
PLAN GÉNÉRAL DE LA MÉTAPHYSIQUE
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Thomas n’a pas jugé opportun de les commenter. Rappelons aussi le sort
particulier réservé au livre XI, dont il a, un temps, ou bien ignoré l’existence, ou
bien son rattachement à la Métaphysique, ou bien encore, est-ce tout simplement
parce qu’il ne disposait pas de traduction latine lorsqu’il entreprit son travail. Ce
livre pose d’ailleurs un problème à lui tout seul, car son contenu ne semble pas
correspondre à sa place. Il s’agit d’un résumé de plusieurs passages antérieurs,
mais aussi de chapitres entiers de la Physique. Des spécialistes d’Aristote lui
trouvent d’ailleurs un style d’écriture différent du reste. La Métaphysique
d’Aristote semble donc bien être un regroupement d’articles et de textes antérieurs,
autour d’une unité centrale présidant au choix (et donc à l’élimination) et à
l’ordonnancement des textes en question. Plus que d’une collection, il s’agit donc
d’une confection ; de la couture de pièces selon un patron soigné.
Il n’est, en effet, pas interdit de penser que plusieurs livres forment cette unité
centrale de la réflexion métaphysique et que d’autres, ou des parties d’autres
viennent en contrefort. Peut-être leur rédaction ne fut-elle, d’ailleurs, systématisée
qu’après coup, tant il est vrai que la formulation finale d’une bonne introduction,
d’un bon questionnement ou d’une bonne définition, se peaufine toujours après
avoir déjà développé ce que l’on veut introduire, questionner ou définir.
Deux lignes de force
Ainsi, nous proposons d’observer deux lignes de force. La première est
composée du Livre I, leçons 1 à 3, sur les critères de la sagesse, du Livre IV, leçons
1 à 4, sur l’être en sa qualité d’être, des Livres VI sur les différentes sciences
théoriques, VII sur la substance en général, VIII sur la substance naturelle, IX sur
l’acte et la puissance, X, leçons 1 à 3 sur l’un, et du Livre XII à partir de la leçon 5
sur la substance séparée. Mais également une seconde série aussi puissante, formée
par l’ensemble cohérent des Livres XI à XIV. Car sous la bannière "Préalables à
l’étude de la substance séparée", titre du Livre XI, on constate, en effet, une
parfaite continuité dans le déroulement de la pensée, depuis la leçon 1 du Livre XI
jusqu’à la leçon 4 du Livre XII, et même, jusqu’à la leçon 6 inclusivement, car les
leçons 5 et 6 reprennent aussi des démonstrations établies dans les Physiques. Le
Livre XII leçon 7, représente donc le point de jonction de ces deux discours
métaphysiques, car Aristote cesse alors de résumer ses thèses antérieures pour
avancer dans l’achèvement de la "science recherchée". Du point de vue de la
progression de l’argumentation, le Livre XII fait donc organiquement suite au
Livre XI, puisqu’un même mouvement d’ensemble structure les deux et associe les
livres XIII et XIV ; mais il représente tout autant la finalité de l’autre collection de
livres métaphysiques I, IV, VI, VII, VIII, IX, X, car sans lui, ces derniers perdent
leur raison d’être finale : la question de la substance séparée.