A p p r e n d r e à c o n s t r u i r e s o n i d e n t i t é r e l i g i e u s e : l a
présentation de soi comme musulman.
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parce que les parents sont eux-mêmes musulmans, c’est alors un état de fait.
Ce discours laisse percevoir deux conceptions, les parents transmettent un
héritage mais l’enfant reçoit aussi une hérédité. La notion d’hérédité est
d’autant plus prégnante que pour le dogme tout enfant naît musulman. La
Tradition4 musulmane parle d’un « état de la nature primordiale » appelé
aussi « degré d’excellence préétabli » (Chebel, 2000 : 171) ou encore
« disposition naturelle » (Sourdel, 2002 : 39) qui fait que « tout homme à sa
naissance porte, sceau imprimé par Dieu en son cœur, cette proclamation de
foi de la prééternité » (Gardet, 1970 : 33). Il est fait mention de cet « état de la
nature primordiale » dans un hadith :
« Chaque enfant est né sur l’état de la nature primordiale (l’Islam). Ce
sont ses père et mère qui font de lui un juif, un chrétien ou un mage. De
même tout animal naît ayant un corps complet, en avez-vous vu, par
exemple, un animal quelconque naître avec les oreilles coupées ? ».5
Tout enfant possède en lui à sa naissance la foi en Allah, cette hérédité
apparaît donc naturelle et acquise de Dieu. Nous parlons d’hérédité6 parce
que cet état de la nature primordiale est inscrit dans les caractéristiques
humaines comme une donnée biologique. Elle est marquée dans la chair de
l’Homme puisque sans cela l’individu n’aurait pas « un corps complet »7.
Cette notion théologique se nomme en arabe fitra8, ce terme est employé une
seule fois dans le Coran, à la sourate 30 :
« Dirige tout ton être vers la religion exclusivement (pour Allah), telle est
la nature (fitra) qu’Allah a originellement donnée aux hommes - pas de
changement à la création d’Allah -. Voilà la religion de droiture ; mais la
plupart des gens ne savent pas » (Coran sourate 30, verset 30).
Dans les deux références hadith et Coran, la fitra renvoie à la même
conception d’une foi insufflée à la naissance. Une foi spécifiquement
4 La Tradition ou les Traditions avec un « T » majuscule sont entendues comme texte religieux
autre que le Coran : sunna, hadith.
5 Hadith numéro 1527 rapporté par 'Abû Hurayra / Classé par Al- Bukhâri dans Les funérailles.
Hadith numéro 1270, 1295 / Classé par Muslim dans Le destin. Hadith numéro 4303 / Classé par
At-Tirmidhî dans Le destin. Hadith numéro 2064 / Classé par 'Abû Dawûd dans La sunna.
Hadith numéro 4091 / Classé par 'Ahmad ibn Hanbal dans Partie 2 Pages 233, 253, 275, 315, 346,
393, 410 et 431 / Classé par Mâlik dans Les funérailles. Hadith numéro 507. On trouve aussi un
autre hadith, moins explicite, sur la nature primordiale : « 'Abû Hurayra (qu'Allah soit satisfait
de lui) a dit : Interrogé au sujet des enfants des polythéistes, l’Envoyé d'Allah (pbAsl) répondit :
“Allah sait mieux que personne quelles auraient été leurs œuvres” » (hadith numéro 1528).
6 Non pas que Dieu, créateur des hommes, soit le « père » de tout croyant, cette conception de
« paternité » divine est impropre en Islam. Cependant, il reste le Créateur universel.
7 Voir la seconde partie du hadith.
8 ةظ (racine f--r) Traduite dans le dictionnaire comme : nature, naturel, instinct, disposition
naturelle, état de nature. Sur cette même base, on forme : congénital, inné, natif, instinctif…
(Reig, 1999 : sous la racine 4020).