ST46 Médias et communication : des objets de science politique ?
Jérémie Nollet, Sciences-Po Toulouse, jeremie.nollet@sciencespo-
toulouse.fr
David Pichonnaz, City University London,
De façon différentielle selon les pays francophones, la science politique a participé au
développement des recherches sur les médias, le journalisme et la communication, parfois au
travers de processus d’importation d’objets et de concepts en provenance du monde anglo-
saxon 1 . Ce congrès est l’occasion de dresser un état des lieux de ces recherches, en
interrogeant
particulièrement les rapports que la science politique entretient, dans ce domaine,
avec des
disciplines voisines, et ainsi dessiner des perspectives nouvelles en matière de
combinaison
des approches, tant disciplinaires que nationales.
A.
Appropriations contrastées dans la science politique francophone
Cette section thématique se veut être une occasion de mettre en lumière et de comparer les
appropriations différenciées de ces objets par la science politique dans les pays francophones.
Quelques constats peuvent d’ores et déjà être esquissés, qui demanderont à être discutés dans
le
cadre de la section. En France d’abord, ces deux dernières décennies, l’on observe que la
science politique a en partie servi de refuge disciplinaire à la sociologie du journalisme, qui
s’est notamment intéressée aux spécialités journalistiques (journalisme politique, européen,
agricole, etc.) et aux rapports entre les journalistes et leurs sources d’informations. Les
analyses de contenu y sont une tradition ancienne (cf. revue Mots). Quant aux études sur les
effets persuasifs, elles ont surtout donné lieu à des recherches solitaires, alors que les travaux
sur
la construction des problèmes publics ou les études de réceptions commencent à se
développer, grâce à l’importation (tardive) de la littérature sociologique anglo-saxonne (École
de
Chicago, Cultural Studies). Au Québec, la science politique a aussi vu le développement
de
recherches importantes en sociologie du journalisme, suivant en cela de près la recherche
états-
uniennes sur ce thème. En Suisse (et peut-être en Belgique et au Luxembourg), la
sociologie du travail journalistique est restée à l’écart de la science politique, de même que le
sont les sciences de la communication et des médias (qui se concentrent généralement sur
l’analyse des contenus médiatiques). Deux éléments semblent caractériser l’espace
helvétique :
l’on observe des indices de rapprochement entre ces deux disciplines et
l’économie, et,
parallèlement, une production de recherches qui, bien que relevant de la
sociologie, donnent
une place centrale à la dimension politique des phénomènes
communicationnels, à la suite des
travaux initiés par Jean Widmer.
Ces appropriations différentielles dépendent de plusieurs facteurs : le degré de perméabilité
des
espaces nationaux à la circulation internationale des concepts et des méthodes (par
exemple
la réception précoce de la sociologie du journalisme étasunienne au Québec ou
l’influence
de la sociologie allemande en Suisse), le rapport à l’anglais et donc à la littérature
anglophone, la
place occupée par les approches sociologiques au sein de la science politique,
la proximité entre
cette dernière et la demande publique, ou encore la plus ou moins grande
monopolisation de ces
objets par des disciplines nouvelles (sciences de l’information et de la
communication, sciences
1 Voir, pour le cas français, le bilan déjà un peu ancien d’Erik NEVEU, « La communication politique un
chantier fort de la recherche française », Polis. Revue camerounaise de science politique, 1998.