Colloque de Saint DENIS Education & Devenir
20 – 22 janvier 2012 - l’école fondamentale
www.educationetdevenir.fr
Dessine-moi l’école fondamentale
L’école fondamentale telle qu’elle se dessine au terme du colloque de Saint-Denis ne peut être
le résultat d’une nouvelle réforme décrétée au niveau du ministère et mise en œuvre par voie
de circulaires. Il faut du temps pour élaborer un accord sur une politique éducative, mettre en
place de nouveaux dispositifs pédagogiques, ajuster les nouvelles pratiques et se les
approprier. Ce temps de maturation ne coïncide pas avec les échéances électorales. L’École
est malmenée par les critiques fondées ou non, par des mesures nombreuses et parfois
contradictoires. Les professionnels perdent confiance. C’est toute l’institution qui a besoin
d’une respiration nouvelle. Parmi les acquis du colloque, nous noterons la convergence des
bonnes volontés, l’aspiration à être entendus, la capacité des associations et des syndicats à
faire des propositions constructives et novatrices.
Un accord s’est établi autour de la nécessité de mobiliser les acteurs de l’éducation
(professionnels, parents, responsables du système mais aussi chercheurs et représentants des
collectivités territoriales), d’accompagner les évolutions au plus près des écoles et des
collèges, de mettre en place des cadres de référence communs et de définir de larges
marges d’initiatives décentralisées, d’élaborer des indicateurs pour l’évaluation des
politiques éducatives, à la fois plus diversifiés et plus fidèles, facilitant la gouvernance du
système et le pilotage des actions.
La gouvernance de l’École ne peut prendre sens que si elle est inscrite dans des finalités
claires et référée à l’ensemble des valeurs propres à la démocratie. S’agissant de l’école
fondamentale, les finalités concernent d’abord la possibilité pour tous les élèves de maîtriser
les compétences nécessaires pour comprendre le monde contemporain, y trouver leur place et
agir dans l’intérêt commun. Parmi les valeurs, nous considérons que l’égalité constitue une
priorité, fondée sur la conscience de la réciprocité et la solidarité. L’école fondamentale doit
répondre à cette exigence, s’organiser en fonction d’elle, mettre en œuvre des pédagogies les
plus susceptibles d’assurer les meilleurs apprentissages et d’ouvrir les voies du
développement personnel pour tous les élèves.
Finalités et valeurs doivent être portées par les élus au sein du Parlement et faire l’objet d’un
débat public. Le socle représente une étape dans cette voie, mais l’expérience a montses
limites. Il doit maintenant faire l’objet d’une nouvelle réflexion afin de rapprocher sa forme et
son contenu de ses ambitions. En particulier, comme l’a suggéré André Giordan, l’une des
priorités sera de s’interroger sur la pertinence des objets de savoir actuellement assignés à
l’enseignement. L’Ecole n’a pas le monopole du savoir, mais elle contribue de façon
déterminante à la construction des compétences. Sa responsabilité consiste à mettre en
perspective les compétences avec les problèmes auxquels la société contemporaine est
confrontée. Elle ne peut limiter son action à la seule « transmission » d’un « patrimoine
culturel », d’ailleurs difficile à définir, tant il prend des formes diversifiées au sein d’une
société multiculturelle. Elle doit préparer l’avenir, donner les moyens d’une formation tout au
long de la vie, les ressources nécessaires pour innover.
1. Le positionnement de l’école maternelle, de l’école élémentaire et du collège les
uns par rapport aux autres dans le système scolaire
L’école fondamentale ne peu t pas être enfermée dans
l’alternative « secondarisation » de l’école élémentaire, « primarisation » du collège. Le
colloque a développé une approche globale de la scolarité obligatoire en sortant de la
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problématique classique, mais certainement dépassée, qui oppose traditionnellement les deux
ordres d’enseignement. En raison de la hausse du niveau de formation requis par la société et
des exigences accrues en matière de mobilisation des compétences dans des situations variées
de la vie quotidienne et professionnelle, le premier palier de la formation exigible pour tous se
situe désormais entre la fin du collège et le lycée. Le collège ne peut donc plus être perçu dans
l’ambiguïté héritée de son histoire : il n’est ni un élément autonome du parcours, ni une
propédeutique au lycée pour lequel il effectuerait une hiérarchisation et un tri des élèves. Il
forme, avec l’école maternelle et l’école élémentaire, un ordre spécifique dont les étapes sont
à mettre en lien avec le développement de l’enfant et l’évolution de ses aptitudes cognitives et
sociales. L’organisation de l’école fondamentale doit répondre au défi de mener tous les
enfants à ce niveau d’exigence.
Une organisation en réseaux
L’organisation des écoles et des collèges en réseaux apparaît comme une alternative
dynamique à la configuration plus figée des bassins. L’expérience des seaux de l’éducation
prioritaire peut servir de référence pour penser les réseaux de l’école fondamentale à une
réserve près. La circulaire n° 2006-058 du 30-3-2006 prévoit « un comité exécutif constitué du
principal de collège, du principal adjoint et de tous les directeurs des écoles élémentaires et
maternelles rattachées » et dont peut faire partie l’IEN de la circonscription mais qui exclut
de fait les partenaires locaux. Le programme ECLAIR mentionne les partenariats avec les
collectivités pour la gestion des espaces de vie, ce qui est notoirement insuffiant. Les réseaux
de l’école fondamentale ne peuvent se concevoir coupés de leur environnement. Nous avons
caractérisé deux logiques complémentaires qui président à la constitution de ces réseaux.
Une logique de maillage géographique : le réseau formé par les écoles et le collège
du secteur constituent une ressource éducative cohérente dans l’espace. La
collaboration entre les écoles et le collège du secteur ayant pour fonction première
d’assurer des transitions plus satisfaisantes entre la grande section et le CP, le CM2 et
la 6
ème
et de mettre en place un suivi continu de la construction des compétences
(plusieurs intervenants ont remarqué que les livrets de l’élève sont rarement exploités
au collège),
Une logique de « mixité » sociale
i
: la configuration du réseau doit maintenir une
hétérogénéité des populations d’élèves. Au-delà des enjeux sociaux (solidarité et
égalité), la mixité sociale est dépendante de politiques d’aménagement du territoire et
d’habitat qui ne sont pas du ressort de l’école. Elle engage des représentations sociales
et des oppositions de classe. Des politiques fermes doivent être conduites, alliant les
initiatives nationales et locales. Il est aussi nécessaire de mettre en œuvre des pratiques
pédagogiques qui non seulement permettent de gérer l’hétérogénéité, mais de plus, la
rendent fonctionnelle comme ressource pour les apprentissages.
Les fonctions des réseaux
Les échanges nombreux et variés entre les écoles et le collège d’un même réseau, s’ils
associent les parents, faciliteront l’évolution des représentations des collèges par les familles,
représentations le plus souvent fondées sur des informations plus ou moins arbitraires,
souvent résultats d’une méconnaissance à la fois des pratiques éducatives réelles et de leurs
effets. Par ailleurs, même si les partenaires locaux des écoles et des collèges ne sont pas
identiques, mis en réseaux, les établissements de l’Éducation nationale pourraient mieux
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harmoniser leurs relations avec les collectivités territoriales qui elles-mêmes doivent
s’entendre pour mener des politiques éducatives locales cohérentes.
Le réseau, pour être viable, doit offrir des ressources variées :
- pour les familles, en proposant des facilités à celles qui décident
d’inscrire le parcours de leur enfant dans le réseau constitué (suivi
des enfants, contacts avec les équipes, préparation au passage en
6
ème
...),
- pour les professionnels, des échanges, des facilités pour la
concertation, un plan de formation commun, des moyens négociés en
fonction des projets du réseau,
- au territoire dans lequel il est implanté, les établissements travaillant
en collaboration avec les organismes à but éducatif et de formation
(associations sportives, culturelles, médiathèques, organismes
d’éducation populaire...).
Il doit disposer de moyens particuliers :
- d’un coordonnateur qui assure l’interface entre les écoles et le
collège, avec les partenaires et les collectivités locales,
- de responsables de dispositifs notamment d’accompagnement
personnalisé,
- de personnels en surnombre, formés pour collaborer avec les équipes
pédagogiques (coopération sur des projets particuliers, prise en
charge ponctuelle d’enfants à besoins éducatifs particuliers).
La reconnaissance de ces fonctions suppose l’attribution de moyens, des préparations
spécifiques à ces fonctions et, pour faciliter un travail des équipes pédagogiques, des
formations communes (initiale et continue) aux professeurs des écoles et aux professeurs des
collèges. L’expérience des RAR conforte notre position : « Il (le rapport sur les RAR) note
l’émergence d’une culture professionnelle commune entre enseignants de l’école élémentaire
et du collège, portée par les enseignants référents, ainsi que l’importance des enseignants
supplémentaires, au nombre de quatre par réseau. »
ii
2. Le positionnement de l’école maternelle, de l’école élémentaire et du collège les
uns par rapport aux autres dans les études
Chaque niveau d’enseignement a ses spécificités au regard de l’âge des enfants et du degré de
développement de leurs capacités d’apprentissage. Mais il est nécessaire d’assurer la
continuité des parcours des élèves par un suivi personnalisé tout au long de la scolarité et par
un repérage de leurs besoins particuliers. Ce repérage ne doit conduire ni à une stigmatisation,
ni à une ségrégation dans des filières de relégation, ni à une « exfiltration » précoce du
système. Il ne peut non plus déboucher sur un constat d’échec sans appel. Au contraire, les
évaluations diagnostiques et formatives doivent permettre de collecter les informations
nécessaires pour penser des situations d’apprentissage adaptées, mettre en place des aides,
développer la coopération entre élèves essentielle pour le développement de l’intelligence,
élargir l’éventail des ressources et des compétences valorisées au sein de l’École.
Les finalités de l’école fondamentale
Les pays de l’OCDE se sont engagés dans un effort de clarification des objectifs de
l’éducation et de mesure des effets des politiques éducatives. Outre des évaluations
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comparatives périodiques (PISA), cet effort s’est traduit par la description de finalités
communes soit au sein d’un même pays (socle commun en France ou en Belgique), soit dans
un espace plus vaste comme l’Europe (Cadre européen des langues, Compétences clés). Les
enjeux multiples (normer les pratiques, évaluer l’efficacité des politiques éducatives,
comparer les performances nationales, définir une culture commune, situer les élèves par
rapport à des normes...) ont surdéterminé l’élaboration des outils de référence et conduit à des
compromis dont les significations sont souvent opaques
iii
.
André Giordan a recentré notre attention sur la question essentielle : l’école fondamentale,
pour quoi faire ? Si la question est simple, la réponse est évidemment complexe et mérite
débat, bien au-delà de l’École elle-même car, dans un pays démocratique, elle concerne
l’ensemble de la société. Il a cité quatre grands domaines de compétences :
- comprendre le monde,
- se comprendre soi-même,
- communiquer pour argumenter, prouver, démontrer, convaincre (...) et développer
sa pensée,
- apprendre à apprendre.
Il a rappelé que les savoirs scientifiques (sciences de l’homme, sciences du vivant et sciences
de la matière) sont essentiels pour comprendre le monde. Leur apprentissage ne se réduit pas à
une accumulation de notions et de lois. Il vise à construire des « outils » de pensée en usage
dans des situations multiples de la vie quotidienne. Si le recul des performances des élèves de
France en mathématiques et en français a fait l’objet de nombreux commentaires, on a en
revanche peu pris conscience du recul non moins significatif des performances dans le
domaine scientifique. Il est urgent d’opérer un rééquilibrage des enseignements en faveur des
connaissances scientifiques et des situations qui en requièrent la mobilisation. Le faible
nombre d’enseignants du premier degré formés aux sciences, l’excessif cloisonnement des
disciplines au collège, ont sans aucun doute un effet négatif dans ce domaine.
En collège, la rédaction des programmes, l’organisation des emplois du temps, la formation
académique des professeurs provoquent des réarrangements des connaissances dans une
logique d’exposition, souvent loin de la logique d’apprentissage et des configurations des
compétences. Elles concourent ainsi à vider les apprentissages d’une partie de leur sens qui ne
peut être construit que dans l’établissement de liens entre les différents champs de savoirs. La
langue, par exemple, fait partie intégrante des structures mentales
iv
. Elle est aussi le moyen
privilégié de l’interaction sociale. Par l’intermédiaire de la langue, l’entourage de l’enfant met
la culture à sa disposition, élargissant ainsi les possibilités ouvertes par le seul développement
génétique. En parlant, l’enfant se construit lui-même en tant que sujet, capable de dire son
émotion et donc d’entrer dans un processus de réciprocité avec autrui, capable de se faire
comprendre et de comprendre l’autre, de construire une conscience de soi
v
. Bien plus que les
punitions, le langage est un puissant régulateur des comportements sociaux. Réduire
l’apprentissage de la(les) langue(s) à un simple exercice de communication est un terrible non
sens et une perte considérable sur le plan éducatif. De nouvelles façons d’envisager la
connaissance et les fonctionnements mentaux, liées à l’évolution des sciences, doivent être
intégrées dans la culture scolaire.
L’école fondamentale doit donc dépasser le réductionnisme disciplinaire et les
cloisonnements hérités du passé. Les obstacles à cette évolution résultent d’une part de
l’opposition simpliste entre le français et les mathématiques et d’autre part de la hiérarchie
généralement admise entre les disciplines dites fondamentales, y compris dans les dispositifs
d’aide personnalisée
vi
ou des détours peuvent se révéler nécessaires (mathématiques, français,
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voire langues étrangères), les disciplines importantes (sciences dures), les disciplines
d’importance moyenne (sciences de l’homme
vii
) et les autres (EPS, enseignements
artistiques...). À l’école fondamentale, toutes les disciplines sont fondamentales et contribuent
à l’éducation de la personne. Remarquons également la situation paradoxale de certaines
disciplines. L’EPS, très valorisée socialement par le développement des pratiques sportives,
n’est pas considérée comme déterminante dans le parcours scolaire. Dans un monde tout
imprégné de techniques, la technologie, coincée entre les TICE et le bricolage, peine à trouver
sa place. Elle souffre d’un double handicap : une difficulté des enseignants à donner sa juste
place aux techniques de l’information (ni trop, ni trop peu) et du mépris traditionnel en
France, des formations techniques. Pourtant, les idées pédagogiques ne manquent pas, comme
l’a montré le séminaire national du 31 janvier 2012.
Aménager les transitions
L’école maternelle n’est pas le simple prolongement de l’éducation familiale. Ses finalités ne
se réduisent pas non plus à préparer l’entrée « à la grande école ». Elle a une vocation
spécifique : assurer la transition entre la socialisation primaire réalisée par la famille et la
socialisation secondaire qui la prolonge en proposant à l’enfant d’autres univers sociaux.
L’école maternelle constitue un mode de socialisation complémentaire et introduit aux
premiers apprentissages fondateurs de la personne sociale de l’enfant (langage, conscience de
soi et capacité à entrer en interaction avec autrui, premiers raisonnements, développement
psychomoteur...). Il est donc nécessaire de maintenir et développer la scolarisation des tout
petits, en priorité dans les zones pauvres ou déprivées
viii
culturellement, de restaurer partout la
transition grande section/CP, non par l’anticipation l’apprentissage de la lecture, mais par la
gestion des différences de rythmes d’accès à la lecture et à l’écriture ainsi qu’aux
raisonnements élémentaires (cf. les repères fournis par la psychologie génétique).
De même, la transition entre le CM2 et le collège doit tenir compte des différences de
maturation entre les élèves. Cette transition différenciée (solution plus efficace que le
redoublement) devrait se faire au cours d’échanges systématiques d’activités et de professeurs
entre les écoles et le collège du réseau, selon les besoins des élèves. Le suivi doit permettre de
marquer à la fois une rupture Je suis au collège : je suis grand ») et la continuité d’un
parcours (l’histoire de l’élève ne peut pas se réduire à des croix dans un livret, ni se perdre
dans des archives). Des réunions de synthèse sont nécessaires entre les professeurs des écoles
et ceux du collège. La philosophie de l’accompagnement telle qu’elle se dessine en 6
ème
et
qui prévaut en seconde (il concerne tous les élèves, ne se borne pas à offrir des remédiations
traditionnelles, il comporte une part importe de réflexion sur le parcours éducatif) doit devenir
la référence unique tout au long de la scolarité. L’accompagnement éducatif doit en être
clairement distingué. Il ne correspond pas aux mêmes besoins et ne s’adresse qu’à des élèves
qui en font la demande. Il est largement « sous-traité ». Il n’a donc pas vocation à réguler les
parcours. Il conviendrait, pour éviter les confusions, de lui attribuer une autre dénomination.
À la fin du collège, la classe de troisième débutera la réflexion sur les choix d’orientation, en
relation étroite avec la seconde de lycée. Cette amorce ne doit pas être une prédétermination
mais une véritable découverte des voies du lycée, en lien avec la découverte systématique du
monde du travail et de l’environnement social. La juxtaposition de deux cycles d’orientation
d’une seule année, avec des logiques différentes, prive les élèves de la durée continue
nécessaire à l’exploration des formations possibles et à la maturation d’un projet qui ne devra
pas se résumer, pour les uns à un choix par défaut, pour les autres à la tentative de tenir une
orientation supposée d’excellence, au risque de devoir subir un redoublement ou une
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