Déterminants et élimination chez Leibniz / Determinants and

M EBERHARD KNOBLOCH
Déterminants et élimination chez Leibniz / Determinants and
elimination in Leibniz
In: Revue d'histoire des sciences. 2001, Tome 54 n°2. pp. 143-164.
Résumé
RÉSUMÉ. — L'affectation par Leibniz d'indices en algèbre est un exemple important de sa caractéristique combinatoire. Leibniz
inventa plus de cinquante manières d'utiliser des nombres fictifs tels que les indices. Leibniz résolut des systèmes inhomogènes
d'équations linéaires et déduisit plusieurs théorèmes généraux, anticipant ainsi des résultats de la théorie des déterminants. En
même temps, il développa plusieurs méthodes d'élimination de l'inconnue commune à deux polynômes et calcula leur résultant.
Abstract
SUMMARY. — Leibniz's use of indices in algebra is an important example of his combinatorial characteristic. He invented more
than fifty ways of using fictive numbers as indices. He solved inhomogeneous systems of linear equations and deduced several
general theorems, thus anticipating results of the theory of determinants. At the same time he developed several methods of
eliminating the common variable of two polynomials and calculated their resultant.
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KNOBLOCH EBERHARD. Déterminants et élimination chez Leibniz / Determinants and elimination in Leibniz. In: Revue
d'histoire des sciences. 2001, Tome 54 n°2. pp. 143-164.
doi : 10.3406/rhs.2001.2116
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0151-4105_2001_num_54_2_2116
Déterminants
et
élimination
chez
Leibniz
Eberhard
Knobloch
(*)
RÉSUMÉ.
L'affectation
par
Leibniz
d'indices
en
algèbre
est
un
exemple
important
de
sa
caractéristique
combinatoire.
Leibniz
inventa
plus
de
cinquante
manières
d'utiliser
des
nombres
fictifs
tels
que
les
indices.
Leibniz
résolut
des
sys
tèmes
inhomogènes
d'équations
linéaires
et
déduisit
plusieurs
théorèmes
généraux,
anticipant
ainsi
des
résultats
de
la
théorie
des
déterminants.
En
même
temps,
il
développa
plusieurs
méthodes
d'élimination
de
l'inconnue
commune
à
deux
poly
nômes
et
calcula
leur
résultant.
MOTS-CLÉS.
Caractéristique
;
équation
linéaire
;
déterminant
;
polynôme
;
résultant.
SUMMARY.
Leibniz's
use
of
indices
in
algebra
is
an
important
example
of
his
combinatorial
characteristic.
He
invented
more
than
fifty
ways
of
using
fictive
numbers
as
indices.
He
solved
inhomogeneous
systems
of
linear
equations
and
dedu
ced
several
general
theorems,
thus
anticipating
results
of
the
theory
of
determinants.
At
the
same
time
he
developed
several
methods
of
eliminating
the
common
variable
of
two
polynomials
and
calculated
their
resultant.
KEYWORDS.
Characteristic
;
linear
equation
;
determinant
;
polynomial
;
resultant.
Introduction
Améliorer
l'art
d'inventer
fut
de loin
la
préoccupation
la
plus
importante
de
Leibniz
pendant
toute
sa
vie.
Selon
lui,
l'art
d'in
venter
s'appuie
essentiellement
sur
l'art
caractéristique,
sur
le
choix
(*)
Eberhard
Knobloch,
Institut
fur
Philosophie,
Wissenschaftstheorie,
Wissenschafts-
und
Technikgeschichte,
Technische
Universitat
Berlin,
Ernst-Reuter-Platz
7,
10587
Berlin,
Allemagne.
Rev.
Hist.
ScL,
2001,
54/2,
143-164
144
Eberhard
Knobloch
approprié
de
signes,
de
caractères.
L'art
combinatoire,
auquel
l'algèbre
est
subordonnée
fournit
les
règles
selon lesquelles
les
signes
créés doivent
être
manipulés pour
élargir
les
connaissances
humaines,
particulièrement
mathématiques.
Il
y
a
ainsi
trois
arts
auxquels
Leibniz
s'intéressait
au
plus
haut
degré
:
l'art
d'inventer,
l'art
caractéristique,
l'art
combinatoire.
Son
invention
de
la
symbolique
du
calcul
différentiel
est
l'exemple
le
plus
connu
de
sa
recherche
des
caractères
mathémati
ques
propres
(1).
Mais
déjà
en
1912,
Mahnke
avait
attiré
l'atten
tion
sur
le
fait
que
l'affectation
par
Leibniz
d'indices
en
algèbre
et
en
géométrie
était
un
autre
exemple
eminent
de
sa
caractéristique
combinatoire
(2).
Depuis,
ses
soixante-huit
études
les
plus
import
antes
en
algèbre
ont
été
publiées
(3).
Par
conséquent,
j'aborderai
les
trois
sujets
suivants
:
I.
Les
idées
fondamentales
II.
Les
systèmes
inhomogènes
d'équations
linéaires
1
/
La
motivation
2
I
La
règle
des
signes
3
/
Les
théorèmes
généraux
III.
L'élimination
d'une
inconnue
commune
\
I
La
méthode
dite
dialytique
de
James-Joseph
Sylvester
21
La
méthode
de
Bézout
et
la
deuxième
méthode
d'Euler
Ъ
I
La
première
méthode
d'Euler
:
la
théorie
des
explications
des
années
1693-1694
4
/
Les
règles
de
formation
et
la
règle
des signes
du
résultant
Épilogue
(1)
Eberhard
Knobloch,
Progrès
et
tâches
futures
de
la
recherche
leibnizienne
en
mathé
matiques,
Les
Études
philosophiques,
II
(1989),
161-170,
ici
162.
(2)
Dietrich
Mahnke,
Die
Indexbezeichnung
bei
Leibniz
als
Beispiel
seiner
kombinato-
rischen
Charakteristik,
Bibliotheca
mathematica,
sér.
3,
13
(1912-1913),
250-260.
(3)
Eberhard
Knobloch,
Die
entscheidende
Abhandlung
von
Leibniz
zur
Théorie
linea-
rer
Gleichungssysteme,
Studia
Leibnitiana,
IV/3-4
(1972),
163-180;
Id.,
Unbekannte
Studien
von
Leibniz
zur
Eliminations-
und
Explikationstheorie,
Archive
for
history
of
exact
sciences,
XII/2
(1974),
142-173
;
Id.,
Der
Beginn
der
Determinantentheorie,
Leibnizens
nachgelassene
Studien
zum
Determinantenkalkiil
(Hildesheim
:
Gerstenberg,
1980),
«
Arbor
scientiarum
»,
sér.
B,
vol.
II.
Déterminants
et
élimination
chez
Leibniz
145
I.
Les
idées
fondamentales
Au
mois
de
juin
1678,
Leibniz
remarqua
dans
son
«
Exemple
d'une
nouvelle
analyse
(4)
»
:
«
C'est
donc
la
règle
la
plus
import
ante
de
la
caractéristique
que
les
caractères
expriment
tout
ce
qui
est
caché
dans
la
chose
désignée
ce
qui
se
fait
le
mieux par
des
nombres
à
cause
de
leur
quantité
et
de
leur
facilité
de
calculer.
Elle
sera
aussi
très
utile
en
géométrie
afin
d'exprimer
les
positions.
»
Quand
il
écrivit
ses
Nouveaux
essais
sur
l'entendement
humain,
en
1704,
il
revint
sur
cette
idée
(5).
En
1678,
il
soulignait
trois
aspects
:
1
/
les
nombres
permettent
un
contrôle
pendant
chaque
phase
du
calcul,
soit
par
la
preuve
par
neuf,
soit
par
la
preuve
par
onze,
soit
par
sommation
;
2
/
les
nombres
peuvent
exprimer
précisément
les
différents
ordres
et
rapports
entre
les
quantités
et
les
caractères
;
3
/
les
nombres
permettent
la
découverte
des
lois
de progression,
les
règles
de
formation,
les
harmonies.
En conséquence,
Leibniz
inventa
plus
de
cinquante
(!)
manières
d'utiliser
des
nombres
fictifs
;
deux
seulement
furent
publiées,
en
1700
et
1710
(6).
Je
ne
voudrais
expliquer
que
les
manières
suivantes
:
10
+
Ux
+
12^
=
0
ou
en
signes
modernes
аю
+
апх
+
апу
=
0
20+21x+22.y
=
0
a20
+
a2x
x
+
a22
>>
=
0.
L'indice
gauche
désigne
l'équation
linéaire,
l'indice
droit
désigne
l'inconnue.
Les
nombres
ne
sont
pas
des nombres
véritables,
mais
(4)
Knobloch
(1980),
op.
cit.
in
n.
3,
2,
5.
(5)
Gottfried
Wilhelm
Leibniz,
Nouveaux
essais
sur
l'entendement
humain
(Amsterdam-
Leipzig,
1765).
Je
cite
la
réédition
Gottfried
Wilhelm
Leibniz,
Sànttliche
Schriften
und
Brief
e
(Berlin
:
Akademie
Verlag,
1962),
sér.
6,
vol.
6,
409-411
(liv.
4,
chap.
7,
§
6).
(6)
Eberhard
Knobloch,
Studien
von
Leibniz
zum
Determinantenkalkul,
Studia
Leibni-
tiana
supplementa,
XIII
(1974),
37-45.
146
Eberhard
Knobloch
des
doubles
indices.
L'écriture
moderne
n'ajoute
que
la
lettre
qui
est
affectée
d'indices.
+llx+12ouen
signes
modernes
al0x2
+
aux
+
an
20jc2
+
2\x
+
22
a2Ox2
+
a2lx
+
a12.
L'indice
gauche
désigne
le
polynôme,
l'indice
droit
fournit
son
degré
-
ici
2
-,
si
on
y
ajoute
l'exposant correspondant
de
la
variable
x.
Par
conséquent,
Leibniz
appelle
ces
coefficients
«
homogènes ».
12y2
+
1
\y
+
10
ou
en
signes
modernes
al2
y2
+
an
y
+
ai0
22/
+
2\y
+
20
a22
y2
+
a2l
y
+
a2Q.
L'indice
gauche
désigne
le
polynôme
comme
auparavant,
l'indice
droit
est
l'exposant
de
la
variable.
Leibniz
appelle
ces
coefficients
«
inhomogènes ».
Il
communiqua
cette
affectation
de nombres
fictifs
à
quelques-
uns
seulement
de
ses
plus
de
1
100
correspondants,
principal
ement
(7)
:
1
/
Au
mathématicien
hollandais
Johann Jakob
Ferguson,
en
1680.
Celui-ci calculait
quelques
résultants
sous
la
direction
de
Leibniz
(8).
2
/
Au
marquis
de
L'Hospital,
en
1693.
Leibniz
lui
communiqua
une solution
(pas
la
meilleure)
d'un
système
d'équations
linéaires
au
moyen
d'un
déterminant.
3
/
À
Charles
Reyneau,
avant
1708.
En
1712,
Leibniz
lui
envoya
son
«
Canon
général
de
la
division
»
par
l'intermédiaire
de
Jacques
Lelong
(9). Reyneau expliqua
en
détail
les
indices
algébriques
leib-
niziens
dans
son
Analyse
démontrée,
ou
la
méthode
de
résoudre
les
problèmes des
mathématiques,
et
d'apprendre
facilement ces
sciences,
qui
parut
en
1708.
Leibniz
utilisait
des
indices
algébriques
afin
de
traiter
quatre
problèmes
en
particulier
:
1
/
les systèmes
d'équations
linéaires
;
2
/
l'élimination
d'une
inconnue
commune
à
deux
équations d'un
degré
plus
élevé
;
(7)
Eberhard
Knobloch,
Zur
Vorgeschichte
der
Determinantentheorie,
Studia
Leibni-
tiana
supplements
XXII
(1982),
96-118.
(8)
Ces
lettres
sont
publiées
dans
Leibniz,
Sumtliche
Schriften...,
op.
cit.
in
n.
5,
sér.
3,
vol.
3,
nos
44-47.
(9)
Knobloch
(1980),
op.
cit.
in
n.
3,
66,
324-326.
1 / 23 100%

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