
Colloque « Inégalités et pauvreté dans les pays riches », IUFM Auvergne, Chamalières, 20 janvier 2012
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Le papier se propose d’analyser les inégalités et la pauvreté sous l’angle de la répartition
des richesses en prenant comme toile de fond une histoire longue des faits et des idées
économiques. Ce type d’exercice est toujours périlleux, car il amène souvent celui qui s’y
livre, à formuler une énième histoire de la pensée économique, sortie de tout contexte et basée
sur des clés, fort discutables. L’histoire que nous évoquons ici, à un point de départ, les
travaux de Pareto sur la répartition des revenus et de la fortune. Ces travaux vont bénéficier de
la multiplication et du perfectionnement des données statistiques. A la fin du XIXe siècle, un
grand nombre de gouvernements (Allemagne, Angleterre, France, Prusse, Suisse…) se sont
dotés d’un recueil de statistiques qui remet au devant de la scène, l’observation des faits.
L’analyse des inégalités et de la pauvreté rentre ainsi dans l’ère de la mesure. Il s’agit d’une
part, d’observer et de saisir des données, puis d’autre part, de trouver une méthode
d’interpolation permettant d’homogénéiser ces données. Une loi empirique peut être ainsi
déduite de ce travail, c’est la fameuse loi de Pareto. Cette histoire a également un point de
rupture, c’est la crise de 1929, la Grande Crise, qui met sur le devant de la scène, un
phénomène nouveau, le chômage de masse. La question des inégalités et de la pauvreté est
dès lors rattachée au problème du sous-emploi et sa formulation pose le problème des
solutions qu’il convient d’apporter à des faits cumulatifs (perte d’emploi, perte de revenus,
perte de la protection sociale, perte du logement…). Keynes (1936) proposera dans sa théorie
générale, une solution visant à recréer les conditions du plein emploi et à réduire certaines
inégalités. En effet, les inégalités ne sont pas toutes bonnes à réduire. Pour certaines, elles
renvoient à la nature humaine et doivent donc être traitées en tant que telles. De son côté,
Maurice Allais (1946) cherchera à introduire une troisième voie, la planification
concurrentielle, entre le laisser faire manchestérien et la planification autoritaire. Cette voie
pose le principe de la concurrence organisée et donne à l’Etat, un rôle important, celui
d’encadrer le marché. Le problème de la répartition de la richesse est au cœur de la
discussion. Cependant, tout en proposant d’atténuer les inégalités, Maurice Allais note
qu’elles font partie de notre organisation économique et sociale, elles sont la conséquence de
sa théorie des élites (un principe de sa justice sociale). Enfin, Galbraith (1961, 1980) suggère
d’aborder la question de la pauvreté de masse sous l’angle de l’équilibre circulaire et de
l’accommodation. En comparant l’analyse de la pauvreté dans les pays riches et les pays
pauvres, Galbraith nous propose une approche sociologique susceptible d’expliquer des
phénomènes tels que les trappes à pauvreté, les migrations des élites, le chômage de masse.
I.
Vilfredo Pareto, l’ère de l’observation et de la mesure
Lorsque l’on aborde la question des inégalités dans l’approche parétienne, on a coutume de
faire référence à l’Optimum de Pareto, c'est-à-dire à un état dans lequel il n’est pas possible
d’améliorer la satisfaction d’un agent sans détériorer celle d’un autre agent. Notons
rapidement que le fait d’atteindre l’optimum de Pareto ne préjuge cependant pas d’une
distribution « égale » des revenus. En effet, il existe une infinie d’optima de Pareto qui
peuvent correspondre à des répartitions très différentes des ressources (revenus) entre les
agents économiques (tout dépend de leurs dotations initiales, une hypothèse évacuée dans le
modèle de Debreu, 1959). Ainsi l’optimum de Pareto peut être compatible avec un degré plus
ou moins élevé d’inégalité. Ce qui a permis à certains économistes (Clark, 1899) de préciser
qu’une telle situation était juste dans la mesure où chaque facteur de production était
rémunéré à sa productivité marginale. Cette histoire, qui est généralement rappelée dans tous
les manuels et ouvrages abordant ce que l’on a coutume d’appeler la théorie du bien être,
réduit la portée des travaux de Pareto et notamment son analyse de la pauvreté et des
inégalités. Elle minimise d’une part, la méthodologie employée et d’autre part, l’ambition de