Les données dont nous disposons incitent à penser que le monde développé obtient de moins en moins d’améliorations
de la qualité de la vie en période de croissance économique, alors que simultanément le monde doit faire face à des
problèmes environnementaux grandissants liés cette croissance. Dans cette situation, il devient important de réduire les
inégalités, non seulement afin de contribuer à résoudre les problèmes sanitaires et sociaux, mais également pour créer
des économies durables. Cela peut rendre optimiste, car s’il faut freiner la croissance pour réduire les émissions de
carbone, notre qualité de vie ne va pas nécessairement en pâtir. Au lieu de cela, nous pouvons obtenir une cohésion
sociale accrue, améliorer la santé des populations et diminuer les problèmes sociaux.
Quelles sont les meilleurs moyens de diminuer les inégalités ?
Nous avons constaté que dans les pays riches et dans des États des États-Unis, l’égalité pouvait être accrue de deux
manières différentes. Par exemple, en Suède et dans les autres pays scandinaves, on augmente le niveau d’égalité par le
biais d’impôts progressifs, de redistribution, et d’un gros volume d’aide sociale de la part des États. À l’inverse, au Japon,
l’égalité est accrue en réduisant le fossé entre les revenus les plus élevés et les plus faibles avant imposition. Parmi les
États des États-Unis, le Vermont et le New Hampshire constituent deux exemples d’États favorisant l’égalité et obtenant
de bons résultats au niveau sanitaire et social. Le Vermont y parvient par le biais de mécanismes semblables à ceux de la
Suède. Le New Hampshire, tout comme le Japon, a des différences de revenus plus faibles avant impôts et prestations
sociales et un niveau limité de dépenses publiques.
Donc, la manière dont les sociétés évoluent vers une plus grande égalité ne semble pas très importante ; ce qui compte
c’est qu’elles y arrivent. En termes de politiques, cela ouvre un grand éventail de possibilités. L’idée d’intégrer une plus
grande égalité dans la structure institutionnelle de l’économie est peut-être particulièrement séduisante. Davantage de
démocratie économique, davantage de coopératives, davantage de mutuelles, des syndicats plus forts et des progrès
dans l’appropriation par le personnel du capital de l’entreprise, tout cela favorisera une hausse des bas salaires et
limitera les niveaux excessifs des salaires et des bonus des dirigeants.
Vous avez créé un organisme qui s’appelle The Equality Trust pour diffuser les données factuelles figurant dans The
Spirit Level et dans d’autres études et indiquant des liens éventuels entre les inégalités et les mauvais résultats
sociaux. Qu’espérez-vous réaliser grâce au Trust ?
Le Trust est actuellement axé sur l’éducation et les campagnes réalisées au Royaume-Uni, mais nous sommes heureux
de constater que nous faisons des émules de par le monde, en Amérique Latine, en Afrique du Sud et en Nouvelle-
Zélande. Les objectifs du Trust sont de diminuer les inégalités de revenus grâce à un programme d’éducation publique et
politique afin d’obtenir :
une grande compréhension des conséquences négatives d’inégalités de revenus importantes;
un soutien public pour des mesures politiques destinées à diminuer les inégalités de revenus ; et
un engagement politique permettant de mettre en œuvre de telles politiques.
En outre,
Nous n’appartenons pas à un parti et nous interpellons tous les partis politiques pour qu’ils donnent la priorité à
cette question.
Nous aimerions que le Royaume-Uni divise par deux ses inégalités actuelles afin d’atteindre le niveau de la
Suède et du Japon. De façon plus générale, nous espérons mettre les inégalités au cœur des priorités nationales
et internationales en matière de développement.
Nous nous appuyons sur les preuves empiriques pour renforcer le classique argument moral en faveur de
l’égalité, argument fondé sur les droits de l’homme et la justice sociale. L’une des conclusions majeures
auxquelles arrive The Spirit Level, c’est que les résultats d’une plus grande égalité profitent à la grande majorité
des populations des pays riches et développés. Ceci a des implications profondes et donne la possibilité, comme
peut-être jamais auparavant, de présenter une plus grande égalité comme étant dans l’intérêt de la majorité des
citoyens du monde, les enfants tout comme les adultes. Nous ne devons pas sombrer dans le désespoir ; les
preuves issues de la recherche suggèrent que nous pouvons résoudre des problèmes apparemment insolubles
comme les inégalités persistantes dans le domaine de la santé et le défi d’une mode de vie durable. La clé, c’est
une plus grande égalité.