INTRODUCTION
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d’abord que l’islam historique centré sur le dogme de la ser-
vitude n’a jamais été à la hauteur de son texte sacré.
L’hypothèse que nous suivrons ici est que le Coran recelait
de quoi l’utiliser de façon tout à fait différente, comme un
instrument de libération des possibilités les plus hautes de la
nature humaine. Un instrument grâce auquel l’être humain
prend une conscience toujours plus nette de l’extension réelle
de ses capacités. Un instrument qui lui apprend qu’il est fait
pour se rendre infini, et qui lui enseigne comment devenir
progressivement cet être d’exception dans l’univers dont la
puissance d’être et d’agir ne cessera de s’accroître, jusqu’à ce
que la mort elle-même ne le menace plus.
Dans mes précédents écrits, j’ai essayé de définir l’islam tel
qu’il est déjà vécu aujourd’hui en Europe par la plupart des
femmes et des hommes de culture musulmane comme un
islam libre, que j’ai nommé et conceptualisé comme self-islam
ou «þislam du choix personnelþ». J’ai choisi la tournure
anglaise, à partir du préfixe self- qu’on retrouve dans nombre
de mots (entre autresþ: self-control, «þmaîtrise de soiþ», self-con-
fidence, «þconfiance en soiþ») à commencer par le substantif
the self, qui signifie «þle moiþ». Elle indique en effet exacte-
ment ce que je cherchais à exprimer et à définir, à savoir
l’idée d’un «þislam du moiþ» ou «þislam de soiþ», c’est-à-dire
qui vienne de soi, d’un effort d’autodéfinition de l’individu,
d’autoconstruction de son identité culturelle par le self-made
mouslim, musulman qui a choisi le rapport qu’il veut entre-
tenir à sa culture islamique. Ce musulman libre se constitue
comme tel par ses propres moyens. Il le fait à travers une
prise de distance critique vis-à-vis de l’héritage reçu par la
tradition religieuse et la coutume sociale, et aussi à travers la
réappropriation personnelle de ce qui, dans cet héritage, est
jugé par sa conscience digne d’être assumé, revendiqué puis
transmis à son tour… Il dit non à la répression très forte