Courrier de l'Environnement de l'INRA n°30, avril 1997 35
examen des performances
environnementales de la France :
conclusions et recommandations
par l'Organisation de coopération et de développement économiques
2, rue André-Pascal, 75775 Paris cedex 16
L'examen des performances environnementales de la France met en relief la réduction de la pollution
imputable au secteur industriel, l'utilisation innovante et efficace d'instruments économiques, la
prévention et le contrôle intégrés de la pollution dans les secteurs de la gestion de l'air, de l'eau et
des déchets, le faible niveau des émissions de CO2 par habitant et par unité de PIB, l'action efficace
du Conservatoire du littoral en matière d'achat et de protection des sites côtiers de valeur et
menacés, et l'influente coopération internationale portant sur les questions d'environnement et l'aide
en ce domaine.
Le rapport indique que la France a réagi rapidement aux pressions que l'industrialisation et le
développement urbain exerçaient sur l'environnement et a mis sur pied des institutions investies de
responsabilités particulières dans la lutte contre la pollution et la gestion des ressources naturelles.
Dès l'origine, la politique d'environnement de la France a inspiré la politique en la matière au
niveau européen et s'en est inspirée.
Parmi ses 58 recommandations, le rapport fait ressortir la nécessité que les autorités municipales
appliquent de façon plus stricte les normes et réglementations d'environnement, que les secteurs de
l'agriculture et des transports prennent davantage en compte les préoccupations d'environnement et
que la planification environnementale s'inscrive dans une perspective à plus long terme.
L'examen des performances environnementales de la France est la seizième publication de cette
série. L'Espagne, la Corée, la Finlande, le Mexique et l'Australie feront l'objet d'un examen en 1997.
La France a répondu très tôt aux pressions de l'industrialisation et de l'urbanisation sur
l'environnement par la création d'institutions dotées de responsabilités particulières dans la gestion
des pollutions et des ressources naturelles. Sa politique d'environnement s'inscrit dans un cadre
législatif complet ; elle s'appuie sur les différents niveaux de pouvoirs publics du pays, a recours à la
concertation entre partenaires publics et privés concers et utilise un large éventail d'instruments :
réglementations, instruments économiques, planification, actions volontaires. Depuis ses buts, la
politique nationale influence et est influencée par le développement de la politique d'environnement
européenne.
Dans les années 90, la politique environnementale de la France reçoit une nouvelle impulsion avec la
réalisation du plan national pour l'environnement, une mise en oeuvre renforcée, et la prise en compte
de la perspective du développement durable. La tendance est d'associer gestion économe des
Ces conclusions et recommandations ont été approuvées par le Groupe sur les performances environnementales lors de sa réunion de
novembre 1996.
Le présent texte est repris, avec l'aimable autorisation de l'auteur-éditeur, de l'ouvrage
OCDE, 1997. Examen des performances environnementales - France. OCDE, Paris, 254 pp.
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ressources naturelles, création d'emplois environnementaux, duction des dépenses de santé
publique, qualité de l'environnement urbain et protection de la nature et des paysages. Ayant maîtrisé
les émissions industrielles de polluants dans l'air et l'eau, et posé les bases d'une gestion efficace des
chets, les grandes préoccupations actuelles incluent les pollutions par l'agriculture et les transports,
la qualité de l'air des grandes villes, la mise en place d'un seau d'espaces protégés et la protection
des zones côtières.
Ce rapport de l'OCDE établit un bilan de référence permettant dvaluer les progrès futurs en matière
d'environnement et examine les performances environnementales de la France dans trois domaines :
- la mise en oeuvre de la politique environnementale ;
- l'intégration des poccupations environnementales aux décisions économiques ;
- la coopération internationale pour la protection de l'environnement.
Il évalue dans quelle mesure ses objectifs nationaux et ses engagements internationaux ont pu être
atteints. Cette évaluation se fonde sur des critères d'efficacité environnementale et d'efficience
économique. Des recommandations de nature à contribuer au progrès de la protection de
l'environnement en France sont formulées.
1. Mise en oeuvre de la politique environnementale
L'ensemble des lois sur la protection de l'environnement, l'aménagement du territoire et l'urbanisme
et la décentralisation a créé un cadre institutionnel et juridique ts complet et conforme au principe
de subsidiarité. Le ministère de l'Environnement, créé en 1971, a été doté au but des années 90 de
moyens accrus, d'organismes spécialisés et de services déconcentrés. Les dépenses d'environnement
sont majoritairement celles des administrations publiques et plus particulièrement des collectivités
territoriales. Au niveau central, les ministères de la Recherche, de l'Industrie, de l'Equipement, de la
Santé et de l'Agriculture apportent également une contribution importante aux activités pour la
protection de l'environnement.
Résultats et efficacité de la mise en œuvre
Grâce à l'utilisation combinée d'instruments réglementaires, d'instruments économiques, de la
planification et des actions volontaires, la politique d'environnement est, dans son ensemble, mise en
place de façon équilibe et efficace. La gestion intégrée de la pollution (air, eau, déchets, risques) des
68 000 établissements class soumis à autorisation, et la pression croissante exercée par l'inspection
de ces établissements pour que les objectifs d'environnement soient atteints par les industries ont é
efficaces. La France utilise largement les instruments économiques ; elle a mis en oeuvre le principe
pollueur-payeur et cherche à atteindre la vérité des prix par la tarification des ressources naturelles.
La planification joue son le avec le plan national pour l'environnement, les contrats de plan Etat-
régions et la planification locale concernant les sols, la mer, les eaux et les risques. Les accords
volontaires ont été utilisés pour encourager l'industrie à investir dans la lutte contre la pollution. Les
efforts de recherche et développement, publics et privés, pour l'environnement sont importants. La
mise en oeuvre progressive des politiques environnementales et les dépenses associées à ces
politiques ainsi que le recours systématique aux instruments économiques ont été des facteurs
favorables à l'efficacité économique et au développement des investissements. Par exemple, les
résultats acquis concernant les sources ponctuelles de pollution, notamment industrielles, sont ts
positifs.
Cependant, la mise en oeuvre des politiques d'environnement n'est pas toujours suffisante. Dans
nombre de cas, les pollueurs ne sont pas identifiés ou bénéficient de dérogations et les sanctions
dissuasives sont rares. Malgles efforts des administrations centrales, des problèmes subsistent au
niveau de certaines collectivités locales, par manque de moyens ou de volonté politique. Ceci
concerne, par exemple, l'assainissement et l'épuration des eaux, la pvention des risques liés aux
inondations, la gestion de la circulation urbaine et de sa pollution, l'application de la loi littoral. De
très sérieux efforts restent à faire pour les pollutions émanant des collectivités locales ou d'origine
agricole ; à cette fin, des investissements considérables sont programmés et les taux des redevances
sont en augmentation significative. Le veloppement rapide des lois et règlements d'environnement
a rendu le droit de l'environnement trop complexe ; l'adoption et la publication prochaine d'un code
de l'environnement devraient avoir des effets favorables pour une meilleure connaissance des lois et
leur application plus systématique.
Afin de promouvoir une meilleure efficacité environnementale et économique, il est recommandé de
prendre en consiration les propositions suivantes :
- poursuivre la mise en oeuvre des instruments économiques, augmenter et différencier les taux et
élargir l'assiette des taxes et des redevances pour la protection de l'environnement ; poursuivre la
mise en place des moyens de financer l'accroissement des investissements publics et privés pour
mener à bien la politique d'environnement ;
- accorder une plus grande place à l'analyse économique et à l'évaluation des coûts et des avantages,
ou à faut aux analyses coûts-efficacité lors de l'élaboration des politiques d'environnement ;
- renforcer les activités de surveillance de l'environnement et évaluer sur une base comparative la
mise en oeuvre des actions pour la protection de l'environnement dans les différentes régions et
grandes villes du pays ;
- dans la tradition de concertation, rechercher la meilleure application des lois et règlements ; veiller à
ce que les autorités compétentes mettent pleinement en oeuvre la réglementation, renforcer les corps
d'inspection et réprimer les infractions au plan pénal ou administratif ;
- continuer à soutenir les activités de R-D et de formation aux métiers de l'environnement ;
- poursuivre le recours aux analyses de cycle de vie ainsi qu'aux analyses des externalités et améliorer
la qualité et la disponibilité des données.
Eau
La France dispose d'abondantes ressources en eau et d'une grande diversi de milieux aquatiques de
qualité écologique élevée. La structure institutionnelle des comités de bassin et des agences de l'eau a
permis, dès la fin des années 60, une gestion par bassin hydrographique, en concertation étroite de
tous les acteurs publics et privés et avec des moyens financiers importants dans la logique des
principes du pollueur-payeur et de l'utilisateur-payeur. La croissance du prix de l'eau dans les années
90 a permis une accélération des investissements. Aujourd'hui, 77% de la population est connectée à
des stations d'épuration. Les pouvoirs publics renforcent lele des instruments économiques et
appliquent le principe « l'eau paye pour l'eau ». Ces moyens ont permis une réduction importante des
rejets industriels ; ils sont compatibles pour la pollution des collectivités locales avec les objectifs
européens fixés pour la fin de la décennie. La qualité des eaux de baignade s'est nettement améliorée
au cours des quinze dernières années. Le système de planification est actuellement complété par
l'élaboration de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.
Au cours des dernières années, l'opinion publique et les pouvoirs publics ont pris conscience de
l'importance d'un certain nombre de problèmes : surexploitation des ressources aggravée par la
sécheresse ; inondations catastrophiques ; eau potable pas toujours conforme aux normes, notamment
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pour la qualité microbiologique et les teneurs en nitrates ; épuration incomplète des eaux usées dans
nombre de villes ; pollution agricoles (élevage intensif, engrais, pesticides) affectant la qualité des
eaux superficielles et souterraines ; gestion insuffisante des cours d'eau comme écosystèmes
aquatiques. La couverture des coûts de l'eau par les prix et les redevances reste très insuffisante pour
les activités agricoles.
Il est recommandé de prendre en considération les propositions suivantes :
- accroître le pouvoir dissuasif des prescriptions réglementaires en utilisant davantage les pouvoirs de
police des services territoriaux de l'Etat ; envisager une simplification et un regroupement des
pouvoirs de décision en matière de mise en oeuvre de la glementation ; veiller à ce que ces
décisions relèvent des pouvoirs déconcents de l'Etat ;
- poursuivre la stratégie d'internalisation par les redevances et les prix du financement de la politique
de l'eau telle qu'elle est pratiquée vis-à-vis de l'industrie et des collectivités locales ;
- poursuivre l'effort d'amélioration de la performance des équipements d'assainissement et
d'épuration ; poursuivre l'effort d'équipement des collectivités locales pour atteindre les objectifs
fixés ;
- prendre des mesures pour limiter les prélèvements excessifs à des fins d'irrigation, pour réduire la
pollution des eaux de surface et des eaux souterraines par l'agriculture (cultures et élevages
intensifs) ; améliorer les signaux économiques pour l'agriculture (redevances et prix) et l'ingration
des préoccupations relatives à l'eau dans les politiques et pratiques agricoles ;
- renforcer les critères d'évaluation des impacts des projets sur les écosystèmes aquatiques ;
- renforcer le contrôle de l'occupation des zones inondables ;
- renforcer la surveillance de l'eau potable, de la qualité des cours d'eau et des eaux souterraines.
Air
Des progrès importants ont été accomplis concernant les émissions des principaux polluants
atmosphériques ainsi que de CO2 et les engagements internationaux de la France sont respectés. Par
exemple, les émissions de SO2 et de NOx ont baissé respectivement de 72 et de 14% depuis 1980 ;
celles de CO2 ont baissé de 27%. Toutes ces émissions, rapportées à la population comme au produit
intérieur brut (PIB), sont parmi les plus basses des pays de l'OCDE. Ces baisses ont été enregistrées
dans tous les secteurs économiques, à l'exception des transports. Ces progrès résultent des
transformations structurelles de l'économie, de l'amélioration de l'efficacité énergétique, de
l'utilisation de l'énergie nucléaire pour la production électrique et de la mise en oeuvre de politiques
d'environnement associant principalement mesures réglementaires de lutte contre la pollution
(contrôle intégré de la pollution des installations classées, normes sur les véhicules) et instruments
économiques (taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, taxation favorable aux carburants à
faible teneur en soufre et sans plomb). L'amélioration de la qualité de l'air est nette sur l'ensemble du
territoire pour le SO2et le plomb, et localement à proximité des principales sources fixes.
Mais il reste nombre d'épisodes de pollution, liés pour l'essentiel aux émissions des transports
routiers. La formation de smog photochimique due aux émissions d'oxydes d'azote et de CO2, ainsi
que l'augmentation des émissions de particules fines provenant de la croissance rapide du parc de
véhicules diesel suscitent de sérieuses préoccupations de santé publique dans les grandes villes.
Aussi, les efforts en matière de gestion de l'air doivent être considérablement renforcés pour ces
pollutions. Ceci appelle une stratégie plus vaste, associant planification environnementale, souci d'un
meilleur rapport coût-efficacité dans la mise en oeuvre des réglementations et l'usage des instruments
économiques, et intégration des poccupations de pollution de l'air dans les politiques sectorielles
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comme les transports et l'énergie (par exemple, économies d'énergie dans l'habitat, les bâtiments
publics, les installations des petites et moyennes entreprises).
Il est recommandé de prendre en considération les propositions suivantes :
- établir une stratégie nationale de lutte contre la pollution de l'air associant des objectifs chiffrés et
datés à des mesures par secteur évaluées pour leur rapport coût-efficacité ;
- renforcer l'application des règlements, notamment par des contrôles plus fréquents des installations
classées et des sanctions administratives et nales plus dissuasives ;
- étendre l'utilisation des instruments économiques dans la gestion de l'air, notamment pour la
fiscalité appliquée aux sources mobiles ;
- améliorer l'intégration des poccupations relatives à la pollution atmosphérique dans la définition
des politiques nationales et locales concernant l'aménagement du territoire, l'urbanisme, l'énergie et
les transports ;
- poursuivre l'extension et la modernisation du réseau de surveillance de la qualité de l'air, en
particulier pour les nouvelles préoccupations concernant les particules fines et l'ozone
troposphérique.
Déchets
La politique de la gestion des déchets s'appuie sur les lois du milieu des années 70 relatives à
l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux et au contrôle intégré de la pollution des
installations industrielles classées et sur la loi de 1992 qui vise à la suppression en 2002 de la mise en
décharges traditionnelles de déchets bruts et donne la priorité aux actions de pvention et de
valorisation. Des taxes parafiscales sur le stockage des déchets ménagers et assimilés, sur les déchets
industriels spéciaux et une contribution financière spécifique aux emballages ont été créées pour
soutenir cette politique. Les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés
ont pour l'essentiel été mis en place. La France a joué un rôle moteur dans les négociations
concernant les mouvements transfrontières des chets et a rapidement mis en oeuvre la convention
de Bâle. Cette politique très vaste a déjà apporté de bons résultats. Les instruments économiques
jouent un rôle essentiel dans le financement de la politique nationale de gestion des chets. La
collecte des chets ménagers couvre pratiquement l'ensemble de la population. Les industriels
jouent un rôle actif dans la gestion des déchets d'emballages (par exemple avec Eco-Emballages). Les
moyens, tant contractuels que réglementaires ou économiques pour favoriser la valorisation des
déchets, ont conduit à des avancées au cours des années 80 et 90, même si les taux de recyclage ne
sont pas encore parmi les plus élevés des pays de l'OCDE. La France posde un réseau performant
d'industries de traitement et d'élimination des déchets industriels et la capacité existante, rée
efficacement dans le cadre de la réglementation sur les installations classées, couvre largement les
besoins actuels de traitement des déchets nationaux et importés. Un inventaire des sites et sols pollués
a été réalisé.
Il reste à veiller à la bonne mise en oeuvre de cette politique. Concernant les déchets ménagers,
certains départements ont choisi d'engager une politique de tri lectif, de valorisation et de
recyclage, d'autres semblent s'orienter vers une solution exclusive d'incinération, ce qui risque de
perturber les filières les moins développées de valorisation et de récuration des matériaux. Le rôle
des instruments économiques dans la réalisation des objectifs de réduction à la source ou de
récupération est limité. Quant aux déchets industriels, il serait cessaire d'améliorer les
connaissances sur les flux et les stocks, de renforcer leur prise en charge par les petites et moyennes
entreprises, et de lever les incertitudes sur les impacts environnementaux des différentes filières.
D'une manière générale, les efforts visant à promouvoir la réduction à la source restent à définir. La
réhabilitation des sites et sols pollués ne fait que commencer.
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