1 Paysage quantitatif
Afin de comprendre quelle structure algébrique est nécessaire sur l’ensemble des poids, décri-
vons pour commencer quelques exemples d’utilisation de systèmes pondérés. On considère ici des
automates finis classiques auquel on ajoute sur chacune des transitions un poids provenant d’un
ensemble S. Imaginons dans un premier temps qu’on veuille modéliser la quantité de ressources
nécessaire pour leur exécution : on interprète alors le poids sur les transitions comme la ressource
nécessaire pour traverser cette transition. On aura dans ce cas la ressource globale nécessaire
pour traverser un chemin de cet automate en sommant les poids des différentes transitions em-
pruntées. On peut alors être intéressé par minimiser les ressources nécessaires pour lire un mot
donné, c’est-à-dire minimiser les poids des chemins étiquetés par ce mot. Dans un second temps,
on peut interpréter des poids réels comme des probabilités d’emprunter une transition, auquel
cas on multipliera les différents poids le long d’un chemin pour obtenir la probabilité de suivre
ce chemin. Ainsi, la probabilité totale de lire un mot donné et d’atteindre un ensemble d’états
distingués sera obtenue en additionnant les différents poids des chemins étiquetés par ce mot et
terminant dans cet ensemble d’états.
Ces deux exemples montrent qu’on a naturellement besoin de munir l’ensemble des poids
considéré de deux opérations internes, l’une permettant de calculer le poids d’un chemin, et
l’autre permettant de rassembler les poids de plusieurs chemins étiquetés par le même mot.
C’est ce que permet la structure de semi-anneau qu’on définit ci-dessous.
Commençons par rappeler qu’un monoïde est une structure S= (S, ⊗, e)avec Sun ensemble,
⊗:S×S→Sune loi de composition interne associative et e∈Sun élément neutre pour ⊗.
Un monoïde est dit commutatif si pour tous a, b ∈S,a⊗b=b⊗a.
Définition 1.1.
Un semi-anneau est une structure S= (S, ⊕,,0,1)telle que
–(S, ⊕,0)est un monoïde commutatif,
–(S, ,1)est un monoïde,
–est distributive sur ⊕
∀a, b, c ∈S a (b⊕c) = (ab)⊕(ac)et (a⊕b)c= (ac)⊕(bc)
–0est un élément absorbant pour :∀a∈S a 0=0a=0
Un semi-anneau est dit commutatif si le monoïde (S, ,1)est commutatif.
Pour faire le lien avec l’introduction de cette section, on utilisera l’opération du semi-
anneau pour calculer le poids d’un chemin en fonction des différentes transitions empruntées,
alors qu’on utilisera ⊕pour calculer le poids global de l’ensemble des exécutions relatives à un
mot donné. Dans toute la suite de ce rapport, on supposera (sauf mention contraire)
que les semi-anneaux considérés sont commutatifs.
Exemple 1.1. Il existe de nombreuses structures algébriques qui se révèlent être des semi-
anneaux :
–Nat = (N,+,·,0,1) l’ensemble des entiers naturels
–Int = (Z,+,·,0,1) l’ensemble des entiers relatifs
–Prob = ([0,+∞[,+,·,0,1) le semi-anneau des probabilités (qu’on ne limite pas à l’inter-
valle [0,1] pour des raisons de bonne définition de l’opération +),
–Bool = (B,∨,∧,⊥,>)l’algèbre des booléens,
–Trop = (N∪ {∞},min,+,∞,0) le semi-anneau tropical,
–Lang = (2Σ∗,∪,·,∅,{ε})le semi-anneau des langages sur un alphabet Σ: il n’est pas
commutatif,
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