Les différences et les convergences entre
concepts, définitions et cadres théoriques
d’Economie Sociale Solidaire
Le RIPESS (Réseau Intercontinental de Promotion de l'Economie Sociale Solidaire) propose ce
document de travail comme point de départ pour le dialogue sur les concepts, les définitions et les
cadres de l'économie sociale solidaire (ESS). Il s'agit d'un document de base pour guider le
processus de consultation qui vise à clarifier nos visions et conceptions de l'ESS, afin d'aller vers
une plus grande convergence lorsque cela est possible, et de comprendre plus clairement les
divergences qui subsistent. Nous invitons chaque continent à s'engager dans un processus de
dialogue et l'élaboration d'un document de synthèse animé grâce à la coordination de nos réseaux
d'ESS membres sur chaque continent. Ces rapports serviront au débat sur la Vision de l’économie
sociale solidaire à l’occasion de la 5ème Réunion internationale sur l'économie sociale solidaire qui
aura lieu du 15 au 18 Octobre 2013, à Manille, aux Philippines.
Ce document de travail est issu des discussions qui ont eu lieu lors de la rencontre du CA du
RIPESS à Paris, du 28 au 31 mars 2011. Notre groupe a eu l’intention d’explorer les concepts
d’économie solidaire, les définitions et cadres théoriques utilisés dans les différents continents et
pays. Suite à une session du CA dans son ensemble et de quelques invités, un groupe de travail1
s’est réuni pour tenter de clarifier et d’articuler les convergences et les différences. Notre but était
d’approfondir notre compréhension des concepts des uns et des autres et les spécificités des
contextes locaux, plutôt que de rechercher un consensus sur un seul concept ou définition. Nous
avons trouvé cependant que ce qui souvent apparaît de prime abord comme une différence, disparaît
ou se rétrécit considérablement au cours d’un processus d’exploration approfondie.
Nous nous sommes mis d’accord sur les aspects principaux de l’économie sociale solidaire :
1) L’Economie Sociale Solidaire représente une alternative au capitalisme ainsi qu’à d’autres
systèmes économiques autoritaires et dominés par l’Etat, au sein de laquelle les gens ordinaires
jouent un rôle actif qui donnent forme à leur vie économique. L’ESS existe dans tous les secteurs de
l’économie : la production, la finance, la distribution et l’échange, et dans la consommation.
2) L’Economie Sociale Solidaire est une approche éthique et basée sur des valeurs du
développement économique qui met la priorité sur le bien-être des êtres humains et de la planète
(par exemple, le concept d’Indice du Bonheur et de buen vivir -vivre en harmonie avec les autres
peuples et avec la Terre Mère), plutôt que sur le profit et la croissance aveugle. Nous réaffirmons
les valeurs exprimées dans la Charte du Ripess qui incluent :
a. l’humanisme;
b. la solidarité/mutualisme/coopération/réciprocité, y compris la globalisation de la solidarité
(antiimpérialisme);
c. une démocratie sociale, politique et économique;
d. l’équité/la justice pour tous y compris les dimensions de genre, race, ethnie, classe, âge,
orientation sexuelle, etc.;
e. le développement durable;
f. le pluralisme/inclusivité/diversité/créativité;
g. la Territorialité/développement local/subsidiarité qui est à la base de la prise de décision et de la
gestion à un niveau aussi local que possible.
3) L’Autogestion et la propriété collective sur le lieu de travail et dans la communauté sont des
éléments centraux de l’économie solidaire.
a. Il existe de très nombreuses manifestations de l’autogestion et des formes de propriété collective
qui comprennent : les coopératives (de travailleurs, producteurs, consommateurs, de crédit, de
logement, etc.), des entreprises dont la communauté est propriétaire, des « biens communs »
(gouvernance participative, comme par exemple la gestion communautaire des forêts au Népal).
4) L’économie solidaire met l’accent sur l’empowerment des femmes et des groupes marginalisés,
ainsi que sur le travail de lutte contre la pauvreté et d’inclusion sociale.
5) Nous reconnaissons l’importance de développer les liens avec les mouvements sociaux qui
luttent pour la justice sociale et économique tels que les luttes des femmes, des travailleurs, réforme
agraire, petits agriculteurs, les pauvres, les indigènes et les mouvements environnementaux.
6) Il y a beaucoup de bases fertiles qui possèdent un grand potentiel pour le développement
d’alliances. Certaines sont en partie alignées sur, mais ne font pas partie de l’économie solidaire
comme, par exemple, le secteur de l’économie populaire et informelle. D’autres s’identifient à un
aspect particulier de l’économie solidaire comme par exemple le commerce équitable, vert, bio qui
s’aligne sur les valeurs de l’ESS, mais peuvent être en conflit avec d’autres valeurs dans des aspects
importants et structurels. Malgré tout, il existe un grand potentiel pour construire des alliances et
des collaborations mutuelles.
a. L’économie populaire et informelle – le secteur populaire ou informel de l’économie est très
important étant donné que de nombreuses personnes, en particulier dans le Sud global, en dépendent
en termes de survie. Par exemple, les trois quarts de la population du Mali sont impliqués dans
l’économie informelle. L’économie populaire comprend des activités économiques qui ne sont pas
couvertes par des arrangements tels que les taxes, la protection du travail, les régulations sur les
salaires minimum, les allocations de chômage ou les contrats de travail. De nombreux travailleurs
autonomes, des microentreprises, des commerçants, et des pratiques d’entraide font partie de
l’économie populaire. L’économie populaire n’est pas la même chose que l’économie solidaire,
mais s’aligne de nombreuses façons étant donné que les acteurs trouvent souvent des formes
collectives de satisfaire leurs besoins économiques et sociaux, comme par exemple les tontines, les
cuisines communautaires (comedores populares), l’entraide, des systèmes d’assurance mutuelle, etc.
Au Vénézuela le Ministère de l’Economie Populaire est très proche des orientations de l’économie
solidaire.
b. Commerce bio, vert, équitable : Il existe de nombreuses tendances et mouvements qui reflètent
les valeurs de l’économie solidaire et peuvent ou ne peuvent pas inclure l’économie solidaire. Un
exemple de ces derniers serait par exemple le Wal-mart qui possède sa propre marque de Café
Certifié Commerce Equitable des Forêts Pluvieuses (Rainforest) mais qui en même temps, est
engagé dans le démantèlement des syndicats et utilise son énorme part de marché pour faire tomber
les prix et les salaires. Cependant il existe certainement des praticiens dans ces secteurs qui sont des
alliés valables et d’autres qui forment déjà partie de l’économie sociale et solidaire.
7) Il est important de construire des stratégies du micro au macro:
a. Construire des pratiques sur le terrain - ceci est le coeur de l’économie sociale et solidaire que la
recherche, les politiques, le plaidoyer et la communication aident et permettent de mettre en place.
Les pratiques concrètes sont souvent basées sur des concepts de développement autonome et
d’entraide, -- en opposition au fait de céder la responsabilité au gouvernement local ou national--, la
subsidiarité ou la territorialité (rendre les choses les plus locales possibles).
b. La recherche nous devons être capables de défendre l’ESS avec des données quantitatives et
qualitatives. Il est nécessaire d’établir un large éventail de recherches, qui comprenne des
académiciens, la recherche basée sur la communauté, la rechercheaction, la collecte de données et la
systématisation d’expériences.
c. Le travail sur les politiques aux niveaux local, régional, national et international nous cherchons
à créer des politiques qui rendent possible l’ESS mais qui ne la dirigent pas.
d. Le plaidoyer ce travail comprend l’organisation et la promotion de politiques, de statuts
juridiques et de plusieurs types d’aide à l’ESS.
8) Augmenter la visibilité étant donné que le cadre de l’ESS est relativement peu connu, nous
devons nous engager à augmenter la prise de conscience à propos de l’ESS et l’implication des
acteurs. Notre public cible inclut le public en général, les alliés potentiels et les praticiens qui font
partie de l’ESS mais qui ne s’identifient pas avec ce cadre théorique. Deux stratégies centrales pour
augmenter la visibilité sont possibles:
a. l’éducation – l’éducation sur l’ESS et ses différents aspects peut prendre de nombreuses formes,
y compris des ateliers, des forums, des formations, des séminaires et des classes. L’éducation est
souvent le premier pas dans le processus de la mobilisation en faveur de l’ESS, l’organisation ou le
développement économique.
b. La communication, les médias, les médias sociaux articles, livres, vidéos, couverture
médiatique sont des formes importantes d’augmenter la prise de conscience sur l’ESS. Nous devons
développer une bibliothèque avec ces ressources.
Exploration ulterieure de la terminologie et des concepts:
Nous acceptons que sur chaque continent, il existe différents domaines qui servent d’approches, de
points d’entrée et de spécificités qui ont comme résultat l’usage de différentes terminologies en
relation avec l’économie sociale et solidaire. Des termes comme transition sociétale, mouvement de
transformation, changement de paradigme, modèle alternatif de développement économique
peuvent être utilisés en différents endroits et dans différents circonstances, selon les sensibilités
politiques, historiques ou culturelles. Par exemple, dans certains cercles asiatiques, le terme
d’économie solidaire est considéré avec suspicion comme étant un cousin proche du socialisme.
L’économie sociale et solidaire n’exclut pas les formes participatives, démocratiques de socialisme
mais reconnaît que chaque région doit décider quel langage et quel cadre théorique sont les plus
appropriés à ses circonstances particulières.
Economie Sociales versus Economie Solidaire:
L’économie sociale (Diagramme 1) est comprise en général comme un « tiers secteur » de
l’économie, qui complète le « premier secteur » (privé/orienté vers le profit) et le « second secteur »
(public/planifié). Le tiers secteur comprend les coopératives, les mutuelles, les associations et les
fondations (CMAFs) qui sont organisées de façon collective et orientées autour de buts à caractère
social qui ont la priorité sur les profits ou la rentabilité pour les actionnaires. La principale
préoccupation des CMAF, comme des sociétés de personnes, n'est pas de maximiser les profits,
mais d'atteindre des objectifs sociaux (ce qui n'exclut pas réaliser du profit, ce qui est nécessaire
pour le réinvestissement). Certains considèrent que l’économie sociale est le troisième pilier du
capitalisme, en même temps que le secteur public et privé. Donc, les défenseurs de l’économie
sociale tentent d’obtenir la même légitimité que les secteurs publics et privés, avec un niveau
correspondant de support en ressources et politiques publiques. D’autres, dans la partie plus radicale
du spectre, voient l’économie sociale comme une étape vers une transformation plus fondamentale
du système économique.
L’économie solidaire cherche à changer l’ensemble du système social et économique et met en
avant un paradigme différent de développement qui inclue les principes de l’économie solidaire.
Elle poursuit la transformation du système économique capitaliste néolibéral qui donne la 4 priorité
à la maximisation du profit et à la croissance aveugle vers un système qui met les gens et la planète
au coeur. En tant que système économique alternatif, l’économie solidaire inclue donc les trois
secteurs privé, public et tiers secteur. L’économie solidaire cherche à réorienter et à donner de
nouvelles formes à l’état, aux politiques, au commerce, à la production, la distribution, la
consommation, l’investissement, la monnaie et la finance, ainsi que les structures de propriété de
manière à servir le bien-être des peuples et de l’environnement. Ce qui distingue le mouvement de
l’économie solidaire de nombreux autres mouvements de changement social et révolutionnaires du
passé, c’est qu’elle est pluraliste dans son approche – évitant des solutions rigides et la croyance en
un seul chemin correct, l’économie solidaire reconnaît aussi la valeur et se construit à partir de
pratiques concrètes, dont beaucoup sont anciennes. L'économie solidaire, plutôt que d’essayer de
créer une utopie à partir de rien et de la théorie, reconnaît qu'il existe actuellement une utopie
concrète, une utopie en action. Elle est enracinée dans les pratiques de la démocratie participative et
dans la promotion d'une nouvelle vision de l'économie, une économie qui place les personnes au
centre du système, une économie qui valorise les liens plutôt que les biens.
Ainsi, l'économie solidaire a explicitement pour agenda une transformation systémique,
postcapitaliste. L'économie sociale est un secteur de l'économie qui peut ou non faire partie d'un
programme de transformation, post-capitaliste, en fonction de la personne avec qui vous parlez.
Economie sociale et solidaire et contextes régionaux
Le RIPESS utilise le terme d’économie sociale solidaire pour embrasser à la fois l’économie
solidaire et la partie plus radicale de l’économie sociale. Définir le cadre d'économie sociale et
solidaire est un processus long et continu. Par exemple, la définition de l'économie solidaire au
Brésil 5 a été construite par les défenseurs de l’ESS et les praticiens depuis de nombreuses années à
travers des forums, des réunions et des consultations. Nous comprenons que les réalités politiques,
culturelles et historiques de chaque continent, et même des différents pays, exigent une approche
flexible en référence à la terminologie, aux approches et aux points d’entrée.
En Europe, l’économie sociale est profondément ancrée et est antérieure au cadre théorique de
l’économie solidaire. En général, on peut constater une aide décroissante pour l’économie sociale
au niveau national ou européen, mais plus de support au niveau local. Le réseau RIPESS-Europe en
émergence travaille à la fois avec les organisations de l’économie sociale et de l’économie solidaire
et comprend des réseaux/organisations sectorielles autant que territoriales.
Le Québec construit autour du concept d’économie sociale et cherche à créer un mouvement de
transformation qui est très pratique et basé sur les niveaux locaux et territoriaux. Dans le reste du
Canada, l’accent porte sur le cadre territorial du développement économique local.
RIPESS-LAC (Amérique Latine et Caraïbes) utilise le cadre de l’économie solidaire. Malgré
certaines différences dans la définition, il existe un ample consensus sur son agenda systémique et
transformateur et du fait qu’elle se construit autour d’un noyau de principes éthiques.
Les Etats-Unis ont été capables de commencer à partir d’une table plutôt rase et le Réseau US
d’Economie solidaire a choisi de façon délibérée de travailler au sein du cadre théorique de
l’économie solidaire, en tant que mouvement éminemment transformateur.
L’Alliance Asiatique pour l’Economie Solidaire prend l’entreprise sociale comme point de départ,
ainsi que la nécessité de construire des chaînes de production solidaires.
L’Afrique travaille aussi bien avec le cadre de l’économie sociale que celui de l’économie solidaire.
Au Mali il y a eu des efforts pour construire un cadre légal et institutionnel pour appuyer l’ESS et
ce processus s’est accompagné d’un processus de définition.
L’ESS, l’entreprise sociale et la responsabilité sociale des entreprises (RSE)
Il existe divers niveaux de confort avec des concepts tels que l'entreprise sociale et la responsabilité
sociale des entreprises. La situation est compliquée par le fait que différents pays ont différentes
définitions de ces termes.
L'entreprise sociale
Si l'on compare la définition de l'entreprise sociale utilisée par quatre associations d'entreprises
sociales au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Europe et au Canada, ils ont en commun les
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