LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - N° 13 - AOÛT 1999 -
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Ec a rtons d’emblée les caricature s : bon nombre des
idées défendues par le “manifeste” sont éminemment
défendables. Exemples ? La nécessité “d’investir dans le
capital humain”, de favoriser la création d’entre p r i s e s ,
de développer les nouvelles technologies, d’améliorer l’ef-
ficacité des services publics, de créer un consensus sur la
m o d e rnisation, de réduire le coût du travail non quali-
fié, d’encourager le retour à l’emploi... la liste n’est pas
exhaustive. Si l’on ajoute la défense des “stabilisateurs
automatiques”, idée keynésienne s’il en est, et la re p r i s e
de la formule “oui à l’économie de marché, non à la socié-
té de marché”, idée jospinienne s’il en est, on constate
même que ce texte est parfois plus équilibré qu’on a bien
voulu le dire .
Il n’empêche pas les désaccords, qu’il faut identifie r. Il
y en a qui portent sur ce qu’il y a dans le texte : le choix
de certains mots - le “centre-gauche” ou la “fle x i b i l i t é ” -,
la rédaction de certaines phrases - ces chefs d’entre p r i s e s
qu’il conviendrait désormais de “célébrer” - et, peut-être
davantage encore, sur une musique d’ensemble. Il y en
a d’autres, les plus importants en réalité, qui portent sur
ce qu’il n’y a pas dans ce texte au risque, paradoxe suprê-
me pour le New L a b o u r, d’en faire un old text, une sor-
te de volonté acharnée de prolonger ad libitum le com-
bat contre une gauche archaïque - dont les positions ont
mené le Labour à vingt ans d’opposition - mais que To n y
Blair a déjà marg i n a l i s é e .
Le “manifeste” est très centralisateur, écartant de son
analyse de la société les conflits et les contradictions, négli-
geant la réflexion sur la méthode de transformation de
nos sociétés, ignorant le contrat et la négociation, oubliant
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“jamais on n’avait assisté à une évolution idéologique aus-
si rapide qu’hasardeuse” - que par le SPD et même par. . .
une CDU estimant le texte trop à droite... Il a été défendu
par les principaux ministres, Bodo Hombach – qui a dire c-
tement participé à sa rédaction -, Otto Schilly ou Hans Eichel.
Il a été prolongé par un projet de budget présenté, pour sa
r i g u e u r, comme un tournant, même s’il n’est en réalité que
le retour à l’application du programme pluriannuel présenté
à Bruxelles par Oskar Lafontaine au début de l’année 1999.
La seconde série de questions concerne les c o n s é q u e n c e s
européennes de ce texte, au-delà de la confirmation de
l’orientation - très importante - de Tony Blair. Le rap-
prochement idéologique anglo-allemand peut-il infléchir
substantiellement le fonctionnement du couple historique
franco-allemand ? Le “manifeste” Blair-Schröder peut-
il marquer une évolution plus large des autres pays gou-
v e rnés par les sociaux-démocrates et, ce faisant, peser sur
la réorientation de l’Union engagée notamment depuis juin
1997 ? Ces questions là ont été éludées. Elles sont pour-
tant centrales. Nous essayons d’en débattre.
Débattre !
Quelques hypothèses, un peu provocatrices, un peu
paradoxales, pour stimuler le débat.
. . .le contenu idéologique. C’est par là qu’il faut com-
mencer, ne serait ce que pour contrebattre l’idée avancée
par l’un des co-rédacteurs du texte, Bodo Hombach, affir-
mant à die We l t que “certaines attaques ont plus pour objec-
tif d’éviter la discussion que de trouver l’argument le plus
pertinent”.