Chapitre 3. Eléments historiques
Pour un historique détaillé, voir Le Dictionnaire du comportement animal, Robert Laffont
à "Histoire de l'étude du comportement animal", 1990, pp. 438-468, ainsi que l’ouvrage
de J-l. Renck et V. Servais, « L’éthologie, histoire naturelle du comportement ».
Il est intéressant de restituer les grandes lignes du renversement de nos
représentations savantes de l’animal, depuis les conceptions mécanistes de Descartes,
jusqu’aux débats contemporains sur les cultures animales, car nous sommes les héritiers
de cette histoire. On ne se rend pas forcément compte à quel point la démarche
comparative adoptée en éthologie est le discours le plus critique qui existe actuellement
sur le statut de l’humain et sur la spécificité de celui-ci par rapport aux animaux.
3.1. Préhistoire et Antiquité
L'intérêt de l'homme envers les animaux et leurs moeurs semble s'être
manifesté très tôt dans l'histoire de l'humanité : l'art paléolithique (34000 à
10500 ans AVJC) en témoigne déjà avec de nombreuses représentations d'animaux
tels que le cheval, le bison, les cerfs.. (connaissance des mouvements et
comportements pour pouvoir chasser et tuer ces animaux).
C’était pour les hommes question de survie que d’acquérir des connaissances fiables sur
les animaux qu’ils poursuivaient ou menaient en troupeaux, et sur ceux qu’il fallait
redouter.
La domestication des animaux et des plantes vint ensuite il y a probablement 11500 ans
dans le Moyen-Orient et l'Asie.
Au moment du développement des grandes civilisations, un grand nombre de
connaissances ont été acquises en ce qui concerne la vie des animaux et leur
comportement (égyptiens : incubation artificielle des oeufs, méthode inconnue en Europe
pendant de nombreux siècles). Les bribes zoologiques conservées des 1ères civilisations
témoignent de l’observation des animaux à des fins surtout pratiques, magiques ou
théologiques.
Lorsqu'on considère les animaux en termes de classification en différentes formes ou
espèces, les premiers écrits sont assez maigres jusqu'à ARISTOTE (384-322 avJC).
Elève de Platon, Aristote a fondé la zoologie et mené les premières recherches
systématiques sur les modes de vie des animaux: observations directes et simples et
description de comportements sans biais ou embellissement, nombreuses
observations utiles et vues perspicaces. "Histoire des animaux" en 10 livres traitant
de l’anatomie, physiologie et des comportements de plus d’un demi-millier d’espèces,
y compris l’espèce humaine.
Aristote postulait une continuité entre les organismes – une grande « chaîne des êtres »
- qui l’a engagé à une approche comparative des comportements.
En raison de son ampleur et de sa quête manifeste de rigueur, l’entreprise zoologique
d’Aristote n’allait pas être égalée avant longtemps.
Moyen Age :
L’occident, en entrant dans son moyen âge perdit durablement toute curiosité
scientifique, au contraire la civilisation arabe dans les mêmes siècles, prolongea et
dépassa les sciences antiques. Aristote fut traduit en arabe au 4ème siècle. A cette même
époque, Al Jahiz, fils d’un poissonnier incité par sa mère à apprendre à lire et écrire a
anticipé sur des recherches qui ne seront développées que des siècles plus tard, par
l’exercice de la raison, de la logique et de l’observation. Il s’est intéressé à l’organisation
sociale des fourmis, au camouflage, à la communication animale.
La Renaissance a ramené les naturalistes sur le terrain.
Différents naturalistes voyageant à travers le monde ont rapporté des observations sur
différentes espèces.
3.2. La philosophie mécaniciste de Descartes
La plus grande influence sur le discours sur les conduites animales au 16ème et
17ème siècle est due à Descartes (1596-1650).
La théorie des animaux machines de DESCARTES : animal conçu comme une
simple mécanique. Il est convenu d’attacher au nom de Descartes une distinction
occidentale classique entre l’animal et l’humain, entre l’homme pourvu d’une âme de
raison et de langage, l’animal étant soumis au seul instinct (expose une partie dans la
5ème partie du discours de la méthode).
« Aucune machine ne peut user de langage ou de signe, ni accéder à l’universalité. 2
choses différencient vraiment l’animal de la machine, la taille des tuyaux, trop petits chez
l ‘animal pour être perçus par nos sens humains et la complexité des mécanismes mis en
jeu : l’animal est certes une machine mais à tout jamais inaccessible à l’ingéniosité
humaine. »
Ce n’est pas la 1ère théorie de ce type, mais c’est la plus élaborée, et celle qui aura la
plus grande influence sur la pensée occidentale. Mais les versions les plus radicales de
cette distinction – sur la souffrance de l’animal comme illusion de l’observateur par ex –
reviennent à quelques continuateurs des spéculations cartésiennes.
Ex : MALEBRANCHE au 17ème siècle, cartésien convaincu qui dit que « contrairement à ce
que l’homme imagine l’animal mange sans plaisir et crie sans douleur ».
Car les vues influentes de Descartes sur l’animal relevaient bien de la spéculation, non de
l’observation méthodique.
3.3. Naturalistes et observateurs des 18ème et 19ème siècles
Un certain nombre de naturalistes dont l’anglais John RAY (1627–1705), considéré
comme l’un des fondateurs de la zoologie moderne furent opposés à ces spéculations.
D’abord pasteur, RAY imagina de décrire les comportements alimentaires et sexuels de
tous les animaux qu’il pourrait recenser. Il décida aussi de mettre de l’ordre dans la
classification et la nomenclature des plantes et des animaux, avec un classement
anatomique qui anticipait celui de LINNE.
De même Gilbert WHITE, autre pasteur anglais.
Remarque : à l’époque, les naturalistes admiraient dans la nature l’oeuvre du Créateur…
et la zoologie fut surtout marquée par les inventaires.
Ch. G. LEROY (1723-1789) fut un naturaliste de terrain qui contribua notamment à
l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert par des articles sur la chasse, l’instinct, la forêt…
On lui doit surtout « Lettres sur les animaux » en 1764, où il décrit en détail les modes
de vie du loup, du renard, du lapin, de la perdrix (il avait hérité des hautes fonctions de
son père, lieutenant des chasses et administrateur des forêts des parcs de Versailles et
de Marly), en s’excusant d’écrire sur si peu d’animaux, de surcroît courants, mais c’était
là toutes les espèces qu’il avait durablement côtoyées.
Leroy se distinguait à cet égard de son contemporain BUFFON, Georges Louis Leclerc,
comte de Buffon (1707-1788), qui avait entrepris de traiter de tous les mammifères et
oiseaux connus alors. Grâce aux explorateurs, missionnaires, diplomates, Buffon recevait
des informations et spécimens du monde entier.
« Histoire naturelle », est un ouvrage monumental avec une écriture vive et accessible.
« Dans la classe des animaux carnassiers, le lion est le premier, le tigre est le second ;
comme le premier, même dans un mauvais genre, est toujours le plus grand et souvent
le meilleur, le second est ordinairement le plus méchant de tous. Le tigre est bassement
féroce, cruel sans justice. Aussi est-il plus à craindre que le lion : celui-ci oublie souvent
qu’il est le roi, c’est-à-dire le plus fort de tous les animaux ».
BUFFON travailla en cabinet sur la base de témoignages. A défaut de pouvoir s’appuyer
sur la somme de connaissances dont nous bénéficions aujourd’hui et sur des outils de
collecte et de traitement de l’information, Buffon a étoffé ses notices en mettant en scène
une relation hiérarchique humaine. Il ne disposait pas d’un cadre de pensée lui
permettant d’évoquer leurs différences de moeurs ou leurs ressemblances en termes
scientifiques plutôt qu’anthropomorphiques.
3.4. Vers l’éthologie naturaliste moderne : points de repères
Bien que l'étude scientifique du comportement animal trouve ses origines dans le
travail de scientifiques du 18e siècle comme le révérend Gilbert WHITE (1720-1793)
et Charles LEROY (1723-1789) (rare écrivain sur le comportement et l'intelligence des
animaux à avoir une véritable expérience sur le terrain), on considère que le père
de l'étude scientifique du comportement animal est Charles DARWIN (1809-
1882). Celui-ci a influencé le développement de l'éthologie de 3 façons majeures.
L'origine des espèces (1859)
1) La principale proposition darwinienne a consisté à inclure l'homme dans la théorie
générale de l'évolution. La théorie de la sélection naturelle de DARWIN a planté les
bases pour que l'on considère le comportement animal en termes d'évolution, un
aspect clef de l'éthologie.
2) On peut considérer le point de vue de DARWIN sur l'instinct comme un précurseur
direct de ceux des fondateurs de l'éthologie classique.
3) Les observations de DARWIN sur le comportement furent importantes,
particulièrement celles qui venaient de sa foi en la continuité évolutive de l'homme et
des autres animaux. "Expression des émotions chez l'homme et les animaux », 1872,
est une magnifique étude comparative du comportement expressif.
Sélection naturelle et évolution selon DARWIN
DARWIN a défini la sélection naturelle comme le processus d'évolution selon lequel une
espèce ou un trait capable de s'ajuster à l'environnement survit et celle qui ne peut pas
s'ajuster finit par disparaître.
Selon DARWIN, les mécanismes principaux de l'évolution des espèces s'appliquent à
l'ensemble des caractères phénotypiques c'est-à-dire les caractères physiques extérieurs,
les organes, mais aussi les comportements. Le comportement en tant que caractère
phénotypique est susceptible de subir l'effet de l'environnement et d'y réagir.
Les découvertes de l'évolution et le principe darwinien de la sélection naturelle se sont
imposées très tôt dans la plupart des branches de la recherche biologique, mais ces
mêmes découvertes ont mis beaucoup plus de temps à se faire admettre dans les
domaines de la psychologie et de l'étude du comportement. La principale raison de ce
retard a été la polémique qui a opposé 2 écoles de la psychologie et qui a empêché
l'intégration de la pensée biologique à l'étude du comportement. L'âpreté de la polémique
est venue essentiellement d'oppositions idéologiques fondamentales entre les
adversaires.
Les débuts de la psychologie comparée au 19ème siècle
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