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L’objet du présent numéro de Parc et Réserves
est de présenter le groupe des Anthophila que
sont les Hyménoptères apocrites (caractérisés par
un net étranglement au niveau de l’abdomen),
aculéates (à aiguillon) et apiformes (abeilles),
et les principaux enjeux liés à leur préservation.
Il s’agit en effet d’insectes qui sont dans leur
majorité menacés. Après avoir présenté ce
groupe d’espèces (écologie, cycle de vie…), les
causes de leur déclin, leurs rôles et les menaces
qui pèsent sur lui… diverses pistes d’actions très
générales sont proposées pour préserver ou
renforcer les populations d’Anthophila dont
le rôle est stratégique pour la pollinisation des
plantes sauvages et cultivées, et la stabilité des
écosystèmes.
Abeille domestique et biodiversité
Où est passée l’abeille noire ?
Commençons notre présentation par la plus
connue : l’Abeille domestique, très médiatique
et qui fait l’objet de toutes les attentions. Les
apiculteurs se mobilisent contre l’effondrement
des colonies fragilisées par l’usage de nombreux
pesticides et la disparition progressive des
éléments écologiques et paysagers présents dans
les espaces agricoles. La situation de l’Abeille
domestique est préoccupante. Mais de quelle
espèce ou de quel taxon parle t-on ? Apis mellifera
est une espèce à large répartition. Présente
originellement en Afrique, Europe et Proche-Orient,
elle montre quatre lignées évolutives différentes et
forme un ensemble de 26 sous-espèces (Garnery,
2013). Chez nous c’est une espèce originaire de
la lignée ouest-méditerranéenne qui a réussi à
se réfugier dans le pourtour méditerranéen lors
de la dernière glaciation avant de reconquérir,
lors du réchauffement qui a suivi, une grande
partie de l’Europe jusqu’au sud de la Scandinavie
(60° de latitude) et jusqu’à l’Oural. Une aire de
répartition aussi vaste, aux climats très contrastés,
a vu apparaître diverses sous-espèces clairement
identifiées dont l’abeille noire (Apis mellifera
mellifera) pour l’Europe du nord-ouest et du nord
(Albouy, 2011) pour laquelle différents écotypes
existent dans les diverses régions européennes. Le
Nord – Pas-de-Calais et la Wallonie (Sud Hainaut)
partage la même « abeille ». Il s’agit de l’écotype
Chimay-Valenciennes décrit par Hubert Guerriat
et Jean Vaillant suite à des mesures biométriques
et des analyses réalisées sur l’ADN mitochondrial
(Demarcq, 2010).
Utilisées comme source de miel depuis la
Préhistoire, comme l’atteste une scène d’une
peinture rupestre trouvée en Espagne dans la
Cueva de la Araña datant de 5 ou 6000 ans
avant J.C. (Darchen, 2003 ; Marchenay, 1979),
puis domestiquées au cours de l’Antiquité comme
le montrent les traces écrites de son exploitation
figurant sur des tablettes de Mésopotamie (3000
ans avant J.C.) et sur le temple du soleil à Abu
Ghorab (Egypte) datées de 2400 ans avant J.C.
(Darchen, 2003), les abeilles sont exploitées par
l’homme dans les régions méditerranéennes
depuis bien longtemps.
Dans nos régions, le développement de
l‘apiculture semble plus récent. Il a été
encouragé par Charlemagne en 799. Dans
son célèbre Capitulaire « de Villis » l’empereur
donne ses instructions : « Que chaque intendant
ait autant d’hommes employés à nos abeilles,
pour notre service, qu’il a de terres dans son
ressort » (Marchenay, 1979). Pourtant, depuis
Des abeilles noires de plus en plus rares
© GUILLAUME LEMOINE
Parcs & Réserves, vol. 71, fasc. 2