Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative One pager Août 2012 Vol. 3 – Num. 006 http://www.lareq.com Les Trois PoinTs d’AncrAge en HisToire économique Cédrick Tombola Muke* et Jean – Paul Tsasa V. Kimbambu† Après avoir sondé la science de l’économiste, il parait clair que la controverse philosophique école classique versus keynésienne ou marxiste est finalement peu intéressante. Il faut faire un choix et le nôtre est clair : c’est la première des écoles. Introduction On ne peut prétendre maîtriser les fondamentaux de l’économie, ni son histoire aussi longtemps que l’on ne comprendrait jamais rigoureusement « trois économistes ». Tout au long de ce papier, nous nous proposons d’aligner quelques arguments qui doivent pousser notre communauté à reconsidérer les repères de l’enseignement de l’histoire économique. A ce jour, nous estimons que si les modèles de la macroéconomie moderne ne sont pas discutés mais quasi – ignorés au sein de la communauté en cause, c’est dû à la défectuosité du contenu qu’on associe à la pensée économique ! En observant attentivement les discours de « malheureux » étudiants de licence, master, voire doctorat ; des universitaires ; des experts dans les banques et autres institutions gouvernementales, nous constatons amèrement que nombre d’entre eux ne savent « rigoureusement » rien des idées exposées depuis 1968 sur la nouvelle marche de la théorie économique. L’affirmation demeure valable même si l’on considérait les années antérieures au seuil de 1968. Pour s’en convaincre, notons qu’après une petite enquête et plusieurs interviews – discussions, dans quatre universités « réputées » de la communauté en cause, il était courant de rencontrer une cohorte d’élites qui ignore pleinement : - l’équation originelle estimée par Phillips en 1956 (courbe de Phillips) ; - la formalisation de l’inquiétude de Milton Friedman exprimée en 1968 (stagflation) ; - les démonstrations du principe d’incohérence temporelle mis en évidence par Kydland et Prescott en 1977 ; - La démonstration rigoureuse de la neutralité de la politique budgétaire exposée pour la première fois par Barro en 1974 ; - la démonstration non folklorique de la critique de Lucas établie en 1976 ; - les modèles RBC, DSGE, etc. - ou pour descendre plus loin, les enjeux actuels du concept de concours de beauté avancé par Keynes dans le chapitre XII de sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. D’aucuns répliquent même : à quoi nous servirait tout ce lot de concepts ? Ne dit – on pas que dans la succession des phénomènes constatés, l’esprit doit toujours rechercher des explications plausibles ? Dès lors, un questionnement surgit d’amblée : comment prétendre réaliser quelque chose de nouveau si l’on n’est pas informé de ce qui s’est passé ou de ce qui se passe ailleurs ? Pourquoi se contenter de conclusions de paradigmes ou de lecture facile de grandes théories sans s’interroger sur l’Esprit qui les soutient ? * † Assistant CCAM – UPC et Chercheur co – accompli au Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative [LAREQ] ; [email protected]. Master en cours Economie – NPTCI 2010 – 2012 ; Assistant CCAM – UPC et Chercheur co – accompli au Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative [LAREQ] ; [email protected]– BP 16 626 Kinshasa I. 58 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis L’économiste ne se perd – il pas dans les fables ? Comment apprendre à notre communauté à transcender les idées erronées transformées en quasi – vérités ? Apprendre une tonne de grands « noms » en économie est légitime –on en a d’ailleurs fait avec brio sur le banc de l’université– mais qu’est – ce qui est utile pour un économiste accompli* ? Ainsi, ce papier se propose de comprendre toute la science économie en élevant trois économistes au rang de référentiel. Le programme poursuivi, dont ce papier est un premier essai, est de trouver un sentier qui conduit la communauté scientifique en cause à émerger avec une science adaptée et endogène aux vécus et défis de son environnement. Et pour y parvenir, « bien comprendre » l’évolution de l’économie SAT† ne peut suffire (condition nécessaire non suffisante), il faut en plus, « mieux cerner » les points de retournement de cette discipline. A ce jour, voici ce qui est utile pour l’économiste accompli de notre communauté : (i) Restauration du background [comprendre les motivations de l’écriture de Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations qui est reconnu comme le texte fondateur de la science économique moderne ou mieux, le texte ayant résumé avec succès la vision de géniteurs de l’économique ; pénétrer la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, en vue, d’une part, de soutirer les éléments nécessaires et complémentaires au discours prêché par Alfred Marshall et Léon Walras et d’autre part, apprécier la qualité de la nouvelle recette présentée à l’économiste ; appréhender la portée de la Révolution des anticipations rationnelles afin (*) d’identifier, avec cohérence et rigueur, les traces suivies par la théorie économique moderne et (*) de se placer et d’œuvrer sur la frontière de connaissances en sciences économiques] ; (ii) saut de connaissances ; (iii) consolidation des connaissances et (iv) standardisation des compétences. Ce papier, s’inscrivant dans la logique de Tsasa (2012a), présente la première phase de la restauration du background de l’économiste congolais. Eu égard au thème traité, la démarche suivie procède par personnification. Nous procédons comme suit. Dans une première section, nous présentons la figure qui caractérise l’émergence de la science économique dans sa phase moderne. La deuxième et la troisième sections examinent les acteurs majeurs de l’évolution de la science économique, qui constituent, sans nul doute les deux pics majeurs de la pensée économique du XXème siècle et de la première décennie du IIIème millénaire. * † Par exemple, il a juste fallu, pour Lucas, étudier sérieusement deux économistes pour disposer d’une connaissance approfondie en économie. Il s’intéressait à formaliser le paradigme friedmanien à l’aide des outils mathématiques prêtés à Samuelson. Science, Art et Technique. 59 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis I. Adam Smith : le collecteur illuminé de la pensée économique Contrairement à Adam biblique, Adam Smith n’est pas le parent géniteur unique de l’économie moderne. Il apparait comme le collecteur et l’ordonnateur illuminé de la pensée dispersée des grands économistes primitifs. Maitrisant l’histoire économique et confrontant, à chaque fois, sa pensée aux faits, il parvient à écrire, en 1776, non parfaitement et plus correctement que tout autre penseur économique contemporain ou l’ayant précédé, le projet de la science économique moderne. Ainsi, certains économistes n’ont pas eu tort de lui attribuer précipitamment la paternité de la science économique moderne car ayant le plus inspiré les économistes dans le temps et dans l’espace. Il est en réalité la principale branche génitrice de l’économie, discipline scientifique. Tout comme David Ricardo et Joseph Schumpeter ont contribué à ce que Smith ait été constamment sous – estimé dans le cercle des économistes de la première moitié du XXème siècle (Samuelson, 1992*), de même les enseignants responsables du cours de l’histoire économique dans la communauté en cause ont biaisé l’appréhension de la genèse de l’économique et de son évolution. Ils n’ont nullement développé de procédures et mécanismes stimulant l’apprenant à lire les textes originaux. Adam Smith David Ricardo John Stuart Mill Jean – Baptiste Say Alfred Marshall Par réaction : John Maynard Keynes Les courants pro - keynésiens Leon Walras Carl Menger William Jevons Vilfredo Pareto Karl Marx Monétaristes Economistes de l’offre Nouveaux classiques Alors qu’il est important de pénétrer, comprendre et connaître telle figure, on s’est contenté de retenir les fragments de phrases ! Année de 1ière publication 1759 1761 1776 1795 1795 1795 1795 1896 1963 * Principales œuvres d’Adam Smith Titre de l’ouvrage Théorie des sentiments moraux Considerations concerning the First Formation of Languages An inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations History of Astronomy History of Astronomy History of Ancient Logics and Metaphysics History of Ancient Physics Lectures on Jurisprudence Lectures on Rhetoric and Belles Lettres Thème traité Philosophie morale Le langage Economie Politique Astronomie L’imitation dans les arts Philosophie Physique Notes de cours juridiques Notes de cours sur la réthorique A l’occasion d’une conférence tenue au Usher Hall à Edinburgh au mois de juillet 1990 pour célébrer le 200 ème anniversaire de la mort de Smith et réunissant 11 récipiendaires du prix Nobel (Maurice Allais, James M. Buchanan, Lawrence R. Klein, Wassily Leontief, James Meade, Franco Modigliani, Paul A. Samuelson, Theodore W. Schultz, Richard Stone, Jan Tinbergen et James Tobin). Planeta (2006) note que, d’une part, Ricardo croyait que le système de Smith était erroné alors que les économistes aveuglés par la réputation de brillance de Ricardo, était « unable to recognize in his murky exposition the many non sequiturs contained there and accepted Ricardo’s indictment at its face value » ; et d’autre part, Schumpeter attaquait l’œuvre de Smith pour sa médiocrité et son manque d’originalité. A ce sujet Samuelson (1992) précise que Schumpeter, dans son « brilliant German work, Economic Doctrine and Method (1914), had patronized Smith faint praise », alors que les économistes d’entre 1930 et 1990 n’avaient qu’un intérêt et une connaissance limitée de l’histoire de l’économie et que donc, « they gladly go for whole hours without thinking about the subject. Therefore, Schumpeter’s evaluation was influential to them and set the climate of opinion ». 60 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Il est possible de comprendre les grandes lignes de l’œuvre maîtresse d’Adam Smith (Bien que prolifique*) en isolé ; ce qui rend plus souple le processus d’apprentissage du mode de réflexions qu’il a confectionné. Une compréhension plus approfondie en exige une lecture multidisciplinaire à l’effet d’explorer non seulement ses facettes économiques, mais également politiques ou morales. La contribution de l’œuvre de Smith (1776)† dans l’évolution de la pensée économique est majeure (Martineau, 2006) et à ce jour, comme en témoigne l’interprétation senienne‡ de la pensée de Smith, nous sommes convaincu qu’elle n’est toujours pas intégralement exploitée et/ou mise en évidence. D’où la nécessite de la relire sans préjugé§. De l’esprit de système à la main invisible Le Collecteur estime que l’homme scientifique a toujours cherché à perfectionner un système explicatif du monde qui l’entoure, car il veut réduire la douleur de l’étonnement devant un phénomène inexpliqué, puis il veut augmenter son plaisir à admirer un système parfait. Une sorte de mécanique céleste réglerait les mouvements des planètes, le monde matériel et les rapports sociaux. Ainsi, en 1776, il cherche à déterminer un mécanisme liant les rapports sociaux entre les hommes, à la manière de Newton, dont il fait l’éloge, qui a construit un système, à cette même époque, qui a suscité l’admiration dans le domaine du monde matériel. Ce système doit satisfaire à trois critères pour plaire à « l’esprit de système » : il doit satisfaire aux jugements moraux, techniques et esthétiques. Ainsi, Smith s’est appliqué à créer cette « main invisible », qui prend place dans le système d’économie politique idéal. De l’économie politique à la science économique L’œuvre de 1776 déclasse et/ou complète les auteurs français (Catillon, Quesnay, Montesquieu, Rousseau, Voltaire, etc.) jusqu’à lors maîtres du champ économique, et tente de faire de l’économie politique une science spécifique en introduisant pour la première fois dans l’analyse économique les procédés de l'enquête scientifique. Du capitalisme naissant à la régulation par le marché L’ordonnateur théorise les conditions de la régulation par le marché du capitalisme naissant. Il est l'un des premiers à présenter les relations économiques comme un ensemble d’éléments régi par des lois, ces relations s'autorégulant grâce au marché. Une nouvelle définition de la richesse Smith rompt avec la théorie mercantiliste selon laquelle la richesse d'une nation se mesure à la quantité de matériaux précieux qu'elle possède. Il définit la richesse comme une production annuelle obtenue grâce au travail. Et donc, l'enrichissement de la nation repose sur l'augmentation de la quantité de travail et l'amélioration de la productivité. * Moscovici (1956) estime qu’il plus choquant de voir Adam Smith catalogué dans une seule discipline et jugé uniquement sur ce qu'il a produit de plus marquant, alors qu’il est en réalité un homme de génie ayant pu exceller dans plusieurs branches du savoir. † Voir : http://www2.hn.psu.edu/faculty/jmanis/adam-smith/Wealth-Nations.pdf http://classiques.uqac.ca/classiques/Smith_adam/richesse_des_nations/livre_1/richesse_des_nations_1.pdf ‡ D’Armartya Sen. § Un travail à réaliser dans le cadre du programme – Laréq de doter la RDC d’un paradigme endogène aux réalités locales. Dans ce texte, nous nous bornons à énumérer quelques apports majeurs collectés dans la littérature économique. 61 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Déterminants de l’enrichissement La richesse d’une nation passe par l'amélioration de la productivité du travail. Et cette dernière est le résultat d’une division du travail et d’une spécialisation des tâches. In fine, le principe qui donne lieu à la division du travail est l'intérêt réciproque, c’est – à – dire la compréhension par chacun de son intérêt propre, d’où la célèbre phrase : « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ». De la valeur d’une marchandise Smith remarque que toute marchandise possède une « valeur d'usage » et une « valeur d'échange ». Du salaire minimum Smith pense que le salaire du travailleur doit être suffisant pour lui permettre de subsister et d'entretenir sa famille car sinon les ouvriers disparaîtraient au-delà de la première génération. Du rôle de la monnaie La monnaie n'est qu'un moyen de circulation sans impact sur le fonctionnement de l'économie et les banques n'ont pas à financer l'accumulation. Plus largement, Smith distingue trois parties dans le capital : (i) le premier est réservé à la consommation immédiate et ne rapporte aucun profit (stock) ; (ii) le capital fixe rapporte un revenu sans circuler : outils de travail, bâtiments, terres mais aussi savoirfaire et talents ; (iii) le capital circulant comprend la monnaie, les réserves de vivre et de matériaux utiles à la fabrication ainsi que les marchandises non encore vendues par leurs propriétaires. De fondements microéconomiques de la macroéconomie Si chaque individu, chaque entreprise ne cherche que son profit, le profit personnel s'accorde néanmoins avec les buts de l'industrie nationale. En cherchant à accroître son revenu personnel, chacun contribue à accroître le revenu de la nation. Chacun est « conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions », ce qui n'est pas un mal car on travaille de façon plus efficace quand on croit poursuivre son propre profit que s'il s'agissait du bien général. La somme des intérêts particuliers produit l'intérêt de tous. Aussi, il convient de noter que les travaux de Sen (1986, 1993, 1999, 2000), Barsamian (2011), Ghosch (2003), Swedberg (1990) ou Wallace (2004) prouvent pertinemment que la pensée de Smith était révolutionnaire mais son interprétation a subi, comme c’est le cas de toute œuvre majeure, de déformation. Ils montrent également que Smith (1776) croit que le comportement humain ne peut s’expliquer uniquement par l’intérêt personnel, et que ce dernier n’est pas le seul déterminant du bien – être collectif (appréhension de la microéconomie dans un cadre macroéconomique). Du rôle de l’Etat Dès 1776, Smith explicite le rôle de l'Etat, ses droits et ses devoirs. Il estime qu’au – delà des actions régaliennes traditionnelles et des dépenses d'intérêt général (l'instruction), l'Etat doit, par ailleurs, intervenir à travers la fiscalité pour engendrer des incitations, une répartition des richesses. Si la libre entreprise fait avancer la société, ce système de liberté ne produit ses effets bénéfiques que s'il est encadré par l'Etat, garant de l'intérêt de la société face à l'égoïsme des individus. Aussi, il précise que les impôts doivent respecter quatre règles : dépendre des capacités des contribuables (pourcentage du revenu de chacun), éviter l'arbitraire, être perçu au moment le plus commode pour ceux qui le payent et occasionné des frais de gestion les plus faibles possibles. 62 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis In fine, Adam Smith se situe du côté de l'Etat gendarme et non de l'Etat providence car estimant que tout homme, tant qu'il n'enfreint pas les lois de la justice, demeure en pleine liberté de suivre la route que lui montre son intérêt et de porter où il lui plaît son industrie et son capital, concurremment avec ceux de tout autre homme ou de toute autre classe d'hommes. Et par conséquent, l'homme d'État qui tenterait d'ordonner aux particuliers la manière d'employer leurs capitaux non seulement se chargerait d'un soin très superflu, mais encore assumerait une autorité qui ne pourrait être confiée avec sûreté à aucun conseil ni sénat, et qui ne serait nulle part si dangereuse qu'entre les mains d'un homme assez fou et assez présomptueux pour se croire capable de l'exercer. Cette conception de l’Etat a constitué, notamment, le point d’achoppement pour l’économiste John Maynard Keynes qui présente un autre paradigme et développe un mode de réflexion quasi – paradoxal au cadre d’analyse élaboré depuis l’œuvre de 1776. II. Keynes : la figure tutélaire de la macroéconomie moderne John Maynard Keynes est, sans conteste, une des figures emblématiques de l’histoire économique de ces deux derniers siècles et la figure tutélaire de la macroéconomie moderne depuis la révolution Keynésienne* des années 1930. Si Adam Smith apparaît comme le collecteur et l’ordonnateur illuminé de de la pensée économique, Keynes émerge comme l’initiateur de la macroanalyse†. Etant amèrement déçu par l’orthodoxie découlant du paradigme classique qu’il avait lui–même étudié, enseigné et commenté dans ses écrits, et s’étant sévèrement opposé, dès 1924, à la loi de Say et à l’expérience de pensée d’Adam Smith, Keynes a, dans le livre I de la théorie générale, avancé ce qui suit : Nous avons donné à notre théorie le nom de « théorie générale ». Par là nous avons voulu marquer que nous avions principalement en vue le fonctionnement du système économique pris dans son ensemble, que nous envisagions les revenus globaux, les profits globaux, la production globale, l'emploi global,… Et nous prétendons qu'on a commis des erreurs graves en étendant au système pris dans son ensemble des conclusions qui avaient été correctement établies en considération d'une seule partie du système prise isolément. En introduisant, dans l’analyse, des concepts nouveaux comme celui de la demande effective, du chômage involontaire, du multiplicateur et des esprits animaux, la théorie générale –qui avait sensiblement bouleversé l’analyse économique de l’entre–deux–guerres aux années 1970– insiste sur la responsabilité de l’Etat face aux limites des vertus de marchés libres en préconisant l’interventionnisme en matières d’investissements afin, notamment, de soutenir la production et l’emploi, et donc de lutter contre le chômage, jugé involontaire. Par ailleurs, il convient de noter que si l’utilité de recourir au déficit budgétaire pour sortir de la récession a été universellement reconnue, il est un message plus fondamental encore de la Théorie générale qui, lui, a été occulté : l’analyse en profondeur des mécanismes économiques et du rôle de l’Etat (Akerlof et Shiller, 2009). * † L'expression « révolution keynésienne » a été utilisée pour la première fois par Lawrence Klein en 1947, dans un ouvrage intitulé The Keynesian revolution. Kreisler (2005) note que Smith, Mill et Marx portaient déjà un intérêt envers une vision globale pour comprendre le comportement humain. 63 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis A ce jour encore, malheureusement, cela reste vrai dans la communauté en cause. Force est de constater que les esprits animaux de Keynes sont quasi – ignorés. La seule explication qui tienne est que les enseignants et étudiants se sont contentés des interprétations et des bouts de phrases, sans effort de pénétration du contenu et de l’esprit de la Théorie générale. Pour faire face à ce déficit, nous proposons une lecture de la révolution Keynésienne en trois temps : le rôle de l’Etat, les esprits animaux, et le concours de beauté de Keynes. La théorie générale face au rôle de l’Etat Contrairement à la théorie classique, la Théorie générale de Keynes, parue en 1936 –au plus fort de la Grande Dépression– a témoigné d’une toute autre approche : l’investissement public est un substitut à un investissement privé défaillant. Keynes légitime et met au goût du jour l’intervention de l’Etat, destinée essentiellement à dynamiser l’économie lorsqu’elle est dépressive. S’inscrivant dans la logique de Kahn (1931), Keynes avance que lorsque l’Etat injecte des fonds supplémentaires dans l’économie, des répercussions en cascade se produisent, appelées effets multiplicateurs, ce qui permet de reculer le chômage involontaire et de remettre les entreprises en selle. La démarcation faite par Keynes, dans la Théorie générale, est que la demande effective est le moteur de la production. Dans un tel contexte, une intervention étatique visant à accroitre une composante de cette demande est donc totalement légitime et justifiée. Pour marquer ce point de rupture – essentiellement sur la méthode et les postulats classiques–, Keynes écrira un jour qu’il n’a pas aboli la vision d’Adam Smith mais qu’il a utilisé l’analyse économique moderne pour la mettre en pratique. Et dans les années 1940, cette nouvelle vision imprimée par Keynes, sur le rôle de l’Etat, va devenir la norme au point d’être, dans certains pays, garantie par des lois. Au passage du temps, la Théorie générale va connaître plusieurs courants d’interprétation dont les plus importants sont : le post–keynésianisme, le néo–keynésianisme (la première synthèse) et la nouvelle macroéconomie keynésienne (la deuxième synthèse). Dans le souci, sans doute, de rallier le plus grand nombre de gens à la vision de Keynes, les keynésiens de la synthèse néo – classique vont se verser dans un Keynésianisme hydraulique*, en interprétant la Théorie générale à l’intérieur du cadre walrassien. Pour ces disciples, selon l’expression de Don Patinkin, dans la Théorie générale, la voix du Maître est d’Alfred Marshall et ses mains sont celles de Walras. Et ce travail d’interprétation a été commencé en 1937, à peine quelques mois après la publication de la Théorie générale, par Hicks† autour du cadre IS – LM, qui va devenir le Graal de la macroéconomie élémentaire jusqu’aux années 1990. Ce travail de synthèse, laissant de côté incertitude et esprits animaux, s’est poursuivi avec notamment les travaux de Modigliani (1944) et de Samuelson (1978). Pour ces auteurs, si Keynes a profondément bouleversé l'analyse économique, sa pensée reste tributaire de certains axiomes qui le rattachent fermement à l'école classique : la loi des rendements décroissants, l'exogénéité de la monnaie ainsi que l'égalité entre épargne et investissement. D'où la problématique de la facilité avec laquelle les analyses keynésiennes ont pu être abordées par les économistes orthodoxes. * † Expression propre à Michel Beaud et Gilles Dostaler. Le keynésianisme hydraulique désigne un keynésianisme simplifié, réduit à une mécanique des quantités globales ou à un hydraulique de flux et entièrement vidé des dimensions essentielles de Keynes : le temps, l'incertitude non probabilisable, les anticipations et donc la prise en compte des phénomènes monétaires. Mr. Keynes and the “Classics”: A Suggested Interpretation. 64 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Les nouveaux keynésiens, en réaction à l’école des anticipations rationnelles*, remettent à l’ordre du jour quatre points caractéristiques de la Théorie générale laissés de côté, à savoir : les esprits animaux, l’incertitude, l’asymétrie informationnelle et la viscosité de variables nominales et institutionnelles. La théorie générale et les esprits animaux L’un des messagers centraux de la Théorie générale de Keynes, mis de côté à dessein pendant longtemps –probablement pour rendre sa pensée facile à digérer– est celui des esprits animaux qui gouvernent l’économie et la finance. Du point de vue de Keynes, l’économie n’est pas seulement gouvernée par des acteurs parfaitement rationnels qui, "mus par une main invisible", s’engagent dans toutes les transactions mutuellement bénéfiques, comme le prétendent les économistes classiques. Keynes reconnaissait que l’activité économique répond dans son ensemble à des préoccupations rationnelles, mais il affirmait également qu’une grande partie de cette activité est sous l’emprise des "esprits animaux". Les hommes n’obéissent pas uniquement à des motivations strictement économiques. Ils ne font pas toujours preuve de rationalité dans la poursuite de leur intérêt (Akerlof et Shiller, 2009). Dans son ouvrage de 1936, Keynes reproche à Smith de nier les esprits animaux et de refuser de considérer que les hommes manquent parfois de logique ou qu’ils se trompent. Keynes, par contre, voulant expliquer les circonstances dans lesquelles le plein emploi ne pouvait être garanti, a soutenu que les investisseurs agissaient sous l’impact d’esprits animaux, d’un besoin spontané d’agir†, de ces forces psychologiques qui expliqueraient l’instabilité et les déroutes du système capitaliste. Si la main invisible d’Adam Smith constitue le moteur de l’économie classique, les esprits animaux de Keynes constituent la clé qui permet de comprendre le fonctionnement réel de l’économie. Et c’est précisément, comme l’indique Akerlof et Shiller (2009), ces schémas de pensée émotifs qui valident l’intervention de l’Etat, dont le rôle devient celui de créer un foyer harmonieux, c’est – à – dire un cadre qui permettrait au capitalisme d’exprimer librement sa créativité, tout en le protégeant de s’adonner à des excès, de céder aux esprits animaux. Le concours de beauté de Keynes et l’incertitude A l’idée de remettre en cause le point de vue selon lequel les marchés financiers parviendraient à une allocation des capitaux efficace, dans le chapitre 12 de sa Théorie générale, Keynes emploie la métaphore du concours de beauté‡ pour illustrer le fonctionnement du marché boursier et plus généralement, de l’ensemble des marchés financiers. L’idée avancée par Keynes, à travers cette transposition, est que le prix d’un titre financier a la nature d'une bulle spéculative§. Ce prix n’est pas déterminé par la valeur intrinsèque du titre, mais plutôt par un un mécanisme auto-référent fondé sur ce que chacun pense que les autres pensent que les autres pensent, et ce à l’infini. Ainsi, la meilleure stratégie pour un investisseur consiste à deviner ce que les * † ‡ § Il faut noter que la formalisation de la théorie générale par le néo – keynésien a rendu la pensée du Maître très vulnérable aux attaques de l’école de Chicago [Friedman (1956, 1966, 1968)] et a finalement prêté le flanc à la critique radicale des partisans de la nouvelle macroéconomie classiques dès les années 1970 [Lucas (1972, 1976) ; Barro (1974, 1976) ; Sargent – Wallace (1975) ; Kydland – Prescott, (1977, 1982) ; Lucas – Sargent (1981)]. Voir Stiglitz (2010). Keynes s'est inspiré sur ce point d'un concours organisé par un magazine pour désigner les six plus beaux visages. Les gagnants étaient ceux dont le choix se rapprochait le plus de celui de la moyenne des lecteurs. Aussi les tenants du concours étaient-ils induits à ne pas désigner la personne dont le visage leur plaisait le plus mais celui dont ils pensaient qu'il plairait au plus grand nombre. Cela revient à dire que sa valeur dépend plus de représentations et d'anticipations que de fondements réels. 65 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis autres pensent ou à bien anticiper la psychose de masse. Et c’est précisément cet argument qui a mis en mal l’idée des marchés financiers efficaces. Cela parce que, du point de vue de Keynes, les comportements financiers sont affectés par l’incertitude, c’est – à – dire le faible poids accordé aux raisonnements logiques. Et en 1937, il élargit le champ de comportements affectés par l’incertitude à l’ensemble de comportements économiques, si bien que l’économie toute entière devient une véritable "économie de casino". Intuitif et prolifique, comme l’indique le tableau de ses écrits repris en annexe 1, Keynes a surtout été immortalisé par trois œuvres majeures, ce qu’il convient d’appeler, d’après l’expression de Don Patinkin, la trilogie de Keynes. Il s’agit de deux tomes du Traité sur la monnaie (1930) et de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). In fine, malgré toute la critique à laquelle ses idées ont prêté le flanc notamment, avec la révolution des anticipations rationnelles menée par les nouveaux classiques, à ce jour, la Théorie générale et ses stigmates semblent persister encore. III. Lucas : le réformateur de l’économique Bob Lucas* est une autre figure majeure de l’économie. Il incarne, comme les deux figures de proue évoquées précédemment et par ailleurs, comme l’indique les tableaux de ses œuvres reprises en annexe 2, un nouveau mode de réflexion et d’analyse économiques. Bien qu’ayant complètement transformé la façon d’approcher l’économie, son discours analytique est si dur que peu d’économistes le comprennent correctement. Un seul obstacle majeur éloigne généralement les économistes du savoir lucasien : ce sont les matériaux d’analyse qu’il emploie. Le recours, de manière intensive, à l’optimisation dynamique par Lucas et par toute la communauté d’économistes qui ont inspiré, relayé, complété et/ou dépassé la démarche entreprise par Lucas, exclut et éloigne sérieusement beaucoup d’économistes de l’aire de la macroéconomique dynamique†. Pour une lecture simple, Lucas peut être compris en quatre temps. Lucas de l’école monétariste La théorie économique est continument confrontée aux faits. Et donc, la pertinence et la robustesse d’une théorie ne peuvent donc s’expliquer que par sa capacité à reproduire la réalité dans le temps et dans l’espace. Cela ne fut pas le cas pour la courbe de Phillips du premier âge (Phillips, 1958 ; Samuelson – Solow, 1960). Bien qu’ayant complété le modèle IS – LM, le diagramme à 45°, et surtout l’écriture de la théorie générale de Keynes (1936) qui entretenait un flou sur la théorie de la relation inflation – fluctuations, la relation de Phillips était incapable de fournir une explication cohérente et satisfaisante au phénomène de stagflation, observé dans les années 1970. Depuis lors, l’école de Chicago s’est proposé de fournir un nouveau cadre d’analyse de la théorie de politique macroéconomique, et donc, une révisitation et/ou une remise en cause de la capacité prédictive de la courbe de Phillips. * † Robert Emerson Lucas Jr. Tsasa (2012b) montre que la RDC (comme c’est le cas pour la plupart de pays africains) a connu, jusqu’avant la construction du premier modèle DSGE/RDC, un retard d’environ 40 ans entre pratiques observées dans les universités & institutions publiques et le niveau de l’économie moderne. Une évaluation plus absolue établit ce retard à environ II siècle et 30 ans. 66 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Ainsi, Friedman (1968), parallèlement à Phelps (1968), remet en cause la stabilité de la courbe de Phillips. En même temps, Friedman définit les conditions d’efficacité de la politique, en précisant ce que la politique peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Sa vision ne fut pas totalement admise par ses partisans. Conséquence, l’école de Chicago s’est scindée en deux filières principales. La première filière estime que l’impact de la politique monétaire est transitoire, et son impact passe par le mécanisme d’illusion monétaire (Friedman, 1956, 1968). La deuxième filière considère que la politique monétaire est totalement inefficace. Celle – ci ne peut avoir des effets sur l’activité économique que par le mécanisme de surprise exceptionnelle (Sargent et Wallace, 1985). La deuxième filière n’est pas loin de la conception de Lucas selon laquelle les fluctuations économiques sont expliquées par des impulsions monétaires. Au passage du temps, la vision lucassienne fut déclassée et rapidement écartée sur la scène NMC par Kydland et Prescott (1982), géniteurs de la théorie de cycles d’affaire réels*. Ceux – ci, en enrichissant le modèle de croissance optimale stochastique de Brock et Mirman (1972), se proposent d’expliquer le cycle non pas comme un écart à l’équilibre mais comme une fluctuation du produit lui – même. Lucas de la théorie d’anticipation rationnelle Insatisfait de l’hypothèse d’anticipation adaptative avancée par Friedman pour relever les failles de la relation établie par Phillips, Lucas (1972) revisite Muth (1961) et propose un nouveau cadre d’analyse où l’homo œconomicus est doté d’une capacité d’anticiper rationnellement l’avenir sur base de leur connaissance de l’économie (information disponible)†. Le modèle de formation des anticipations a révolutionné, non seulement la macroéconomie, mais toutes les sciences économiques. En effet : - la courbe de Phillips, qui postulait l'arbitrage possible des gouvernements entre inflation et chômage, est totalement déclassée ; - la théorie de l’incapacité des politiques monétaires abordée par Friedman est rigoureusement établie, à l’aide notamment d’un modèle à générations imbriquées ; - Puisque les agents ajustent quasi – instantanément leurs anticipations de prix et de salaires à la nouvelle politique économique, les effets de celle – ci sont annulés ; - la validité des modèles économétriques (critique de Lucas) est remise en cause, car une fois les anticipations rationnelles prises en compte, les modèles macroéconométriques ne permettent pas de mesurer correctement l'impact des politiques économiques. - la neutralité de la monnaie, argument cher tant aux anciens classiques au sens de Keynes qu’aux nouveaux classiques, est prouvée ; - la thèse soutenue par Friedman selon laquelle les chocs monétaires ont des incidences, sans toutefois que ce trait soit une des solutions proposées en politique monétaire, est également prouvée. Lucas de la critique de Lucas La critique de Lucas met en évidence la dépendance des coefficients des formes réduites de modèles macroéconométriques vis – à – vis des politiques économiques pratiquées et plus généralement des paramètres des lois régissant les variables exogènes et les résidus (d’Autume, 1986). Le propos suivant de Lucas et Sargent (1976) en est une des conséquences les plus radicales : les modèles * † Appellation introduite par Long et Plosser (1983). Pour une discussion et une démonstration rigoureuse de l’hypothèse d’anticipations rationnelles, voir Tsasa (2012c). 67 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis macroéconomiques modernes n’ont aucune valeur pour guider la politique économique et aucune des voies d’amélioration actuellement empruntées n’est susceptible de remédier à cet état de choses. L’accusation formulée par Lucas (1976) est donc que la plupart des modèles macroéconométriques ne sont pas structurels. Leur utilisation pour l’évaluation de la politique économique est fallacieuse et l’utilisation de modèles structurels démontrerait sans doute l’inefficacité générale des politiques économiques (Tsasa, 2012c). En remplacement de modèle macroéconométrique d’inspiration keynésienne, Lucas propose d'introduire des modèles structurels microéconomiquement fondés où les agents économiques sont rationnels et évoluent dans un environnement fluctuant (dynamique). Et il considère que cette nouvelle approche doit constituer le principe moteur de la modélisation macroéconomique. Lucas de la théorie de croissance endogène Dans les années 1980, les modèles de croissance endogène ont émergé comme un nouvel empire des théories de la croissance. Ils justifient leur existence dans la recherche de déterminants économiques qui expliqueraient le rythme de progrès technique, exogène dans le modèle fondateur de Solow. Trois grandes figures dominent la genèse de théories de la croissance endogène : Paul M. Romer (1986), Robert E. Lucas (1988) et Robert J. Barro (1991). Le modèle développé par Lucas considère le capital humain comme un des arguments explicatifs majeurs de la dynamique économique. Il définit le capital humain comme un facteur double : (i) une accumulation volontaire de connaissances (schooling) et (ii) une accumulation involontaire des connaissances par l’apprentissage (learning by doing). A l’aide de ce modèle, Lucas parvient à mettre en évidence une réalité importante où les agents économiques déterminent leur temps de travail et de l’éducation u* et (1 – u*) sans tenir compte des effets externes de leur éducation. De ce fait, comparativement à son niveau optimal, le taux de croissance du capital humain serait faible car les agents sous – investissent systématiquement en éducation d’autant plus que leur taux de préférence pour le présent (taux d’impatience subjectif) est élevé. Ainsi, une politique d’éducation favorable à la croissance doit mettre un accent sur la formation du capital humain. In fine, en 1990, Lucas fit remarquer qu’il n’existe pas de forte différence de productivité du capital physique entre les pays riches et les pays pauvres. Cependant, il existe une forte différence des productivités du capital humain et cela au bénéfice des pays riches. Cette constatation est généralement désignée sous le nom de « paradoxe de Lucas ». Tout comme le paradoxe de Romer (1995), le paradoxe de Lucas portent également sur la cohérence théorique des différences internationales de productivité des facteurs de production. Conformément à la théorie néoclassique, les flux de facteurs de production devraient se déplacer des pays riches vers les pays pauvres, or en réalité, c’est le contraire qui se produit. En effet, le capital physique ne migre pas de pays riches vers les pays pauvres. Ce phénomène est donc paradoxal pour la théorie néoclassique puisque, si les pays pauvres sont pauvres, c’est parce qu’ils manquent de capital physique, et en vertu de conditions d’Inada, la productivité de celui – ci devrait être plus élevée dans les pays pauvres que dans les pays riches Et par conséquent, sachant que chaque facteur de production est rémunéré par son produit marginal, le capital physique devrait migrer vers les pays pauvres. 68 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Parallèlement à la constatation de Lucas (1990), Paul Romer fit remarquer, en 1995, que si les pays pauvres sont pauvres, c’est parce qu’ils manquent de capital humain, la productivité de celui – ci devrait être plus élevée dans les pays pauvres que dans les pays riches, et par conséquent, le capital humain devrait migrer vers les pays pauvres, en vertu de conditions d’Inada. Or dans la réalité, cette conception théorique ne corrobore pas avec les faits : le capital humain ne migre pas des pays riches vers les pays pauvres, c’est le contraire qui se produit. Conclusion Actuellement, l’on semble bien en droit d’affirmer que le métier d’économiste connaît des jours difficiles. Au regard du bourbier dans lequel s’est enfoncée l’économie mondiale et de l’incapacité des théories économiques, nouvellement forgées, à prédire et à expliquer la crise financière qui a débuté en 2007, il se profile, vraisemblablement, le besoin de repenser sérieusement les sciences économiques. Serions – nous en voie vers une nouvelle synthèse ? Si l’on répondait à cette dernière question par l’affirmative, alors nous pensons que les trois dates suivantes devront être la torche qui éclairerait la route de la recherche vers cette nouvelle synthèse : 1776, 1936 et 1976. Si d’une part, la compréhension de trois grandes figures (Smith, Keynes et Lucas) facilite l’appréhension de la science économique, d’autre part, il convient de noter, en parallèle, que deux synthèses uniquement ont enrichi, en niveau et en étendue, notre compréhension du monde, à savoir la synthèse néo–classique, consensus autour du paradigme IS–LM, et la nouvelle macroéconomie keynésienne, consensus autour de, notamment, la révolution des anticipations rationnelles (hypothèse d’anticipations rationnelles, critique de Lucas, principe d’incohérence temporelle, fondements microéconomiques, discipline de l’équilibre, analyse dynamique), la viscosité des prix et l’asymétrie informationnelle. Dès lors, il est plus légitime de s’attendre à l’illumination d’une quatrième figure (nouvel ancrage) qui alimenterait une troisième synthèse, plutôt que de prédire une synthèse de synthèse. Nos étudiants et lecteurs, espérons-nous, trouveraient dans ce papier les repères et les orientations nécessaires pour comprendre cette nouvelle mouvance. 69 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Bibliographie AKERLOF George et SHILLER Robert, 2009, Les esprits animaux : comment les forces psychologiques mènent la finance et l'économie, Pearson, Paris. AUTUME (d’) Antoine, 1986, « Les anticipations rationnelles dans l'analyse macro-économique », in: Revue économique, Vol. 37, n°2, pp. 243 – 284. BARRO Robert J., 1976, “Rational expectations and the Role of Monetary Policy”, Journal of Monetary, 2, 1 – 32. BARRO Robert J., 2004, Rien n’est Sacré ! Des Idées en Economie pour le Nouveau Millénaire, éd. Economica, Paris. 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Jevons's theory of political economy The foreign trade of the UK at prices of 1900 Indian currency and finance Ludwig von Mises' Theorie des geldes The prospects of money War and the financial system The City of London and the Bank of England Walter Bagehot's works and life The economics of war in Germay The economic consequences of the peace Ralph G. Hawtrey's currency and credit The inflation of currency as a method of taxation Some aspects of commodity markets A reply to sir William Beveridge's population and unemployment Population and unemployment The measure of deflation: an inquiry into index numbers Mr. Bonar law Currency policy and unemployment Does unemployment need a drastic remedy? Edwin Montagu Alfred Marshall, 1842-1924 Monetary reform A comment on Professor Cannan The gold standard Act The Balfour note and inter-allied debts The economic consequences of Mr. Churchill A short view of Russia Revue EJ J of Royal Statis Soc J of Royal Statis Soc EJ EJ EJ EJ EJ EJ QJE EJ EJ EJ MGCRE Manchester Guardian EJ EJ N&A N&A N&A N&A N&A EJ et Memorials of Alfred Marshall EJ EJ EJ N&A 73 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis 1925 1926 1926 1926 1926 1926 1927 1927 1927 1928 1928 1928 1928 1928 1928 1928 1928 1929 1929 1929 1930 1930 1930 1931 1931 1931 1931 1931 1931 1931 1931 1931 1931 1932 1932 1932 1932 1932 1932 1932 1933 1933 1933 1933 1933 Am I a liberal? The end of laissez faire Liberalism and labour Laissez faire and communism Francis Ysidro Edgeworth Trotsky on England A note on economy A model form for statements of international balances The british balance of trade The United States balance of trade Amalgamation of the british note issue Postwar depression in the Lancashire cotton industry Lord Oxford The great Villiers connection The french stabilisation law Frederic C. Mills' behavior of prices The war debts A rejoinder to Ohlin's: the reparation problem Can Lloyd George do it? avec H.D. Henderson, 1929 Winston Churchill, The industrial crisis The great slump of 1930 Economic possibilities for our grandchildren Frank P. Ramsey A rejoinder to D.H. Robertson Spending and saving The problem of unemployment On the eve of gold suspension The end of the gold standard After the suspension of gold Proposals for a revenue tariff Some consequences of the economy report Essays in persuasion The world's economic outlook The prospects of the sterling exchange The dilemma of modern socialism Member bank reserves in the United States The world's economic crisis and the way of escape avec A. Salter, J. Stamp, B. Blackett, H. Clay and W. Beveridge Saving and usury A note on the long-term rate of interest in relation to the conversion scheme A monetary theory of production Mr. Robertson on saving and hoarding An open letter to President Roosevelt The means to prosperity National self-sufficiency N&A N&A EJ N&A N&A EJ EJ EJ EJ J of Royal Statistical Society N&A N&A EJ EJ N&A EJ EJ N&A N&A N&A N&A et Saturday Evening Post NSN EJ The Listener The Listener Evening Standard Sunday Express Times NSN NSN Atlantic Monthly Yale Review Political Quarterly EJ EJ EJ Festschrift für Arthur Spiethoff EJ The New York Times Times Yale Review 74 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis 1933 1933 1933 1935 1935 1936 1936 1936 1936 1937 1937 1937 The multiplier Essays in biography The means to prosperity Commemoration of T.R. Malthus The future of the foreign exchange William Stanley Jevons Herbert Somerton Foxwell The supply of gold Fluctuations in net investment in the United States The general theory of empoyment Alternative theories of the rate of interest The theory of the rate of interest 1937 1938 1938 1938 1938 1938 1938 1938 1938 1938 1939 1939 1939 1940 1940 1941 1943 1944 1946 1947 Some economic consequences of a declining population Comments on Mr. Robertson’s "Mr Keynes and finance" Storage and security The policy of government storage of foodstuffs and raw materials Mr. Keynes's consumption function: a reply Mr Keynes on the distribution of income and the propensity to consume: a reply Adam Smith as student and professor Introduction to David Hume, an abstract of a treatise on human nature, avec P. Sraffa James E. Meade's Consumers' credits and unemployment The process of capital formation Professor Tinbergen's method Relative movements of real wages and output The income and fiscal potential of Great Britain The concept of national income: supplementary note How to pay for the war: a radical plan for the chancellor of the Exchequer Proposals for an International Clearing Union (Second Draft) The objective of international price stability Mary Paley Marshall The balance of payments of the United States Newton the Man NSN EJ Lloyds Bank Review JRSS EJ EJ EJ QJE EJ Lessons of monetary experience, en l'honneur d'Irving Fisher Eugenics Review EJ NSN EJ QJE - reply to Holden RES EJ EJ EJ EJ EJ EJ EJ EJ EJ EJ Newton Tercentenary Celebrations 75 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Annexe 2 Principales œuvres de Robert Emerson Lucas Junior Brève présentation du cursus de Lucas Bourses et Distinctions 1955 – 59 : Bourse Proctor and Gamble 1959 : Phi Beta Kappa 1959 – 60 : Bourse Woodrow Wilson 1961 – 62 : Bourse Brookings 1963 : Bourse Woodrow Wilson Dissertation 1966 – 67 : Bourse Ford Foundation Faculty 1976 : Fellow, Econometric Society 1980 : Fellow, American Academy of Arts and Sciences 1981 : Membre de la National Academy of Sciences 1981 – 82 : Guggenheim Fellow 1992 : Doctorat Honoris Causa, Universite Paris-Dauphine 1994 : Doctorat Honoris Causa, Athens University of Economics and Business 1995 : Recipiendaire du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel 1996 : Doctorat of Science, Technion-Israel Institute of Technology 1996 : Titulaire de la European Academy of Arts, Sciences and Humanities 1997 : American Philosophical Society 1998 : Doctorat Honoris Causa, University of Montreal 2004 : Fellow, American Finance Association Emploi 1963 – 67 1967 – 70 1970-74 1974 – 75 1975 – 80 1981 – 82 1980 : : : : : : : Professeur Professeur Professeur Professeur Professeur Professeur Professeur Assistant d’Economie, Carnegie Institute of Technology Associé d’Economie, Carnegie – Mellon University d’Economie, Carnegie – Mellon University d’Economie/Ford Foundation Visiting Research, University of Chicago d’Economie, University of Chicago visiteur d’Economie, Northwestern University d’Economie/John Dewey Distinguished Service, University of Chicago Service Professionnel 1975 – 83 : Vice – Doyen, Department of Economics, University of Chicago 1986 – 88 : Doyen, Department of Economics, University of Chicago 1972 – 78 : Editeur associé, Journal of Economic Theory 1977 – 81 : Editeur associé, Journal of Monetary Economics 1988 – 2002 : Editeur, Journal of Political Economy 1980 – 82 : Membre, Executive Committee, American Economic Association 1982 – 84 : Membre, Council, Econometric Society 1987 : Vice – Président, American Economic Association 1991 – 95 : Membre, Council, American Academy of Arts and Science 1995 : Deuxième Vice – Président, Econometric Society 1997 : Président, Econometric Society 2001 : Président élu, American Economic Association 2002 : Président, American Economic Association 2002 – 08 : Editeur, Review of Economic Dynamics 76 Laréq Cédrick Tombola et Jean – Paul Tsasa/ Chercheurs co – accomplis Livres Année 1967 1969 1970 1981 1981 1985 1988 1989 1989 2002 Articles Année 1962 Titre Substitution Between Labor and Capital in U.S. Manufacturing; 1929 – 1958 Capital – Labor Substitution in U.S. Manufacturing Real Wages, Employment and Inflation (with L.A. 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Rapping) 1969 1970 Capital-Labor Substitution in U.S. Manufacturing Capacity, Overtime and Empirical Production Functions 1971 Investment under Uncertainty (with E.C. Prescott) 1971 Optimal Management of a research and Development Project 1972 A Note on Price Systems in Infinite Dimensional Space (with E.C. Prescott) Edition unpublished University of Chicago doctoral dissertation (Ph.D Dissertation) A.C. Harberger and M.J. Bailey, eds., The Taxation of income from Capital, Washington: The Brookings Institution in E.S. Phelps, et al., The New Microeconomics in Employment and Inflation Theory, New York: W.W. Norton Minneapolis: University of Minnesota Press Cambridge: MIT Press Yrjo Jahnsson Lectures, Oxford, England: Basil Blackwell Alianza Universidad ; Economía ; Madrid: Alianza, Regensburg: Transfer-Verl. 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Rapping) 1972 1973 Econometric Testing of the Natural Rate Hypothesis Some International Evidence on Output-Inflation Trade-Offs 1973 1974 Comment on 'Wage Inflation and the Structure of Regional Unemployment Equilibrium Search and Unemployment" (with E.C. Prescott) 1975 1975 Econometric Policy Evaluation: A Critique An Equilibrium Model of the Business Cycle 1975 Review of 'a Model of Macroeconomic Activity 1976 1977 Errata: Some International Evidence on Output-Inflation Tradeoffs Reply Econometric Policy Evaluation: A Critique Some International Evidence on Output-Inflation Tradeoffs: Reply Reply to Muench and Polemarchakis and Weiss 1977 Understanding Business Cycles 1978 Asset Prices in an Exchange Economy 1978 On the Size Distribution of Business Firms 1978 Unemployment Policy 1979 After Keynesian Macroeconometrics (with T.J. Sargent) 1979 1980 Paul Mccracken Et Al. 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Stokey) 1984 Money in a Theory of Finance 1985 1985 1986 Bookshelf: Thirty Years with the Dismal Science Bookshelf: The Case for the Little Frog Principles of Fiscal and Monetary Policy 1986 Adaptive Behavior and Economic Theory 1987 Money and Interest in a Cash-In-Advance Economy (with N.L. Stokey) 1987 1988 La Monnaie Et L'interet Sous Contrainte De Transaction (Money and Interest in a Cash-in-Advance Economy with English Summary ) (avec N.L. 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Atkeson) Money and Interest in a Cash in Advance Economy: A Reply (xith N.L. Stokey) On Efficiency and Distribution 1993 Making a Miracle 1993 Real Effects of Monetary Shocks in an Economy with Sequential Purchases (with M. Woodford) Review of Milton Friedman and Anna J. Schwartz's `A Monetary History of the United States, 1867-1960 Can Econometric Policy Evaluations Be Salvaged?--a Comment: Reply Comments on Ball and Mankiw 1992 1994 1994 1994 1995 Efficiency and Equality in a Simple Model of Efficient Unemployment Insurance," (with A.G. Atkeson) 1995 1996 Review of Robert Skidelsky, `John Maynard Keynes: Hopes Betrayed, 1883-1920' and `John Maynard Keynes: The Economist as Savior' Nobel Lecture: Monetary Neutrality 2000 Inflation and Welfare 2000 Some Macroeconomics for the 21st Century 2001 2001 Externalities and Cities A Million Mutinies: The Key to Economic Development 2001 Interest Rates and Inflation (with F. Alvarez and W.E. 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Alvarez) Menu Costs and Phillips Curves (with M. Golosov) 2007 2008 Mortgages and Monetary Policy (with F. Alvarez and F. Buera) Models of Idea Flows 2009 Trade and the Diffusion of the Industrial Revolution 2009 Ideas and Growth 2011 Knowledge Growth and the Allocation of Time (joint with B. Moll) in R. E. Lucas, Jr.: Lectures on Economic Growth. Cambridge and London: Harvard University Press Econometrica http://dx.doi.org/10.1111/1468-0262.00338 American Economic Review http://links.jstor.org/sici?sici=0002-8282%28200205%2992%3A2%3C473%3APELPD%3E2.0.CO%3B2-D American Economic Review Historically Speaking, a publication of the Historical Society http://dx.doi.org/10.1257/000282803321455133 The Region. Federal Reserve Bank of Minneapolis Annual Report in P. Aghion: Knowledge. Princeton and Oxford: Princeton University Press Journal of Political Economy http://dx.doi.org/10.1086/379942 in William Breit and Barry T. Hirsch, eds. 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