Le problème posé est complexe, son traitement dans ce cours sera simple et clair. Mais
il est nécessaire d’exposer l’horizon d’un tel cours.
L’objectif du cours est d’exposer la conception de l’homme et de l’humain qui se
trouve à la base des sciences humaines et sociales telles qu’elles naissent, prennent forme et
se développent à partir du XVII° siècle, qui trouvent au XIX° siècle une forme disciplinaire
qui se trouve actuellement contestée et critiquée.
Par « forme disciplinaire », j’entends simplement les disciplines qui s’établissent au
XIX° siècle comme sciences humaines et sociales (shs selon l’abréviation admise) :
philosophie, droit, psychologie, sociologie, économie, puis psychologie sociale, science
politique, anthropologie, géographie, gestion. Ces distinctions institutionnalisées en
disciplines enseignées et pratiquées structurent le champ de l’expérience sociale, la réalité
même de ce que nous entendons communément par « société ».
Il est aisé de saisir cette anthropologie dans les travaux de Hobbes et de Locke. Mais
l’objectif du cours est d’étudier l’impact de cette conception de l’homme sur la naissance de
la science sociale qui domine la modernité jusqu’à aujourd’hui : les sciences économiques et
leur objet supposé : l’économie. On s’intéressera en particulier à ce qu’on nomme « économie
politique » parce qu’elle est la branche (la racine ?) réflexive des sciences économiques (celle
qui s’intéresse à leurs présupposés, à leur validité, à leurs conséquences), depuis sa formation
à la fin du XVII° siècle, jusqu’à sa critique par Marx et à l’intérêt qu’on porte aujourd’hui aux
problèmes théoriques (philosophiques) que posent les sciences économiques.
Pour réaliser ce projet d’enseignement, de nombreux problèmes, très complexes mais
au cœur même des sociétés euro-américaines, devront être posés et résolus. Deux en
particulier.
- Le premier est le suivant : formuler l’anthropologie à la source des shs, est-ce se situer
à un niveau plus profond que celui occupé par la philosophie ou la philosophie
moderne a-t-elle pour fonction de formuler et exposer cette anthropologie ? Cette
conception de l’homme n’est-elle donc qu’une « philosophie », une doctrine, une
idéologie, une croyance ou une mythologie ?
- Le deuxième est celui qui m’intéresse le plus : en se développant, les sciences
humaines et sociales, grâce aux connaissances qu’elles produisent, ne vont-elles pas
contredire cette anthropologie, la critiquer et permettre de s’en émanciper ?