Dieu est la pensée la plus destructrice et la plus hostile à la vie

Complément sur la religion
Nietzsche et le caractère morbide du monothéisme,
Une critique de la religion au nom de la vie.
Dieu est la pensée la plus destructrice et la plus hostile à la vie.
Nietzsche (1844-1900), Fragments posthumes, XI, 34 [204]
Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas
ceux qui vous parlent d’espérances supraterrestres ! Ce sont des empoisonneurs
qu’ils le sachent ou non.
Ils méprisent la vie, ce sont des mourants, eux-mêmes empoisonnés dont
la terre est fatiguée : alors qu’ils s’en aillent, donc !
Nietzsche (1844-1900), Ainsi parlait Zarathoustra. Prologue.
La religion apparaît comme une fausse solution, une réponse que les hommes ont
forgés pour répondre à leurs angoisses, mais qui se résout pas leurs problèmes et même
qui les rends malades.
Nietzsche, au nom de la philosophie, se livre à une critique féroce des religions de ce point
de vue. Sa grande idée est que les religions sont hostiles à la vie. Elles n’aident pas les
hommes à mieux vivre : tout au contraire, elle conduit à les affaiblir moralement et
physiquement, elle les amène au dégoût de la vie.
D’abord, les religions forgent des arrières-mondes : au lieu de nous faire aimer ce monde
ci, celui que nous voyons avec nos yeux, elles nous expliquent que le vrai monde est
ailleurs, que c’est l’au-delà, mais que l’ici-bas n’a pas d’importance, qu’il est le monde
voué au mal.
Pour les monothéismes, ce monde est dominé par Satan, par le péché, par la tentation du
mal. Il faut s’en détourner pour trouver une autre vie, un autre monde, le royaume de
Dieu, le paradis.
Les religions, au lieu de nous faire aimer la vie, nous expliquent que la vraie vie est ailleurs,
que la vie aura lieu après la mort, et que dans cette vie, nous devons souffrir pour mériter cette
vie éternelle. Il y a là quelque chose de morbide : les religions nous font mourir, torturent nos
corps. Pensez à des phénomènes comme les privations de nourriture que s’infligent les
croyants (carême, ramadan), les punitions physiques (flagellations, ascétisme, chasteté), ou de
punitions morales (se répéter tout le temps qu’on est coupable, qu’on est le pire des pécheurs,
et se forcer à l’avouer devant un confesseur).
De plus, vivre pour l’homme, c’est avoir un corps, avoir des désirs, des pulsions et les
assouvir pour ressentir du plaisir. Mais les religions ne nous aident pas à nous
réconcilier avec notre corps, à bien vivre notre corps, notre séxualité : au contraire les
religions sont animées par la haine du corps : elles ne cessent de dévaloriser le corps au
profit d’une âme pure, incorporelle.
Dieu lui-même n’a pas de corps, et la vie qu’elles promettent après la mort, consiste à
être délivré du corps, c’est uniquement la vie de l’âme.
Et les religions imposent une morale qui condamne les désirs, les pulsions et le plaisir :
tout ce qui relève du plaisir, la religion le condamne comme étant un péché de
gourmandise ou de luxure. Et ce dégoût du corps, c’est aussi le dégoût de la sexualité.
On le voit dans le fait que ce qui est présenté comme la sainteté, c’est une vie dénuée de
toute sexualité, c’est-à-dire chaste. La sexualité est condamnée comme un péché.
Cf. les morales religieuses qui condamnent le plaisir comme péché : les pratiquent de
flagellation dans le christianisme (souffrance qui purifie), condamnation du désir comme
tentation, du plaisir comme péché. Condamnation de la sexualité au profit de la chasteté, du
corps dans son ensemble qu’on cherche à masquer : cf. aussi le voile islamique, la burqa, c’est
exactement cela : on apprend aux femmes à cacher leur corps, on méprise leur corps, on en
fait une chose honteuse.
La religion est donc une maladie de l’humanité : elle culpabilise les hommes en les
enfermant dans l’idée qu’ils sont coupables d’un péché devant Dieu, elle les amène à
avoir honte de leur corps et de leur désir. Elle les amène à avoir honte de leur plaisir,
puisqu’elle fait du plaisir quelque chose de coupable et valorise en permanence la souffrance,
puisqu’elle enseigne que l’homme doit souffrir dans cette vie pour expier le péché originel et
mériter la vie éternelle de l’âme. Elle les amène à se mépriser, à nier leur propre vie et à
désirer la mort, puisque c’est seulement dans la mort que les hommes seront sauvés.
Cf. la valorisation du martyr : le Christ, les martyrs, obtiennent le salut par la mort. On
retrouve cette idée aussi dans l’Islam.
La religion est donc aux yeux de Nietzsche quelque chose de morbide : elle nie en nous ce
qui est la seule vie réelle, celle de notre corps, la vie dans ce monde. La religion est une
forme de suicide : l’humanité se nie elle-même et s’enferme dans des idées comme celle
du péché qui ne peuvent que la rendre malheureuse. Cette idée de péché originelle est
une torture que l’humanité s’inflige à elle-même. L’idée est qu’il y a là comme une
forme de masochisme. Il y a chez l’homme un instinct de cruauté. Mais au lieu de
s’exprimer vers l’extérieur, dans la conquête, la chasse, il se retourne sur lui-même :
l’homme assouvit ses instincts de cruauté sur lui-même en se torturant. La religion est
donc une manière pour le corps humain de se suicider.
La religion n’est donc pas une solution raisonnable, elle est une folie, une maladie dont il
faut soigner l’humanité pour l’amener à aimer cette vie, la seule qui existe, à savoir l’ici-
bas, le corps, les désirs, les plaisirs la sexualité. Il faut apprendre à aimer la vie, là où la
religion ne fait que nous en dégoûter : c’est ce que Nietzsche appelle « rester fidèle à la
terre ». Il faut, selon son expression, dire Oui à la vie, ce qu’il appelle amor fati, littéralement
l’amour du destin, c’est-à-dire aimer la vie telle qu’elle est, en cessant d’espérer une autre vie
et un autre monde.
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