Ces deux changements principaux influencent les phéno-
mènes dits de coping.Lecoping correspond aux différents
phénomènes émotionnels et d’adaptation de l’individu qu’u-
tilise le patient pour appréhender un facteur de stress. Ils
entraînent des modifications du comportement du patient
qui devient plus évitant face à sa maladie et au monde médi-
cal ainsi que les représentations qu’il a de sa maladie.
Cependant, l’observance, résultant du « vécu existentiel
de la maladie » [9], varie de manière inversement propor-
tionnelle à cet épuisement thérapeutique et cette négligence.
Peu d’études relatent l’observance des thérapies ciblées.
Waterhouse et al. [10] montrent une observance supérieure
à 95 % pour le tamoxifène. Néanmoins, Bleret [11] note une
décroissance de l’observance en fonction du temps de traite-
ment. Actuellement, des schémas de traitements séquentiels/
intermittents sont de plus en plus évalués pour préserver la
motivation des patients sans pénaliser leur survie.
Impact social des thérapies
En plus de modifier les représentations internes des patients
et selon notre propre expérience, les thérapies ciblées à tra-
vers leur administration orale changent aussi la représenta-
tion du cancer pour les proches des patients. Soigner un can-
cer comme on soignerait une hypertension, par comprimés,
tend à minimiser la gravité de la maladie, en ne poussant pas
le patient ou sa famille vers les questionnements sur le pro-
nostic. Et pourtant, ce questionnement paraît souvent exis-
tentiel pour le cheminement intellectuel du patient et de ses
proches.
Ces thérapies sont utilisées à différentes étapes de la prise
en charge du patient. Mais c’est lorsqu’elles arrivent en
deuxième partie, voire en fin de parcours, que cette remise
en question, notamment nécessaire lorsque arrive l’arrêt des
soins puis la fin de vie, est moins anticipée par le patient et sa
famille. La prise de conscience de la gravité de la situation
est alors plus brutale et plus difficilement acceptable.
Dans ce même sens, lorsque la maladie évolue, que l’au-
tonomie des patients se dégrade, les visites régulières dans
des services hospitaliers de jour ou de semaine du fait de
traitements intraveineux permettent des évaluations plus sys-
tématiques et plus rapprochées du patient par les différents
corps médicaux et paramédicaux (médecins, infirmières,
aides-soignants, assistants sociaux, psychologues…). Ces
différents temps sont réduits lorsque les patients sont vus,
de manière plus espacée par un médecin, seulement en
consultation.
Par ailleurs, la prise de traitements oraux facilite l’organi-
sation de vie du patient. Lorsque les effets secondaires ne
sont pas trop importants, une reprise du travail à temps plein
ou à temps partiel peut être envisagée. Cette demande, par-
fois spontanée de la part de patients, utilisant le travail
comme échappatoire psychologique, est plus difficilement
envisagée par une partie des patients, tirant secondairement
bénéfice du statut de « malade chronique ».
Génétique constitutionnelle comme cible
thérapeutique et conséquence
Plus récemment, de nouvelles problématiques entremêlant
intérêt thérapeutique et oncogénétique sont apparues. Par
exemple, l’arrivée sur le marché depuis fin 2014 des nou-
velles molécules anti-PARP, comme l’olaparib, dans le trai-
tement des cancers de l’ovaire en rechute présentant une
mutation somatique et/ou germinale du gène BRCA, repré-
sente une amélioration thérapeutique sans précédent dans
cette localisation [12].
Dans cette situation, il est nécessaire de réaliser rapide-
ment une enquête génétique afin de déterminer si la présence
de la mutation n’est présente uniquement au niveau soma-
tique ou aussi au niveau constitutionnel. Un dilemme appa-
raît alors entre bénéfice thérapeutique et devoir d’informa-
tion rapide et urgent sur les risques personnels et familiaux
du fait d’une mutation. La consultation d’oncogénétique
nécessitant temps et réflexion du fait de toutes les implica-
tions psychologiques internes et intrafamiliales qui en
découlent : culpabilité, choc comparable à l’annonce d’un
cancer.., contraste avec la nécessité d’une mise en place
rapide d’une thérapie anticancéreuse.
L’impact psychologique de ces thérapies ciblées touche
alors non seulement les patients, mais aussi leur famille proche.
Implication psychologique des contraintes
techniques
Dans ce contexte où la génétique, qu’elle soit constitutionnelle
ou somatique, prend une part importante dans la prise en charge
thérapeutique des patients en conditionnant l’accès à certains
traitements, le nombre de demandes d’analyses explose.
Avec cette augmentation, les plateformes techniques de
génétique doivent répondre de plus en plus rapidement à
des demandes de recherches mutationnelles hétérogènes
pour un nombre croissant de patients. Mais les capacités
des plateformes en termes de main-d’œuvre, de financement
ou de technique ne se développent pas aussi rapidement.
Une recherche mutationnelle peut prendre de quelques
jours à plusieurs mois, en fonction de la nature de la recher-
che, de la disponibilité des techniques nécessaires et du flux
de la demande.
Les patients ne sont pas informés de ces délais techniques
avant d’y être confrontés. Ces délais restent mal acceptés,
créant un stress psychologique et une anxiété importante.
De plus, l’image futuriste des recherches biomoléculaires
entraîne une attente importante de la part du patient : d’une
212 Psycho-Oncol. (2015) 9:209-213