Musique, travail de maturité Frank Martin Sylvain BESENÇON, 3M1
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« En musique, la réussite est beauté »
Frank Martin
Découvrir et analyser un compositeur du XXe siècle.
Travail de maturité
présenté par
Sylvain BESENÇON
Classe 3M1
Remis le 12 novembre 2007
Gymnase Auguste Piccard
Professeur responsable :
Anne-Letizia CHRISTOPHI
Musique, travail de maturité
Frank Martin Sylvain BESENÇON, 3M1
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Table des matières
Introduction ____________________________________________________________________ 2
Biographie _____________________________________________________________________ 3
Golgotha _______________________________________________________________________ 6
Présentation ________________________________________________________________________ 6
Introduction à un langage_____________________________________________________________ 8
Le mysticisme______________________________________________________________________ 8
La conception de l’oeuvre d’art ________________________________________________________ 9
L’union de deux contraires : un dodécaphonisme tonal _____________________________________ 13
Une mélodie dodécaphonique _________________________________________________ 16
Le rythme harmonique _______________________________________________________ 18
La basse __________________________________________________________________ 20
Les pédales ________________________________________________________________ 21
La musique « syllabique » et ses exceptions ______________________________________ 23
L’oreille __________________________________________________________________ 24
Analyse du choeur d’introduction ____________________________________________________ 25
Conclusion ____________________________________________________________________ 30
Sources _______________________________________________________________________ 31
Ouvrages concernant Frank Martin _____________________________________________ 31
Ouvrages néraux__________________________________________________________ 31
Pour les illustrations_________________________________________________________ 31
Discographie sélective _______________________________________________________ 32
DVD _____________________________________________________________________ 32
Annexes ______________________________________________________________________ 33
Honneurs _________________________________________________________________________ 33
Liste des œuvres ___________________________________________________________________ 34
Chronologie _______________________________________________________________________ 38
Le livret de Golgotha________________________________________________________________ 40
Partition ______________________________________________________________________ 47
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Introduction
Peut-on vraiment qualifier Frank Martin de compositeur moderne ?
C’est une question que je me suis souvent posée en écoutant les oeuvres du compositeur. Sa
musique m’a très vite interpellé : il y avait une dimension de plus que dans la musique romantique : une
atmosphère très riche harmoniquement et rythmiquement ; parfois porteuse d’une tension qui perdure
jusqu’aux confins de la pièce. Une atmosphère que je ne retrouvais pas chez les autres compositeurs.
Parallèlement, il m’a semblé qu’autre chose manquait aussi pour pouvoir définir cette musique
comme étant typiquement du XXe siècle.
À la première écoute du Concerto pour violoncelle, par exemple, j’ai vraiment eu l’impression d’être
transporté dans un autre univers, un univers unique. Il y avait ritablement quelque chose” dans cette
musique qui me semblait exceptionnel. C’est donc à la recherche de cette particularité que je suis parti.
Mes premières lectures m’ont vite montré quel chemin emprunter : ce sentiment d’exception est
l’expression véritable d’un langage personnel, construit au fil des années, par un acharnement du
compositeur à toujours vouloir aller jusqu’au bout de ses recherches. Un langage qui semble issu à la
fois des découvertes de ses contemporains et de l’enseignement des classiques. J’ai vite compris que la
musique de Frank Martin est constituée de paradoxes. Par exemple, il s’est foncièrement oppoà la
musique atonale et a déclaré :
“Je me trouve en face de l’atonalisme comme en face d’une architecture qui ne tiendrait aucun compte
de la pesanteur, d’un monde il n’y aurait ni verticale, ni horizontale, me la notion d’angle
droit n’aurait plus cours. 1
Et pourtant, il a énormément travaillé avec le matériel qui fonde l’atonalisme : dodécaphonisme
et sérialisme.2
Un autre point essentiel et très spécifique de la musique de Frank Martin side dans son
exigence dans la mise en musique du texte : que ce soit pour un choeur ou un ou plusieurs solistes, le
texte reste toujours intelligible, et parfois même les chanteurs semblent parler tant le rythme musical est
proche de celui de la langue parlée. Le texte conserve la première place dans l’oeuvre, qui est toute
entière à son service (bien sûr, cela dépend beaucoup de l’interprétation).
Bien qu’il ait composé plusieurs oeuvres vocales pour voix avec accompagnement (par exemple
der Cornett de Rilke ou les six Monologues de Jedermann de Hofmannsthal), ainsi que des oratorios ou
opéras (le Vin herbé, tiré du roman de dier, la Tempête de Shakespeare et Monsieur de Pourceaugnac de
Molière), c’est son oeuvre religieuse et plus spécifiquement son oeuvre chorale religieuse qui m’a le
plus ému. J’y ai trouvé une vérité, une authenticité qui m’ont fortement influen dans le choix de
l’oeuvre que j’ai eu envie d’approfondir, à savoir Golgotha. Il s’agit d’une mise en musique de la
Passion.
Il m’a semblé que cette oeuvre me permettrait non seulement de découvrir la richesse de tout un
langage musical mais surtout d’essayer de comprendre comment Frank Martin parvient à construire et
à transmettre une charge émotionnelle si puissante, une “impression de grandeur, de noblesse, et même
d’austérité à laquelle ne sont pas étrangères la simplicité des moyens employés et l’absence de tout effet
extérieur. 3
1 Frank Martin, interviewé par Franz Walter en 1957, in Frank Martin, L'univers d'un compositeur, page 28. (Les références
complètes sont données dans la bibliographie.)
2 Voir le chapitre “un dodécaphonisme tonal” à la page 14.
3 Andrée Koelliker, Frank Martin, p.15.
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Biographie
Frank Martin, le 15 septembre 1890, est le dixième enfant d’une famille très protestante ; son
père, Charles Martin, était pasteur. La musique était très présente dans la vie familiale et les talents du
cadet dans ce domaine se sont très vite fait remarquer :
“Quand il eut deux ou trois ans, il chanta (en imitant les airs favoris de ses soeurs) avant même que
de savoir parler. 1
Plus tard il se mettait au piano et recherchait des airs qu’il avait entendus (en les transposant le
plus souvent en mineur parce qu’il trouvait ce mode plus beau). Il s’essayait aussi à en inventer d’autres
et à les harmoniser. Il n’a pourtant suivi aucun cours dans un conservatoire ; son seul et unique
professeur de musique a été Joseph Lauber chez qui il a pris des cours particuliers de piano,
d’harmonie, de composition et d’orchestration dès l’année 1906. Frank Martin considérait ce professeur
comme un excellent technicien qui lui a permis d’apprendre fort bien le “métier”, mais l’estimait en
revanche moins bon artiste, ce dont il se jouissait également car il n’était ainsi pas influenpar les
goûts de son maître.
Frank Martin s’est voué définitivement à la composition, après avoir suivi à l’université de
Genève des cours de matmatiques et de physique durant deux ans (pour faire plaisir à ses parents).
Outre ses activités de créateur, le compositeur aimait beaucoup enseigner, ce qu’il fit à l’Institut Jaques-
Dalcroze et au Conservatoire de Genève ainsi que plus tard à l’Ecole Supérieure de Musique de
Cologne. En tant que compositeur, il a reçu beaucoup d’honneurs et de prix, venant de toute l’Europe
et de l’Arique.2
Sa première page musicale date de 1899, alors qu’il n’avait encore rien appris sur la musique.
“J’ai commencé à composer vers sept ou huit ans, de toutes petites choses. Et puis, à neuf ans, on
nous avait appris à l’école, pour Noël, une petite poésie assez drôle. Au lieu de laciter à mes
parents, je l’ai simplement mise en musique et compoe et je dois dire que c’est très proprement fait,
que c’est assez juste comme harmonie et qu’il y a me de petites modulations et des changements de
mesure... c’est parfaitement bien fait. 3
Vers douze ans, alors que toute sa famille consirait J.-S. Bach ennuyeux, Frank Martin est
boulever en découvrant, en concert, la passion selon Saint Matthieu pour la première fois . Cet
événement demeura pour lui une expérience unique qu’il considéra jusqu’à la fin de sa vie comme “la
révélation d’un autre monde”. Dès lors, le compositeur allemand devint le véritable maître de Frank
Martin.
En 1910, les Poèmes Païens, première oeuvre de Frank Martin, pour baryton et orchestre, sur des
textes de Leconte de Lisle, sont ecutés à l’occasion du dixième anniversaire de l’Association des
Musiciens Suisses (AMS), dont le compositeur est membre depuis cette même année. On y ressent une
influence du romantisme tardif, et notamment celui de sar Frank qui lui offrit une ouverture à une
musique qui s’écarte quelque peu de la musique tout à fait classique. 4
Outre ces deux compositeurs, Frank Martin a également été influen par Debussy, dont il
appréciait fortement la musique. Dans les Entretiens sur la musique, le compositeur cite encore Haydn
pour ses libertés rythmiques et tonales, Chopin pour ses recherches harmoniques, Schumann qui le
faisait vibrer intensément5 et Luther, pour l’apport des chorals allemands, et également parce que
Luther représentait la vie religieuse qui animait Frank Martin.
1 Jean Martin, in Frank Martin, l'univers d'un compositeur, page 5.
2 Voir la liste des honneurs en annexe.
3 Frank Martin, interviewé par la Radio Canada, in Frank Martin, l'univers d'un compositeur, page 6.
4 Frank Martin, Entretiens…, page 113.
5 Ibid., page 113.
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En 1933, il s’est confronté à l’atonalisme de Schönberg et aux doctrines de la nouvelle école de
Vienne. Plusieurs oeuvres moignent de cette “rencontre”. Je citerai le premier concerto pour piano et
orchestre terminé en 1934 et surtout le trio à corde de 19361 que le compositeur considère comme sa
première oeuvre valable utilisant la thode du dodécaphonisme. Je me suis deman pourquoi la
rencontre avec cette nouvelle théorie (apparue aux alentours de 1920) s’était faite si tardive. Il faut
comprendre que Frank Martin est dans une famille qui aimait plutôt le style classique, et il dit lui-
même qu’il ne s’intéressait que peu à la musique contemporaine. C’est avec la musique de César
Franck qu’il est sorti de la cadence classique. Il lui a donc fallu du temps pour découvrir une musique
aussi avant-gardiste que celle de Schönberg.
Cette recherche stylistique dont on verra les aspects plus tard s’est concrétisée en 1938 par la
composition de la première partie du Vin herbé : le Philtre : l’“aboutissement à la plénitude d’un style
âprement voulu et for.”2 (Deux autres tableaux viendront compléter cette oeuvre, en 1941 : la forêt du
morrois et la mort.) Grâce à cette oeuvre et également à sa Petite symphonie concertante pour piano, clavecin
et harpe 3, composée en 1945 et qui fait ressortir le talent du compositeur en matière de maîtrise des
timbres, le compositeur s’est fait connaître en dehors de son pays natal.
Parmi les oeuvres qui m’ont beaucoup marqué dans sa musique symphonique, le Concerto pour
violoncelle 4 (1965-1966) émerge pour moi au-dessus des autres compositions dans ce même registre. J’y
ai trouvé une fluidité, une sensibilité et une véritable sérénité qui me touche à chaque audition. Dans
l’adagietto, le compositeur s’exprime en enchaînant d’une fon totalement nouvelle des accords
parfaits très simples. En voici la partition des premières mesures :
Je souhaite aussi énoncer les Quatre éléments 5 : une suite de quatre mouvements symphoniques
respectivement appela terre, l’eau, l’air et le feu. C’est un hommage à Ernest Ansermet qui fêtait ses
huitante ans, il était ami, conseiller, et interprète de Frank Martin. Le dicataire de l’oeuvre en a é
très ému et notait la perfection de l’oeuvre : Pas une note, pas un timbre, pas un détail ne pourraient être autres
que ce qu’ils sont. 6
Dans ses Entretiens avec J.-C. Piguet, Frank Martin s’exprime à propos de ses oeuvres religieuses :
En tant que fils de pasteur, et en tant que fils de pasteur non volté, la religion ma marqué
doublement, ce qui se voit aux oeuvres que j’ai écrites plus tard, qui sont nettement des oeuvres
religieuses. Ce quil y a de curieux, c’est quau début je ne voulais pas quon les exécute. Elles ne
devaient exister que pour moi. C’est beaucoup plus tard, pendant la guerre, qu’on ma demandé une
pièce pour le jour de l’armistice. Je n’ai pas pensé qu’on puisse alors écrire, en cette occasion, autre
chose quune oeuvre religieuse. Je my sentais contraint, et contraint de plus à la présenter au public.
Ce fut In Terra Pax. Cela m’a ensuite entraîné à écrire des oeuvres comme Golgotha, ou comme le
Mystère de la Nativité, ou encore comme les Psaumes, que je n’ai plus cachées au public.7
1 Voir CD, piste 1, premier mouvement, grave.
2 Bernard Reichel, Frank Martin ou…, page 80.
3 Voir CD, piste 2, troisième mouvement, allegro alla marcia - vivace.
4 Voir CD, piste 3, deuxième mouvement, adagietto.
5 Voir CD, piste 4, premier mouvement, la terre.
6 Ernest Ansermet, cité par Bernard Martin, Frank Martin ou…., page 168.
7 Frank Martin, Entretiens..., page 114.
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