Gérer le portefeuille de valeurs mobilières
Chapitre 4 Les actions
Le 17 mai 1792, la Bourse de New York enregistrait ses premières opérations
et amorçait une croissance qui allait graduellement faire de la métropole améri-
caine la principale place d’affaires au monde. Les deux cents ans d’histoire de
cette vénérable institution ont été marqués de moments qui sont entrés dans la
légende et qui ont contribué à donner à l’investissement boursier une image de
placement risqué qu’il vaut mieux aborder avec prudence si on ne dispose pas
d’une assise financière qui permet d’accepter ce risque.
Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, le placement boursier est un ensem-
ble très varié où l’on retrouve à la fois les titres de propriété dans les corpora-
tions les plus solides et les plus réputées de notre environnement économique
et ceux de petites entreprises d’exploration minière dont le seul véritable actif
est l’espoir qu’on parviendra à trouver un filon rentable sur les concessions où
on est présentement à l’œuvre. Entre ces deux extrêmes, se trouve un très grand
nombre de situations ou d’occasions de placement toutes susceptibles de conve-
nir au portefeuille d’un plus ou moins grand nombre d’investisseurs institu-
tionnels ou particuliers.
L’habileté à sélectionner différentes formes de placements pour constituer un
portefeuille de valeurs mobilières est primordiale. Malgré leur niveau de risque
supérieur, les analyses à long terme démontrent que les actions offrent des ren-
dements supérieurs aux autres formes de placements, ce qui, en fait, correspond
bien à la relation rendement-risque que nous avons évoquée plusieurs fois de-
puis le début de ce cours. La présente leçon vous permettra d’approfondir votre
connaissance de cette forme de placements et d’acquérir des techniques qui
vous aideront à sélectionner judicieusement les valeurs à inclure dans un porte-
feuille. En vous y appliquant, vous réaliserez les apprentissages grâce auxquels
vous pourrez :
64 Chapitre 4 Les actions
Gérer le portefeuille de valeurs mobilières
1. distinguer les actions de compagnies selon leurs aspects juridiques et selon
leur niveau de risque;
2. décrire les droits de l’actionnaire privilégié et ceux de l’actionnaire ordinai-
re;
3. lire et comprendre les renseignements contenus dans les cotations des diffé-
rents marchés d’actions rapportées dans les quotidiens et les journaux
financiers;
4. présenter les considérations pratiques liées aux dividendes des actions ordi-
naires et des actions privilégiées;
5. décrire les façons indirectes de négocier des actions.
Muni de ces nouvelles connaissances, vous serez ainsi en mesure, dans les pro-
chains textes, d’approfondir votre compréhension des actions comme mode
d’investissement et de spéculation, en vous initiant à l’analyse fondamentale et
à l’analyse technique, deux approches très utilisées dans l’évaluation des ac-
tions ordinaires.
1. Les types d’actions
Tous ceux qui ont complété quelques cours de comptabilité ou encore qui ont
des notions de base en droit des affaires savent qu’il y a essentiellement deux
grands types d’actions : les actions ordinaires et les actions privilégiées. Les in-
vestisseurs aguerris sauront prévenir les personnes qui en sont à leurs débuts
dans la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières qu’on ne devrait
pas se fier strictement à cette distinction quand vient le temps de prendre une
décision de placement. En fait, de l’avis d’une majorité d’investisseurs expéri-
mentés, les aspects juridiques d’une action sont des éléments parmi d’autres qui
permettront de la situer dans le classement des actions en se fondant sur le ris-
que qu’elles représentent et les perspectives de rendement qu’elles offrent. On
trouvera dans les pages qui suivent une présentation détaillée de ces deux clas-
sements des actions.
A. Classement des actions selon leurs aspects juridiques
Le caractère très réglementé de notre société n’a pas épargné ce que nous appe-
lons le droit des affaires. Cet état de fait a amené au fil des ans un éventail de
plus en plus ramifié d’actions disponibles. Quoique la distinction aille
aujourd’hui beaucoup plus loin que le caractère privilégié, par opposition à or-
dinaire, de l’action, ce clivage n’en demeure pas moins le point de départ pour
celui qui veut bien distinguer toutes les options possibles. Cependant les nom-
breuses clauses particulières que l’on retrouve dans la section de la charte d’une
compagnie portant sur la définition de ses actions peuvent modifier considéra-
blement la nature de ces titres et les rendre fort différents du modèle classique
auquel ils sont censés appartenir.
Objectifs
Chapitre 4 Les actions 65
Gérer le portefeuille de valeurs mobilières
i) L’action ordinaire par opposition à l’action privilégiée
Les détenteurs des actions ordinaires de l’entreprise représentent collective-
ment le fournisseur de capital qui s’expose le plus au risque d’affaires inhérent
à la conduite des activités de l’entreprise. Ce genre d’actionnaires, en effet, ne
participe au bénéfice que dans la mesure où le conseil d’administration (C.A.)
de l’entreprise estime que lesdits bénéfices sont suffisants. Par comparaison,
l’actionnaire privilégié reçoit normalement un dividende dont le taux ou le
montant est mentionné sur le certificat de l’action. Seule une situation financiè-
re extrêmement sérieuse amène parfois un CA à suspendre le paiement du divi-
dende sur une action privilégiée. En cas de liquidation, l’actionnaire ordinaire
est le dernier à pouvoir recevoir une part des actifs de l’entreprise après tous les
créanciers et les actionnaires privilégiés.
À titre de contrepartie visant à le compenser des risques plus importants qu’il
assume, l’actionnaire ordinaire est celui qui a le plus à gagner si les affaires de
l’entreprise sont fructueuses, puisqu’il n’y a pas de limite à la part de bénéfice
qui peut lui revenir. En fait, on peut dire que le bénéfice qui reste après que l’on
a pourvu au versement des dividendes aux actionnaires privilégiés appartient
en propre aux actionnaires ordinaires. Enfin, les actionnaires ordinaires jouis-
sent d’une autorité considérable en rapport avec l’étendue des responsabilités
qu’ils assument dans l’entreprise, puisque l’assemblée des actionnaires ordinai-
res représente le niveau hiérarchique le plus élevé de l’organigramme d’une
corporation. Entre autres responsabilités, cette assemblée procède à l’élection
du conseil d’administration, responsable des grandes orientations de l’entrepri-
se et de la nomination du personnel de haute direction.
Le tableau 4.1 présente les différences habituelles entre les actions ordinaires et
les actions privilégiées.
TABLEAU 4.1 DIFFÉRENCES HABITUELLES ENTRE LES ACTIONS ORDINAIRES ET LES
ACTIONS PRIVILÉGIÉES a
Caractéristiques Actions ordinaires Actions privilégiées
Participation au
bénéfice
rapportent un dividende
lorsque le conseil
d’administration de la
compagnie procède à
une «déclaration de divi-
dende pour les actions
ordinaires»
rapportent normalement
un taux fixe de divi-
dende prévu dans la
charte de la compagnie
Rang en cas de
liquidation occupent le dernier rang
offrent la possibilité de
récupérer la valeur de
leur investissement
avant que les actionnai-
res ordinaires soient
remboursés
66 Chapitre 4 Les actions
Gérer le portefeuille de valeurs mobilières
ii) Les différents types d’actions ordinaires
Bien que la définition classique de l’action ordinaire veuille qu’il s’agisse d’un
titre de propriété donnant un droit de vote à son détenteur, certaines actions or-
dinaires peuvent prévoir un droit de vote restreint ou même être tout à fait dé-
pourvues d’un tel droit.
Les actions ordinaires avec plein droit de vote. Ces actions correspondent, sur
ce plan, au modèle que nous avons évoqué à la section précédente. Elles possè-
dent un droit de vote qui est, de nature, comparable ou même supérieur à celui
qui est associé aux actions de catégories différentes, s’il y a lieu. Ce droit de vote
porte sur toutes les questions susceptibles d’être discutées à de l’assemblée des
actionnaires.
Les actions ordinaires sans droit de vote ou avec droit de vote restreint. Une
action subalterne est une action ordinaire, donc de participation, qui ne bénéfi-
cie pas d’un droit de vote au moins égal à celui attaché aux autres actions ordi-
naires de la compagnie. L’émission d’actions subalternes a connu une certaine
vogue au cours des années 80. Ce type d’actions ayant fait l’objet de critiques
sévères de la part de la presse financière et de différents responsables des insti-
tutions financières, les Bourses et les autorités gouvernementales ont pris diffé-
rentes mesures pour en restreindre le nombre. En effet, ce type d’actions
confère un droit de vote inférieur (parfois même ne confère aucun droit de vote)
à toute autre catégorie d’actions ordinaires votantes, et ce, sans prime ou privi-
lège compensatoire. La presse financière a fait état de nombreux débats engen-
drés par l’émission ou l’existence de telles actions, qui permettent à un
propriétaire ou groupe d’actionnaires de prendre ou de conserver le contrôle
d’une entreprise pour une somme minime.
Participation à la
croissance
Le profit restant après le
versement du dividende
aux actionnaires privilé-
giés appartient aux
actionnaires ordinaires.
La bonne situation finan-
cière de l’entreprise aug-
mente le degré de
sécurité de l’action privi-
légiée, mais ne se tra-
duit pas par un
dividende supérieur
pour ce dernier.
Droit de vote
droit de vote sur toutes
les propositions ame-
nées devant l’assem-
blée des actionnaires
aucun droit de vote
a. Ce tableau présente la distinction classique entre l’action ordinaire et l’action privilégiée.
Dans les faits, comme on l’explique dans le texte de la leçon, une action ordinaire spécifi-
que pourra présenter certaines caractéristiques de l’action privilégiée et vice-versa.
TABLEAU 4.1 DIFFÉRENCES HABITUELLES ENTRE LES ACTIONS ORDINAIRES ET LES
ACTIONS PRIVILÉGIÉES (suite)a
Caractéristiques Actions ordinaires Actions privilégiées
Chapitre 4 Les actions 67
Gérer le portefeuille de valeurs mobilières
Un grand nombre d’actions de type subalterne, émises au cours des années 70
et 80, sont actuellement en circulation au Canada. On reconnaît généralement
une action subalterne par la mention de la lettre f immédiatement devant ou
après le nom de la valeur dans les cotations boursières rapportées par les
journaux. Pour les rendre plus concurrentielles face aux actions avec plein droit
de vote, on leur attribue souvent un taux de dividende légèrement supérieur.
iii) Les différentes classes d’actions privilégiées
Nous passerons maintenant en revue les différents privilèges susceptibles
d’être rattachés aux actions. N’oublions jamais que ceux-ci n’existent que pour
accroître l’attrait des titres émis tout en dotant la compagnie d’une flexibilité fi-
nancière accrue. De plus, une action privilégiée peut offrir plusieurs des privilè-
ges mentionnés précédemment ou encore être accompagnée de droits d’achat
ou de bons de souscription. Ces titres d’un genre particulier seront abordés au
chapitre 6. En outre, il arrive fréquemment que l’émetteur préfère classifier ses
actions privilégiées en fonction de leur droit de priorité sur l’actif en cas de dis-
solution. Cette distinction, premier rang, second rang, etc., visera à protéger les
acquis des premiers actionnaires privilégiés de la compagnie au moment de la
création de nouvelles classes d’actions. Comme vous le voyez, il y en a pour
tous les goûts.
À dividende cumulatif ou à dividende non cumulatif. Une action privilégiée à
dividende cumulatif implique l’engagement, pour l’entreprise, de remettre ul-
térieurement à l’actionnaire privilégié le dividende qui lui est dû en cas d’omis-
sion du dividende, c’est-à-dire dans le cas où le conseil d’administration
déciderait de ne pas procéder au versement du dividende sur ce type d’actions
au cours d’une ou de plusieurs années. Le ou les paiements de dividendes ainsi
omis s’accumulent et doivent être versés aux actionnaires, en sus du dividende
régulier, lorsque l’entreprise recommence à verser le dividende.
À l’opposé, l’action privilégiée à dividende non cumulatif n’a pas ce privilège et
le détenteur n’a droit qu’au dividende de l’année où il est déclaré. Ainsi, lors-
que le conseil d’administration omet le paiement du dividende privilégié non
cumulatif, celui-ci ne s’accumule pas (il est perdu) et le détenteur de cette action
ne peut plus le réclamer.
Il va sans dire que l’omission d’un dividende (cumulatif ou non cumulatif) est,
à première vue, une décision qui devrait affecter négativement le cours (le prix)
de l’action, et ce, tant privilégiée qu’ordinaire; l’impact sur l’action ordinaire
sera d’autant plus grand que le dividende est cumulatif. Or, le conseil d’admi-
nistration peut décider d’agir en ce sens dans le but de conserver des liquidités
au sein de l’entreprise, dans le meilleur intérêt de la compagnie et, par ricochet,
des actionnaires. Cependant, en agissant ainsi, il encourt le risque de nuire aux
émissions futures de titres de propriété et ajoute un élément de spéculation aux
titres existants.
Participante et non participante. Le détenteur d’une action privilégiée partici-
pante se voit octroyer une participation aux bénéfices de l’entreprise en sus du
paiement en dividende (dividende régulier) qui lui revient. Le détenteur d’une
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