aux eaux et à l’atmosphère. Gaspillage
énergétique, urbanisation galopante,
déforestation tropicale, contamination
des nappes phréatiques, des mers et des
fleuves, appauvrissement de la couche
d’ozone, pluies acides... Tout cela, car-
tographié avec précision dans cet Atlas,
met en péril l’avenir de l’humanité.
Ces informations ne semblent avoir
produit un salutaire choc collectif que
récemment. Grâce en particulier au film
d’Al Gore, Une rité qui range. L’an-
cien vice-président des Etats-Unis nous
a rappelé que l’accumulation des gaz
à effet de serre pourrait entraîner un
réchauffement de 1 à 2 °C de la tem-
pérature moyenne de la planète et une
élévation de 0,2 à 1,5 mètre du niveau
des océans. Le dioxyde de carbone
(CO2), principal gaz à effet de serre,
est responsable à 65 % du réchauffe-
ment climatique. Or, avec l’apport de
géants comme la Chine ou l’Inde, le
CO2 augmente chaque année d’environ
8 milliards de tonnes.
L’ampleur et la durée futures de la
hausse des températures seront fonction
des quantités de gaz à effet de serre
que nous continuerons à émettre, les
perturbations climatiques étant d’autant
plus prononcées que la température
s’élève. Et cela s’accompagne d’une
l y eut sans doute, au départ, l’in-
lassable travail d’alerte conduit par
des organisations écologistes, sur la
base de rapports scientifiques – en
particulier ces penseurs, fondateurs de
l’écologie moderne, regroupés sous le
nom de Club de Rome, qui publièrent
en 1970 un retentissant rapport inaugu-
ral qui allait réveiller les consciences
planétaires 1.
En France, dès 1974, René Dumont,
premier candidat écologiste à l’élection
présidentielle, fit prendre conscience à
toute une génération des limites des
ressources naturelles et des risques
d’une croissance économique expo-
nentielle. Vint ensuite le décisif rapport
Brundtland, publié en 1988 sous le titre
Notre avenir à tous 2 par la Commis-
sion mondiale sur l’environnement et
le développement présidée par Mme Gro
Harlem Brundtland. Ce rapport intro-
duisait le concept de « développement
durable », devenu si familier depuis.
La prise de conscience collective s’est
accélérée ensuite, avec le sommet de la
Terre à Rio de Janeiro en 1992. A cette
occasion, on a appris que la population
mondiale croît à un rythme sans précé-
dent : nous sommes 6,5 milliards, et ce
chiffre ne se stabilisera que vers 2050
– autour de 10 milliards.
Or, comme divers articles de cet
Atlas environnement le démontrent, si
tous les humains avaient le niveau de
consommation des Terriens les plus
riches, la planète pourrait à peine sub-
venir aux besoins de quelque 600 mil-
lions de personnes. Car les ressources
ne sont pas inépuisables. Au nom d’une
confusion entre croissance et dévelop-
pement, la destruction systématique des
milieux naturels se poursuit, au Nord
comme au Sud. Les saccages en tous
genres se succèdent, infligés aux sols,
Pourquoi la question écologique, si longtemps niée ou minimisée, se retrouve-t-elle
soudain au centre des préoccupations des dirigeants politiques, des médias et des citoyens ?
Pourquoi des problèmes qui paraissaient sans solution trouvent-ils soudain réponse ?
Leffroi et les profits
fréquence et d’une violence accrues des
phénomènes météorologiques extrêmes
(tempêtes, déluges, cyclones, canicules,
sécheresses, désertifications), ainsi que
d’un progressif dérèglement climatique
étendu à toute la planète. Si les émis-
sions de gaz à effet de serre ne pren-
nent pas fin, les désastres pourraient être
d’une exceptionnelle gravité.
La conférence de Berlin sur le climat,
en avril 1995, a souligné l’idée que le
marché n’est pas en mesure de répondre
aux risques globaux pesant sur l’envi-
ronnement. Protéger la biodiversité, la
variété de la vie par le développement
durable est désormais un impératif. Les
pays riches – et notamment les Etats-
Unis, responsables de la moitié des
émissions de gaz carbonique des pays
industriels – sont tenus de respecter les
engagements souscrits au sommet de la
Terre de Rio, en 1992.
Si l’Union européenne s’est pro-
noncée pour une réduction des gaz à
effet de serre à l’horizon de l’an 2010,
l’administration américaine continue de
traîner les pieds et refuse toujours de
ratifier le protocole de Kyoto – entré en
vigueur en février 2005 –, qui contraint
les 38 pays industrialisés à réduire de
5,2 % les émissions de CO2 d’ici à 2012
par rapport à celles de 1990.
En France, dès 1974, René Dumont, premier candidat
écologiste à l’élection présidentielle, fit prendre conscience
à toute une génération des limites des ressources naturelles
et des risques d’une croissance économique exponentielle.
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Mais le retournement de l’opinion
publique, effrayée par la multiplication
des catastrophes naturelles, pousse les
gouvernements, même les plus réticents,
à miser sur des solutions énergétiques
de rechange. D’autant que la fin des
hydrocarbures apparaît désormais iné-
luctable et que les Etats riches, pour des
raisons politiques et non écologiques,
voudraient réduire leurpendance
énergétique à l’égard de grands pays
pétroliers comme la Russie, l’Iran,
l’Irak ou le Venezuela.
Le contexte est donc propice à un
changement de modèle énergétique que
les industriels du Nord semblent avoir
perçu, et qui, avec la perspective de for-
midables profits, promet d’enclencher
un nouveau cycle économique, celui de
l’économie verte 3.
L’environnement en sortira-t-il
gagnant ? Ce n’est pas sûr, car déjà
on annonce la construction de centai-
nes de nouvelles centrales nucléaires,
certes peu productrices de CO2, mais
porteuses d’autres dangers non moins
mortels.
Le pari aussi des agrocarburants,
bien accueillis dans un premier temps,
commence à révéler des effets pervers.
D’abord, ils vont permettre, en toute
bonne conscience, de maintenir, voire
d’intensifier, le néfaste modèle du « tout
voiture » ou du « tout camion » au pré-
texte que les véhicules pollueront moins.
Ensuite, ils enclenchent une spéculation
effrénée sur des produits alimentaires
de base comme le sucre ou le maïs, qui
servent à produire de l’éthanol. Les prix
du blé et de l’orge ont déjà augmenté
de 70 à 80 % en moins d’un an, et ceux
du maïs ont doublé. La hausse de la
demande mondiale d’agrocarburants
nécessitera d’augmenter de 20 à 30 %
les surfaces cultivées. Ce qui ne se peut
pas, sauf à provoquer des déforestations
effrayantes en Amazonie ou dans le bas-
sin du Congo 4...
Comme le démontre cet Atlas,
changer de modèle énergétique sans
modifier le modèle économique risque
de seulement déplacer les problèmes
écologiques. Mais désormais l’opinion
publique veille. Et finira par imposer de
vraies solutions vertes.
IGNACIO RAMONET
1. Halte à la croissance ? Rapports sur les limites
de la croissance, Fayard, Paris, 1972.
2. Editions du Fleuve, Montréal, Québec, 1988.
3. Lire le dossier spécial « Business of green », Inter-
national Herald Tribune, Paris, 4 juin 2007.
4. Cf. Le Monde, 7 juillet 2007.
Le contexte est donc propice à un changement
de modèle énergétique (…) qui promet d’enclencher
un nouveau cycle économique, celui de l’économie verte.
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