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Alain-Marc Rieu
Professeur, Université de Lyon – Jean Moulin
Faculté de philosophie.
Année 2013-2014
Master de philosophie
M1, 2° semestre, 24 heures à partir de janvier 2014
Philosophie et sciences humaines
Syllabus
Version 1
Anthropologie et modernité / anthropologie de la modernité
L’anthropologie à la base des sciences humaines et sociales
Preliminary comment
This course is usually given in English. This semester, because of the particular
content of the course, part of it will be given in French, the other part in English. To teach in
one language alone might have become a narrow and ill adapted solution to research and
teach some advanced topics.
The following course description is therefore in French because the texts studied in the
course itself will mostly be in English, even if French translations of some philosophical
references are available or if the original texts quoted by some studies in England are in
French.
It sounds complicated and even confusing. In fact it is no problem at all.
Course description / Résumé du cours
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Le problème posé est complexe, son traitement dans ce cours sera simple et clair. Mais
il est nécessaire d’exposer l’horizon d’un tel cours.
L’objectif du cours est d’exposer la conception de l’homme et de l’humain qui se
trouve à la base des sciences humaines et sociales telles qu’elles naissent, prennent forme et
se développent à partir du XVII° siècle, qui trouvent au XIX° siècle une forme disciplinaire
qui se trouve actuellement contestée et critiquée.
Par « forme disciplinaire », j’entends simplement les disciplines qui s’établissent au
XIX° siècle comme sciences humaines et sociales (shs selon l’abréviation admise) :
philosophie, droit, psychologie, sociologie, économie, puis psychologie sociale, science
politique, anthropologie, géographie, gestion. Ces distinctions institutionnalisées en
disciplines enseignées et pratiquées structurent le champ de l’expérience sociale, la réalité
même de ce que nous entendons communément par « société ».
Il est aisé de saisir cette anthropologie dans les travaux de Hobbes et de Locke. Mais
l’objectif du cours est d’étudier l’impact de cette conception de l’homme sur la naissance de
la science sociale qui domine la modernité jusqu’à aujourd’hui : les sciences économiques et
leur objet supposé : l’économie. On s’intéressera en particulier à ce qu’on nomme « économie
politique » parce qu’elle est la branche (la racine ?) réflexive des sciences économiques (celle
qui s’intéresse à leurs présupposés, à leur validité, à leurs conséquences), depuis sa formation
à la fin du XVII° siècle, jusqu’à sa critique par Marx et à l’intérêt qu’on porte aujourd’hui aux
problèmes théoriques (philosophiques) que posent les sciences économiques.
Pour réaliser ce projet d’enseignement, de nombreux problèmes, très complexes mais
au cœur même des sociétés euro-américaines, devront être posés et résolus. Deux en
particulier.
- Le premier est le suivant : formuler l’anthropologie à la source des shs, est-ce se situer
à un niveau plus profond que celui occupé par la philosophie ou la philosophie
moderne a-t-elle pour fonction de formuler et exposer cette anthropologie ? Cette
conception de l’homme n’est-elle donc qu’une « philosophie », une doctrine, une
idéologie, une croyance ou une mythologie ?
- Le deuxième est celui qui m’intéresse le plus : en se développant, les sciences
humaines et sociales, grâce aux connaissances qu’elles produisent, ne vont-elles pas
contredire cette anthropologie, la critiquer et permettre de s’en émanciper ?
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Les questions qui s’ensuivent sont nombreuses, toutes plus perturbantes les unes que
les autres. Les sciences humaines et sociales sont-elles désormais indépendantes de toute
anthropologie fondatrice ? Les sciences humaines sont-elles encore des « Humanités » ? Peut-
il y avoir « Humanisme » sans Humanités, sans conception transcendantale d’une « nature
humaine », d’une anthropologie ? Si les shs sont indépendantes d’une anthropologie inscrite
dans la culture européenne, peuvent-elles pour autant être adoptées/adaptées par d’autres
types de société (la Chine, le Japon, etc.) qui relèvent d’anthropologies qui leur sont propres ?
Ces nations et cultures se sont-elles émancipées de leurs anthropologies historiques ? Les
sociétés euro-américaines y sont-elles réellement parvenues ?
Je ne formule pas ces questions parce que je suis en mesure de répondre à toutes, mais
pour montrer qu’elles constituent désormais l’horizon de la recherche en shs. Une étape
historique est définitivement franchie. Les étudiants doivent comprendre que leurs projets de
mémoire et de thèse sont directement affectés, transformés par cette nouvelle conjoncture
historique, par cette mutation irréversible.
Pas d’inquiétude à avoir : le cours est balisé par des repères simples à étudier et
assimiler.
Plan du cours
La technique du cours est celle du séminaire sur le modèle international,
non Français donc.
Le cours doit être préparé à l’avance par la lecture des textes et autres
documents proposés.
Les étudiants doivent donc être « actifs » pendant les cours, être en
mesure d’expliquer les textes, de participer aux discussions suscitées par ces
explications, aux débats sur les problèmes traités.
12 séances de 2 heures
Un cours ne correspond pas nécessairement à une séance.
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Cours 1
Le débat sur la nature humaine au XVII° siècle, ses sources religieuses
L’étude sera réduite à Hobbes, Locke et Spinoza.
Deux séances sont prévues.
Il est demandé aux étudiants de lire, sur le modèle de l’ « explication de texte », close
reading) :
John Locke, Second treatise on civil government (1690), chapters 1 to 10
http://www.constitution.org/jl/2ndtreat.htm
Sur ce thème et sur tout le cours
Marshall Sahlins, La nature humaine, une illusion occidentale (2008), trad. française,
Editions de l’éclat, 2009, 111 pages.
Lectures additionnelles
L’idée est de démarquer la position de Locke de celle de Hobbes. Etudier les bases religieuses
de cette conception de la nature humaine et son rôle dans la pensée politique de Locke permet
de comprendre le but que se donnait Spinoza dans son Traité théologico-politique (1670).
- Thomas Hobbes, Léviathan (1651). Voir en particulier dans la partie les chapitres
13 à 15.
http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan.html
- Spinoza, Traité théologico-politique (1670), en particulier les chapitres 15 et 16.
http://www.spinozaetnous.org/telechargement/TTP.pdf
- Sur la comparaison entre Hobbes et Locke, sur toute la pensée politique « classique »,
consulter et étudier :
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o Alexandre Matheron, Individu et communauté chez Spinoza, Paris, Minuit,
1969
o Pierre-François Moreau, Spinoza. État et religion, Lyon, ENS Éditions, 2005
On peut ajouter :
o Toni Negri, L'anomalie sauvage, Puissance et pouvoir chez Spinoza, trad.
François Matheron, Paris, PUF, 1982 ; réédition, Paris, Éditions Amsterdam,
2007. (Avec les préfaces de Gilles Deleuze, Pierre Macherey, d’Alexandre
Matheron et l’avertissement du traducteur[PDF]).
Cours 2
Théologie et économie politique
C’est le noyau du cours. Il est directement lié à une lecture récente d’un texte en Anglais en
cours de publication :
Gilbert Faccarello, « From the foundation of liberal political economy to its critique: theology
and economics in France in the 18th and 19th centuries »
(To be published as Chapter 5 in Paul Oslington (ed.), The Oxford Handbook of Christianity
and Economics, Oxford: Oxford University Press, 2013).
L’auteur a accepté que ce texte soit utilisé pour un enseignement. Ce problème est très
rarement traité mais il éclaire des tendances majeures dans la société française, comme dans
les sociétés européennes. Plusieurs séances seront consacrées à son explication. Il est
demandé aux étudiants de consulter les textes cités ou résumés par G. Faccarello.
Lectures complémentaires
- Pierre Rosanvallon : les livres sont nombreux, ses cours au collège de France sont
disponibles sur Internet. En particulier :
o La crise de l’Etat-providence, réédition Seuil, points, 1994
o La nouvelle question sociale. Repenser l’Etat-providence, réédition Seuil,
points, 1998
o Le capitalisme utopique. Critique de l’idéologie économique, réédition Seuil,
points, 1999
o Le Parlement des invisibles. Raconter la vie, Paris, Seuil, 2014
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