I
NITIATION
À
LA
P
HILOSOPHIE
(S
CIENCE
,
P
OLITIQUE ET
P
HILOSOPHIE
)
Sommaire
Présentation : Philosophie, Science et Politique
Introduction : Qu'est-ce que la Philosophie ?
I. C
OSMO
-L
OGIE
1. Mathématique
2. Physique
3. Biologie
II. P
SYCHO
-L
OGIE
1. Anthropologie
2. Psychologie
3. Éthique
III. P
HILO
-S
OPHIE
Conclusion : Qu'est-ce que la Philosophie ?
1
P
RÉSENTATION
: P
HILOSOPHIE
,
S
CIENCE ET
P
OLITIQUE
Ambitionnant d’articuler le Sens du Monde et de l’Action humaine, seuls « objets » à nous intéresser
vraiment, nous les Hommes, la Philosophie présente nécessairement un lien avec eux et donc avec les
Sciences exactes (Mathématique, Physique, Biologie) qui étudient le premier et avec les Disciplines
(Anthropologie, Psychologie, Politique) qui régissent la seconde. Mieux, celles-ci dessinent en creux
la place de celle-là : cette dernière « achève » leur œuvre. Aussi s’initier à la Philosophie implique que
l’on passe par le chemin qu’elles empruntent. A défaut, la « Reine des sciences » se bornerait à un
Discours surnuméraire et vide, sans rapport avec ce qui anime effectivement les humains.
Mais si nous devons repasser par la Physique et la Politique, il s’en faut que nous puissions nous
contenter
d’en
répéter
les
acquis.
La Philosophie se réduirait alors à une matière redondante et superflue.
Il convient au contraire qu’elle y repère les signes de leur propre dépassement et, s’appuyant sur eux,
en explicite le contenu, énonçant leur signification, et conséquemment celui de la Recherche humaine ;
ce qu’elles-mêmes ne sauraient faire, engagées qu’elles sont dans leur tâche positive respective,
détermination des lois naturelles pour l’une, sociales pour l’autre. Sur le Sens ultime, inexorablement
poursuivi par l’Homme, elles demeurent finalement muettes, n’en anticipant que la nécessité.
Ainsi
si
la Physique
renvoie
à
la
Raison
première
du
Monde
et
la
Politique
à
la
Fin
dernière
de
l’Humanité,
ni l’une ni l’autre ne proposent une claire, ferme et démonstrative formulation de leur teneur précise.
Or c’est ce dont nous avons le plus impérieux besoin, quand on veut, au-delà des avancées ou réussites
scientifiques avérées et des améliorations ou progrès historiques flagrants, procurer à notre « marche »
un sens assuré et incontestable, susceptible en tout cas de justifier authentiquement notre existence.
Car nul Homo sapiens ne saurait se limiter à répondre à des questions mondaines et à résoudre des
problèmes
sociaux,
deux
tâches
qui,
pour
importantes
qu’elles
soient,
ne
comblent
point
le
Désir de Savoir,
toujours en quête d’une Vérité absolue.
Depuis son apparition immémoriale sur terre, l’Homme n’a en effet jamais poursuivi qu’un but, la
Compréhension ou la Réflexion totale. Et celle-ci, tout en s’accomplissant déjà partiellement dans
l’Epistémè
et
dans
la
Polis,
ne
se
réalise
véritablement que dans et par une Étude de la Raison elle-même,
soit une Science qui ne traite que de la science même. L’objet et le sujet y coïncidant, elle seule est en
mesure de produire des énoncés absolus, absous de toute extériorité et se suffisant à eux-mêmes.
Contrairement aux thèses scientifiques, immanquablement hypothétiques, et aux doctrines politiques,
invariablement provisoires, la théorie philosophique développe des spéculations pures et constantes et
donc pleinement rationnelles ou satisfaisantes pour notre Esprit.
Pour le confirmer, il convient d’épouser le rythme même du procès de la connaissance tant naturelle
qu’humaine, et d’en souligner à la fois l’enjeu et la lacune. Pas à pas et simultanément s’y dévoilera
une vérité obligée et l’exigence d’une Vérité plus haute, qu’il appartient précisément à la Philosophie
de
prendre
en
charge
et
d’articuler,
fût-ce
en
s’opposant
cette
fois à la démarche scientifique stricto sensu.
Cette
différence
de
méthode
n’induit
nulle
rupture
:
la
«
Reine
des
sciences
»
n’abolit aucunement celles-ci,
elles les « couronne » ou parfait, en révélant la vérité profonde, inaperçue ou tue néanmoins par elles.
Partant elle constitue leur conscience de soi.
Telle
est
l’unique
voie
d’accès
à
la
Philosophie.
Point
n’est
besoin,
pour
s’y
initier,
de
spécieux
préalables.
L’écoute
attentive
et ordonnée des différentes disciplines et des pratiques humaines forme un guide sûr.
En même temps qu’elle trace les contours du Savoir et de l’Idéal, elle ouvre l’horizon de la Sagesse
et/ou du Système de la Science (Hegel), en quoi consiste sempiternellement le Rêve philosophique.
Loin de s’identifier cependant à une vaine chimère, ce dernier se confond avec le Logos effectif dont
le propre est justement de se réfléchir lui-même et d’exprimer du coup l’Absolu, le Vrai ou le Tout.
C’est ce que nous vérifierons ici, à l’encontre de tous les « sceptiques », anciens ou modernes, qui,
sans s’en rendre compte, philosophent également, mais se condamnent à le faire de la pire des façons,
inconséquemment ou honteusement, gaspillant leur temps à dénoncer peu ou prou philosophiquement
la Philosophie, au lieu de le consacrer à sa fondation.
2
I
NTRODUCTION
Qu'est-ce que la Philosophie ?
3
L'initiation à la philosophie exige la réponse à l'interrogation Qu'est-ce que la Philosophie ?
-soit que l'on brosse au préalable le portrait du Philosophe (Platon
1
)-, sous peine de ne point
savoir à quoi l'on entend s'introduire. Et puisque cette question est déjà une question
philosophique et même la première d'entre elles, celle qui prédétermine les autres, en
s'engageant dans son étude, on se trouve pris d'emblée dans un cercle inévitable qui revient à
philosopher sur la philosophie. Loin de constituer cependant un cercle vicieux, le retour
originaire de la philosophie sur elle-même témoigne de son statut réflexif
2
, à l'image de celui
du Discours dont le propre réside précisément dans sa capacité de se signifier soi-même.
Ne forme-t-elle pas d'ailleurs une modalité privilégiée, nous le verrons, du Langage ?
Au point de départ cette discipline se résume du reste à un nom -" ce mot de philosophie "
(Descartes
3
)-, terme d'origine grecque, Philo-Sophia (Amour de la Sagesse), et forgé par un
mathématicien hellène du VIè siècle av. J.C., Pythagore.
" Ce sont donc bien les Grecs qui créèrent la philosophie, dont le nom, au surplus, ne sonne pas étranger. (...)
Le terme de « philosophie » est une création de Pythagore." (Diogène Laërce
4
)
Or les Hellènes apparaissent comme les fondateurs de la science mathématique –le premier
théorème mathématique date de Thalès, un penseur du VIIè siècle originaire de la Grèce
d'Asie mineure, et le manuel instaurateur de la discipline remonte aux Éléments d'Euclide, un
mathématicien de la Grèce hellénistique du IIIè siècle- et du régime démocratique, fût-il
partiel, qui date de l'Athènes des Vet siècles. Et leurs deux découvertes présentent un
lien intime irrécusable, à l'argumentation ou à la démonstration de l'une répond le débat ou le
raisonnement de l'autre : un même principe les ordonne, l'obligation de justification ou de la
preuve rationnelle et partant de la mise en commun, et donc égale, du savoir ou du pouvoir.
Issue du même « esprit », la philosophie ne saurait échapper à cette gle, ce que confirme sa
mise en forme paradigmatique, celle de Platon, auquel on doit sa véritable naissance,
Pythagore lui-même et Socrate n'ayant jamais rien écrit, quant aux présocratiques en général,
leur œuvre demeurant trop proche de la littérature. Et l'auteur de la République et du Timée a
affiché clairement sa volonté « scientifique » et/ou pédagogique dans sa « Dialectique ».
"
La
philosophie
proprement
dite
commence
pour
nous
en
Grèce (...).
Avec
Platon
commence
la science philosophique
en tant que science." (Hegel
5
)
Aussi ce n'est qu'improprement que l'on parle aujourd'hui de la philosophie orientale.
Son appellation confirme pleinement ce point. Ainsi aimer (philein) veut dire demander ou
désirer une chose, une personne ou une idée, ce qui présuppose que l'on manque de ces objets.
En tant qu'être aimant, le philo-sophe débute par l'épreuve du manque. A l'encontre de
l'affirmation de la certitude immédiate (opinion), de la pseudo-science (technique) ou de
l'habilité politique, la conscience philosophique démarre par l'aveu de son ignorance/inscience
et conséquemment par le doute, l'examen ou l'interrogation. Seul un sujet sceptique peut au
demeurant s'adonner à une authentique recherche, libre qu'il se trouve de tout préjugé.
A l’instar de la science, la philosophie prend sa source dans l’étonnement/ l’émerveillement.
"
Car
cet
état
qui
consiste
à
s’émerveiller
est
tout
à
fait
d’un
philosophe
;
la
philosophie
ne
débute en effet pas autrement,
et il semble bien ne pas s’être trompé sur la généalogie, celui qui dit que Iris [déesse messagère des dieux,
symbole de la Sagesse] est la fille de Thaumas [même racine en grec qu’émerveillement]." (Platon)
Remettant en cause toutes les évidences naturelles, la connaissance effective s'amarre au
questionnement : pourquoi le monde est ce que et comme il est et non autre ou autrement ?
1
cf. Le Politique 257 a et Le Sophiste 254 b
2
vide I. Thomas-Fogiel, Référence et Autoréférence (Vrin 2006)
3
Principes de la philosophie, Lettre-Préface p. 557
4
Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, Introd. pp. 40-42 ; cf. égal. Cicéron, Tusc. V. III. 7-9
5
H.Ph. Introd. IV. App. 2. p. 331 et Platon p. 389
4
Autrement dit la philosophie ne commence pas par le dogmatisme (dogma : opinion) mais par
le
scepticisme
(skepsis
:
examen).
De
ce
moment les Dialogues platoniciens, dont la forme inscrit
d’emblée la « discussion » au cœur de leur contenu et induit le " doute " ou " l’embarras "
6
chez les interlocuteurs et le lecteur, ainsi que les Méditations cartésiennes, qui s'ouvrent par
"Des choses que l’on peut révoquer en doute", représentent une illustration exemplaire.
Par delà le pyrrhonisme et sa suspension du jugement (epokhê), le scepticisme bien compris
constitue la première étape -" le premier degré vers la philosophie (...) un moment de la
philosophie elle-même " (Hegel)-, ou du savoir en général.
Mais si la philosophie débute bien par l'interrogation, il s'en faut qu'elle finisse par elle :
celle-ci n'en est que le point de départ. Car si la question ouvre bien la possibilité de la
connaissance,
elle
n'en
fournit
pas
cependant
la
teneur.
Pour
savoir,
il
est
nécessaire de questionner,
mais cela ne saurait suffire, encore faut-il que le questionnement se résolve en réponses.
Une
question
aurait-elle
au
demeurant
simplement
un
sens sans au moins l’espoir d’une réponse
?
L’émerveillement réduit à lui seul risquerait fort de tourner en stupeur. Le philosophe ne peut
se contenter, comme on l’affirme parfois, d’interroger, il veut également des réponses et
s’oblige à en proposer, sous peine de faillir à sa tâche. Plus : il présuppose nécessairement des
réponses,
sinon
qu’aimerait
/
rechercherait-il,
dès
lors
qu’il
est vain de re-chercher quelque chose,
si l’on ne sait pas même ce que l’on re-cherche ?
Ainsi s'interroger sur la philosophie implique bien qu'on ne sache pas ce qu'elle est ;
pourtant il n'en demeure pas moins vrai qu'une telle étude suppose qu'on puisse se mettre
d'accord sur son essence, c'est-à-dire qu'on sache, au moins tacitement, en quoi elle consiste,
sous peine de s'engager dans une réflexion oiseuse, sans objet. Avec le Philosophe on
postulera donc la possibilité réelle de la ré-solution de toutes les interrogations, soit la
conjonction de principe entre rationalité et réalité.
" Ce qui est rationnel est réel, et ce qui est réel est rationnel." (idem
7
)
Toute autre hypothèse contrevient à l’existence même de la recherche et / ou de la science,
celle-ci ignorant par définition l’irrationnel (le mystère) et une question sans réponse y
signifiant simplement une question mal posée voire une question qui ne se pose même pas,
ses termes recelant des présupposés inadmissibles.
L’amour philosophique, sauf à imaginer qu’il soit une demande ou un désir vide, tend
obligatoirement vers quelque chose dont celui qui en est habité a une certaine idée, fût-elle
implicite et qu’il lui appartiendra ensuite d’expliciter. Il en va de la philo-sophie comme de
n’importe quel autre amour. Il est intermédiaire entre le fait de n’avoir ou de n’être pas ...
encore, sinon on ne désirerait pas, et celui de posséder déjà, sinon que ou qui désirerait-on ?
La philosophie participe à la fois du manque et du plein. D’où il suit que ni " les Dieux ", qui
sont censés déjà tout avoir/ être, ni " les ignorants " ou les sots, qui n’ont/ne sont rien, tout en
s’imaginant avoir/être déjà tout et se prennent ainsi pour Dieu, ne peuvent philosopher
8
.
Philosopher est ainsi une pratique propre aux hommes normaux ou ordinaires. Précisons
cependant
que,
chez
les humains, nul n’est sot au point de ne rien désirer du tout. Un tel état est
réservé
aux
bêtes
qui n’ont elles pour seul souci que leur subsistance, qu’elles n’ont pas à aimer
puisqu’elle leur est imposée par le besoin. Chaque homme est un tant soit peu philosophe, dès
lors qu’il est hanté par la question, celle que l’on pose dans l’amitié ou l’amour le plus banal :
m’aimes-tu ? et qui veut dire en fait : suis-je digne d’être aimé par toi ? et plus radicalement :
qui suis-je ou qu’est-ce que je vaux ?, soit ma vie vaut-elle réellement la peine d'être vécue ?
6
Théét. 155 d (cf. égal. Aristote, Méta. A. 2. 982 b 12) ; Mén. 80 a-e et Théét. 149 a
7
R.S.Ph. p. 52 - H.Ph. Le Scepticisme, p. 776 et E. I § 6 R. ; cf. égal. Ph.D. Préf. p. 55
8
vide Platon, Banquet 203 e-204 a
1 / 131 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !