AFPP – NEUVIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE MONTPELLIER – 26 ET 27 OCTOBRE 2011 ESTIMATION DES DEGATS CAUSES PAR LES GALLES DE L’HYMENOPTERE CYNIPIDE DIPLOLEPIS LENTICULARIS SUR LE CHENE QUERCUS MIRBECKII DANS UN MAQUIS DE LA REGION DE TIZI-OUZOU (ALGERIE). M. AOUAR-SADLI (1) et S.DOUMANDJI (2) (1) Université de Tizi-Ouzou, Institut des Sciences de la Nature, Laboratoire d’Entomologie, 15000 Tizi-Ouzou, Algérie. E-mail : [email protected]. (2) Institut National Agronomique El Harrach , Alger, Algérie. E-mail : mndjislhdn@yahoo. Résumé : Dans le but d’étudier l’importance des galles ou cécidies de l’insecte Hyménoptère Diplolepis lenticularis Olivier sur le chêne zéen Quercus mirbeckii Durrieu, des observations sont réalisées dans la région de la Kabylie (nord d’Algérie) au niveau d’un maquis situé à 800m d’altitude. Des comptages et des mensurations des galles sont effectués. Les résultats obtenus montrent que l’infestation des feuilles du chêne zeen est d’une moyenne de 6,15 galles par feuille et que le diamètre moyen de ces galles est de 3,10 mm. Mots clés : Cynips, ravageur, Diplolepis lenticularis, Quercus mirbeckii, Algérie. Summary : In order to study the importance of the insect Hymenoptera gallings, we made observations in the region of Kabylia (northern Algeria) at a bush located at 800m above sea level. Counts and measurements are made of gall. The results show that the infestation of leaves oak zeen is an average of 6.15 galls per leaf and the average diameter of these galls is 3.10 mm. Title: Estimation of damages caused by galls of hymenoptera Cynipidae Diplolepis lenticularis on oak in Quercus mirbeckii in a bush in the region of Tizi-Ouzou (Algeria). Key words: Cynips, Pest, Diplolepis lenticularis, Quercus mirbeckii, Algeria. Introduction Un grand nombre de ravageurs, en majorités des Arthropodes, peuvent nuire aux plantes. La classe des insectes et, dans une moindre mesure, l’ordre des acariens (de la classe des Arachnides) sont particulièrement importants. Les dommages infligés aux plantes par ces ravageurs sont extrêmement variés. Certains ravageurs attaquent les racines mais la plupart vivent aux dépens des feuilles, des tiges, des bourgeons, des fleurs ou des fruits. C’est ainsi que les feuilles peuvent être boursouflures, découpées, décolorées, déformées, minées, ou porter des galles. On appelle galle ou cécidie, une excroissance tumorale produite sur les tiges, feuilles, bourgeons ou fruits de certains végétaux, suite à des piqûres d'animaux parasites qualifiés de cécidogènes ou cécidozoaires. Ces derniers sont principalement des arthropodes, représentés par 15 % d'acariens et de 74 % d'insectes (appartenant notamment au genre Cynips). Ces cécidies leurs servent d’abri, de nourriture et de passage d’un stade larvaire à l’autre.Certaines galles peuvent aussi être provoquée par les champignons, les nématodes ou les bactéries (Wikipédia, 2007). Il faut savoir que les hyménoptères gallicoles (famille des guêpes à galles) sont souvent à l'origine de la formation de ces galles végétales mais elles peuvent également être générées par d'autres insectes, tels les Diptères. Les Hyménoptères (surtout Cynipidae) forment un groupe important (environ 10%), ils sont présents surtout sur Quercus (Dajoz, 1998). Près de 40 espèces ont été collectées dans le Nord de l’Afrique dont 35 en Algérie avec quelques autres potentiellement dangereuses pour le chêne liège et le chêne zen (Villar, 2007) Dans le même esprit il faut également savoir que le chêne n'a pas l'exclusivité en matière de galles, même s'il est effectivement bien "doté. C’est dans ce contexte que nous avons étudié une espèce de Cynips en l’occurrence Diplolepis lenticularis Olivier ou Neuroterus quercusbaccarum L. sur le limbe de chêne zéen Quercus mirbeckii ou Quercus canariensis Villd. Cet arbre est connu sous les noms vernaculaires : chêne de Mirbeck ; chêne zéen ; chêne de Kabylie ; chêne des Canaries chêne algérien. Le Chêne zéen ou Chêne des Canaries Quercus canariensis de la famille des Fagacées est un chêne originaire du Sud du Portugal, de l'Espagne, de la Tunisie, d'Algérie et du Maroc, il n'est pas (ou n'est plus) actuellement présent dans les îles Canaries. Bien plus répandu en Afrique du Nord, où il constitue la majeure partie des forêts semicaducifoliées en situation litorale dont fait partie la Kabylie (Algérie) (Quesel & Médail, 2003). Cet arbre de taille moyenne à feuilles caduques à semi-persistantes atteint 20 à 30 m de hauteur avec un tronc supérieur à 1,5 m de diamètre. Les feuilles mesurent 10 à 15 cm en longueur et 6 à 8 cm en largeur, avec 6 à 12 paires de lobes peu profonds (Fig.1). Les fleurs sont des chatons. Le fruit est un gland mesurant 2,5 cm en longueur et 2 cm en largeur, dans une cupule peu profonde (Wikipédia, 2007). Près de 50% des galles connues sont situées sur des arbres de la famille des Fagacées et en particulier sur les chênes et 63% des galles se trouvent sur les feuilles (Dazoz, 2007). Figure 1 : Feuilles de Quercus mirbeckii Figure 2 : Adultes de Neuroterus quercusbaccarum (Berland, 1951) Les Cynipidés ou Cynips sont des insectes gallicoles ou cécidogènes dont la taille n'excède pas 4 ou 5 mm (Berland, 1951 in Malyshev, 1966), noir, brillant avec des pattes brunâtres (Alford,1994) (Fig.2). Ces minuscules insectes sont à l'origine des fameuses "galles" ou lesquelles sont scientifiquement dénommées "cécidies"ou "zoocécidies". Pour être plus précis, ce sont les piqûres, les pontes, et les morsures des larves, qui entraînent une modification cellulaire du tissu végétal, la croissance de ce dernier se faisant finalement excroissance. Le cynips Neuroterus quercusbaccarum ou Diplolepis lenticularis est un hyménoptère ravageur inféodé aux Quercus (chêne) à feuilles caduques (Alford,1994). Comme la plupart des Cynipidés, associés aux chênes, cette espèce est bivoltine, elle se caractérise par l'alternance régulière de générations asexuées et sexuées (Fig.3). Autrement dit, cette guêpe apparaît chaque année sous deux formes adultes, dont l'une se reproduit de façon bisexuée avec mâles et femelle nommée N. quercusbaccarum, l'autre par parthénogenèse qui est une génération agame sans mâles nommée N. lenticularis. En outre, chacune de ces générations produit un type particulier de galle : galles "groseilles" ou galles "lentilles" et souvent les individus diffèrent morphologiquement entre eux, ce qui explique que pendant longtemps on ait attribué des noms d’espèces différents aux représentants de chaque génération (Dazoz, 2007). Figure 3 : Cycle biologique de Neuroterus quercusbaccarum (Falatico,2003) a)- La génération asexuée Elle est issue de galles lenticulaires très communes au dessus convexe couvert de poils ramifiés bruns localisées au verso des feuilles de chênes et reliées au limbe de la feuille par un très court pédoncule. Ces galles de quelques mm de diamètre comprennent une chambre centrale dans laquelle se développe une seule larve (Fig.4). En automne ces galles tombent à terre, soit isolément, soit avec les feuilles. A ce stade les larvules sont véritablement minuscules, et elles occupent la partie centrale de la galle. Ces larves qui correspondent à la génération unisexuée hivernent dans les lentilles sur le sol, protégées par les feuilles mortes et l'humus. Par la suite elles vont se métamorphoser en chrysalides en février- mars, puis très vite donner des adultes, uniquement des femelles parthénogénétiques (= agames), autrement dit la génération asexuée. Les insectes issus de ces galles sont de très petite taille, de l'ordre de 2,5 mm (Wikipédia, 2007). Galles prélevées à la mi-juillet Aspect des galles à maturité Galles prélevées fin septembre Galle ouverte montrant la larve Galles au recto et verso d'une feuille chêne Coupe transversale d’une galle Figure 4 : Illustrations relatives à la génération asexuée (génération femelle) de Neuroterus quercusbaccarum, 'galles lenticulaires (Lequet; Falatico, 2003) b)- la génération sexuée Les femelles parthénogénétiques issues en mars des galles lenticulaires, vont très vite pondre sur les bourgeons des chênes. Il s'ensuivra de petites "grappes" de galles globuleuses caractéristiques ressemblant à des groseilles qui se développent sur les chatons (Fig.5). Ces galles sphériques grossissent rapidement pour atteindre 5 à 10mm de diamètre et donnent naissance à des insectes sexués qui apparaissent en juin. Après l'accouplement, les femelles vont pondre leurs œufs (cette fois fécondés) à l'envers des feuilles de chênes, ce qui induira une nouvelle génération de galles lenticulaires (génération asexuée). Les phases asexuées et sexuées se succèdent dans la même année. Le Neurotère lenticulaire présente une adaptation remarquable au cycle saisonnier du chêne, essence à laquelle il est inféodé. Figure 5 : Illustrations relatives à la génération sexuée de Neuroterus quercusbaccarum, 'galles en grappes’ (Chauvin; Lequet; Chinery) Matériel et Méthodes : Notre étude a été menée dans un maquis de la région d’Ifigha (800m d’altitude) située à 50km de l’Est du chef- lieu de Tizi-Ouzou (36°40’N et 4°20’E). Dans le but d’estimer l’importance du point de vue quantité et grandeur des cécidies de Diplolepis lenticularis ou Neuroterus quercus baccarum sur le limbe de Quercus mirbeckii, nous avons fait des comptages et des mensurations de ces galles. Pour ce faire, nous avons utilisé 71 feuilles attaquées, prélevées du seul arbre du chêne zeen qui se trouve au niveau de la parcelle d’étude. Nous avons noté le nombre de cécidies sur chaque feuille observée. Par ailleurs, et à l’aide d’une règle graduée, nous avons relevé les diamètres de toutes ces galles, soit un total de 430 galles, en vue d’estimer la surface foliaire attaquée par ce ravageur. Résultats : Les résultats se rapportant à la répartition des galles de Diplolepis lenticularis sont portés sur les tableaux I et II. Tableau I : Répartition du nombre de galles de Diplolepis lenticularis sur des feuilles de Quercus mirbeckii Table I: Distribution of Diplolepis lenticularis galls on leaves of Quercus mirbeckii Nombre de galles (Xi) Nombre de feuilles ou fréquence (ni) Xi ni 1 6 6 2 8 16 3 13 39 4 5 20 5 6 30 6 5 30 7 7 49 8 2 16 9 5 45 10 4 40 11 1 11 12 3 36 13 0 0 14 1 14 15 3 45 16 0 0 17 0 0 18 1 18 19 0 0 20 0 0 21 0 0 22 1 22 Total N = 71 Xi ni = 437 Calcul du nombre moyen de galles par feuille, soit X1 : Tableau II : Répartition des galles de Diplolepis lenticularis sur des feuilles de Quercus mirbeckii selon le diamètre Table II: Distribution of Diplolepis lenticularis galls on leaves of Quercus mirbeckii depending on the diameter Diamètre des galles en mm (Xi) Nombre de galles (ni) Xi ni 0,25 8 2 0,5 29 14,5 1 33 33 1,5 45 67,5 2 33 66 2,5 24 60 3 58 174 3,5 31 108,5 4 56 224 4,5 34 153 5 39 195 5,5 13 71,5 6 20 120 6,5 5 32,5 7 2 14 Total N = 430 Xi ni = 1335,5 Calcul du diamètre moyen des galles, soit X2 Discussion et Conclusion : L’infestation des feuilles du chêne zeen Quercus mirbeckii par l’Hyménoptère Diplolepis lenticularis paraît importante, elle est d’une moyenne de 6,15 galles par feuille. Néanmoins, d’’après Alford (1994), l’infestation du limbe de chêne peut dans certain cas s’avérer beaucoup plus spectaculaire, en effet, une même feuille peut porter 100 galles ou plus. Par ailleurs, d’après les résultats que nous avons obtenus, le diamètre moyen des galles en lentilles au verso d'une feuille de chêne dues à la génération femelle de Neuroterus quercusbaccarum sur feuilles de Quercus mirbeckii atteint une valeur moyenne égale à 3,10 mm, autrement dit, une galle cet Hyménoptère occupe une surface foliaire de 7,54 . Par conséquent, la surface foliaire attaquée par cet insecte parasite est en moyenne de 46,37 Nos résultats sont très proches de ceux de Chauvin qui a noté que Chaque œuf provoque la formation d'une galle en forme de lentille atteignant à terme 3 à 5 mm de diamètre. En revanche, ces résultats sont différents de ceux obtenus par Dauphin & Aniotsbehere (1997) qui stipulent que ces lentilles à surface conique souvent en populations nombreuses sous les feuilles de chêne mesurent 4 à 6 mm de diamètre. Selon Falatico (2003), ces galles en lenticulaires mesurent en moyenne 5 mm de large. Nos observations s’éloignent davantage de celles d’ Alford (1994) qui a noté que la galle a environ 6mm de diamètre quand elle arrive à maturité. Il serait intéressant de comparer davantage nos résultats à ceux d’autres études pour pouvoir mieux estimer le degré de l’infestation du chêne par l’insecte étudié. Malheureusement, à notre connaissance, les travaux semblables se rapportant à cet aspect restent insuffisants et fragmentaires. Notre étude étant assez originale, notamment dans notre région d’étude, la discussion de nos résultats est de ce fait très limitée. Les galles de Diplolepis lenticularis perturbent sans doute le fonctionnement physiologique de l’arbre en diminuant la surface photosynthétique. Néanmoins, ces galles ne gêneraient pas d’une façon significative la photosynthèse du moment qu’elles sont localisées sur la face inférieure du limbe et qu’elles ne provoquent pas l’enroulement foliaire comme c’est le cas de bien d’autres insectes ou acariens parasites. Les arbres infestés en sont rarement affectés (Alford, 1994). Par ailleurs, la galle du chêne provoquée par la piqûre d'un cynips est utilisée pour la confection de teintures. Certaines galles étaient utilisées autrefois en tannage des cuirs et les propriétés médicinales. Les galles de chênes ont également longtemps été utilisées comme ingrédient principal pour fabriquer l'encre. Néanmoins, les mesures de lutte spécifiques contre ces ravageurs sont nécessaires pour protéger les plantes. La biogéographie et l’écologie des zoocécidies sont aussi des domaines fort peu explorés. Affaire de zoologiste est aussi l’inventaire des arthropodes hyperparasites ou commensaux présents dans les galles. Bibliographie. Alford D. V. 1994 - Ravageurs des végétaux d’ornement : arbres, arbustes, fleurs. Gardening. Ed. INRA, Paris, 464p. Chauvin G., 2003 - Les insectes gallicoles. Le CRI, association pour la sauvegarde du bocage dense Noyalais en zone humide : cri.noyalsurvilaine.free.fr/gallicoles.html. Dajoz R., 1998 - Les insectes et la forêt, Lavoisier Tec & Doc, 594 p. Dajoz R., 2007 - Les insectes et la forêt . Rôle et diversité des insectes dans le milieu forestier. 2ème édition, Lavoisier, Paris, 648p. Dauphin P. & Aniotsbehere J-C. 1997 - Galles de France. Mémoires de la Société Linéenne de Bordeaux. Tome 2- Nouvelle édition revue et augmentée. Falatico.P., 2003 - Les insectes gallicoles ou cécidogènes. Zoocécidies dues aux hyménoptères cynipidés ou cynips. Lequet A. - Les pages entomologiques d'André lequet : www.insectes-net.fr Malyshev, 1966 - The evolutionary diversification in the Order Hymenoptera in terms of strategies. Hymenoptera (wasps, bees, ants) (Sequel). www.metafysica.nl/nature/insect/nomos. Quesel P. & Médail F., 2003 – Ecologie et biogéographie des forêts du Bassin Méditerranéen. Edition scientifiques et médicales. Elsevier SAS. Paris, 571p. Ramel A., 2008 - (Le monde des insectes. Les insectes gallicoles ou cécidogènes. Zoocécidies dues aux Hyménoptères Cynipides ou Cynips. www.insecte.org. Villar J.P., 2007 - Les cynipidés gallicoles des chênes au nord de l’Afrique: espèces curieuses et espèces potentiellement dangereuses (Hymenoptera: Cynipidae: Cynipini)) 5ème Meeting du groupe de travail de OILB/SROP. Wikipédia, 2007 - L’encyclopédie libre. fr.wikipedia.org/wiki/Wikipedia