
226  Écrits politiques
LES CINQ PREMIÈRES ANNÉES
   DU PARTI COMMUNISTE D'ITALIE (1)
Notre Parti est né en janvier 1921, au moment le plus critique de la crise générale de la
bourgeoisie italienne et de la crise du mouvement ouvrier. Si la scission était historiquement
nécessaire et inévitable, les grandes masses, hésitantes, n'y étaient pas préparées. Dans cette
situation,   l'organisation   matérielle   du   nouveau   Parti   a   dû   se   faire   dans   des   conditions
extrêmement difficiles. Le travail organisationnel a ainsi absorbé, à lui seul, la quasi-totalité des
énergies créatrices. On n'a pu approfondir suffisamment les problèmes que posaient, d'une part,
la   décomposition   du   personnel   des   vieux   groupes   dirigeants   bourgeois,   et,   d'autre   part,   le
processus du même ordre que connaissait le mouvement ouvrier. Toute la ligne politique du
Parti, au cours des années qui ont suivi immédiatement la scission, a répondu d'abord à cette
exigence : resserrer les rangs de l'organisation, en proie à l'offensive fasciste et asphyxiée par les
miasmes cadavériques qui s'élevaient de la décomposition socialiste. Dans ces conditions, et
c'était naturel, le Parti a vu se développer des sentiments et un état d'esprit corporatistes et
sectaires. On n'a pas posé le problème politique général de l'existence et du développement du
Parti comme mise en œuvre d'une activité qui permette au Parti de gagner les grandes masses et
d'organiser les forces sociales nécessaires pour vaincre la bourgeoisie et prendre le pouvoir, mais
simplement comme le problème de l'existence même du Parti.
La scission de Livourne
Nous n'avons vu que la valeur immédiate et mécanique de la scission et nous avons commis,
symétriquement, la même erreur que Serrati. Le camarade Lénine avait exprimé par une formule
lapidaire la signification de la scission en Italie
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en recommandant à Serrati : « Séparez-vous de Turati, et ensuite, alliez-vous avec lui  (1). »
Nous aurions dû adapter cette formule à notre scission, qui a pris une forme différente de ce que
prévoyait   Lénine. Nous  devions  -   c'était  indispensable  et   historiquement   nécessaire   -   nous
séparer, non seulement du réformisme, mais aussi du maximalisme, qui constituait et constitue
encore l'expression typique de l'opportunisme italien dans le mouvement ouvrier. Mais ensuite,
tout en continuant de les combattre sur le plan de l'idéologie et de l'organisation, nous aurions dû
chercher à nous allier avec eux contre la réaction. Pour les dirigeants de notre Parti, chaque
action de l'Internationale tendant à nous orienter dans cette direction constituait un désaveu
implicite   de  la scission de Livourne, comme l'expression   d'un repentir. Accepter  une telle
orientation de la lutte politique aurait équivalu, selon eux, à admettre que notre Parti n'était