Chine et Asie : le compte courant est la première ligne de défense, devant les flux de capitaux
Contrairement à celle des États-Unis, la croissance chinoise devrait, selon nous, ralentir légèrement à 6,6% en 2017
(contre 6,7%). Le gouvernement tentera probablement de parvenir à un équilibre entre un policy mix accommodant visant
à soutenir la croissance et un ensemble de mesures cherchant à limiter les risques et à réduire les surcapacités
industrielles. S’il a stabilisé la croissance au lendemain de la crise financière, l'assouplissement monétaire a également
créé un amoncellement de dettes et augmenté les risques de bulles sur les prix des actifs, d'instabilité financière et de
déséquilibres macroéconomiques. Compte tenu de l’accélération de la croissance américaine et du resserrement de la
politique monétaire de la Fed, les autorités chinoises sont clairement sous pression et doivent réagir pour empêcher toute
nouvelle hémorragie des capitaux.
Jusqu'à présent, les autorités ont opté pour une dépréciation progressive de la devise et un contrôle beaucoup plus strict
des mouvements de capitaux. L’objectif à long terme d'internationalisation du RMB reste donc subordonné aux
contraintes de court terme de stabilisation de la conjoncture et de protection des marchés financiers contre les effets des
sorties de capitaux. Les mesures adoptées signifient également que la Chine n'est pas encore prête à sortir des secteurs
industriels à faible valeur ajoutée qui ont besoin d'une devise faible pour survivre. Autrement dit, la politique de change
chinoise retarde le rééquilibrage de l’économie vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée.
-7,5 -7,4
-5,5 -5,2 -5,0 -4,6 -4,3 -4,2
-3,1
-2,1 -2,1
-0,8 -1,1
0,1
3,1
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
4
6
NZ AU IN KR TW CN SG PH ID TH JP MY VN HK DXY
Graphique 4
Prévisions de taux de change
Taux de change prévu (variation en %)
Dépréciation depuis fin 2015
Dépréciation attendue en 2017
Sources : NATIXIS, Bloomberg, CEIC, Datastream
86
63
48
35 34 31 25 24 18 16 14 14 12
3
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
IN SG PH TH TW ID MY HK KR NZ CN JP VN AU
Graphique 5
Ratio M2/ Réserves de change (actuel, %)
Sources : NATIXIS, CEIC NB : à juin 2016 pour le Vietnam
La Chine et la Fed pèsent sur le taux de change des devises asiatiques
Par conséquent, le yuan continuera à s'affaiblir contre l'USD, renforçant ainsi l’excédent du compte courant du pays.
Nous anticipons l'USDCNY à 7,2 fin 2017 (recul de -4,6%). Au mieux, cette dépréciation sera neutre. Au pire, elle pèsera
sur les exportations asiatiques. Les surcapacités incitent les exportateurs chinois à expédier des marchandises à bas prix
pour épuiser leurs stocks. Les autorités chinoises encourageront par ailleurs les exportations de services pour empêcher
un creusement trop important du déficit de la balance des services. Le tourisme est en première ligne : les efforts
déployés par le pays pour freiner le tourisme zéro dollar1 devraient pénaliser les pays qui bénéficient le plus de l’afflux de
touristes chinois tels que la Thaïlande et la Corée du Sud.
Cela dit, les efforts de la Chine visant à exporter ses capacités excédentaires, à réorganiser sa chaîne
d'approvisionnement et à accroître son poids géopolitique du pays à travers l’initiative « Une ceinture, une route » (« One
Belt One Road ») aideront les pays émergents d’Asie via une augmentation des IDE et des investissements dans les
infrastructures. Les luttes d'influence dans la région entraîneront également une augmentation des crédits distribués par
les autres pays et, notamment, le Japon.
Le TWD fera probablement partie des devises les moins performantes d’Asie. Il devrait suivre le yuan et se déprécier de
5% à 33,5 d'ici fin 2017. Le NZD et AUD afficheront toutefois les plus forts reculs de la région et perdront plus de 7%
contre l'USD en 2017. L’abaissement de 50pb du taux directeur de la Banque de réserve d'Australie (RBA) n'aidera pas,
surtout compte tenu du resserrement de la politique monétaire de la Fed. Le graphique 4 résume les prévisions de
Natixis pour 2017 en matière de taux de change. Les devises des pays fortement exposés à la Chine, via le commerce et
le tourisme comme Taiwan et Singapour, devraient suivre la même tendance que le yuan. Face à une dépréciation du ce
dernier, ils doivent de fait affaiblir leur devise pour rester compétitifs. Exception faite du HKD, la Malaisie devrait
enregistrer les meilleures performances de la région, soutenue par le renchérissement du pétrole et par la limitation des
mouvements de capitaux.
Le graphique 5 compare les ratios des réserves rapportées à M2 en Asie. L'Australie présente le plus faible ratio, mais
son régime de change est flottant. En revanche, la faiblesse des ratios du Vietnam et de la Chine confirme que ces deux
pays limitent dans les faits les mouvements de capitaux.
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