1) L’approche économique - instrumentale - du fondement de la monnaie
On définit les fonctions de la monnaie - càd ce à quoi elle sert. En tant qu’instrument d’échange, notamment, la monnaie
a permis de dépasser les inconvénients du troc.
On montre qu’à l’origine, certains biens ont été particulièrement aptes - pour des raisons matérielles - à remplir ces
fonctions.
Quand ces instruments monétaires sont bien entrés dans les mœurs, on assiste à un processus de dématérialisation de la
monnaie. Le signe monétaire s’émancipe en se désincarnant.
a) Les fonctions de la monnaie
On doit à ARISTOTE (384-322 av. J. C.) d’avoir dégagé les trois fonctions de la monnaie.
• Intermédiaire des échanges. La monnaie est un moyen de paiement parce qu’elle est acceptée comme tel. Cette
acceptabilité repose sur :
- un fondement collectif - subjectif : objet symbolique, ornement, métal précieux, etc.
- un fondement matériel - objectif - des qualités physiques, notamment :
- rareté
- inaltérabilité - par ex. métal inoxydable
- divisibilité économique : le bien divisé a même valeur que le bien entier (ex. le diamant n’est pas divisible
économiquement)
- malléabilité
D’où prééminence des métaux précieux : or et argent.
• Etalon de mesure des valeurs. La monnaie sert aussi à mesurer la valeur marchande des biens. Les prix sont exprimés en
monnaie. Elle facilite la commensurabilité des marchandises. En tant qu’étalon de mesure la monnaie est une unité de
compte.
Quand une monnaie ne remplit que cette fonction, elle est une monnaie de compte. Ex. la livre tournois sous l’Ancien
Régime : elle sert à comptabiliser, elle ne circule pas, elle n’est pas un moyen de paiement (du moins à partir du milieu du
XVIème siècle). L’E.C.U. (European Currency Unit) : unité de compte mise en place dans le cadre du système monétaire
européen en 1979.
• Instrument de réserve de valeur économique. La monnaie permet de séparer dans le temps la perception d’une recette de
sa dépense. Elle est un moyen d’épargne liquide (cf. supra)
b) Apparition et évolution des formes monétaires (aperçu de la logique d’évolution)
• On part du troc. Il est supposé antérieur à la monnaie. On montre ses inconvénients (difficulté à trouver un coéchangiste,
nécessité de l’égalité de valeur entre les biens échangés, non divisibilité des biens, etc.)
• D’où l’entrée en scène d’un bien qui facilite les échanges en tant qu’intermédiaire : monnaie-marchandise (ex.
coquillages, peaux de bêtes, objets précieux, etc.)
• Elimination progressive des monnaies-marchandises les moins efficaces. Rôle prééminent des métaux précieux - or et
argent
• Instrumentalisation et fiduciarisation des formes métalliques par un double processus :
- on passe de la monnaie pesée à la monnaie comptée, par la mise en forme des lingot/pièces
- la confiance monétaire se déplace du métal vers l’émetteur : estampillage et évolution vers le monopole public de la
frappe de la monnaie
• Apparition d’instruments-signes représentant les monnaies métalliques : les monnaies de papier - billets de banque -
couverts, en principe, par la monnaie métallique
• Emancipation progressive de la monnaie de papier par rapport au métal : dématérialisation et institutionnalisation de la
monnaie : la monnaie devient pur signe - à terme inconvertible en métal - et remplit ses fonctions parce qu’elle est régulée
par des institutions monétaires (monopolisation de l’émission des billets par la Banque centrale).
• Dans ce schéma la monnaie scripturale (simple écriture comptable dans une banque) peut être présentée comme le terme
ultime de l’évolution monétaire. Mais en fait, la monnaie scripturale est ancienne. Elle était, très tôt, utilisée entre riches
marchands, pour le règlement de leurs échanges mutuels. Ce qui est récent c’est l’usage généralisé de cette forme
monétaire. Il a donc bien fallu qu’un consensus collectif conduise à accepter cette forme très abstraite de monnaie. En ce
sens la monnaie scripturale apparaît ainsi comme l’aboutissement du processus de dématérialisation de la monnaie.
Mouvement encore renforcé par l’informatisation des flux monétaires. Pour cette forme purement bancaire de la monnaie
- devenue largement dominante - la régulation par la Banque centrale s’impose plus que jamais.