les humains avons une vraie limitation cognitive à appréhender un phénomène
systémique comme le changement climatique, sommes endormis par une forme
d’optimisme qui lnous empêche de prendre toute la dimension du risque et nous
contentons de ne pas vouloir voir une évolution de fond, mais de simples
variations météorologiques.
Sans doute sont-ils aussi encouragés – c’est la deuxième raison - par le système
de représentation du monde que leurs croyances religieuses ou idéologiques ont
induit : il est d’ailleurs singulier de voir la diversité de celles-ci.
L’anthropocentrisme des religions du Livre a de facto instrumentalisé la nature au
service de l’homme sans jamais considérer les possibles limites ou rétro-actions
de celle-ci. L’encyclique papale « Laudato Si’ » apparaît comme une rupture en ce
sens, tandis que diverses initiatives musulmanes vont dans la même direction.
Mais il n’y a pas que le facteur religieux qui intervient : on constate, en effet, du
côté de certains rationalistes purs et durs, qu’ il y a une réticence à considérer
l’écologie comme une vraie science d’une part et,d’autre part, que si la
climatologie l’est, elle n’ouvre pas, au contraire des autres sciences, les
perspectives de l’amélioration de la condition humaine et du progrès, ce qui de
facto et à leurs yeux la disqualifie.
A la frontière entre l’idéologie et de l’intérêt direct, qui est la troisième raison, on a
vu, en Belgique en particulier, des néo-libéraux remettre en cause le
réchauffement climatique car ils anticipent le fait que les mesures nécessaires
pour le contrer entraîneront de la régulation supplémentaire des marchés, ce qui
ne peut que leur déplaire. Quant à avoir un intérêt direct à nier le réchauffement
climatique, c’est aussi bien celui des industries fossiles, à la manière d’Exxon
Mobil illustrée plus haut, que celui des scientifiques en perte de vitesse et en mal
de reconnaissance, comme l’analysent très bien les historiens des sciences Naomi
Oreskes et Erik Conway dans « Merchants of doubt » de 2010.
A ces raisons sous-jacentes, faut-il aussi ajouter le rôle amplificateur des media.
The Guardian s’est mouillé ces derniers mois à fond dans la campagne « divest »
de 350.org : assez original pour être remarqué, c’est surtout la motivation de cet
engagement qui mérite ici l’intérêt. C’est le rédacteur en chef du Guardian, proche
de la retraite, qui, faisant le bilan de sa carrière, est arrivé à la conclusion que son
seul grand échec journalistique avait été son incapacité à traiter
journalistiquement le sujet du réchauffement climatique. Ce qu’il analysait
comme étant dû, entre autres, à la complexité de celui-ci et sa difficulté à être
incarné concrètement...En conséquence, il est plus facile pour les media de
mettre en avant une polémique avec des climato-sceptiques que d’aller dans le
détail de l’accord de la COP qui est d’une complexité particulièrement rébarbative.
Oreskes and Conway, cités plus haut ont démontré d’ailleurs que la présence
médiatique des climato-sceptiques était juste inversement proportionnelle à leur
production scientifique reconnue sur le sujet.
Et, trop souvent, l’argument pro-domo des media a été de mettre en avant leur
honneur et leur éthique de donner la parole à tout le monde, y compris aux
opinions minoritaires. C’est évidemment là qu’ils se trompent. L’origine humaine
ou non du réchauffement climatique est une question de nature scientifique
strictement comparable a celle, par exemple., de la question de savoir si le cancer
du sein est causé par - au hasard et en toute reconnaissance - un déficit de
« testostérone ++ » ou un trop-plein d’ »enzyme xbc ». Régler cette question-là ne
se fait pas sur un plateau TV, mais bien dans des congres ou revues scientifiques.
De plus, la question de savoir si les testostérones ou l’enzyme sont a la base du
cancer ne se règle pas entre une orthopédiste et un dermatologue, mais bien
entre oncologues.
C’est la le piège tendu par les climato-sceptiques dans lesquels ils forcent les
media de tomber : d’une part, ils font de la question de l’origine du réchauffement
climatique un debat de societe (qui, du coup, justifie le respect des opinions
minoritaires), alors qu’il s’agit d’un debat purement scientifique et alors qu’ils sont
chimistes ou philosophes, se positionnent en expert alors qu’ils n’ont aucune
publication scientifiquement validee en climatologie (ni en cancer du sein).
Un débat entre climatologues reconnus pourrait évidemment être médiatisé (sur
le rôle du rayonnement solaire, sur le rôle des océans dans le ralentissement
observé, sur le rôle des nuages,...) mais, vu sa technicité, risque d’être bien moins
attrayant pour le grand public.... En Belgique francophone, le mouvement
environnementaliste a d’ailleurs refusé tout débat médiatique avec des climato-
sceptiques, pour décourager les media de le faire et estimant par ailleurs cela une
perte de temps par rapport aux mesures à implémenter pour faire face au