46 IEIF RÉFLEXIONS IMMOBILIÈRES Gestion collective FOCUS SUR L’INVESTISSEMENT EN TITRES IMMOBILIERS par Carlos Pardo Directeur des études économiques, AFG1 et Thomas Valli Économiste-statisticien, AFG Les OPCVM actions apportent des liquidités et des capitaux à long terme aux entreprises et autres acteurs économiques. Mais avec quelle diversification, tant géographique que sectorielle, des titres en portefeuille ? Quelle est la pondération des titres immobiliers ? A près une brève introduction sur le rôle économique de la gestion pour compte de tiers, cet article traite de la composition des portefeuilles des OPCVM actions2. Il analyse plus particulièrement la diversification géographique et sectorielle de ces véhicules collectifs investis majoritairement en actions cotées. L’investissement en titres immobiliers (actions de sociétés foncières et immobilières cotées) dans les fonds en actions est également mis en évidence. LE RÔLE ÉCONOMIQUE DE LA GESTION POUR COMPTE DE TIERS En allouant des ressources financières aux entreprises – et notamment à celles identifiées comme les plus prometteuses – aux États, aux collectivités locales et à d’autres organismes, la gestion pour compte de tiers contribue de manière essentielle au financement de l’économie réelle. Elle fournit des capitaux à moyen ou long terme aux différents acteurs de l’économie, sur les marchés primaire et secondaire. Avec plus de 2 650 milliards d’euros de capitaux sous gestion (soit 1,3 fois le PIB) cette contribution au financement de l’économie française se concrétise par : ul’apport en capitaux propres pour les entreprises : environ 20 % du flottant de la capitalisation boursière en actions (CAC 40, SBF 250…) ; ule financement des besoins financiers à moyen ou long terme de l’État français (environ 20 % de la capitalisation des obligations d’État sont détenus par les gestions) ; ula détention d’obligations corporate (15 % du stock de ces titres) ; ula contribution sans faille à la liquidité des établissements de crédit (via la détention d’environ 40 % du stock de certificats de dépôt émis en France) et d’autres acteurs économiques (entreprises non financières, État, collectivités locales…) ; ule financement des PME et, de manière plus générale, des entreprises innovantes et de croissance, ainsi que la transmission d’entreprises, via le capital investissement. Mobilisation de l’épargne. La gestion pour compte de tiers contribue activement non seulement à la liquidité des différents segments du marché, en favorisant la formation des prix, mais aussi à la mobilisation d’une partie croissante de l’épargne et des patrimoines des agents économiques, personnes physiques, entreprises et investisseurs institutionnels (sociétés d’assurance, caisses de retraite, fonds de pension, fonds souverains…). Environ un cinquième du patrimoine financier des ménages est, en effet, composé d’OPCVM, détenus directement ou indirectement (en particulier via l’assurance vie, l’épargne salariale, le PEA…). Les entreprises 1. L’Association française de la gestion financière (AFG), organisation professionnelle de la gestion pour compte de tiers, réunit tous les acteurs du métier de la gestion, qu’elle soit collective ou individualisée sous mandat. Les auteurs remercient Daniel While, responsable formation des réseaux de Primonial REIM, pour la lecture critique d’une version préliminaire de ce texte. Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteurs et aucunement leur institution. 2. Cet article s’inspire très largement d’une étude réalisée par le service Économie-Statistiques de l’AFG intitulée Contribution des OPCVM aux fonds propres des entreprises (www.afg.asso.fr, rubrique Études et Analyses), avril 2011. No 59. 1er TRIMESTRE 2012 Gestion collective investissent une partie importante de leur trésorerie dans des fonds leur assurant un service en continu de liquidités bon marché pour la gestion de leurs flux monétaires nécessaires à leur fonctionnement. Quant aux investisseurs institutionnels français, la gestion de leurs réserves est déléguée aujourd’hui à hauteur de 70 % aux sociétés de gestion. Celles-ci jouent un rôle essentiel en offrant aux épargnants/ investisseurs différents profils d’investissement et des allocations visant une réduction et une diversification des risques. Mettant en face directement l’épargne et l’investissement, la gestion d’actifs est l’un des moteurs majeurs de la « marchéisation » ordonnée et régulée du financement sain de l’économie. Soulignons, en outre, que la légitimité et l’utilité économique des gestions, en tant qu’apporteurs de capitaux propres et quasi propres, notamment pour les entreprises, devraient être à terme renforcées par l’accroissement en cours des contraintes prudentielles pesant sur les banques (ratios de solvabilité et surtout de liquidité de Bâle III), qui devraient se traduire par une moindre offre de crédit, et sur les assureurs (Solvabilité II), dont la baisse de l’investissement en actions se fait déjà ressentir. Last but not least, la gestion contribue également au développement économique et à la croissance dans la mesure où elle emploie un nombre important de professionnels disposant souvent d’un haut degré de qualification1. LA DIVERSIFICATION GÉOGRAPHIQUE ET SECTORIELLE DES OPCVM ACTIONS Au global, l’encours des actions cotées et valeurs assimilées en détention directe dans les portefeuilles des OPCVM actions2 s’élève à 195,2 milliards d’euros à fin juin 20103. Cet encours est de 226,5 milliards si l’on intègre les actions détenues indirectement via des fonds de fonds. Ces montants investis en actions cotées représentent respectivement 79 % et 92 % de l’actif net total des OPCVM actions (246,9 milliards d’euros). Les deux sections qui suivent présentent en détail, pour chaque catégorie d’OPCVM actions, le degré de diversification des investissements en portefeuille par zones géographiques et/ou pays, ainsi que par secteurs d’activité. 1. Forte diversification géographique et persistance des biais domestiques Pour les différentes catégories de fonds actions, la répartition de l’encours des actions cotées détenues en direct dans les portefeuilles est en cohérence avec leur classification (tableau 1). En effet, les TABLEAU 1 Zone géographique d'émission France Encours des actions dans les portefeuilles des OPCVM (en %) Actions françaises Actions zone Euro Actions des pays de la CE Actions internationales 93,3 43,3 38,1 12,4 Zone Euro hors France 6,1 52,9 37,8 18,8 UE hors zone Euro 0,5 1,6 18,0 10,6 Europe hors UE 0,1 0,7 5,1 5,5 Amérique du Nord - 0,4 0,4 31,6 Amérique centrale et du Sud - - 0,1 4,6 Asie - 1,0 0,5 14,3 Afrique - - - 1,2 Océanie - 0,1 - 1,0 Total 100 100 100 100 Total encours des actions (Mds d'euros) 25,8 58,4 29,8 81,2 746 1 472 1 756 5 764 Nombre d'émetteurs Source : Banque de France. 1. Cf. étude La Gestion pour compte de tiers génère 83 000 emplois qualifiés, www.afg.asso.fr, rubrique Économie et statistiques, septembre 2011. 2. Les OPCVM actions sont des fonds dont l’exposition permanente aux actions cotées doit être au moins supérieure à 60 % de son actif net, et ce quel que soit le pays ou la zone d’émission des actions en portefeuille. 3. Toutes les données contenues dans cet article datent du 30 juin 2010. 47 48 IEIF RÉFLEXIONS IMMOBILIÈRES Gestion collective actions françaises représentent, en moyenne, 93 % de l’encours des actions en portefeuille des fonds de cette catégorie1. De même, plus de la moitié du portefeuille des OPCVM « actions internationales » est investie hors d’Europe2. tefeuille sont le fait d’émetteurs français (tableau 2). En revanche, les actions asiatiques représentent un poids plus important que celui des pays de l’Union européenne (hors France). uCe Sur ce même tableau, on constate, en moyenne pour chacune des catégories d’OPCVM, un biais domestique relativement important comparativement au poids de la capitalisation des valeurs françaises par rapport aux autres lieux d’émission. Ainsi, si les valeurs de la zone euro représentent 96 % de l’encours des titres sous-jacents aux OPCVM actions zone euro, 43 % en sont attribuables à des valeurs françaises, alors que, à titre de comparaison, la part de celles-ci est de 33 % dans l’indice MSCI EMU (valeurs de la zone euro), et de 15 % dans l’indice MSCI Europe3. Biais domestique. C’est un phénomène qui caractérise plus particulièrement les pays où les marchés financiers sont suffisamment larges et profonds (États-Unis, Royaume-Uni, France…). Outre le « sentiment » d’une meilleure connaissance des titres des sociétés du pays ou régions en question, ce biais s’explique aussi bien par l’accessibilité des marchés et la liquidité des titres, que par les niveaux des coûts de transaction plus ou moins favorables pour les titres « géographiquement les plus proches », ainsi que, le cas échéant, des incitations/contraintes réglementaires ou fiscales, etc.4 uDans le même ordre d’idées, à titre d’exemple, le biais domestique des titres fonciers est, sans surprise, encore plus marqué : 54 % des actions en por- France GRAPHIQUE 1 Origine des émetteurs des actions « immobilières » composant le portefeuille des OPCVM actions encours : 3,95 Mds€ Inde Autres Belgique 2 % 5 % 2% Japon 3% États-Unis 4% UK 6% Pays-Bas 9% France 54 % Hongkong 15 % Source : Banque de France. TABLEAU 2 Zone géographique d'émission surpoids de l’Asie serait dû, selon les informations disponibles, en grande partie au fait que Hongkong, avec près de 600 millions d’euros5 (soit une part de marché de 15 %) apparaît comme le principal lieu d’émission des valeurs foncières en portefeuille (graphique 1), suivi par les Pays-Bas (9,4 %), la Grande-Bretagne (6,1 %), les États-Unis (3,9 %) et le Japon (3,1 %) Pour des motifs institutionnels, certains pays à parc immobilier important sont absents des lieux d’émission. Il en est ainsi Ventilation de l'encours des titres immobiliers en M€ en % En % des actions du secteur « finance » dans les OPCVM 2 114,3 54 16,5 Asie 847,7 21 28,2 Zone Euro hors France 512,3 13 3,8 UE hors zone Euro 247,2 6 10,7 Amérique du Nord 163,7 4 5,0 65,7 2 4,0 3 951,0 100 10,8 Autres régions Total Source : Banque de France. 1. À la date du 30 juin 2010, 4 sociétés du CAC 40 et 7 du SBF 250 ne sont pas résidentes en France. 2. Les actions cotées sont référencées par un code ISIN (International Securities Identification Number), qui permet, pour chacune d’entre elles, d’attribuer le pays d’émission d’origine. Pour certaines sociétés, le pays d’émission diffère du pays de cotation. Par exemple, des titres de sociétés émis hors d’Europe (en Afrique, Amérique centrale, Asie…) sont cotés sur des places européennes, dont certains figurent dans les indices. Par la suite, ne disposant pas pour l’intégralité des valeurs du pays de cotation, nous utiliserons ce critère par défaut. 3.Indice boursier calculé par Morgan Stanley Capital International (MSCI). 4. Beaucoup d’entreprises présentes sur les grands indices sont suffisamment globalisées, au point qu’une partie importante de la production et des revenus est réalisée à l’étranger, ce qui relativise quelque peu les biais domestiques en question. 5. Pour certaines sociétés, le pays d’émission diffère de la place de cotation. Ainsi, certaines valeurs foncières, parmi les plus grandes, émises à Hongkong notamment, sont souvent cotées sur d’autres places financières. No 59. 1er TRIMESTRE 2012 Gestion collective TABLEAU 3 Zone géographique d'émission Encours investi en actions en Mds€ Nombre d'émetteurs Nombre de pays en % France 70,8 36,3 638 1 Zone Euro hors France 59,0 30,2 842 14 564 13 247 7 1 829 3 375 12 1 661 15 dont Allemagne 23,6 12,1 dont Pays-Bas 9,5 4,8 UE hors zone Euro 15,0 dont Royaume-Uni Europe hors UE 7,7 11,8 6,4 dont Suisse Amérique du Nord 26,3 2,8 13,5 22,8 3,5 dont Brésil Asie 3,3 5,4 dont États-Unis Amérique centrale et du Sud 6,1 11,7 1,8 1,6 12,4 dont Japon 0,8 6,3 5,3 2,7 Afrique 1,0 0,5 103 10 Océanie 0,9 0,5 152 4 195,2 100 6 411 79 Total Source : Banque de France. notamment de l’Allemagne, l’Espagne et la Suisse où l’investissement en immobilier se fait via des véhicules non cotés. L’accès à l’immobilier de ces pays se réalise souvent à travers l’investissement dans des foncières cotées sur d’autres places. uEnfin, ensemble, les « BRICS » (Brésil, Russie, Inde, Chine – dont Hongkong et Taïwan – et l’Afrique du Sud1) représentent des investissements de l’ordre de 9 milliards d’euros et se retrouvent surtout dans les OPCVM actions internationales avec un poids d’environ 11 % à l’intérieur de cette catégorie. Prépondérance des actions françaises. Au total, l’encours de 195,2 milliards d’euros investi en actions cotées détenues dans les OPCVM actions a pour contrepartie plus de 6 400 émetteurs installés dans 79 pays (tableau 3). Toutes catégories confondues, le nombre de titres et le nombre de pays d’émission montrent que la diversification des portefeuilles s’étend bien au-delà de l’univers des titres représentés dans les grands indices. Toujours est-il que les montants investis dans des actions en dehors de ces indices restent relativement modestes. 2. Une allocation sectorielle à la recherche de valeurs de croissance L’allocation stratégique consiste à répartir un portefeuille en différentes classes d’actifs en fonction essentiellement de l’horizon de placement, mais aussi de l’appréciation des risques de l’investisseur. Pour les OPCVM actions, l’allocation sectorielle occupe, avec l’allocation géographique, une place importante dans ce processus. Indices. Les OPCVM, y compris ceux gérés activeuConcernant la concentration des actifs, les actions françaises cotées représentent un gros tiers de l’encours des OPCVM actions investis directement en actions cotées, plus des deux tiers étant des actions émises dans la zone euro (biais « monétaire »)… Les actions européennes concentrent plus des trois quarts des encours. On confirme donc l’existence d’un très fort biais domestique « emboîté » (Francezone euro-Union européenne). ment, se comparent généralement à un indice pour l’appréciation de leurs performances. Les indices peuvent de même constituer une référence s’agissant de la répartition des titres en portefeuille à un instant donné. Selon les convictions des gérants, la composition des portefeuilles peut différer de celle du benchmark choisi, notamment en termes de sous- ou surpondération des secteurs et des titres (tableau 4). 1. Les titres des sociétés de ce groupe de pays sont souvent émis depuis les États-Unis, la Grande-Bretagne ou les îles d’Amérique centrale. 49 50 IEIF RÉFLEXIONS IMMOBILIÈRES Gestion collective TABLEAU 4 Répartition de l'encours des actions en portefeuille et de la capitalisation flottante des indices Secteur d'activité OPCVM actions OPCVM actions SBF 250 françaises internationales MSCI ACWI* Consommation cyclique 17% 15% 9% 9% Consommation non cyclique 11% 12% 10% 10% Énergie 11% 12% 9% 11% Finance 14% 18% 18% 21% Industrie 17% 14% 10% 10% Matériaux 6% 8% 9% 8% 10% 9% 8% 9% 6% 7% 3% 4% Santé Services aux collectivités Technologies de l'information 4% 3% 9% 12% Télécommunications 4% 4% 5% 5% Inconnu Total 1% 0% 9% 0% 100% 100% 100% 100% *All country World Index : MSCI World + MSCI Emerging Markets Sources : BDF, Euronext, MSCI. Secteurs d’activités. Le poids des titres du secteur « actions françaises », reflétant l’importance des titres cotés de ce secteur sur les marchés américains et asiatiques. À l’inverse, les secteurs « industrie » et « biens de consommation cyclique » sont mieux représentés dans les portefeuilles des OPCVM actions françaises. financier apparaît plus faible dans les portefeuilles des OPCVM comparativement à leurs indices de référence. En revanche, s’agissant des valeurs foncières françaises cotées1, la part de celles-ci parmi les titres du secteur « finance » investis dans les OPCVM actions (cf. tableau 2) est d’un niveau similaire (16,5 %) à celui relatif au SBF 250 (16,6 %). uEnfin, si l’encours des titres fonciers représente une part relativement faible par rapport à l’actif net dans les différentes catégories d’OPCVM actions (tableau 5), son poids moyen est proche de 11 % des titres du secteur « finance », avec des différences significatives selon l’orientation géographique des fonds. uPar ailleurs, on observe des différences importantes entre catégories d’OPCVM. Par exemple, le poids des actions du secteur « technologies de l’information » est plus important dans les OPCVM « actions internationales » que dans les OPCVM TABLEAU 5 Classification OPCVM Ventilation de l'encours des titres immobiliers en M€ en % En % de l'ensemble des actions En % des actions du secteur « finance » dans les OPCVM actions Actions françaises 417,6 11 1,6 11,3 Actions zone Euro 993,2 25 1,7 8,0 1 047,9 27 3,5 18,0 Actions des pays de la CE Actions internationales 1 492,4 38 1,8 10,2 Total OPCVM actions 3 951,0 100 2,0 10,8 Source : Banque de France. 1. Dans la nomenclature sectorielle, les actions des sociétés foncières cotées constituent un sous-secteur du secteur « finance ». No 59. 1er TRIMESTRE 2012 Gestion collective Conclusion. L’analyse du contenu des OPCVM actions fait ressortir que si leurs portefeuilles sont bien diversifiés, aussi bien pour la France que pour les titres de la zone euro, pour autant on constate l’existence d’un biais domestique, ceci relativement aux indices et aux capitalisations boursières respectives. Ce biais est encore plus marqué pour les titres cotés de nature foncière. Des différences sectorielles significatives sont également observables selon l’orientation géographique des OPCVM actions. Au global, si la part des titres fonciers cotés dans les portefeuilles apparaît relativement faible, elle n’en est pas moins représentative que leur poids dans les indices. 51