La durée de consultation comme une variable charnière entre “l’économie du cabinet médical” et la qualité des soins De l’intérêt d’une observation “économique” des pratiques en médecine de ville BrunoVentelou + équipe Inserm CRISSPOP Intro 1: colloque patient-médecin ‘Mais qu’allait-il faire dans cette galère?’ Ou pourquoi (et comment…) les économistes viendraient-ils se mêler de la relation patient - médecin? Réponse 1, les économistes sont parfois des patients…. Réponse 2, il arrive que l’« économique » détermine des comportements ou des attitudes dans le monde du travail et, au-delà, la qualité d’une relation humaine A titre d’exemple, la durée des consultations, comme une « charnière » entre l’économique et la qualité des soins Contraintes économiques (prix et revenu, règles de gestion) => Durée de consultation => Qualité des soins Intro 2: La durée des consultations? …Source des données: Le panel de médecins généralistes dans 5 régions française, Inserm/ORS/Urml/ministère de la santé ⇒ Un dispositif d’information en médecine de ville Pas d’observation directe de la durée (sauf exception), un calcul: le « rythme » des consultations d’après une moyenne observée sur la semaine ‘rythme’ = Heures travaillées en libéral Nombre d’actes Donnée brute: 25 minutes (voir tableau ci après); Durée de consultation déclarée selon le sexe et l’âge (panel MG, toutes régions confondues, 1901 médecins) 35 30 25 20 moins de 40 40-49 50-54 Hommes 55-59 60 et plus Femmes Les femmes-médecins ont un rythme plus lent (beaucoup moins d’actes; mais aussi des patients différents, des localisations différentes, etc…) Section 1 Première partie de la relation: Contraintes économiques (prix et revenu, règles de gestion) => Durée de consultation La durée de consultation: un modèle d’arbitrage travail-loisir …Sur un échantillon plus limité: médecins pour lesquels on pouvait calculer la durée de consultation (plus objective) La durée des consultations, quels déterminants? Les prédicteurs toutes choses égales par ailleurs de la durée des consultations: L’âge, le genre (f>h) Vie en couple, loisir (négatif) / conjoint actif (positif) Des patients en ALD (effet négatif) Des patients à la CMU (effet négatif) Le tarif des consultations (secteur 2 / secteur 1) => Sur une moyenne «grossière» (de multiples consultations), il apparait un jeu de déterminants familiaux, médicaux …et économiques! Durée et statut socioéconomique, une relation négative On constate que les médecins à fort pourcentage de personnes CMU dans leur clientèle ont des rythmes de pratiques plus élevés: Médecin de Médecins de « quartiers « quartiers pauvres » riches » Durée moyenne 21,6 28,1 Question: Sont-ce les patients défavorisés qui demandent moins de durée, ou bien les médecins de ces quartiers qui en offrent moins? Durée et statut socioéconomique une relation négative, à attribuer à l’offre plutôt qu’à la demande Nous avons eu une opportunité d’observer, dans le détail, les durées consultations par consultations Lors d’une collecte spécifique, où à partir du même syndrome (dépression, avec mise sous traitement), un questionnaire consultation était distribué aux patients => Des durées pour 405 patients, répartis sur 144 médecins Double collecte: la durée d’une consultation donnée ET le rythme moyen de pratique 1/ « Modèle individuel »: Yi = durée des 405 consultations pour dépression Yi = f( gravité du cas ; statut socioéco du patient ; xi …) Résultat: (+) (+) (+) Durée et statut socioéconomique une relation négative, à attribuer à l’offre plutôt qu’à la demande 2/ « Modèle multiniveaux » : Yi = f( gravité du cas ; statut socioéco du patient ; xi ; Yj) Résultat: (+) (.0.) (+) (++) Dans ce modèle, on peut attribuer l’hétérogénéité de durées de consultation aussi bien à des variables patients (statut socioéco) qu’à la variable médecins (durée j) On constate que la variable « médecin » évince les caractéristiques socioéco des patients et explique les différences de durées individuelles > La régularité statistique durée courte/faible statut socio est bien liée au rythme de pratique des médecins « rencontrés » Section 2 Seconde partie de la relation: Durée de consultation => Qualité des soins La qualité des soins ? Il y a débat sur la réalité de cette seconde relation Revue de lit.: Hutton, C. and J. Gunn (2007). "Do longer consultations improve the management of psychological problems in general practice? A systematic literature review." BMC Health Serv Res 7(71) Freeman, G. K., J. P. Horder, et al. (2002). "Evolving general practice consultation in Britain: issues of length and context." Bmj 324(7342): 880-2. Il y a techniquement un problème pour observer « expérimentalement » l’effet des variations de la durée de consultation… Par exemple: un « bruit » évident dans le lien ‘durée /prescription’ qui empêche l’analyse de la substitution Substitution temps/prescription Un problème d’observation de « l’effet pur » + Complexité du (/des) cas Durée de consultation + ??? Prescription A la recherche d’un « patient standardisé »… La qualité des soins ? Une vignette, sur la dépression légère et passagère, le même « cas clinique ». 1900 médecins étaient interrogés sur leur choix entre médicaments (pas très indiqués) et psychothérapie Variables déterminant « l’option médicament » Multiple logistic regression Participation aux FMC 1 oui non Nombre de visiteurs médicaux reçus dans la semaine OR [95% CI] 2.33 [1.39 - 3.92] P 0.01 1.13 [1.09 - 1.18] 0.00 Durée moyenne des > 30mn 1 consultations < 30mn 2.04 [1.29 - 3.22] 0.00 Effet de la durée sur la prévention? Facteurs associés à une augmentation d’un « score de prévention » (Fréquence de mise en œuvre de 16 actions de prévention, panel PACA, 528 MG) L’effet sur la prévention Significativité (‘score’ basé sur un « déclaratif », sans doute assez bruité) Conclusion Economique durée Médical Durée (rythme moyen) des consultations = charnière Causes: Pas seulement médicales: des « causes » d’ordre économique: les conditions socio-familiales; la densité/charge de travail; le tarif (élasticité 0,3), Effets: - Inverse care law: les plus démunis bénéficient de moins de soins… « un effet d’appariement » - Qualité des pratiques: il semble que les médecins à durée courte recourent plus fréquemment aux prescriptions de produits pharmaceutiques... Economique Recommandations durée Médical 1 - Plus de recherches sur l’organisation du travail à l’intérieur du cabinet de ville. Plus de dispositifs d’observation et de systèmes d’information… 2 - Message de politique publique? La durée ne se « décrète » pas, d’accord! Mais elle est le produit d’éléments qui -pour certains d’entre eux- sont maîtrisables : -Organisation sur le territoire -Système de division du travail (infirmière mais pas que…: secrétaire, NTIC, groupes de pairs) -?Tarifs? : Secteur 2 => la condition nécessaire est remplie / pas la condition suffisante… Prés e le b i n po s i d on n n o ntati Regards croisés sur la contracep2on : pra2ques des femmes et logiques professionnelles Nathalie Bajos, Caroline Moreau, Aline Bohet, Virginie Ringa, Emilie Moreau et l’équipe Fécond INSERM-­‐CESP U1018 Journée scientifique d’échanges CES--IReSP « Regards croisés sur la relation patient--médecin » Paris 21 octobre 2011 Envisager la relation médecin-patient comme faisant système… Influence réciproque de « l’observateur » et de « l’observé » ; Influence des facteurs psycho-sociaux (variables socio-culturels, croyances, dimensions expérientielles) sur le déroulement de l’acte médical. La notion de système… Les comportements (ou actions) et les modalités de pensée sont les éléments d’un ensemble constitué (cf. liés socialement). Les éléments qui composent le système (patients et médecins) ne suffisent pas à rendre compte du système dans son ensemble. De l’interaction à la situation thérapeutique (1/2) ─ Appréhender le système en effectuant une analyse qui porte sur les « traces » de cette relation en tant qu’élément d’une réalité sociale. ─ La réalité sociale « La somme totale des objets et occurrences au sein du monde social culturel tel que l’expérimente la pensée de sens commun d’hommes vivant leurs vies quotidiennes parmi leurs semblables, connectés avec eux en de multiples relations d’interaction » (Schütz, 1987). ─ Envisager que c’est la signification de nos expériences et non la structure ontologique de ces expériences (les expériences en tant que telles) qui constitue la réalité. De l’interaction à la situation thérapeutique (2/2) ─ Une terminologie « réductrice » Aspects communicationnels ou modalités techniques de la relation de soin (Corraze, 1992 ; Jeammet, Reynaud, & Consoli, 1996). ─ La relation patient/médecin Un lieu d’échanges d’informations mais aussi de significations une confrontation en acte de croyances et de représentations dans un contexte donné (Morin, 2004). La situation thérapeutique ─ Une relation dans l’ici et maintenant et un rapport dans « l’ailleurs » de la relation qui dépasse les conditions « formelles » et/ou « objectives » de cette relation. ─ Cette situation est « structurée » par l’actualisation d’enjeux psychosociaux dans un contexte social lui-même signifiant pour ces enjeux. ─ Ce que propose les patients aux médecins (et inversement) comme attitudes et dispositions à « être » et à « faire » ne s’origine pas nécessairement dans la relation thérapeutique mais bien dans des pré-construits psychosociaux qui donne sens et forme aux modes de participation. L’approche des représentations sociales L’approche conceptuelle des représentations sociales, comme « outil d’analyse » de cette relation dans une perspective d’analyse compréhensive et contextuelle. ─ le sens donné à la situation thérapeutique et à ses composantes ; ─ les enjeux identitaires associés aux acteurs en présence ; ─ la « maîtrise » de la situation à un niveau cognitivo-émotionnel. Regard psychosocial et lecture de la situation de maladie (Moscovici, 1984 ; Dany et al., 2008) La maladie Le sujet individuel Le sujet social Caractéristiques des représentations Représentations sociales, travail de contextualisation, notions de « sens » et « filtre » (Apostolidis, 1994 ; Morin et Apostolidis, 2004) UN SYSTEME DE RELATIONS UN SYSTEME D’INTERPRETATIONS Notre « participation » au monde social, notre vie en société Des grilles de lecture, des significations « déjà là » Notion de « sens » Signification attribuée à un objet donné, à la fois au niveau individuel et social. Notion de « Filtre » Cadre interprétatif « déjà-là . Finalité pratique (maîtrise de la situation, guide pour l’action, expression). Perspective Les représentations s’élaborent dans le dialogue constant entre les acteurs de la situation thérapeutique en lien avec l’inscription de ce dialogue dans un contexte médico-social donné. ─ D’appréhender les « grilles de lecture » que les acteurs assignent à la situation thérapeutique et à ses composantes. ─ De questionner les enjeux identitaires associés aux acteurs en prenant en compte leurs statuts et rôles sociaux. ─ D’expliquer en partie comment s’opère la « maîtrise » de la situation à un niveau cognitif, social et émotionnel, Interrogation « indirecte » via la reconstruction opérée sur certains éléments structurants de cette relation (représentations de la maladie, des traitements et soins). Le sens donné à la maladie, à la situation thérapeutique et à ses composantes Les enjeux identitaires La « maîtrise » de la situation Les représentations comme « filtres » sociocognitifs dans la situation thérapeutique Impact du genre sur l’inscription dans les soins de support (a) Le contrôle des émotions Cons éq ue nc e s Faire face sur un mode « viril » (b) La non-participation à certains soins de support Les représentations sur le traitement et les représentations d’autrui Pour conclure Un modèle « intégratif » de la situation thérapeutique Christine Rolland et Membrado Monique, LISST UMR 5193, CNRS-­‐Université Toulouse 2 Le Mirail Au nom du groupe Intermède Journée scientifique d’échanges CES-IReSP – 21 octobre 2011 - Paris Travaux sociologiques sur la relation médecin-­‐patient depuis les années 50 et surtout depuis les années 70 Du modèle de l’autorité médicale et d’une « légitimité sans faille » (Hammer, 2010) à une relation complexifiée par les transformations sociétales. Période de « l’âge d’or » de la médecine : connaissances +, croissance éco Analyse des rôles sociaux La maladie comme perturbation de l’ordre social Le médecin, comme celui a même d’étiqueter la personne malade et de rétablir l’ordre social par la guérison Modèle asymétrique et consensuel de la relation MP le médecin sait, le patient a confiance et obéit Années 70 : période de fortes contestations et de mouvements sociaux Dénonciation de la violence symbolique du pouvoir médical (Illich, 1975) Selon Parsons : Malade coopérant sinon passif/médecin actif Représentant de la classe moyenne, sans prise en compte des différences sociales Contexte de maladies aigues/ montée des maladies chroniques Profession médicale : monopole d’exercice et autocontrôle de l’ac3vité No3on de contrôle profane, pa3ent acteur de la rela3on Prise en compte du point de vue du pa5ent, comme élément agissant sur le travail médical Selon le médecin, le patient, la maladie, le contexte Une rencontre ouverte dans laquelle : A priori aucun acteur n’a de suprématie L’objectif à atteindre n’est pas pré-­‐défini L’accord peut être remis en cause Qui évolue selon les interactions et en particulier les négociations entre le médecin et le patient (Heritage et Maynard, 2006) Patient actif Médecin et patient co-­‐décideurs Consultation co-­‐construite Mais Toutes les situations de soins ne se prêtent pas à la négociation et à la décision Vision normative des attentes et du comportement du patient Tous les patients ne revendiquent pas un droit à la décision ; variation en fonction des profils sociaux et de leurs préférences Les interactions MP socialement construites : soumission à l’autorité médicale et distance sociale variables selon les catégories sociales Objectif : mieux comprendre les ressorts des interactions médecin-­‐patient, et notamment les effets des caractéristiques sociales sur la prise en charge médicale. Le modèle de la coopération guidée tend à écarter la réflexion des effets d’autres dimensions : nature de la maladie, profil social du patient, rapport à la santé et à la médecine, antériorités de la relation Déroulement de la consultation dans un cadre spatial et temporel chaque acteur a au moins un objectif à atteindre plus ou plus en concordance avec l’autre interprétation des attentes Médecine générale aspect relationnel + : son identité mais pb de légitimité toute la population (cf. idée de continuum) Le surpoids et l’obésité existence d’un référentiel (IMC) socialement distribués demande de prise en charge variable travail de prévention Christine Rolland - Marseille - oct 2008 Phase qualitative : croiser observations cslt et discours des patients et des médecins En considérant les niveaux temporel et relationnel dans les cslt Variabilité inter-­‐médecin Des modes d’être et de faire qui traduisent des différences dans les références identitaires (l’éthos). • • • • la compassion ou la complicité (nettement plus féminine) la discrétion (médecin peu intrusif) l’autorité (médecin dirigiste, paternaliste) la pédagogie (médecin donnant beaucoup d’explications)… • L’ajustement permanent : pas d’éthos dominant Variabilité intra-­‐médecin • Ruptures dans la « routine » du fait de la grande diversité des situations • Durée de la relation/ création de proximité Des patients à l’image du médecin Deux éthos de patients observés Ceux gestionnaires de leur santé Ceux dans la délégation au médecin Qui rencontrent les éthos des médecins et profilent des « modes d’agir ensemble » plus ou moins tendus ou coopératifs Nuancer la figure dominante du patient autonome Dimension identitaire caractéristique de la MG « tout se joue ailleurs » médicalement et socialement Qui renvoie à À la place de la MG/ autres spécialités A la réticence à se placer comme « entrepreneur de morale » D’où une pratique « de cibles modestes » Pour une approche longitudinale de la relation médecin patient -­‐ Car dimension temporelle ++ -­‐ Place des évènements « hors santé » sur la santé -­‐ Du mode d’agir ensemble aux effets sur la santé ou « De la qualité de la relation à l’efficacité de l’action » Thierry Lang (Responsable scientifique), Michelle Kelly-­‐Irving, Anne-­‐Cécile Schieber Unité Inserm/Université Paul Sabatier 1027, Toulouse Monique Membrado, Serge Clément, Valentine Hélardot, Christine Rolland LISST CIEU UMR 5193, CNRS-­‐Université de Toulouse Le Mirail,Toulouse Jean-­‐Paul Génolini, Roxane Roca SOI-­‐PRISMH, EA 3690, Université Toulouse Paul Sabatier, Toulouse Cécile Fabre, Anne Condamines, Amélie Josselin-­‐Leray, Lydia-­‐Mai Ho-­‐dac, Josette Rebeyrolle, Ludovic Tanguy, Pascale Vergely CLLE-­‐ERSS UMR 5263, CNRS Université de Toulouse Le Mirail Toulouse Pascal Marchand, Pierre Ratinaud LERASS, EA 827, Université Toulouse Paul Sabatier, Toulouse Pierre Lombrail, Jean Pascal PIMESP, CHU Nantes, 44093 Nantes Cedex Paul Dourgnon , Chantal Cases, Anissa Afrite, Florence Jusot, Dominique Polton IRDES, Paris Caroline Despres DIES, Paris