Anthropologie de la nature
Introduction
Jean Copans
: Introduction à l'ethnologie et à l'anthropologie. Il met en avant le fait que la nature est
articulée à la culture. Pour lui, ce dilemme nature / culture est la cause de la diversité culturelle, avec en
trame
de fond, l'existence de populations plus proches de la nature que d'autres. Dans nombre d'écrits, on évoque les
« naturels », les peuples « premiers », les « primitifs ». en opposition aux « civilisés ».
Les « naturels » sont supposés vivre nus, portent souvent un cache-sexe et s'habillent de peintures.
(
Benoît de l'Estoile
: Le goût des autres)
La tradition évolutionniste tente de retracer l'évolution de l'animalité à l'humanité. Toute l'histoire de
l'anthropologie est l'histoire des catégories de « nature » et de « culture », avec le problème de l'origine de
l'Homme et des sociétés.
Claude Lévi-Strauss
« Tout ce qui est universel chez l'Homme relève de la
nature,
tout ce qui est astreint à une norme dépend de la
culture. »
Exemple : les
Lobi
(Burkina Faso)
Ils mangent avec la main droite, ce qui n'empêche pas qu'il y ait des règles de politesse.
La sexualité est naturelle, mais la pratique de celle-ci est culturelle : il faut apprendre à séduire, à pratiquer... Chez
les
Lobi
, la sexualité (traduit mot à mot : se manger) est interdite en brousse.
L'Homme est d'abord un être naturel mais dans un certain nombre de sociétés (comme celle des Achuar), il
existe d'autres êtres naturels, perçus comme étant très proches des humains (animaux, plantes), certains
individus ont un double, et se changent en animaux la nuit. Des doublesgétaux existent aussi.
Le mythe est un univers les humains peuvent descendre d’animaux ou de plantes qui parlent, se
transforment, etc. La pensée occidentale est restreinte pas le dualisme : l’Homme et la société s’opposent aux
animaux et aux plantes. Pourtant l’Homme est une espèce biologique parmi d’autres. Ce dualisme
animal/homme n’est donc pas si évident.
« On doit redonner à l’ethnologie une dimension biologique et donc une perspective écologiste. »
Deux grandes tendances :
L'approche matérialiste : l'étude de l'Homme comme une espèce biologique parmi d'autres
L'approche idéaliste ou symboliste : l'étude de la diversité des cultures indépendamment de toute
considération relative à l'environnement
Historiquement, l'anthropologie s'est intéressée plus au corps qu'à l'âme. Ce qui nous intéresse ici est
l'agencement des réalités naturelles (écologie au sens large) aux réalités humaines (sociales et culturelles).
Y-a-t-il un déterminisme de l'environnement?
Le premier à s'intéresser à cette question est le géographe
Franz Boas
(1858-1942) : Allemand devenu
Américain, il a fondé le premier département d'ethnologie à Columbia en 1901. Il fut l’initiateur de
l’anthropologie écologique.
Il estime qu'il faut prendre en compte le déterminisme écologique (il l'applique dans son étude du grand nord
canadien), Il voulait évaluer le rôle de l’environnement dans le développement des sociétés : une société
s’adapte à son milieu et peut modifier son organisation sociale en fonction des contraintes naturelles. On ne
saurait mener l’enquête sur un temps court. Il ajoute qu'il est important de faire l'expérience corporelle d'un
climat différent pour comprendre les différence physiologique que cela peut impliquer entre différentes
cultures.
En France, il existe une forte résistance à l'anthropologie écologique, on parle plus d'anthropologie
de la
nature, qui est un peu différente. C'est une anthropologie sociale non pas des cultures, mais des
populations humaines et de la fon dont elles s'approprient la nature. On a une reformulation du champs
anthropologique qui tient compte des acquis de l'analyse naturaliste.
Maurice Godelier
, spécialiste des
Baruya
de Papouasie Nouvelle-Guinée, souligne que l'Homme a une
histoire parce qu'il transforme la nature, qu'il s'y adapte et adapte la nature à ses besoins.
Par « nature », par « représentation de la nature », on entend aussi bien la physiologie humaine
Philippe Descola
dans un ouvrage sur l
'anthropologie et la question de la nature,
l'environnement en
perspective, explique qu'il est primordiale de remettre en question ce dualisme nature/culture qui est
finalement très cent, caractéristique de l'ère moderne. Durant l’âge classique, la nature n’était pas opposée
à la culture mais à la nature humaine. Il travail sur les questions d'environnement, de santé et de nature.
Marcel Mauss
, neveu de
Émile Durkeim
évoque ces notions sous le vocable de « techniques du corps » :
façon dont les Hommes arrivent à se servir de leur corps. Le corps est le premier instrument qui permet à
l'Homme de s'adapter à la nature et d'adapter la nature.
Mauss étudie les variations saisonnières chez les populations du grand nord, la nature écologique, la
nature du corps et de l’infortune (les maladies).
On s'intéresse aux composantes matérielles et immatérielles de la nature.
Evans Pitchard
: Les Nuers
Partie 1 : Du sauvage au primitif, la gese de la
pensée
anthropologique sur "les peuples de la nature"
Le but de ce cours est de revoir l'histoire de l'anthropologie dans son rapport à la nature.
I La vision de l'autre du XVIème au XVIIIème, un débat autour de la
nature pour
parler de la société
François Laplantine
, Clefs pour l'anthropologie
Le XVIème est le siècle des voyages et de la découverte du Nouveau Monde. C'est la confrontation à
l'altérité absolue, ce qui marque une révolution de la pensée. Quand on découvre les Indiens d'Amérique ou
les noirs d'Afrique, on se demande simplement si ces individus relèvent de l'humanité. Les différences
physiques ou culturelles (langues, parfois tonales) sont frappantes. De l'autre côté, comme l'explique
vi-
Strauss
dans Race et histoire
la démarche est la même : « Dans les Grandes Antilles, quelques années après
la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d’enquête pour
rechercher si les indigènes avaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des Blancs
prisonniers, afin de vérifier, par une surveillance prolongée, si leur cadavre était ou non sujet à la
putréfaction. »
La Controverse de Valladolid
(voir le film de de Jean-Daniel Verhaeghe)
C'est un débat qui a eu lieu en 1550 à la demande de Charlequin et opposa principalement le dominicain
Bartolomé de Las Casas
au théologien
Juan Ginés de Sepúlveda
.
Sepúlveda
prône la loi naturelle ou divine. Il justifie la conquête par la thèse aristotélicienne de
l'esclavage. Les peuples barbares doivent être esclaves des peuples civilisés.
Las Casas
constate que certaines traditions sont aussi développées voire plus que les nôtres, il sont
plus civilisés que nos sociétés (exemple de la Saint Barthélémy).
Cette événement marque la naissance des figures du mauvais sauvage et du bon civilisé, et inversement.
Le mauvais sauvage mange de la viande crue, parfois humaine, il est nue, au langage inarticulé, il est
rapprocde l'animal dans le sens du manque. « être vivant dénué de langage et de faculté de raisonner »
Le bon sauvage est utilisé pour stigmatiser la société occidentale :
Amerigo Vespuci
dit « les gens
sont nus, beau, foncés de peau »,
Christophe Colomb
aussi insiste sur la simplicité des sauvages, dans leurs
rapports familiaux, de gouvernent…
dans une pièce : L'arlequin Sauvage, de
Louis-François Delisle de La Drevetière
un Indien en
Europe
« vous êtes fou, vous vous attelez avec beaucoup de pcision à chercher des choses inutiles »
Sauvage vient du latin
silva
: la forêt. Le sauvage est celui qui vient de la forêt.
Il y a 18 000 ans, la forêt couvrait 50% de la surface (23% aujourd'hui), la Culture s'est construite en
empiétant sur la forêt, la nature. Le sauvage fait partie de la nature et s'oppose au social, au civilisé.
Cornelius de Pauw
(1739 - 1799), dont parle
M. Duchet
dans Anthropologie et histoire du siècle des
Lumières montre que le climat a abrutit ces personnes. Cette vision se retrouve dans les deux visions du
sauvage. La proximité à la nature n'est pas remise en cause, mais seulement ces conséquences. La nature a
soit
un effet abrutissant et rend ces peuples misérables, de l'autre, cette proximité permet la simplicité, la
légèreté
de l'existence.
La nature est ce qu'il y a de plus éloigné du social, mais permet d'engager une réflexion sur le social.
Mauvais sauvage, bon civili Mauvais civilisé, bon sauvage
Nature Barbarie Innocence
Dépendance Liberté
Société Moralité Perversion
Hiérarchie légitime Oppression
C'est l'origine du contrat social : la situation sociale n'est pas une donnée naturelle ou divine, c'est
une
réalité construite. L'état de nature n'est pas une phase historique mais une vue de l'esprit. Il s'agit de
comprendre l'origine de la société pour penser un ordre social idéal.
II état de nature, contrat social et société
Grotius
(1583-1645)
Pufendorf
(1632-1694)
Locke
, (1632-1704) Traité du gouvernement civil (1690)
Hobbes
, (1688-1779) Le citoyen (1640) et Le Léviathan (1651)
Rousseau
(1712-1778) Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755)
Kant
(1724-1804) La métaphysique des mœurs
Rousseau
, comme ses prédécesseurs part de la description de l'état de nature
(isolement et
indépendance, le sauvage satisfait seul ses besoins limités).
On lui attribue deux caractéristiques principales :
- L'amour de soi (instinct de préservation)
- La pitié, il est capable de sympathie envers le malheur des autres, il ne peut donc pas faire souffrir
ses
semblables.
Les inégalités sont donc faibles (naturelles et non morales ou politiques). Bien souvent, on prend pour des
différences naturelles, des vérités acquises (le caractère, la force, sont liées à l'éducation). C'est un abus de
langage de parler de bon ou de mauvais sauvage, car pour
Rousseau
, la morale, donc le bon et le mauvais, sont
le fait de la civilisation.
Pour Rousseau, la société est l'ensemble des rapports et des comportements des hommes tels que
l'ont
peut le constater dans la réalité. Il la considère comme source de conflit, mais ne fait pas l'éloge de l'état
de nature.
Il pense aussi l'organisation politique souhaitable, qui permettrait à l'humanité d'exprimer le
meilleur de son
potentiel.
III Vers le primitif, la pensée évolutionniste
Les primitifs sont vus dans des sociétés figées, l'anthropologie est la science de ces sociétés
primitives. (
Morgan
, Les sociétés archaïques, 1877). En englobant les sauvages dans l'humanité en tant que
primitif, l'évolutionnisme permet l'anthropologie.
On voit le passage d'une pensée naturalisante, qui analyse l'altérité des sauvages en tant qu'opposition
nature/société, à une pensée cette proximité est le fait de toute société à son origine, le social n'est pas
anti-naturel.
De manière générale, il faut sefier des discours qui font l'apologie de la proximité à la nature.
Partie 2 : La nature institutionnalisée ???
Un débat continu en anthropologie, les systèmes taxinomiques
ethnozoologie / ethnobotanique / ethnobiologie / ethnoscience / ethnoecologie
À force de tout ethnologiser, le préfixe ethno- ne signifie plus rien
L'épistémologie est la réflexion sur la manière de construire une science.
Système taxinomique
: classifier le monde, en l'occurrence, les éléments de la nature / Naturels
On parle aussi
d'ethnoclassification
: Comment les autres populations classifient la nature. Cela revient à
poser la question des savoirs populaires, locaux et autotochtones.
Comment les ethnologues peuvent-ils classifier les données qu'ils recueillent sur le terrain
Carl Von Linné
(1707 - 1778), est un naturaliste Suédois. Il invente un modèle de classification qu'il publie
dans Systema naturæ (1735) : c'est un système de nomenclature (nommer les éléments et les ordonner) :
Monde vivant > Domaine > Règne > Embranchement > Classe > Ordre > Famille > Genre > Espèce
La nomenclature est dite binomiale : les éléments naturels sont désignés parle le nom du genre suivit du nom
de
l'espèce
Ex : Animal : Genre Espèce
Le lion : Panthera Leo
L'Homme : Homo sapiens.
Cette classification est critiquée dès le XVIIIe, par des naturalistes ou des philosophes :
Locke
: « Les bornes des espèces sont telles qu'elles sont établies par l'Homme et non par la nature » La
classification peut être faite selon trois systématiques :
- La systématique fixiste : Les animaux et les plantes ont été créés et classés par la volonté divine, il sent
là une foi pour toute et n'évoluent pas (créationnisme), C'est notamment la vision de Linné.
- La systématique évolutionniste : Découverte de Darwin : les animaux évoluent. Ceci introduit donc
de la dynamique dans la systématique fixiste.
- La systématique pragmatique : La mise en norme est quotidienne, au coup par coup, selon les
découvertes d'espèces, qui peuvent remettre en cause la l'ancienne classification.
Ce qui est révolutionnaire dans la classification de
Linné
, c'est la place qu'il réserve à l'Homme :
dans le règne animal : «
Ranger l'Homme dans le système taxinomique des espèces animales,
tout en lui
conservant une place à part du reste des animaux
» (
Jacqueline Duvernay-Bolens
: L'Homme
zoologique,
Race et racisme chez les naturalistes de la première moitdu XIXe siècle ): apparaît par exemple l'
homo
sapiens
.
Classification de
Bory de Saint Vincent
(1825)
« S'intéressant à la façon dont les autres classent, l'anthropologie a été un grand classificateur, la nouveauté est
de classer l'Homme dans les systèmes taxinomiques.
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