Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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Effet de serre contrasté
10/11/11
C'est une première ! Une procédure d'harmonisation d'observation de l'atmosphère a mis en lumière que
les concentrations de méthane et d'oxyde nitreux, deux gaz à effet de serre, présentaient des tendances
variables d'un site à un autre.
C'est à la fin du 19e siècle que le chimiste suédois Svante August Arrhenius publie un article devenu
célèbre dans lequel il prévoit un réchauffement global de la planète de 5°C si la concentration en dioxyde
de carbone (CO2) venait à doubler. Plus d'un siècle plus tard, notre connaissance de l'atmosphère s'est
considérablement développée, mais ce chiffre, même affiné, reste d'actualité.
La température et le climat sur Terre sont fixés par son atmosphère, acteur principal du bilan énergétique
entre le rayonnement solaire qui atteint la surface de la Terre et celui réémis par celle-ci. Une partie de
ce rayonnement infrarouge réémis reste prisonnier dans l'atmosphère, permettant des températures
clémentes à la surface. L'effet de serre est donc naturel. Mais depuis quelques décennies, les activités
humaines ont modifié sensiblement la composition chimique de l'atmosphère, induisant une augmentation
des concentrations de gaz à effet de serre et, par-là, un effet de serre supplémentaire qualifié d'anthropique.
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Le gaz à effet de serre anthropique le plus important à ce jour et aussi le plus connu est sans aucun doute
le CO2. Mais il est loin d'être le seul : présents en quantités moindres dans l'atmosphère, le méthane
(CH4) et l'oxyde nitreux (N2O) -encore appelé protoxyde d'azote- font également partie des molécules
préoccupantes. Elles font l'objet d'une publication récente (1) dans laquelle les auteurs cherchent à affiner
la détermination de l'évolution temporelle de leurs concentrations. Parmi ceux-ci, Emmanuel Mahieu,
chercheur au sein du Groupe InfraRouge de Physique Atmosphérique et Solaire (GIRPAS) de l'Université
de Liège.
D'une part, le méthane a un pouvoir de réchauffement global important. À quantité de gaz égale, il absorbe
une vingtaine de fois plus de rayonnement que le CO2. De plus et contrairement à l'abondance de CO2 qui
présente une augmentation linéaire, celle du méthane a une évolution moins régulière qui est plus difficile
à modéliser et à expliquer. Après une augmentation de l'ordre de 0.5 % par an au cours des années 80 et
90, sa concentration s'est stabilisée à partir de l'an 2000. Des hypothèses ont été émises pour expliquer ce
plateau. On a notamment invoqué une attention accrue accordée au transport du méthane et à l'étanchéité
des pipelines.
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Néanmoins, cette accalmie a été de courte durée : depuis 2007, la croissance de la concentration de méthane
dans l'atmosphère a repris son ascension, atteignant des taux importants de l'ordre de 1 % par an. Sur
le banc des accusés présumés figurent les émissions de zones marécageuses... mais aussi la fonte du
pergélisol (permafrost, en anglais). Ce sol gelé en permanence renferme une grande quantité de méthane. Le
réchauffement climatique pourrait le faire fondre et ainsi libérer son méthane dans l'atmosphère. Le pergélisol
est donc une banque, voire une bombe, de méthane.
Dispersion des mesures
Quant à l'oxyde nitreux, comme le CO2 et le méthane, il absorbe une partie de l'infrarouge émis par la surface
de la Terre et l'empêche ainsi de s'échapper. A nouveau, si sa concentration est faible, son pouvoir de
réchauffement global est cependant trois cents fois supérieur à une masse identique de CO2 sur 100 ans,
ce qui justifie sa surveillance.
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La variabilité naturelle de l'atmosphère terrestre se manifeste de façon évidente dans les séries temporelles,
augmentant la dispersion des mesures de concentration de gaz à effet de serre. Ceci, complique
significativement la détermination de tendances précises de leurs évolutions moyennes. Cette dispersion peut
provenir de l'influence de paramètres météorologiques ou de facteurs liés à la dynamique de l'atmosphère.
Afin de mieux mettre en évidence l'évolution globale des concentrations de gaz à effet de serre, il importe de
pouvoir quantifier et soustraire l'influence de ces paramètres plus locaux.
Le réseau international NDACC (Network for the Detection of Atmospheric Composition Change) rassemble
les acteurs de l'observation de l'atmosphère terrestre. Son objectif principal est la caractérisation des
changements de régime qui interviennent dans l'atmosphère : le trou d'ozone dans la stratosphère,
l'accumulation de méthane dans la troposphère, etc. Si le NDACC ne dispose d'aucun financement propre,
y appartenir apporte une valeur ajoutée à la renommée internationale de ses membres. « Le cas de l'ULg
est particulier, précise Emmanuel Mahieu. Nous avions déjà nos instruments et nous étions en place avant
même que le réseau ne se crée. Aussi avons-nous été pris comme référence. »
Plusieurs membres européens du NDACC se sont associés autour du projet HYMN (HYdrogen, Methane
and Nitrous oxide). Ce projet vise à harmoniser les stratégies de prises et de traitements des données dans
le cadre de la détermination des abondances totales de méthane, de l'oxyde nitreux et de l'hydrogène dans
l'atmosphère. Par exemple, un gaz particulier est caractérisé par une multitude de signatures spectrales et il
importe de choisir les plus appropriées à la détermination précise de l'abondance du gaz cible. Une stratégie
commune est donc indispensable pour minimiser les différences entre sites reflétant moins des tendances
réelles que des biais dus à des approches variées.
« Nous avons voulu développer une stratégie commune au sein du réseau HYMN et l'appliquer aux
mesures d'abondances totales de méthane et d'oxyde nitreux recueillies depuis 1996 afin d'affiner la
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détermination de leurs tendances, explique notre chercheur. Ce sont les deux gaz à effet de serre les plus
importants après le CO2 ciblés par le protocole de Kyoto. Le CO2 était déjà au coeur de nombreuses
études et son augmentation linéaire n'était pas controversée. Aussi nous sommes-nous concentrés sur
le CH4 et le N2O. Nous avons travaillé à partir de données provenant de quatre stations européennes :
Kiruna en Suède, Harestua en Norvège ainsi que deux sites alpins dont l'Observatoire du Jungfraujoch
qui est rattaché à l'ULg. Il s'agit des uniques sites européens appartenant au NDACC et ayant enregistré
des données infrarouges pour ces deux gaz depuis au moins le milieu des années nonante. »
La comparaison des observations provenant des quatre sites a révélé des tendances différentes d'un site à
l'autre. « Nous avons surtout mis en évidence des corrélations entre ces variations et certains phénomènes
atmosphériques locaux, comme la pression, ou saisonniers, comme la hauteur de la tropopause. En
extrayant ces effets, nous avons pu «standardiser» nos données et ainsi réduire sensiblement l'incertitude
sur les concentrations et leurs évolutions. Grâce à cette procédure de standardisation, nous avons pu
montrer qu'il subsiste des contrastes entre sites. Ceux-ci étaient jadis perdus dans les barres d'erreur. Ce
résultat est une première. »
Pour le méthane, la ré-augmentation récente de sa concentration est evaluée à 0.57 ± 0.22 % par an
(Harestua), à 1.15 ± 0.17 % par an (Kiruna) et autour de 1% par an dans les deux sites alpins. La distribution
inhomogène des sources de méthane sur le globe ou l'ensoleillement (fonction de la latitude et responsable
de la photodissociation du méthane) pourraient figurer parmi les causes possibles de ces contrastes qui
demeurent à ce jour encore inexpliqués. Dans le cas de l'oxyde nitreux, les contrastes sont moins importants
puisque l'augmentation entre 1996 et 2007 est chiffrée à 0.2% par an dans les sites alpins, 0.3% par an
à Harestua et 0.4% par an à Kiruna. Les tendances sont néanmoins deux fois supérieures aux hautes
latitudes qu'aux latitudes moyennes, dans l'hémisphère nord. « L'origine de ces différences pourrait ne pas
être directement anthropique, reprend Emmanuel Mahieu, mais provenir de la circulation stratosphérique.»
Sans la procédure d'harmonisation des données, ces contrastes entre les sites seraient restés noyés dans
les barres d'erreur. Acteur de cette première, le GIRPAS, avec l'Observatoire du Jungfraujoch, confirme sa
position de pionnier dans l'observation de l'atmosphère. Cette position, il la doit initialement au professeur
Migeotte, de l'ancien Observatoire de Cointe de l'ULg, qui en 1950 installe le premier instrument liégeois sur ce
sommet des Alpes bernoises qui culmine à 3580 mètres d'altitude. Ses premières mesures offrent aujourd'hui
une perspective indispensable pour l'étude du réchauffement climatique.
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