religions sont animées par la haine du corps : elles ne cessent de dévaloriser le corps au
profit d’une âme pure, incorporelle.
Dieu lui-même n’a pas de corps, et la vie qu’elles promettent après la mort, consiste à
être délivré du corps, c’est uniquement la vie de l’âme.
Et les religions imposent une morale qui condamne les désirs, les pulsions et le plaisir :
tout ce qui relève du plaisir, la religion le condamne comme étant un péché de
gourmandise ou de luxure. Et ce dégoût du corps, c’est aussi le dégoût de la sexualité.
On le voit dans le fait que ce qui est présenté comme la sainteté, c’est une vie dénuée de
toute sexualité, c’est-à-dire chaste. La sexualité est condamnée comme un péché.
Cf. les morales religieuses qui condamnent le plaisir comme péché : les pratiquent de
flagellation dans le christianisme (souffrance qui purifie), condamnation du désir comme
tentation, du plaisir comme péché. Condamnation de la sexualité au profit de la chasteté, du
corps dans son ensemble qu’on cherche à masquer : cf. aussi le voile islamique, la burqa, c’est
exactement cela : on apprend aux femmes à cacher leur corps, on méprise leur corps, on en
fait une chose honteuse.
La religion est donc une maladie de l’humanité : elle culpabilise les hommes en les
enfermant dans l’idée qu’ils sont coupables d’un péché devant Dieu, elle les amène à
avoir honte de leur corps et de leur désir. Elle les amène à avoir honte de leur plaisir,
puisqu’elle fait du plaisir quelque chose de coupable et valorise en permanence la souffrance,
puisqu’elle enseigne que l’homme doit souffrir dans cette vie pour expier le péché originel et
mériter la vie éternelle de l’âme. Elle les amène à se mépriser, à nier leur propre vie et à
désirer la mort, puisque c’est seulement dans la mort que les hommes seront sauvés.
Cf. la valorisation du martyr : le Christ, les martyrs, obtiennent le salut par la mort. On
retrouve cette idée aussi dans l’Islam.
La religion est donc aux yeux de Nietzsche quelque chose de morbide : elle nie en nous ce
qui est la seule vie réelle, celle de notre corps, la vie dans ce monde. La religion est une
forme de suicide : l’humanité se nie elle-même et s’enferme dans des idées comme celle
du péché qui ne peuvent que la rendre malheureuse. Cette idée de péché originelle est
une torture que l’humanité s’inflige à elle-même. L’idée est qu’il y a là comme une
forme de masochisme. Il y a chez l’homme un instinct de cruauté. Mais au lieu de
s’exprimer vers l’extérieur, dans la conquête, la chasse, il se retourne sur lui-même :
l’homme assouvit ses instincts de cruauté sur lui-même en se torturant. La religion est
donc une manière pour le corps humain de se suicider.
La religion n’est donc pas une solution raisonnable, elle est une folie, une maladie dont il
faut soigner l’humanité pour l’amener à aimer cette vie, la seule qui existe, à savoir l’ici-
bas, le corps, les désirs, les plaisirs la sexualité. Il faut apprendre à aimer la vie, là où la
religion ne fait que nous en dégoûter : c’est ce que Nietzsche appelle « rester fidèle à la
terre ». Il faut, selon son expression, dire Oui à la vie, ce qu’il appelle amor fati, littéralement
l’amour du destin, c’est-à-dire aimer la vie telle qu’elle est, en cessant d’espérer une autre vie
et un autre monde.