les parties sahélienne et saharienne du fleuve, les pluies sont plus rares et irrégulières, avec moins de 600 mm/an. du risque d’inondation et des pertes en sol. On a dénombré 340 000 sinistrés et 44 morts suite aux fortes inondations d’août 2012 à Niamey au Niger. Les crues de 2001 sur les berges du Sankarani ont presque totalement détruit les plantations de bananes. Habitations à « fleur d’eau » à Bamako. L’extension de l’habitat dans des zones à risques et la combinaison du changement climatique et des activités humaines, expliquent les effets néfastes de certaines crues, surtout au Sahel. Le fleuve Niger a atteint en août 2012 son plus haut niveau depuis 1929 13 bassin du Niger Prolifique Niger Les cultures irriguées, notamment la riziculture, se sont développées autour des barrages et de façon traditionnelle dans les plaines d’inondation et aux abords du fleuve. Le motopompage, pratique en plein essor pendant la saison sèche, permet l’irrigation des petites parcelles familiales pour le riz et le maraichage. La construction de grands barrages hydroélectriques et l’augmentation des prélèvements impacteront les débits du fleuve et demanderont une meilleure gestion de l’eau. Le fonctionnement du fleuve influence notamment l’ampleur de l’inondation du Delta Intérieur et par conséquent les rendements agricoles. La pêche dans le bassin reste largement artisanale. Les pêcheurs professionnels, comme les Bozos, sont localisés sur le fleuve et dans le Delta Intérieur. Les communautés d’agriculteurs pratiquent eux une pêche occasionnelle. La ressource en poisson dans le delta varie chaque année selon l’amplitude de la crue. Les grandes sécheresses, mais également l’intensification de la pêche et les nombreuses captures de juvéniles, ont accentué la pression sur cette ressource. RECHERCHE L’IRD s’investit depuis plusieurs décennies sur le bassin du fleuve Niger afin d’améliorer la compréhension des régimes pluviométriques et hydrologiques soumis aux influences climatiques et humaines. Ces données permettent de mieux comprendre et d’optimiser les pratiques agricoles. L’IRD a participé aux projets CGIAR (Challenge Programme Eau et Alimentation, BFP Niger), HydroDIN, Niger-Loire : gouvernance et culture (UNESCO), à l’ANR RESSAC, et l’Institut fédératif de recherche ILEE. De la forêt guinéenne aux marécages de son embouchure, en passant par les étendues sèches du Sahel et désertiques du Sahara, le bassin du fleuve Niger héberge plus de 100 millions de personnes qui vivent de l’agriculture sous pluie et irriguée, La vie des pasteurs Peul dans le Delta Intérieur est rythmée par le cycle de la transhumance. Leurs trajets suivent les crues, l’afflux des eaux en saison pluvieuse puis l’assèchement progressif des plaines et bras secondaires. Le Delta Intérieur du Niger est une vaste zone inondable riche en biodiversité où vivent 120 espèces de poissons. Motopompes dans la région de Kouakourou. Cette pratique permet une diversification des cultures (majoritairement des bananes mais aussi mangues, agrumes…). Pêche collective de la mare de Bolé sur la rivière Niandan en Guinée. Le fleuve Niger est une source d’eau agricole essentielle dans les zones plus arides. Avec une population de 50 millions d’individus, les agriculteurs-éleveurs constituent la majorité des ruraux du bassin. Case de pêcheur bozo dans un campement temporaire du Delta Intérieur du Niger. de l’élevage et des pêches. Récolte de sorgho à Koré Maïroua au Niger. L’agriculture pluviale est majoritaire dans le bassin du Niger, où se succèdent des cultures de céréales sèches puis de tubercules en fonction des précipitations. L’irrigation ne représente que 5 % des surfaces agricoles du bassin 14 bassin du Niger Vivre et se développer avec le fleuve Conscients des enjeux socio-économiques et des tensions à craindre entre les différents usagers, les neuf États drainés par le fleuve se sont associés, dès 1964 au sein de la commission du fleuve Niger, puis en 1980, au sein de l’Autorité du Bassin du Niger. Cette organisation intergouvernementale assure la coopération entre ses membres, pour une gestion durable et équitable des 1,2 million de km² du bassin. Le Niger et ses affluents demeurent peu et inégalement équipés en grands aménagements hydroagricoles et hydroélectriques. Mais de nombreux projets d’envergure voient le jour : l’Autorité du Bassin du Niger met en œuvre d’importants investissements pour atteindre 15 000 km² irrigués en 2025, avec entre autres le barrage de Fomi en Guinée ou encore le barrage de Taoussa au Mali. En parallèle, depuis la sécheresse des années 1980, prolifèrent sur les rives du fleuve de petits aménagements hydrauliques. Ne cessant de se multiplier, ces petits barrages ou petits pompages ont sans doute un impact non négligeable sur le bilan hydrologique du bassin et doivent être pris en compte dans la gestion de l’eau. RECHERCHE L’objectif fondamental du projet Gire 2 est de doter l’Autorité du Bassin du Niger de moyens lui permettant d’assurer avec efficacité le suivi des ressources en eau et des grands ouvrages hydrauliques, pour une gestion harmonieuse, intégrée et coordonnée : équipements hydrologiques fonctionnels, renforcement des capacités des agents, bases de données opérationnelles et amélioration des systèmes de traitements et de diffusion des données et informations. Les neuf pays qui se partagent le bassin du Niger dépendent en grande partie du fleuve et de ses affluents pour l’agriculture et l’alimentation en eau potable, mais aussi pour l’énergie, le transport, l’industrie, le tourisme… Avec une population qui devrait doubler d’ici 20 ans et des aménagements hydrauliques inégalement répartis entre les territoires, on peut craindre un regain de tensions entre usagers et entre États. Agriculteur de l’ethnie Peul Rimaybe dans l’attente des premières pluies. Dans le Delta Intérieur du Niger, l’inondation est essentielle pour le développement des activités agro-pastorales. Depuis 1982, le fonctionnement du barrage de Selingué a modifié le régime du Sankarani (affluent) et du Niger jusqu’au Delta Intérieur. Si le débit en période de crue est très faiblement réduit, l’impact en période d’étiage est beaucoup plus important car l’eau est restituée en saison sèche pour assurer un écoulement permettant navigation et pêche. Zones irriguées près du Sankarani, affluent du Niger. Le barrage, en plus de produire de l’électricité, crée une retenue d’eau utilisée pour irriguer une vaste zone de champs. Environ 500 petits aménagements hydrauliques sont construits sur le bassin versant de la rivière Bani, au Mali. Ils ont très certainement une incidence sur les régimes des écoulements, impossible à quantifier par manque d’informations sur la taille des réservoirs, le fonctionnement et les usages de l’eau. Le barrage de Markala est l’un des plus importants du fleuve Niger 15