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J.DURR 01/10
Monnaie et liquidité
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MONNAIE ET LIQUIDITE
A - MONNAIE - LIQUIDITE
1) Définition de la monnaie
La monnaie est un moyen de paiement immédiat, càd échangeable :
- contre tout bien ou service (B/S) ou tout actif financier
- sans délai
- sans frais
- sans perte de valeur nominale
2) Notion de liquidité
• Définition de la liquidité : aptitude d’un actif à être converti à bref délai, à faible coût et sans perte de valeur nominale,
en moyen de règlement - càd en monnaie.
La monnaie est donc la liquidité par excellence. On l’appelle aussi, de ce fait : disponibilité. Elle a la capacité de
circuler parfaitement. Un actif est plus ou moins liquide selon sa proximité avec la monnaie, càd selon la possibilité de le
transformer plus ou moins aisément en monnaie :
- démarche pour le convertir en monnaie (ex. organisme qui assure la conversion - délai, etc.)
- frais et/ou risques de conversion
On peut ainsi classer les actifs proches de la monnaie par degré de liquidité. Ex. dépôts sur livret (un avoir sur un livret de
la Caisse d’épargne peut être instantanément converti en monnaie, mais auprès d’un guichet qui doit être ouvert) - bons
du Trésor - etc.
Les actifs à fort degré de liquidité sont appelés : actifs quasi-liquides (ex. Dépôts sur livrets).
• Parce qu’ils ne sont pas parfaitement disponibles, ces actifs sont rémunérés selon un prix : le taux d’intérêt. Celui-ci est
la contrepartie de la renonciation à la liquidité. En principe son niveau est faible quand que le dépôt qu’il rémunère est
relativement liquide.
NB. Selon la théorie keynésienne, le taux d’intérêt est le prix de la renonciation à la liquidité. KEYNES part de
l’hypothèse que les agents économiques ont une « préférence pour la liquidité ». Il faut donc les rémunérer pour qu‘ils
acceptent de renoncer à détenir de la monnaie au profit d’un placement (non liquide).
Epargne des ménages et liquidité
Les ménages sont amenés à arbitrer rationnellement leur épargne entre différents actifs, plus ou moins éloignés ou
proches de la liquidité.
- Placements à long ou moyen terme. Ex : obligations, actions, plans d’épargne ciblée (logement, retraite, etc.),
placements fonciers, etc. Leur but est alors :
- de garantir une sécurité dans le temps pour leur épargne - voire de réaliser, à terme, une plus-value.
- de tirer un revenu de leurs placements
- Placements à court terme. Ex. comptes sur livrets, SICAV monétaires, etc. Il s’agit alors souvent d’une encaisse de
précaution (pouvoir faire face à des dépenses imprévues), ou d’une épargne ciblant une dépense différée (un voyage, par
ex.). La possibilité de retrouver facilement la liquidité est alors essentielle. Elle prime sur la rémunération.
- Encaisses monétaires. Deux motifs peuvent justifier la détention de monnaie :
- le motif de transaction : avoir suffisamment de monnaie disponible en permanence pour faire face aux dépenses
quotidiennes
- le motif de spéculation : disposer en permanence d’une certaine quantité de monnaie pour saisir des
opportunités de placements
NB - Keynes regroupe les motifs de détention de monnaie en trois types d’encaisses : encaisses de transaction, de
précaution, de spéculation.
B - FONDEMENTS DE LA MONNAIE
Position du problème
La monnaie est toujours acceptée, là où elle a cours. Qu’est-ce qui fonde cette propriété ?
Dans une société où elle circule, la monnaie s’autojustifie en quelque sorte - son acceptation va de soi, elle est intériorisée
par les agents économiques - comme la langue maternelle.
Le problème, c’est l’origine : comment ce consensus s’est-il cristallisé dans un instrument spécifique ? Deux approches
théoriques se partagent cette question :
- l’approche économique - instrumentale
- l’approche anthropo-sociologique
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1) L’approche économique - instrumentale - du fondement de la monnaie
On définit les fonctions de la monnaie - càd ce à quoi elle sert. En tant qu’instrument d’échange, notamment, la monnaie
a permis de dépasser les inconvénients du troc.
On montre qu’à l’origine, certains biens ont été particulièrement aptes - pour des raisons matérielles - à remplir ces
fonctions.
Quand ces instruments monétaires sont bien entrés dans les urs, on assiste à un processus de dématérialisation de la
monnaie. Le signe monétaire s’émancipe en se désincarnant.
a) Les fonctions de la monnaie
On doit à ARISTOTE (384-322 av. J. C.) d’avoir dégagé les trois fonctions de la monnaie.
Intermédiaire des échanges. La monnaie est un moyen de paiement parce qu’elle est acceptée comme tel. Cette
acceptabilité repose sur :
- un fondement collectif - subjectif : objet symbolique, ornement, métal précieux, etc.
- un fondement matériel - objectif - des qualités physiques, notamment :
- rareté
- inaltérabilité - par ex. métal inoxydable
- divisibilité économique : le bien divisé a même valeur que le bien entier (ex. le diamant n’est pas divisible
économiquement)
- malléabilité
D’où prééminence des métaux précieux : or et argent.
Etalon de mesure des valeurs. La monnaie sert aussi à mesurer la valeur marchande des biens. Les prix sont exprimés en
monnaie. Elle facilite la commensurabilité des marchandises. En tant qu’étalon de mesure la monnaie est une unité de
compte.
Quand une monnaie ne remplit que cette fonction, elle est une monnaie de compte. Ex. la livre tournois sous l’Ancien
Régime : elle sert à comptabiliser, elle ne circule pas, elle n’est pas un moyen de paiement (du moins à partir du milieu du
XVIème siècle). L’E.C.U. (European Currency Unit) : unité de compte mise en place dans le cadre du système monétaire
européen en 1979.
Instrument de réserve de valeur économique. La monnaie permet de séparer dans le temps la perception d’une recette de
sa dépense. Elle est un moyen d’épargne liquide (cf. supra)
b) Apparition et évolution des formes monétaires (aperçu de la logique d’évolution)
• On part du troc. Il est supposé antérieur à la monnaie. On montre ses inconvénients (difficulté à trouver un coéchangiste,
nécessité de l’égalité de valeur entre les biens échangés, non divisibilité des biens, etc.)
• D’où l’entrée en scène d’un bien qui facilite les échanges en tant qu’intermédiaire : monnaie-marchandise (ex.
coquillages, peaux de bêtes, objets précieux, etc.)
• Elimination progressive des monnaies-marchandises les moins efficaces. Rôle prééminent des métaux précieux - or et
argent
Instrumentalisation et fiduciarisation des formes métalliques par un double processus :
- on passe de la monnaie pesée à la monnaie comptée, par la mise en forme des lingot/pièces
- la confiance monétaire se déplace du métal vers l’émetteur : estampillage et évolution vers le monopole public de la
frappe de la monnaie
• Apparition d’instruments-signes représentant les monnaies métalliques : les monnaies de papier - billets de banque -
couverts, en principe, par la monnaie métallique
• Emancipation progressive de la monnaie de papier par rapport au métal : dématérialisation et institutionnalisation de la
monnaie : la monnaie devient pur signe - à terme inconvertible en métal - et remplit ses fonctions parce qu’elle est régulée
par des institutions monétaires (monopolisation de l’émission des billets par la Banque centrale).
• Dans ce schéma la monnaie scripturale (simple écriture comptable dans une banque) peut être présentée comme le terme
ultime de l’évolution monétaire. Mais en fait, la monnaie scripturale est ancienne. Elle était, très tôt, utilisée entre riches
marchands, pour le règlement de leurs échanges mutuels. Ce qui est récent c’est l’usage généralisé de cette forme
monétaire. Il a donc bien fallu qu’un consensus collectif conduise à accepter cette forme très abstraite de monnaie. En ce
sens la monnaie scripturale apparaît ainsi comme l’aboutissement du processus de dématérialisation de la monnaie.
Mouvement encore renforcé par l’informatisation des flux monétaires. Pour cette forme purement bancaire de la monnaie
- devenue largement dominante - la régulation par la Banque centrale s’impose plus que jamais.
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2) L’approche anthropo-sociologique
a) Les arguments
• Cette analyse s’oppose à l’approche économique et instrumentale. Elle réfute par principe les présupposés utilitaristes
qui la fondent - considérés comme trop réducteurs en sciences sociales. Elle s’appuie aussi sur les faits relatifs aux
échanges et à la monnaie, observés dans les sociétés primitives et décrits par les anthropologues et les ethnologues.
Deux faits universellement constatés contredisent l’approche économique des origines de la monnaie.
- Des travaux ethnologiques montrent l’ancienneté universelle de la monnaie : le troc n’a pas préexisté à la monnaie.
- La monnaie n’a jamais été d’abord un bien ayant des spécificités propres à devenir une monnaie : dès l’origine, la
monnaie n’est qu’un signe qui repose sur des rapports de confiance à l’intérieur d’un peuple. Elle est d’emblée un
phénomène collectif. Elle exprime l’unité d’une société - elle est un rapport social.
- Les paléo-monnaies ont toujours un pouvoir symbolique, une fonction cérémonielle. Ces fonctions précèdent
historiquement les fonctions économiques.
- Dans les sociétés modernes, la monnaie renvoie à une institution centrale : l’Etat. C’est l’Etat qui fait la monnaie en
la nommant et en la garantissant.
• Cette approche conduit à un autre regard sur les fonctions de la monnaie. (inspiré de J.-P. DELAS, Economie
contemporaine, 2008)
- La monnaie est une institution qui cimente la société. C’est un bien collectif qui unifie la société en permettant les
échanges, comme le langage (vernaculaire - véhiculaire). Elle a un coût (sa gestion par le système bancaire), et génère des
effets externes positifs (elle profite à tous).
- La monnaie est une créance générale, source de puissance sociale.
- C’est une créance sur ce qui est produit - elle est un pouvoir d’achat. Ainsi, elle permet d’acheter le travail des
autres - et donc d’exprimer le poids social du supérieur en multiple de celui de l’inférieur. Elle est une source de
puissance sociale.
- Selon certains auteurs, en permettant d’assouvir les désirs d’appropriation, la monnaie instituerait la société car
elle permettrait de contenir la violence en la détournant vers les objets. Cette fonction originelle serait antérieure
aux fonctions économiques. Elle découlerait de l’origine symbolique et cérémonielle - non utilitaire - de la
monnaie.
NB - les premières monnaies sont souvent des objets inutiles.
- La monnaie est un instrument politique, source du pouvoir. L’autorité publique s’est vite emparée de la monnaie.
Pour deux raisons.
- Le pouvoir souverain ne peut laisser hors de son contrôle un instrument de la puissance sociale. Selon
M. WEBER, l’Etat détient « le monopole de la violence légitime ». Ainsi, la construction de l’Etat moderne passe
par le monopole public de l’émission monétaire. La frappe de la monnaie devient un pouvoir régalien.
- Pour le Prince, émettre la monnaie est une source de gain : le seigneuriage - gain égal à la différence entre le
pouvoir d’achat de la monnaie émise et son coût de fabrication et d’émission. Augmenter le seigneuriage peut
pousser le Prince à augmenter la quantité de monnaie mise en circulation (rognage des pièces ou usage de la
planche à billets). L’inflation qui peut en résulter permet en outre de réduire la dette publique.
- La monnaie peut être un amortisseur des conflits sociaux. Dans les sociétés démocratiques, il est nécessaire de réguler
des rapports de forces de plus en plus complexes entre groupes sociaux. La monnaie va être utilisée au XXème siècle
comme moyen de gérer des antagonismes entre ces groupes/catégories en les étalant dans le temps.
La dépréciation monétaire, liée à l’inflation, permet de déconnecter les valeurs réelles des valeurs nominales, lesquelles
sont les enjeux des conflits - du moins tant que dure l’illusion monétaire.
Ex. En mai 1968, les salaires nominaux augmentent fortement. Cette hausse sera largement amoindrie par l’inflation et
une dévaluation en 1969.
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