ANALYSES
ETOPIA
DÉCEMBRE
2015
ETOPIA
CENTRE D'ANIMATION
ET DE RECHERCHE
EN ÉCOLOGIE POLITIQUE
CHANGEMENT CLIMATIQUE ANALYSE
UN NOUVEAU « POST-COPENHAGUE » ?UN NOUVEAU « POST-COPENHAGUE » ?
UN NOUVEAU « POST-COPENHAGUE » ?
LE POST-LE POST-
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CLIMATO-CLIMATO-
CLIMATO-
SCEPTIQUESSCEPTIQUES
SCEPTIQUES
MICHEL GENETMICHEL GENET
MICHEL GENET
Michel Genet
Directeur d’Etopia
UN NOUVEAU « POST-COPENHAGUE » ?
LE POST-PARIS DES CLIMATO-SCEPTIQUES
Il y a six ans, l’échec de la COP de Copenhague avait offert un
terrain plus que favorable au déchaînement des climato-
sceptiques qui s’en étaient donné à cœur joie : pseudo-
scandale du « climategate » dans le monde anglo-saxon et
déferlement médiatique de Claude Allègre, en francophonie,
avec, disons-le, une certaine complaisance des media à leur
égard. Doit-on s’attendre, après la semi-victoire que constitue
le Sommet du Climat à Paris (voir l’analyse Etopia d’Arnaud
Collignon à ce sujet) à un « revival » des climato-sceptiques
relativement discrets ces derniers temps ?
Ce ne devrait pas, même si l’accord de Paris peut laisser sur sa faim – en deux
mots, tout reste à faire - quand on voit que 196 pays, par la conclusion de cet
accord, ont de facto reconnu l’existence du réchauffement climatique et le rôle
central des activités humaines dans l’origine de celui-ci. Par ailleurs, deux
investigations ont démontré combien les climato-sceptiques étaient mus par de
basses motivations. La première a permis de montrer que les chercheurs internes
d’Exxon-Mobil avaient conclu à l’origine humaine du réchauffement climatique
dans les années 80 avant que l’entreprise taise complètement ces conclusions et
finance à tour de bras des chercheurs climato-sceptiques. Au cours de la
deuxième semaine de la COP, Greenpeace , se faisant passer pour un financeur
climato-sceptique, prêt à payer pour des recherches, a posé la question à certains
de ceux-ci s’ils étaient prêts à ne pas révéler leurs sources de financement pour
écrire des papiers contestant l’origine humaine du changement climatique : la
plupart d’entre eux ont précisé leurs tarifs et affirmé que non, ils ne révéleraient
pas l’origine de leurs fonds...
Avec tous ces éléments, on pourrait imaginer que le débat soit clos Pour autant,
ce serait un peu vite oublier que les « climato-sceptiques » - qui se sont renommés
« climato-réalistes » (sic) depuis – n’ont pas disparu du paysage. Sans s’arrêter sur
le livre lamentable de l’ex-Mr météo de France Télévisions Philippe Verdier, Il suffit
de traverser lAtlantique où un sondage d’il y a quelques années montrait que plus
de 50 % des électeurs républicains ne « croyaient » pas au changement
climatique. Et certains de leurs représentants au Sénat, en janvier dernier, bien
que reconnaissant que le changement climatique n’était pas un complot ou une
blague, n’ont pas laissé passer une motion qui incombait à l’homme l’origine de
celui-ci. Quant au champion actuel des Républicains, Donald Trump, remonter son
fil Twitter permet de voir que, manifestement, le consensus de la Communauté
scientifique sur le sujet n’est pas passé par lui : « le réchauffement climatique est
un coup des chinois pour saper notre économie » ou encore « il gèle à NYC, on
aurait bien besoin d’un bon réchauffement climatique » !
Ce reniement de la science dominante est une constante chez les climato-
sceptiques, dont la victime expiatoire est souvent le GIEC, le Groupement
Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat. Ses adversaires voient
derrière le GIEC un complot, un lobby tout puissant, un organe politique ou encore
un groupement de chercheurs qui monopolisent les financements de recherche
sur la pseudo-crise climatique qu’ils ont eux-mêmes inventée.
Comme déjà expliqué dans une autre note qui décrit les acteurs des négociations
sur le changement climatique, c’est Maggie Thatcher qui a suscité la création du
GIEC par quelques discours à la fin des années 80 qui alarmaient la Communauté
internationale sur les risques liés au changement climatique.
Contrairement à ce qu’on pense et à ce qu’en disent les climato-sceptiques, le
GIEC est une toute petite organisation sans grands moyens censé produire un
triple rapport tous les 6 ans environs ( 1990, 1995, 2001,2007 et 2013) couvrant
trois questions : y a-t-il réchauffement climatique et est-il d’origine humaine ?
Quels sont les impacts à attendre d’un tel phénomène ? Quelles solutions pour y
faire face ? Pour publier ce rapport, le GIEC n’a pas en interne d’immenses équipes
de scientifiques et ne se livrent pas lui-même à des recherches ou mesures. Il a
pour mission de faire l’état de la science du réchauffement climatique à partir de
contributions volontaires de scientifiques du monde entier lors d’assemblées
générales où les pays membres de l’ONU sont politiquement représentés et
décisionnels (une volonté à l’époque de Reagan et Thatcher pour éviter que le
GIEC soit à la merci d’un ramassis d’écolos..). Dommage pour les climato-
sceptiques, il n’y a donc pas une méga-structure cachée dans un gratte-ciel aux
vitre teintées payée par le lobby des vélos pliables ou des flocons de laine de
roche.
Le GIEC s’appuie donc sur l’ensemble d’une communauté scientifique très large et
utilise les critères qui sont ceux de « ce qui fait science » : sans entrer dans de
l’épistémologie poussée, ce qui peut être réfuté par le réel mais ne l’est pas,
comme dirait Popper peut être considéré comme une vérité scientifique. En
l’occurrence, l’hypothèse du facteur humain à la base du changement climatique a
été modélisée et ces modèles ont été confrontés avec succès au réel. Une des
techniques de la Communauté scientifique pour permettre le processus de
validation de scientificité est la publication dans des revues ad hoc après que la
production du scientifique aie été revue par des pairs (« peer review »). C’est cette
production scientifique que le GIEC évalue pour l’introduire dans ses rapports.
A la suite de Copenhague, la presse anglo-saxonne s’est déchaînée sur le GIEC,
après avoir relevé des erreurs – principalement dans la partie sur l’impact estimé
du réchauffement climatique-, dont une provenant d’un rapport du WWF, l’ONG
environnementaliste bien connue , se référant lui-même à un autre rapport
scientifique non « peer-reviewed ». Le Président du GIEC de l’époque – il faut
savoir que c’est un boulot bénévole, seuls certains moyens de soutien logistique
peuvent être attribués par les gouvernements nationaux – était, pour gagner sa
vie, directeur d’un centre de recherche qui recevait des financements qui auraient
pu faire croire à des conflits d’intérêt , ce que la presse a exploité pour dénoncer la
légèreté du GIEC et son catastrophisme évident. Par contre, quand le GIEC a fait
preuve de trop de prudence, la presse est restée muette : c’est ce qu’a démontré
l’océanologue allemand Stefan Rahmstorf du Potsdam Institute qui, « en pleine
chasse au GIEC » comme le rapporte Stéphane Foucart dans son livre « L’avenir du
Climat : enquête sur les climato-sceptiques », (Folio actuel, octobre 2015), a écrit
un papier selon lequel le GIEC sous-estimait la montée des océans en 2100, en ne
tenant pas compte de la hausse de température la plus élevée et la plus probable
selon les modèles, en arrêtant les calculs en 2095 et se basant sur des modèles
qui ont systématiquement depuis 50 ans sous-estimé la hausse des océans et ne
tenant pas compte de certains comportements prévisibles des calottes glaciaires.
Cela a-t-il déclenché un « oceanlevelgate » (Foucart p.240) dans les media, alors
que ce positionnement du GIEC avait fait l’objet d’un vif débat entre scientifiques
qui voyaient dans cet optimisme répété une cause de discrédit pour l’organisation
et l’illustration de son trop grand conservatisme ? Pas le moins du monde.
Il n’empêche que pour son rapport suivant, le GIEC a encore renforcé ses
procédures pour éviter toute nouvelle polémique. Comme l’explique à Sylvestre
Huet le 23 septembre 2013 pour son blog
sciences2
le chercheur français Philippe
Ciais, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et spécialiste du cycle du
carbone, qui, avec l’océanographe Christopher Sabine (Université de Seattle) a
dirigé la rédaction du chapitre 6 du rapport du Groupe-1 du Giec (celui sur les
observations du changement climatique) , les procédures sont strictes et
laborieuses : à plusieurs chercheurs (désignés par les gouvernements) revient la
tâche de mener une revue des connaissances sur la question (en l’occurrence, ici
des cycles biogéochimiques du carbone) et d’en soumettre un premier draft pour
commentaires de tout chercheur intéressé à le faire. Le deux !ème draft qui suit
est lui soumis au commentaire des gouvernements avant le résumé final et non
sans avoir répondu aux milliers de commentaires pour les deux premières versions
de cette revue, sous le contrôle de « review editors ». Le tout en totale
transparence car tous les commentaires et les réponses apportées sont publiées
sur un site, tandis que la littérature examinée ne peut être qu’une littérature issue
de revues à comité de lecture (« peer-reviewed »)
Est-il besoin de préciser que les travaux du GIEC concluent que non, le
réchauffement climatique n’est malheureusement pas une chimère et que oui, à
plus de 95 % (pourcentage qui augmente au fil des rapports), force est de
constater que l’activité humaine y est pour quelque chose.
Et que les arguments des climato-sceptiques – le réchauffement du climat n’est
pas dû à la concentration de CO2 puisque dans les années 50, on anticipait un
refroidissement du climat, les mesures de température de notre globe sont biaisés
par les instruments utilisés, la température a arrêté d’augmenter depuis une
dizaine d’années, l’activité magnétique du soleil est en cause, le réchauffement
précède la hausse de concentration de carbone donc il n’y a pas d’effet de
causalité, le volume de CO2 est tellement marginal dans l’atmosphère que son
rôle est en fait négligeable, les modèles du GIEC se trompent,.-ont tous été
démontés un à un par la littérature scientifique (voir un résumé des réponses à
toutes ces arguments dans Foucart (op.cit).
A ce stade, on pourrait se demander comment il se fait, face à autant d’évidences,
il reste des climato-sceptiques. On peut avancer au moins trois raisons pour cela.
La première nous est commune à tous – ceux qui y « croient », mais n’agissent pas
en conséquence et ceux qui n’y croient pas - et est liée à notre statut d’humain
dont les capacités cognitives, sont limitées, selon les spécialistes de cette
discipline nouvelle en psychologie qui consiste à étudier les effets de la
communication en matière de changement climatique. Comme l’explique
Annamaria LAMMEL, Membre du GIEC, anthropologue et psychologue cognitive à
l’Université Paris 8 dans la Note #5 de nos collègues de la Fondation d’Écologie
Politique intitulée « Changement climatique : de la perception à l’action », nous
les humains avons une vraie limitation cognitive à appréhender un phénomène
systémique comme le changement climatique, sommes endormis par une forme
d’optimisme qui lnous empêche de prendre toute la dimension du risque et nous
contentons de ne pas vouloir voir une évolution de fond, mais de simples
variations météorologiques.
Sans doute sont-ils aussi encouragés – c’est la deuxième raison - par le système
de représentation du monde que leurs croyances religieuses ou idéologiques ont
induit : il est d’ailleurs singulier de voir la diversité de celles-ci.
L’anthropocentrisme des religions du Livre a de facto instrumentalisé la nature au
service de l’homme sans jamais considérer les possibles limites ou rétro-actions
de celle-ci. L’encyclique papale « Laudato Si’ » apparaît comme une rupture en ce
sens, tandis que diverses initiatives musulmanes vont dans la même direction.
Mais il n’y a pas que le facteur religieux qui intervient : on constate, en effet, du
côté de certains rationalistes purs et durs, qu’ il y a une réticence à considérer
l’écologie comme une vraie science d’une part et,d’autre part, que si la
climatologie l’est, elle n’ouvre pas, au contraire des autres sciences, les
perspectives de l’amélioration de la condition humaine et du progrès, ce qui de
facto et à leurs yeux la disqualifie.
A la frontière entre l’idéologie et de l’intérêt direct, qui est la troisième raison, on a
vu, en Belgique en particulier, des néo-libéraux remettre en cause le
réchauffement climatique car ils anticipent le fait que les mesures nécessaires
pour le contrer entraîneront de la régulation supplémentaire des marchés, ce qui
ne peut que leur déplaire. Quant à avoir un intérêt direct à nier le réchauffement
climatique, c’est aussi bien celui des industries fossiles, à la manière d’Exxon
Mobil illustrée plus haut, que celui des scientifiques en perte de vitesse et en mal
de reconnaissance, comme l’analysent très bien les historiens des sciences Naomi
Oreskes et Erik Conway dans « Merchants of doubt » de 2010.
A ces raisons sous-jacentes, faut-il aussi ajouter le rôle amplificateur des media.
The Guardian s’est mouillé ces derniers mois à fond dans la campagne « divest »
de 350.org : assez original pour être remarqué, c’est surtout la motivation de cet
engagement qui mérite ici l’intérêt. C’est le rédacteur en chef du Guardian, proche
de la retraite, qui, faisant le bilan de sa carrière, est arrivé à la conclusion que son
seul grand échec journalistique avait été son incapacité à traiter
journalistiquement le sujet du réchauffement climatique. Ce qu’il analysait
comme étant dû, entre autres, à la complexité de celui-ci et sa difficulté à être
incarné concrètement...En conséquence, il est plus facile pour les media de
mettre en avant une polémique avec des climato-sceptiques que d’aller dans le
détail de l’accord de la COP qui est d’une complexité particulièrement rébarbative.
Oreskes and Conway, cités plus haut ont démontré d’ailleurs que la présence
médiatique des climato-sceptiques était juste inversement proportionnelle à leur
production scientifique reconnue sur le sujet.
Et, trop souvent, l’argument pro-domo des media a été de mettre en avant leur
honneur et leur éthique de donner la parole à tout le monde, y compris aux
opinions minoritaires. C’est évidemment là qu’ils se trompent. L’origine humaine
ou non du réchauffement climatique est une question de nature scientifique
strictement comparable a celle, par exemple., de la question de savoir si le cancer
du sein est causé par - au hasard et en toute reconnaissance - un déficit de
« testostérone ++ » ou un trop-plein d’ »enzyme xbc ». Régler cette question-là ne
se fait pas sur un plateau TV, mais bien dans des congres ou revues scientifiques.
De plus, la question de savoir si les testostérones ou l’enzyme sont a la base du
cancer ne se règle pas entre une orthopédiste et un dermatologue, mais bien
entre oncologues.
C’est la le piège tendu par les climato-sceptiques dans lesquels ils forcent les
media de tomber : d’une part, ils font de la question de l’origine du réchauffement
climatique un debat de societe (qui, du coup, justifie le respect des opinions
minoritaires), alors qu’il s’agit d’un debat purement scientifique et alors qu’ils sont
chimistes ou philosophes, se positionnent en expert alors qu’ils n’ont aucune
publication scientifiquement validee en climatologie (ni en cancer du sein).
Un débat entre climatologues reconnus pourrait évidemment être médiatisé (sur
le rôle du rayonnement solaire, sur le rôle des océans dans le ralentissement
observé, sur le rôle des nuages,...) mais, vu sa technicité, risque d’être bien moins
attrayant pour le grand public.... En Belgique francophone, le mouvement
environnementaliste a d’ailleurs refusé tout débat médiatique avec des climato-
sceptiques, pour décourager les media de le faire et estimant par ailleurs cela une
perte de temps par rapport aux mesures à implémenter pour faire face au
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