Groupe X-Environnement Micro-dossier A09-7
Le méthane et le changement climatique
Compte rendu de la réunion du 23 septembre 2009 4
Voyons maintenant les résultats. Je remonte dans le temps, avec d’abord un zoom sur le dernier millénaire, couvrant
les années 900 à 2000. La courbe donne les points de mesure obtenus sur différents forages, aussi bien au Groenland qu’en
Antarctique. On voit très bien sur ces courbes la montée
anthropique qui a démarré à fin du 18ème siècle - début du
19ème siècle, avec une montée quasi exponentielle suivie de la
stabilisation que je vous ai montrée auparavant. La partie la
plus récente du graphe est intéressante, elle montre le
recoupement entre les mesures réalisées dans l’atmosphère (le
trait continu) et les échantillons d’air piégés dans la glace (les
points). Nos collègues australiens ont réussi à obtenir ces
points à partir d’un forage sur lequel la quantité de neige qui
s’accumule chaque année est très importante. Grâce à ces
conditions particulières d’accumulation, on est en mesure
d’échantillonner l’atmosphère récente : on peut mesurer de
l’air des années 1970-80 piégé dans la glace. On observe un
très bon recoupement avec les mesures atmosphériques, ce qui est une démonstration, au moins une, que ce qu’on mesure
dans la glace représente bien ce qui est présent dans l’atmosphère.
La courbe montre que le méthane était assez stable durant les derniers mille ans. On a des variations, faibles, de
l’ordre de 50 ppbv autour d’une valeur centrale de l’ordre de 700 ppbv. Cela situe l’impact de l’activité humaine : on est
parti de 700 ppbv pour monter à 1800 ppbv aujourd’hui.
Sur ce graphique, on observe également que la concentration observée dans les forages faits au Groenland est plus
importante que celle des forages en Antarctique. On a un « gradient interpolaire » que l’on quantifie à environ 40 ppbv
avant la période industrielle et à environ 140 ppbv aujourd’hui. C’est une valeur importante, qui nous permet de contraindre
la distribution latitudinale des sources de méthane. Le temps de résidence du méthane, c’est-à-dire le temps qu’il faut pour
que sa concentration diminue d’un facteur e, est de l’ordre de dix ans. Par ce temps de résidence qui n’est pas très long, il
peut y avoir des différences de concentration en fonction de l’endroit où on se situe à la surface du globe. Le fait qu’on
trouve au Groenland des concentrations plus élevées qu’en Antarctique tient à ce que les émissions de méthane sont
concentrées essentiellement dans l’hémisphère nord. Un gradient interpolaire à 140 ppbv aujourd’hui, à 40 ppbv en période
pré-industrielle, cela nous permet de situer l’importance des sources entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud.
Allons plus loin dans le temps, regardons l’Holocène, la période
chaude que l’on connaît depuis 11 000 ans. Sur la courbe du haut, on
voit l’enregistrement des forages au Groenland (GRIP) et en Antarctique
(Byrd et D47). Sur cette période chaude que l’on considère
classiquement comme relativement stable, on constate que le méthane
n’était pas stable. Il montre une structure de courbe en V, avec un
minimum centré autour de 5000 ans BP2. Cela représente une variation
d’environ 130 ppbv sur une échelle de temps, encore une fois, où on
considère que le climat est relativement stable.
On observe également une baisse de méthane de l’ordre de 80
ppbv d’une durée inférieure à 200 ans, qui se passe il y a exactement
8200 ans. Cette structure a été étudiée en détail. C’est une période que
l’on connaît maintenant relativement bien, c’est le dernier grand
refroidissement qu’a connu la terre. Un refroidissement que l’on pense
être lié à la décomposition de la calotte Laurentide qui recouvrait le
Canada. Elle créait une sorte de lac de barrage qui s’est soudain vidé
dans l’Atlantique Nord et a créé un fort refroidissement très brutal. A
cela le méthane a réagi avec une diminution de l’ordre de 80 ppbv.
Le graphique de la partie inférieure de la figure permet de
quantifier le gradient interpolaire. Les différences de concentration entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud au
voisinage des pôles varient avec des valeurs de l’ordre de 30 ppbv et 50 ppbv. Comme je l’ai dit, ces différences
permettent de discuter la distribution des sources de méthane.
Remontons encore plus loin dans le temps avec les derniers 60 000 ans. La courbe noire représente l’enregistrement
de la composition isotopique de la précipitation au Groenland qui est pour nous un marqueur de la température en surface.
L’évolution de la température en Antarctique est portée en gris, un peu plus fin. On constate que l’enregistrement de
température au Groenland est relativement stable quand on l’interprète directement avec la composition isotopique. Notons
que cela a été réinterprété tout récemment.
2 NdR – BP : Before Present