FISCALITÉ DE LENVIRONNEMENT 87
le caractère planétaire, qui impose un niveau de coordination interna-
tionale de laction rarement atteint et difficile à établir du fait de lampleur
des différences économiques et démographiques qui séparent les pays de la
planète mais aussi des controverses et conflits sur le partage des responsa-
bilités pour les actions à mener.
la dimension du long terme et de la faible réversibilité, à léchelle des
temps humains et économiques, des phénomènes physiques en cause; du
fait des inerties et constantes de temps en jeu, lhorizon requis pour définir
des stratégies daction sétend à plus dun siècle; lintervalle entre le mo-
ment où une action doit être engagée, mais aussi où son coût doit être sup-
porté, et le moment où elle porte ses fruits est agrandi à lextrême, donnant
au problème un tour intergénérationnel inédit.
lampleur des incertitudes qui demeurent dans les connaissances scien-
tifiques de base pour appréhender la dynamique du climat et la régionalisa-
tion des conséquences, mais également pour cerner les modes de dévelop-
pement technologique et économique qui verront le jour à lavenir et dont
dépendent les trajectoires démission de GES. Ces incertitudes affectent
directement les aspects les plus décisifs du point de vue des politiques à
engager. De ce fait, ces dernières ne disposent pas de repères scientifiques
évidents sur lesquels elles pourraient se caler dune façon indiscutable.
la mise en cause de presque toutes les activités humaines, de la pro-
duction délectricité et de ciment aux transports en passant par lagricul-
ture et lexploitation forestière. Les émissions de GES résultent en effet de
lusage de lénergie fossile (toute combustion engendre du CO2) et dautres
composés chimiques (CFC, N2O), mais aussi des modifications des échan-
ges entre les sols et latmosphère (déforestation). Il ne suffit donc pas de
trouver un accord avec quelques grands groupes industriels comme cela a
été le cas pour la production de CFC, ni de sen tenir à des substitutions
technologiques.
Dans un tel contexte, les techniques usuelles de calcul économique
comme lanalyse coûts-avantages voient leur pertinence pratique diminuer.
Ce nest pas pour autant que les raisonnements économiques doivent être
délaissés. Ils doivent seulement être adaptés pour être mis au service de
lexploration dunivers scientifiquement incertains et controversés(8). Ils
doivent notamment clarifier le débat sur le calendrier optimal de laction
(8) En univers stabilisé, les principaux traits qui constituent le monde physique sont de
connaissance commune et sexpriment sous la forme de contraintes naturelles qui encadrent
les processus économiques. De la même façon, les relations de cause à effet en jeu dans la
réalisation de dommages externes sont réputées connues. Les conflits y sont alors des con-
flits dintérêts ayant pour enjeu la distribution des richesses ou des responsabilités, ou des
conflits de valeurs normatives dus à limpossibilité de déduire de façon non ambiguë les
choix collectifs optimaux des préférences individuelles; ils nont pas de dimension cogni-
tive concernant le monde physique. Ce nest plus le cas en univers controversé (Godard,
1993b, 1997a) où, face à des risques potentiellement graves et irréversibles, la logique de
laction ne peut attendre la stabilisation des connaissances pour commencer à être engagée.
Limbrication des scènes de laction et du savoir complexifie le jeu, tandis que la décision
collective se déplace dune problématique de la «décision optimale» vers celle de la