Conjoncture et Inflation: la Croisée des Chemins? Exposé de Jean-Pierre Roth Président de la Direction générale de la Banque nationale suisse Déjeuner-débat de «Genève Place Financière» Genève, le 28 août 2006 Texte préparé avec l'appui de M. Nicolas Stoffels, Service de la Conjoncture, Banque nationale suisse, Zurich. L'économie mondiale connaît actuellement son expansion cyclique la plus marquée depuis trois décennies. L'économie américaine tourne à plein régime, les économies asiatiques enregistrent des taux de croissance très élevés et l'Europe se réveille peu à peu. Toutefois, des incertitudes pointent maintenant à l'horizon: on parle de «soft landing» aux Etats-Unis et l'on s'interroge sur la solidité de la reprise européenne. Par ailleurs, l'envol du prix du pétrole entraîne un renchérissement durable de l'énergie qui se répercute sur les indices. Sommes-nous à la croisée des chemins? Le cycle va-t-il se retourner et l'inflation s'accélérer? Un environnement international solide Aux Etats-Unis, la croissance a été forte au cours du premier semestre 2006, s'affichant légèrement au-dessus de 4% en termes réels annualisés. Cette évolution supérieure à la tendance de long-terme est à mettre en partie sur le compte d'effets de rattrapage de la dépense des ménages et des entreprises à la suite des tempêtes cycloniques qui avaient frappé le sud des Etats-Unis à l'automne 2005. En dépit des hausses répétées de taux d'intérêt décidées par la Réserve fédérale, la dynamique du cycle est restée solide, soutenue par une progression rapide de la demande étrangère (en particulier au Mexique et au Canada, mais aussi en Asie) et un besoin accru d'extension des capacités de production. Conséquence de ce dynamisme préservé, le degré d'utilisation des facteurs de production a fortement augmenté, tant en ce qui concerne la main-d'œuvre que les équipements. Avec 4,8% en juin, le taux de chômage américain se trouve en dessous des estimations du taux naturel d'équilibre. Et du côté de l'industrie, le degré actuel d'utilisation du capital approche 82,5%, dépassant clairement son niveau historique moyen (80,5%). Cependant, la normalisation passée des conditions monétaires va finalement déployer ses effets modérateurs au cours des prochains trimestres. La croissance de la production devrait se ralentir en raison d'une contraction de la construction résidentielle, d'une accumulation moindre de stocks, ainsi qu'un rythme atténué des dépenses des ménages. Cette normalisation conjoncturelle ne signifie pas que nous envisagions prochainement une récession de l'économie américaine. Pour cela, il faudrait que la croissance de la consommation privée fléchisse nettement. Or, même si l'emploi n'augmente que timidement depuis plusieurs mois, les salaires s'affichent clairement en hausse en termes réels; ceci devrait permettre aux ménages de maintenir un rythme de dépense robuste tout en reconstituant modestement leur épargne. En Europe, la conjoncture a enfin passé la vitesse supérieure. Au deuxième trimestre, le PIB de la zone euro a bondi de 3,6% en termes annualisés, sa meilleure performance depuis 6 ans. Bien que nous ne disposions pas encore de chiffres détaillés, il semble que se soit la demande intérieure qui ait contribué de manière décisive à ce résultat, confirmant ainsi les signes précurseurs visibles depuis quelques mois. Une fois n'est pas coutume, l'Allemagne n'est pas en reste. Le PIB allemand a progressé de 3,7% au deuxième trimestre, après 2,7% au premier (chiffre révisé). La modération salariale et les efforts consentis sur la flexibilisation du temps de travail commencent à porter leurs fruits, après avoir plombé les dépenses des ménages allemands pendant plusieurs années. Parallèlement, on note une accélération de l'emploi ainsi qu'un recul continu du taux de chômage. Entre le pic de mars 2005 et celui de juin 2006, ce dernier a reflué de 1,5 point de pourcentage, passant de 12,1% à 10,6%. L'amélioration graduelle sur le marché du travail reflète l'embellie conjoncturelle, mais aussi la mise en œuvre des réformes structurelles, dites Hartz IV, qui incitent davantage les chômeurs à retrouver un emploi. Si l'amélioration des perspectives d'emploi en Europe éloigne clairement la probabilité de retomber dans une période de faiblesse chronique de croissance, l'activité devrait toutefois perdre un peu de son dynamisme ces prochains trimestres. A cela trois raisons: primo, la construction résidentielle et la consommation privée ont récemment bénéficiés de circonstances particulièrement favorables (météo clémente et coupe du monde de football), par nature transitoires. Secundo, la hausse prévue du taux de TVA en Allemagne, ainsi que des mesures d'assainissement fiscales annoncées dans plusieurs pays de la zone euro devraient peser sur la demande intérieure l'an prochain. Tertio: le ralentissement de l'économie américaine et l'appréciation tendancielle de l'euro devraient freiner les exportations européennes dans les prochains trimestres. En Asie, l'activité tourne à plein régime, en particulier en Chine. Le refroidissement annoncé de l'économie chinoise ne s'est pas encore manifesté, les dépenses d'investissement et les exportations progressant toujours à un rythme effréné. Si l'on fait abstraction des récentes conditions climatiques défavorables (en particulier des inondations en Corée du Sud), la croissance des économies voisines demeure bien orientée, profitant en plein du dynamisme de l'économie chinoise. Au Japon, malgré un deuxième trimestre décevant, la reprise de l'économie se confirme, bénéficiant d'une assise toujours plus solide. En particulier, la consommation privée semble être sortie du cercle vicieux instauré par la déflation. Disposant de bilans assainis et bénéficiant d'un marché du crédit qui fonctionne à nouveau normalement, les entreprises japonaises se remettent à investir massivement. Dans l'ensemble, les perspectives de croissance dans les pays émergents d'Asie et au Japon restent bonnes, même si le ralentissement de l'économie américaine et, partant, de la demande de produits électroniques devrait brider quelque peu l'activité. Dans l'ensemble des grands pays industrialisés, l'évolution récente de l'inflation a été en largement dictée par les variations des prix de l'énergie, alors que celle de l'inflation sousjacente – c'est-à-dire sans tenir compte des prix de l'énergie et des denrées alimentaires – a reflété davantage leur position cyclique. On constate en particulier une accélération des prix à la consommation aux Etats-Unis, l'inflation en glissement annuel passant de 3,4% en mars à 4,2% en juillet. Dans le même temps, l'inflation sous-jacente américaine augmentait de 0,6 point de pourcentage pour atteindre 2,7%, un niveau considéré par la Fed comme supérieur à sa zone de confort. L'inflation en Europe est demeurée plus stable, aux alentours de 2,5% (sous-jacente: 1,4%), un niveau situé clairement au delà de la définition de la stabilité des prix adoptée par la BCE. Au Japon, enfin, on constate une normalisation graduelle, l'inflation globale et sous-jacente progressant dans le domaine positif depuis le début de l'année. Avec un taux annuel de 0,2% en juin, l'inflation sousjacente a atteint son plus haut niveau depuis 8 ans. Attentives aux risques croissants pour la stabilité des prix, la plupart des banques centrales ont atténué le caractère expansif de leur orientation monétaire. La Réserve fédérale américaine a relevé d'un quart de point ses taux directeurs à fin juin et, fait d'importance, a marqué une pause au mois d'août. La Fed table en effet sur l'apaisement à moyen terme des tensions inflationnistes, même si ces dernières sont susceptibles de s'accentuer temporairement ces prochains mois. En effet, et contrairement aux semaines qui avaient suivi la dernière saison cyclonique, il semble probable que la hausse importante et durable des prix de l'essence observée ces derniers trimestres continue un temps encore à hausser l'indice des prix à la consommation. De plus, l'envol récent des tarifs hôteliers et des loyers a contribué pour beaucoup à renforcer l'inflation sous-jacente. Combinée à la modération de la demande domestique finale, l'érosion de ces effets temporaires devrait à moyen terme ramener l'inflation sous la barre des 3%. Dans la zone euro, la BCE semble hâter son processus de normalisation monétaire dans un contexte d'impulsions conjoncturelles solides, ainsi que d'un accroissement toujours très marqué des agrégats monétaires et du crédit. Elle a relevé en août son taux directeur à 3% et le marché s'attend à de nouvelles mesures avant la fin de cette année. De son côté, la Banque du Japon a procédé à la première hausse de taux depuis 4 ans, portant son taux au jour le jour à 0,25%. La conjoncture suisse est dynamique et l'inflation sous contrôle Dans cet environnement international particulièrement porteur, l'économie suisse a vu sa conjoncture s'améliorer continuellement au cours des derniers mois. Le premier trimestre 2006 a affiché une croissance de 3,8 % en termes annualisés et le deuxième trimestre devrait rester fort robuste. Dans les trimestres à venir, nous devrions toutefois assister à une accalmie de la dynamique. Les conditions paraissent néanmoins réunies pour que notre économie puisse se développer à un rythme proche de son potentiel en 2007. Les consommateurs suisses semblent partager cette perception de la réalité. En juillet, leur indice de confiance a une nouvelle fois progressé, atteignant son niveau le plus élevé depuis cinq ans. Le redressement du marché du travail y est certainement pour beaucoup: il a permis de réduire significativement les incertitudes et d’améliorer les perspectives concernant l’évolution future des revenus. Ce regain d’optimisme se lit également dans le choix des consommateurs. Après plusieurs années difficiles, les ventes de voitures se sont inscrites en nette progression et le secteur du tourisme – vous l’aurez sans doute remarqué cet été – a aussi retrouvé le sourire. Les touristes résidents ont significativement contribué à cette évolution. Le nombre de nuitées, qui était déjà en reprise depuis 2005, a continué de croître au deuxième trimestre et les perspectives pour ce trimestre sont bonnes. Le secteur du commerce de détail par contre, après une année 2005 de forte croissance, subit les conséquences d’une réorientation des dépenses des ménages en faveur des deux postes cités – voitures et tourisme – à caractère davantage cyclique. Son chiffre d’affaires stagne depuis quelques mois. Le secteur de la construction continue d'évoluer à un niveau élevé. Depuis 2003, la demande a été tirée par le dynamisme des investissements en logements. Malgré le renchérissement du crédit hypothécaire, le nombre de permis de construction octroyés ces derniers mois suggère que cette tendance se maintient. Au deuxième trimestre, les investissements en construction à but commercial semblent aussi avoir connu une légère croissance. Dans le secteur manufacturier, la forte croissance de l’activité productive observée en 2005, et dans la première moitié de cette année, a conduit à un net redressement du degré d’utilisation des capacités. Comme dans le secteur de la construction, nombre d’entreprises opèrent à la limite de leurs possibilités. L’augmentation du chiffre d’affaires a progressivement conduit à un accroissement des disponibilités financières. De plus, les entreprises continuent d’évaluer avec optimisme les perspectives d’évolution de la demande et de la production. L’ensemble de ces facteurs a conduit à une nette relance des investissements en équipement au premier trimestre de cette année déjà. Les chiffres du deuxième trimestre feront très probablement état d'une nouvelle progression substantielle des investissements. L’extension des capacités de production va de pair avec la création d’emplois. Sur le marché du travail, le redressement semble ainsi se poursuivre selon les termes prévus. La demande de main-d’œuvre est particulièrement forte dans l’industrie manufacturière et dans la construction. La création d'emplois de services reste bridée par l'évolution défavorable de la demande dans le secteur du commerce de détail et des administrations publiques. Globalement, le nombre de chômeurs a continué de baisser. En termes corrigés des variations saisonnières, le taux de chômage se fixait à 3,3% en juillet. Nous tablons sur un taux de chômage de 3% en fin d’année. La situation de haute conjoncture qui caractérise actuellement l’industrie manufacturière est, bien sûr, due en premier lieu à l’environnement international porteur dont nous venons de parler. Malgré un léger ralentissement de leur dynamique, les exportations suisses de marchandises ont continué progresser de deuxième trimestre. Durant les derniers mois, ce sont surtout les exportations de produits chimiques et pharmaceutiques, ainsi que celles de produits intermédiaires provenant de l’industrie des machines et de l’industrie électronique qui ont le plus profité de la demande. Les livraisons vers nos grands voisins – France et Allemagne – ont pris de l’ampleur alors que la demande en provenance des Etats-Unis et d’Asie semble se tasser. Entre avril et juin, nos exportations de services – prestations bancaires et tourisme en première ligne – devraient aussi avoir contribué à soutenir la croissance. Les importations de marchandises qui ralentissaient au printemps ont connu un net redressement en juin, tirées par la forte demande de matières premières et de produits intermédiaires. L’intense activité de production a réduit à un niveau très bas les stocks à disposition des entreprises. En ce sens, l’augmentation des importations semble témoigner de la volonté des entreprises de reconstituer un niveau de stocks approprié afin de nourrir la production et satisfaire ainsi la demande de leurs clients dans les mois à venir. Globalement donc, les indicateurs à notre disposition semblent refléter une image très favorable. Au deuxième trimestre, le PIB – dont l’estimation trimestrielle sera publiée en septembre – devrait ainsi à nouveau progresser à un rythme supérieur à notre potentiel de croissance. Il faut toutefois garder à l'esprit que nos résultats des deux premiers trimestres de cette année ont bénéficié d'une conjoncture bancaire particulièrement dynamique, le secteur financier représentant quelque 13% du PIB. La situation conjoncturelle favorable se répercute de manière plus marquée sur la dynamique des prix. En glissement annuel, les prix à la production progressaient de 2,6% en juin, contre 1,9% en avril. Cette accélération est la conséquence de l’augmentation des prix des produits énergétiques, ainsi que de celle des produits intermédiaires. Au niveau des prix à la consommation, le renchérissement se chiffrait à 1,4% en juillet. Cette image d’un renforcement de la dynamique des prix est confirmée par nos mesures de l’inflation sous-jacente. Celle-ci se situait à 1,2% en juillet, son niveau le plus élevé depuis avril 2002. Mais ces niveaux restent bien en deçà de la barre des 2% que nous assimilons encore à la stabilité des prix. Pour l'ensemble de l'année 2006, nous nous attendons à un taux moyen d'inflation inférieur à 1,5%. Une année 2007 qui se présente bien Quelles sont les perspectives pour le deuxième semestre 2006 et pour l’année prochaine? Les conditions macroéconomiques tant au niveau international qu’au niveau domestique demeurent globalement favorables. En l’absence de chocs majeurs, l’actuelle phase de croissance devrait ainsi se prolonger. Dans la deuxième partie de cette année, la dynamique du PIB connaîtra probablement un certain ralentissement par rapport au rythme particulièrement soutenu du premier semestre. Deux facteurs pourraient être à l’origine de cette accalmie: du côté de la demande, nous devrions assister à un tassement du rythme de croissance des exportations; du côté de la production, c’est la contribution à la croissance du secteur bancaire qui devrait diminuer car les marchés financiers ont perdu de l'élan depuis quelques mois. Pour les banques, cela s’accompagne d’une diminution du volume de transactions et donc du chiffre d’affaires. Dans le secteur manufacturier, même si le rythme devait s'avérer moins soutenu, demande et production demeurent orientées à la hausse. Le degré d’utilisation des capacités de production restera ainsi élevé. Par conséquent, la vague actuelle d’investissement en équipement devrait demeurer forte. De son côté, le marché du travail va poursuivre son redressement pour se rapprocher, en 2007, d’une situation de plein emploi avec un taux de chômage inférieur à 3%. Par ailleurs, les créations d’emplois vont contribuer à la progression du revenu disponible des ménages et consolider la confiance des consommateurs. Ces facteurs vont soutenir la croissance de la consommation privée. N’oublions pas non plus l’important rendez-vous qui attend l’économie suisse l’année prochaine: l’ouverture complète du marché du travail suisse à la libre circulation des personnes avec les anciens pays membres de l’UE. Cette étape pourrait bien constituer une source supplémentaire de croissance pour notre économie. Dans le domaine de la construction, le relèvement des taux d’intérêt hypothécaires ainsi que l’extension de l’offre de logements devraient, par contre, atténuer progressivement les impulsions à la croissance des investissements. Globalement, la progression du PIB devrait se situer un peu au dessus de 2,5% en 2006 – une prévision prudente – et se tasser quelque peu en 2007 tout en se maintenant aux alentours de 2%. En matière d'inflation, si l'on écarte l'hypothèse d'une nouvelle flambée des prix pétroliers, 2007 devrait être une nouvelle année de stabilité des prix avec un taux moyen d'inflation comparable à celui de cette année. Marchés financiers Depuis le 15 juin, date de notre dernière décision de politique monétaire, aucune nouvelle d'importance ne semble avoir particulièrement ému les marchés financiers, et ceci en dépit de troubles géopolitiques majeurs. Dans la plupart des pays industrialisés, les rendements obligataires à long terme, après avoir connu une hausse suite aux chiffres élevés de l'inflation aux Etats-Unis en juin, ont reflué sous leurs niveaux de départ. Les taux courts ont, quant à eux, continué à se tendre dans le sillage de la normalisation monétaire entreprise par la plupart des banques centrales à l'exception notable des Etats-Unis. Sur le marché des changes, on note une légère appréciation de l'euro face aux principales monnaies. Entre la mi-juin et la mi-août, le taux de change de l'euro vis-à-vis du dollar est passé de 1,26 à 1,28. Situation identique face au franc suisse, la monnaie européenne grimpant de 1,56 à 1,58. Les marchés des actions ont retrouvé quelques couleurs après la forte correction enregistrée depuis la mi-mai. Cette baisse semble avoir été causée par d'importantes prises de bénéfices, ainsi qu'une réallocation des portefeuilles au bénéfice d'actifs moins risqués. Etonnamment, le cours du pétrole brut n'a que mollement réagi à la flambée de violence qui a touché le Moyen-Orient ainsi qu'à l'annonce de BP de suspendre l'extraction sur un champ en Alaska. Le prix du baril de brent qui avait oscillé autour de $70 en juin a atteint près de $80 début août avant de redescendre aux alentours de $72 ces derniers jours. J'en viens à présent à notre politique monétaire. Comme dans la plupart des pays développés, nous nous trouvons en Suisse dans une phase de normalisation des conditions monétaires. Depuis décembre 2005, la Banque nationale a procédé à trois relèvements successifs de 25 points de base de la bande de fluctuation du taux Libor à 3 mois, portant le centre de la bande à 1,5 pourcent. Au vu du développement modéré de nos agrégats monétaires et du crédit ainsi que des perspectives favorables en matière d'inflation, notre politique de normalisation des taux porte ses fruits. Néanmoins, les bonnes perspectives conjoncturelles, autant sur le plan international que domestique, et un degré élevé d'utilisation des capacités de production nous demandent de la poursuivre. Cela est d'autant plus vrai que la dépréciation du franc suisse face à l'euro a provoqué un relâchement significatif des conditions monétaires globales depuis notre dernière décision prise à la mi-juin. Les marchés s'attendent à des mesures de notre part; ils anticipent actuellement un taux Libor se situant aux alentours de 2 pourcent pour la fin de cette année. L'avenir dira s'ils ont raison! Conclusion L'image donnée par la conjoncture, en Suisse comme à l'étranger, est globalement positive. L'année 2006 se révélera être une bonne cuvée et tout porte à croire que 2007 le sera également, même si une certaine modération pouvait intervenir. A la Banque nationale nous ne retenons pas le scénario d'une faiblesse conjoncturelle prochaine. Ceci d'autant plus qu'il n'est pas exclu que les forces du cycle en Europe se révèlent plus dynamiques que prévu. Nous nous attendions à une accélération notable de l'activité au deuxième trimestre, mais elle nous a surpris par son ampleur, en particulier en Allemagne, ce d'autant plus que les chiffres du PIB allemand au premier trimestre ont été revus à la hausse. Etant donné l'amélioration constante de la situation du marché de l'emploi dans la zone euro, on pourrait observer prochainement un redressement plus marqué de la demande intérieure qu'anticipé, ce qui ne manquerait pas de stimuler fortement les exportations suisses. Sur le front des prix, la situation se présente différemment d'un pays à l'autre, mais de manière générale, les répercussions des hausses des prix de l'énergie ont été plus limitées que prévu. Et ceci particulièrement dans notre pays où l'inflation est restée inférieure à 2%. Nous ne voyons pas de danger pour la stabilité des prix pour 2006 ou 2007. Mais toute prévision est entachée d'incertitudes! En particulier, on peut s'inquiéter de la volatilité prévalant toujours sur les marchés des produits énergétiques. Le niveau historiquement bas des réserves de production de pétrole brut a pour conséquence une forte sensibilité des prix aux chocs d'offre et de demande. Actuellement, tout conflit géopolitique est en mesure de hausser significativement le prix du brut. Cette situation pourrait exacerber les tensions inflationnistes déjà visibles Outre-Atlantique. Ceci d'autant plus que la forte utilisation des capacités de production aux Etats-Unis accroît considérablement le risque d'une poussée d'inflation de second tour si un choc négatif sur l'offre de pétrole devait se matérialiser. En Suisse également, les facteurs favorables qui avaient atténué jusqu'ici l'impact des hausses du prix du pétrole sur notre indice des prix à la consommation, notamment la baisse des prix des biens importés et la présence de ressources productives fortement inutilisées, n'ont plus la même intensité. La conjoncture et l'inflation sont-elles à la croisée des chemins comme certains le prétendent? Je ne le pense pas. Le chemin de la conjoncture me paraît dégagé et sans grande surprise pour cette étape. Quant à celui de l'inflation, son profil est plus rocailleux et pourrait bien nous réserver quelques surprises. Il faut s'y préparer.