Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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Des cellules tueuses
12/07/12
Une équipe de chercheurs de l'ULg étudie les cellules NK (contraction de « Natural Killer » ou « Tueuses
naturelles »). Ces cellules, encore peu connues, sont des lymphocytes capables de tuer spontanément
certaines cellules infectées par un virus ainsi que certaines cellules cancéreuses et métastatiques. Un
des enjeux de l'immunothérapie moderne sera de mieux comprendre leur fonctionnement pour parvenir à
maximiser leurs actions.
Des scientifiques du Laboratoire de Pathologie
Expérimentale du GIGA-Infection, immunité et inflammation de l'Université de Liège, sous la supervision
de Nathalie Jacobs, chercheur qualifié F.R.S-FNRS, ont publié deux publications éclairantes sur ce sujet
séduisant. La première, article de revue co-signé en premier auteur par Inge Langers (1) et Virginie Renoux,
retrace les avancements des connaissances sur ces cellules atypiques depuis leur découverte dans les
années 1970 et leur rôle contre les tumeurs et métastases ainsi que contre certains virus. La seconde
publication, proposée par Virginie Renoux (2) et faisant la couverture du European Journal of Immunology
en novembre 2011, étudie le rôle des cellules NK contre le papillomavirus humain, un virus qui peut entraîner
le cancer du col de l'utérus.
Deux publications prometteuses qui opèrent un pas en plus dans la lutte contre un des grands fléaux de
notre époque, et qui visent à comprendre ou en tout cas à dévoiler une partie du rôle majeur de ces cellules
humaines, agissant comme alliées et protectrices de premier rang contre les invasions virales et cancéreuses.
A la charnière entre deux types de défense contre une agression
En cas d'incursion d'un agent pathogène, le corps se défend de deux manières.
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D'une manière "innée" (réponse immunitaire innée): c'est une réponse rapide grâce à une
reconnaissance de motifs communs à plusieurs pathogènes (ou PAMP pour pathogen-associated
molecular patterns).
D'une manière "adaptée" (réponse immunitaire adaptative): un processus d'éducation et d'adaptation
permet aux lymphocytes T et B de reconnaître un pathogène particulier ou une cellule tumorale grâce
à leur récepteur spécifique. Cette réponse est plus lente à se mettre en place et nécessite l'intervention
de la réponse innée, mais elle développe une mémoire permettant une réponse plus rapide dans le cas
d'une 2e agression par un même pathogène.
Qu'en est-il de ces fameuses cellules NK, ressemblant à des lymphocytes, mais n'arborant pas les mêmes
récepteurs spécifiques de reconnaissance que leurs « cousins », bien connus, eux ? Qu'en est-il également de
cette capacité à tuer spontanément des cellules cancéreuses ou infectées par un virus, et surtout, comment s'y
prennent-elles pour les reconnaître et les lyser ? Toutes ces questions longtemps demeurées sans réponses
auront facilité un premier baptême de la cellule NK sous le nom ingrat de « lymphocyte nul », puisqu'elle
n'avait aucun récepteur connu et donc était présupposée sans système de reconnaissance sophistiqué et
sans mémoire.
« Aujourd'hui, explique Nathalie Jacobs, des études suggèrent que ces cellules peuvent aussi passer par
des processus d'éducation et développer une forme de mémoire. Pour reconnaître une cellule cancéreuse,
elles ont également des récepteurs qui fonctionnent différemment de ceux des lymphocytes T et B. On peut
donc dire que de par leur nature, elles sont à la charnière entre les deux types d'immunité. Elles interagissent
également avec les cellules de l'immunité innée pour permettre une meilleure activation des cellules de
l'immunité adaptative. » On peut donc dire que les lymphocytes NK partagent des caractéristiques des 2 types
de réponses immunitaires et servent de pont entre ces 2 réponses.
Balance entre récepteurs inhibiteurs et activateurs
Un lymphocyte T cytotoxique, pour détruire une cellule tumorale ou infectée par un virus, doit exprimer
à sa surface un récepteur spécifique qui reconnaitra un antigène tumoral (ou viral) présenté par une
molécule du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) (figure 1). Cependant, la proportion de lymphocytes
T cytotoxiques possédant un récepteur spécifique à un virus ou à une cellule tumorale est très faible et
le lymphocyte doit d'abord proliférer grâce à des signaux donnés par la réponse immunitaire innée pour
enclencher une réponse efficace.
Par contre, une cellule NK comme son nom l'indique peut tuer "naturellement" et rapidement. Pourquoi et
comment:
Tout d'abord parce elles possèdent déjà les armes pour tuer les cellules alors que les lymphocytes T doivent
encore les fabriquer (figure 1). Ces armes sont contenues dans des granules cytotoxiques qui après liaison
avec la cellule tumorale libèrent des granzymes et des perforines. Les perforines sont des protéines qui,
comme leur nom l'indique, vont perforer la membrane de la cellule cible. Les granzymes sont des protéines
cytotoxiques qui vont alors pénétrer la cellule cible et dégrader son ADN pour mener à l'apoptose ou mort
programmée de la cellule.
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Les cellules NK possèdent toutes des récepteurs permettant de distinguer potentiellement les cellules
tumorales ou infectées par un virus d'une cellule normale.
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La
reconnaissance de la cellule anormale par la cellule NK se fait grâce à une balance entre les signaux induits
par des récepteurs inhibiteurs et activateurs:
A : Les récepteurs inhibiteurs (découverts par Klas Kärre) reconnaissent les molécules de CMH de classe I
présentes à la surface de toutes les cellules normales l'exception des spermatozoïdes). Elles permettent
la reconnaissance du "soi" par le système immunitaire et présentent les antigènes aux lymphocytes T
cytotoxiques. Les récepteurs inhibiteurs vont bloquer le processus de lyse indépendamment de l'antigène
présenté et donc protéger les cellules normales de la destruction par les cellules NK.
B : Les récepteurs activateurs se lient à des molécules qui ressemblent aux molécules de CMH mais qui
sont induites suite à un stress cellulaire comme la transformation tumorale ou une infection. Ces récepteurs
vont activer le processus de lyse si ce signal est suffisamment important pour lever l'inhibition induite par les
récepteurs inhibiteurs.
C : Afin d'éviter la reconnaissance par les lymphocytes T, les cellules tumorales ou infectées n'expriment plus
(ou moins) de molécules de CMH, mais elles seront d'autant plus sensibles à une attaque par les cellules NK
qui ne seront plus inhibées par leurs récepteurs inhibiteurs.
Ces molécules de CMH de classe I pourraient aussi être à la base d'une forme d'éducation des cellules NK.
« Par exemple, illustre Nathalie Jacobs, des études sur des souris qui n'ont plus certains types de CMH ont
montré qu'il n'y avait pas de réponse des lymphocytes NK vis-à-vis de cellules tumorales. On suppose donc
que, privés de cette reconnaissance préalable de l'appartenance d'une cellule à un corps (reconnaissance du
"soi"), ils ne s'activent pas. »
Tueuses du cancer et bien plus encore
Si les cellules NK sont étudiées depuis moins longtemps que les lymphocytes T, leur efficacité contre les
cellules tumorales n'est en tout cas plus à prouver. Par exemple, il a été démontré que les personnes dont
les cellules NK étaient moins efficaces à détruire des cellules tumorales dans un test réalisé au laboratoire
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étaient davantage sujettes au risque de développer un cancer. Outre leur rôle de défense contre les cellules
tumorales, les cellules NK sont également susceptibles de s'attaquer à des cellules infectées par un virus.
« Plusieurs études ont permis d'émettre l'hypothèse d'un rôle des cellules NK dans le contrôle de l'infection
par HIV (ndlr : virus responsable du SIDA), par exemple. Les personnes dites « contrôleurs élites » (infectées
par le virus mais n'ayant pas développé la maladie) avaient des cellules NK avec une plus grande activité
cytotoxique que les personnes ne contrôlant pas l'infection HIV». Enfin les cellules NK soutiennent également
la réponse immunitaire adaptative en stimulant les cellules présentatrices d'antigènes et en secrétant des
cytokines qui activeront les lymphocytes T.
Des cellules longtemps restées dans l'ombre
Les lymphocytes NK ont été observés pour la première fois dans les années 1970, mais ont encore beaucoup
de secrets à livrer. « Il est vrai, pondère Nathalie Jacobs, que les scientifiques se penchent davantage sur la
réponse immunitaire adaptative dont les acteurs sont les lymphocytes T ou B qui fournissent une immunité
plus 'sophistiquée'. De plus, les cellules NK sont une population minoritaire dans le sang, elles représentent
moins de 10% des globules blancs sanguins. Jusqu'il y a peu, peu de récepteurs de ces cellules étaient connus
ce qui les rendaient moins facile à isoler et à étudier »
Mais l'évolution de l'intérêt de ces cellules est loin d'être linéaire. Peu de temps après la découverte de ces
cellules capables de s'attaquer spontanément aux cellules cancéreuses, les premières études sur ces cellules
ont suscité un vif intérêt dans les laboratoires d'immunothérapie. « Dans le courant des années 80, retrace
Nathalie Jacobs, des chercheurs ont essayé d'amplifier l'activité anti-tumorale des cellules NK, notamment
en les mettant en présence de cytokine telle que l'interleukine 2 (IL2). Les cellules NK activées tuaient plus
efficacement les cellules tumorales et des résultats très encourageants ont été obtenus chez des souris. »
A ces études ont succédé des essais cliniques qui n'ont malheureusement pas donné des résultats très
probants. Il a en effet fallu administrer des concentrations élevées d'IL-2 pour pouvoir activer in vivo les cellules
NK des patients cancéreux. Or, à forte dose, l'IL-2 est toxique. Ce qui revient à soigner un problème en
en infligeant un autre. L'IL-2, de surcroît, active un autre type de cellules, les lymphocytes T régulateurs.
Ces lymphocytes assurent une fonction régulatrice: ils contrôlent la réponse immunitaire afin d'éviter un
emballement de celle-ci qui conduirait à des maladies auto-immunes. Dans le cas présent, ces cellules
inhibaient les cellules NK, ces mêmes cellules que les chercheurs tentaient d'activer.
Parvenir à activer les cellules in vivo
« Suite à cet échec clinique, explique Nathalie Jacobs, et face à l'incompréhension du fonctionnement de
ces cellules, l'engouement qu'elles avaient suscité est donc retombé. Maintenant que l'on commence à
comprendre comment elles fonctionnent, l'intérêt pour ces cellules revient depuis quelques années. Et pour
les stimuler sans activer d'autres cellules qui les inhiberaient, on tente de trouver d'autres cytokines qui
seraient moins toxiques que l'interleukine 2, afin de pouvoir les utiliser en immunothérapie. » Plus largement,
la découverte plus récente que ces cellules jouent un rôle important dans la réponse immunitaire comme pont
entre la réponse immunitaire innée et adaptative fait que de nombreuses équipes s'y intéressent aujourd'hui.
L'équipe de Nathalie Jacobs s'est penchée sur un cas tout particulier, à la charnière des capacités de la
cellule. « Nous nous focalisons sur les infections par certains papillomavirus humains (ou HPV), ces virus
pouvant induire des cancers et notamment le cancer du col de l'utérus. Ce modèle nous offre donc la possibilité
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