PSI Brizeux Ch.DF1: Etude phénoménologique des fluides 1
CHAPITRE DF1
CHAPITRE DF1
ETUDE PHENOMENOLOGIQUE DES
FLUIDES
1. LE MODELE DU FLUIDE
1.1. Qu’est ce qu’un fluide ?
Nous avons déjà évoqué en thermodynamique la notion de fluide. On parle de fluide au sujet des
états liquide et gazeux, par opposition à l’état solide. La frontière liquide-gaz se caractérise par une
différence d’ordre de grandeur de la densité particulaire, environ mille fois plus grande dans les
liquides que dans les gaz, avec d’ailleurs pour conséquence une grande importance des interactions
moléculaires dans les liquides. De même, la frontière liquide-solide n’est pas simple à établir ( on peut
penser aux cristaux liquides ). Nous n’essaierons pas de donner une définition rigoureuse d’un fluide
par opposition à un solide.
Cependant, nous connaissons tous la capacité des liquides à « couler » ( plus ou moins suivant leur
viscosité ! ), à épouser la forme du récipient dans lequel ils sont contenus, à pouvoir être reconstitués
une fois qu’ils ont été « éparpillés » ( pensons par exemple aux fines gouttelettes d’un brumisateur
qu’on récolterait dans un verre...). Cette différence de comportement mécanique macroscopique entre
solides et liquides s’interprète notamment par la beaucoup plus grande mobilité des molécules dans
l’état liquide, moins « compact » que l’état solide.
Nous avons vu en statique des fluides l’importance des forces de pression, toujours présentes en
dynamique des fluides. Une autre différence essentielle entre liquides et solides va se retrouver lors de
leur étude cinématique : les vitesses des différents points d’un solide, rigidement liés les uns aux
autres, sont reliées entre elles par une relation faisant intervenir le vecteur rotation instantanée
!
r
"
. Le
problème est beaucoup plus délicat pour des liquides en mouvement.
Avant toutefois d’aborder cette étude cinématique, il nous faut repréciser notre échelle d’étude afin
de pouvoir définir notamment la notion de vitesse macroscopique du fluide :
1.2. Le fluide milieu continu
A l’échelle microscopique, le fluide est essentiellement discontinu : il est composé de molécules,
en continuelle agitation thermique. Pour un gaz, la longueur caractéristique associée à cette échelle
est le libre parcours moyen l des molécules, distance moyenne parcourue par une molécule entre
deux chocs. Aux pressions usuelles, l est de l’ordre du micromètre.
A l’opposé, à l’échelle macroscopique, le fluide est un milieu continu. La longueur L
caractéristique de cette échelle pourra être très variable, imposée par les caractéristiques du problème
étudié : largeur du lit d’un fleuve, diamètre d’une conduite, profondeur de l’océan, taille d’un obstacle.
Une limite inférieure de L pourrait être obtenue dans les capillaires sanguins par exemple (L est
alors de l’ordre d’une fraction de millimètre).
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Ces échelles ne sont donc bien différenciées que si L >> l, la distinction ne pouvant plus se faire
lorsque L est encore plus faible ( canaux d’un milieu poreux par exemple ) ou l nettement plus élevé
( gaz sous très faible pression ).
En outre, traiter le fluide comme un milieu continu, c’est aussi pouvoir le découper en cellules
élémentaires à partir desquelles on pourra utiliser le calcul intégral. Nous appellerons particule de
fluide cette cellule élémentaire, évidemment différente d’une molécule du fluide. Quelles doivent alors
être les dimensions de la particule de fluide, en l’imaginant cubique, d’arête a ?
La longueur a définit alors l’échelle mésoscopique. L’intérêt d’une description continue du fluide
réside dans le fait qu’on peut alors associer à une particule de fluide des grandeurs macroscopiques :
ainsi la vitesse de la particule, centrée à l’instant t au point M de l’espace, sera en fait une moyenne
des vitesses des molécules qu’elle contient. On obtient ainsi une grandeur macroscopique locale, c’est
à dire définie au point M, à l’instant t. Cette vitesse ne sera d’ailleurs non nulle que si le fluide est
macroscopiquement en mouvement. On pourra de même, à partir de cette notion, étudier par exemple
la répartition de température ou de pression dans le fluide. La validité de ce mode de description, sur
lequel nous reviendrons, est liée à la valeur de a : la taille de la particule doit être petite au niveau
macroscopique, où les grandeurs sont continues, mais grande au niveau microscopique ( la particule de
fluide contenant alors un nombre très grand de molécules ) pour pouvoir négliger les fluctuations
associées à l’agitation thermique.
Prenons l’exemple d’un fluide tel que l’eau liquide dont on étudierait le mouvement dans une
conduite de diamètre 5 cm . Dans l’eau liquide, les molécules sont liées les unes aux autres par des
liaisons hydrogène dont la longueur est de l’ordre de 10-10 m. On a donc ici L 5 10-2 m et l 10-10 m.
Prenons alors a 10-6 m = 1µm. Un volume de 1µm3 d’eau contient 10-15 kg d’eau, donc N
M 10-15
molécules d’eau, M = 18 g est la masse molaire de l’eau et N = 6,02 1023 le nombre d’Avogadro.
Cette particule d’eau contient donc 3,3 1010 molécules !...
L’échelle de la particule de fluide, échelle mésoscopique, est intermédiaire entre
l’échelle microscopique et l’échelle macroscopique. Elle permet d’associer à cette
particule des grandeurs macroscopiques qui décrivent le fluide comme un milieu
continu.
2. LE FLUIDE EN ECOULEMENT
2.1. Descriptions lagrangienne et eulerienne
2.1.1. Approche lagrangienne
Nous nous intéressons à présent à un fluide macroscopiquement en mouvement dans le référentiel
d’étude, mouvement souvent appelé écoulement. Décrire le mouvement de ce fluide, c’est par
exemple décrire le mouvement de chacune des particules qui le composent.
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Connaissant la trajectoire de chacune des particules que l’on suit dans leur mouvement, nous
reconstituons le mouvement d’ensemble du fluide : on dit alors qu’on est dans une description
lagrangienne de ce fluide (du nom du mathématicien Louis Lagrange 1736-1813).
Ainsi, au bord d’une rivière, un pêcheur à la ligne qui a jeté des appâts dans l’eau et les regarde
dériver au fil du courant se place implicitement dans cette conception, en suivant des yeux dans leur
mouvement des particules entraînées avec l’eau de la rivière ...
Le fluide est décrit à chaque instant par l’ensemble des vitesses des particules qui le composent,
particules que nous avons en quelque sorte étiquetées en se fixant leur position initiale à l’instant t = 0.
Cet ensemble est de la forme :
r
v r
r
10(t), r
v
r
r
20(t), ...., r
v
r
r
i0 (t), ...
avec
!
r
r
i0 =OMi 0
position initiale par rapport à une origine O de la particule Mi.
Ces vitesses, associées à des particules de fluide, ne dépendent explicitement que du temps.
2.1.2. Approche eulérienne
Nous devons cependant avoir une autre conception de l’étude du mouvement : le même pêcheur, las
de ne rien prendre, peut se mettre à rêver en observant un tourbillon évoluer au voisinage d’un rocher
qui émerge au milieu de la rivière. Ce faisant, il ne s’intéresse plus à une particule de fluide qu’il suit
dans son mouvement, mais plutôt à un point particulier de l’espace, transitent sans cesse de
nouvelles particules .
Plus généralement, il pourra être très utile de déterminer, en un point donné de l’espace, des
caractéristiques du fluide telles que sa vitesse, sa pression, sa température. La description lagrangienne
est peu adaptée à ce point de vue.
En revanche, dans l’approche eulérienne (du nom du mathématicien Léonhard Euler 1707-1783),
c’est bien l’ensemble des points de l’espace circule du fluide que l’on décrit, en leur associant, à
chaque instant, la vitesse de la particule de fluide qui s’y trouve. Cet ensemble de vitesses forme un
champ de vecteurs
!
r
v
(
!
r
r
,t), dépendant à la fois de l’espace et du temps ( en notant
!
OM
=
!
r
r
la position
du point M. On emploie également la notation
!
r
v
(M,t),
!
r
r
et t étant des variables indépendantes en
description eulérienne.
De façon générale, l’approche eulérienne décrit l’état du fluide en mouvement en lui associant des
champs : champ des vitesses, champ de pression..
Insistons bien sur le fait qu’il n’y a pas deux vitesses différentes du fluide en chaque point mais une
seule et même vitesse, envisagée de deux points de vue différents : la vitesse
, lagrangienne, de
la particule qui se trouve en M à t, est aussi la vitesse eulérienne
!
r
v
(
!
r
r
,t) en ce point et à cet instant. Le
traitement mathématique des ces vitesses sera en revanche différent .
La description lagrangienne privilégie les particules que l’on suit dans leur
déplacement et à qui on associe un ensemble de vitesses ne dépendant que du temps.
La description eulérienne privilégie des points de l’espace auxquels on associe un
champ de vitesses dépendant de l’espace et du temps, variables indépendantes.
A l’instant t, au point M :
Lagrange =
Euler
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Pour « retrouver », à partir du champ de vecteurs eulérien
!
r
v
(
!
r
r
,t), la vitesse lagrangienne de la
particule située en
!
r
r
, à t, qui elle ne dépend que de t, il suffit de dire que
!
r
r
s’identifie à la position
!
r
r
r0(t) de la particule à l’instant t, valeur particulière de l’expression de sa trajectoire.
2.2. Représentation et visualisation des écoulements
Nous allons retrouver la dualité lagrangien-eulérien dans la représentation graphique des
écoulements :
2.2.1. Τrajectoires : approche lagrangienne
L’ensemble des trajectoires des particules de fluide au cours du temps apparaît comme un
premier élément d’information. Ce type de représentation qui suit les particules est évidemment
lagrangien. On peut avoir à l’esprit l’image du trafic automobile sur un réseau routier : cette image
n’est pas entièrement innocente, l’étude de ce trafic s’apparentant à celle d’un écoulement ( on parle
d’ailleurs de circulation fluide... ). Ainsi, la représentation des trajectoires des véhicules permet-elle
d’obtenir des informations sur « l’écoulement » de la circulation. On pourrait visualiser ces trajectoires
en prenant une photographie nocturne avec un long temps de pause, les traces des phares des véhicules
sur le cliché matérialisant leurs trajectoires.
A partir de la donnée du champ eulérien des vitesses du fluide, et en utilisant la correspondance des
vitesses définie au paragraphe précédent, on obtient la trajectoire
!
r
r
(t) de la particule présente en
!
r
r
à t
par l’intégration temporelle d’un système d’équations différentielles, intégration qui souvent ne peut se
faire que numériquement. En coordonnées cartésiennes,
!
r
r
(t) = x(t)
!
r
e
x
+ y(t)
!
r
e
y
+ z(t)
!
r
e
z
, le système
est du type :
vx(x(t), y(t), z(t), t) = dx
dt vy(x(t), y(t), z(t), t) = dy
dt vz(x(t), y(t), z(t), t) = dz
dt
2.2.2. Lignes de courant : approche eulérienne
En outre, comme en électromagnétisme l’on a pu étudier des lignes de champ électrique ou
magnétique, on peut s’intéresser aux lignes de champ du champ des vitesses du fluide : ces lignes sont
appelées lignes de courant. On retrouve là la conception eulérienne d’un écoulement.
La représentation, à un instant t0 donné, de l’ensemble des lignes de courant d’un fluide en
mouvement donne des informations très intéressantes sur l’écoulement du fluide. Reprenant l’exemple
précédent, on pourrait obtenir un cliché des lignes de courant de la circulation automobile : sur une
photographie avec un temps de pause bref, les traces des phares seraient des petits segments indiquant,
par leur direction et leur longueur, la vitesse de chaque véhicule.
On obtient l’équation des lignes de courant en écrivant qu’un élément d
!
r
r
de la ligne est colinéaire
au vecteur vitesse. En coordonnées cartésiennes, on obtient :
dx
vx(x, y, z, t0) = dy
vy(x, y, z, t0) = dz
vz(x, y, z, t0)
L’intégration, à t0 donné, de ce système nous fournit l’équation des lignes de courant à cet instant.
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Nous pouvons illustrer cette étude par l’observation de l’écoulement d’un fluide autour d’une
sphère solide. Nous supposons en fait la sphère en translation de vitesse
!
r
V
0
dans le fluide supposé au
repos loin de la sphère.
Des simulations informatiques permettent de dresser à chaque instant la carte des lignes de courant
dans le fluide et de visualiser la trajectoire de quelques particules au fur et à mesure de la progression
de la sphère dans le fluide.
On voit sur cet exemple qu’on n’a pas généralement coïncidence entre les deux familles de
courbes...
2.2.3. Lignes d’émission : approche expérimentale
Enfin, en pratique, et notamment quand on veut étudier le mouvement d’un fluide au voisinage d’un
obstacle ( écoulement d’un liquide autour d’une lice en rotation, de l’air autour d’une aile d’avion )
il n’est pas très simple « d’isoler » chaque particule de fluide pour en suivre la trajectoire, ni de
représenter les vitesses des particules à un instant donné.
Pour visualiser l’écoulement, on a alors recours à des traceurs : en des points particuliers de
l’écoulement on peut émettre ( en perturbant le moins possible le mouvement du fluide ) une substance
qui est entraînée avec le fluide. Il peut s’agir de fumées dans un gaz, de bulles ou de gouttes de
colorants dans un liquide. A un instant donné, l’ensemble des particules qui sont passées par ce point
sont donc « marquées » et forment une courbe appelée ligne d’émission. En résumé :
On peut caractériser l’écoulement d’un fluide par :
- Les trajectoires des particules : la trajectoire d’une particule est formée de
l’ensemble des points de l’espace qu’elle occupe au cours du temps
- Les lignes de courant : à t0 donné, une ligne de courant est une courbe à
laquelle le vecteur vitesse est tangent en tout point.
- Les lignes d’émission : à t0 donné, une ligne d’émission est formée par
l’ensemble des points de l’espace occupés par des particules passées
précédemment par un point donné M0.
Pour un écoulement quelconque, trajectoires, lignes de courant, lignes d’émission sont des courbes
différentes . En un point donné M de l’espace, à l’instant t, la trajectoire de la particule qui s’y trouve,
la ligne de courant et la ligne d’émission qui passent par M sont toutes trois tangentes entre elles
2.2.4. Cas des régimes stationnaires
Nous appelons écoulement stationnaire (ou permanent), un écoulement dont le champ des
vitesses eulérien ne dépend pas du temps :
!
r
v
(
!
r
r
) .
Dans ce type d’écoulement, la vitesse du fluide en un point donné est toujours la même. Autrement
dit, toutes les particules de fluide passant en un même point à divers instants y auront la même vitesse,
caractéristique de ce point. Les lignes de courant sont « figées » et le temps ne joue plus alors aucun
rôle (une photographie, prise à un instant quelconque, avec un temps de pause quelconque, donnerait
une même visualisation de l’écoulement) : il y a donc identité des trois types de courbes...
Dans un écoulement stationnaire le champ des vitesses
!
r
v
(
!
r
r
) du fluide ne dépend pas du temps.
Il y alors identité entre trajectoires, lignes de courant, lignes d’émission.
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