Point Climat N°17 – Le secteur forestier dans la réduction des émissions en Europe : la Commission
européenne commence par compter
Le Paquet Energie-Climat incite à la substitution des énergies fossiles par du
bois
Le Paquet Energie-Climat adopté en 2009 par l’Union européenne comporte trois volets : la
réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 %, la part des énergies
renouvelables dans le mix énergétique portée à 20 % et l’amélioration de l’efficacité
énergétique de 20 %, le tout à l’horizon 2020. Ces objectifs sont notamment soutenus par la
mise en place :
à l’échelle de l’Union européenne, d’un système européen d’échange de quotas
d’émissions de CO2 (EU ETS) qui concerne les installations de production d’électricité et
d’industrie lourde les plus émettrices ;
à l’échelle des Etats membres, de tarifs de rachats et d’autres types de subventions ou
d’obligations réglementaires.
L’EU ETS, par le signal prix du CO2 qu’il adresse aux acteurs économiques, incite à utiliser
plus de bois et moins de charbon. En effet, les émissions de CO2 provenant de la
combustion du bois ne sont pas comptabilisées car la ressource est considérée comme
renouvelable. Cette incitation est ici chiffrée à une valeur indicative de 15 €/tCO2e, soit la
moyenne 2011 du prix du quota (Figure 1a). Ce type de substitution a été très largement
observé dans les centrales thermiques, dès la mise en place du dispositif en 2005. Les
politiques nationales, notamment subventionnelles, visant à atteindre l’objectif
d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique poussent
dans le même sens.
Par ailleurs, le bois est un matériau dont la fabrication est beaucoup moins énergivore que
ses alternatives telles que l’acier, le béton pour la construction ou encore le plastique pour
les meubles, etc. Dans ces secteurs, le prix du CO2 établi par l’EU ETS donne donc, tout
chose étant égale par ailleurs, un avantage comparatif au bois. Dans la pratique, l’efficacité
du système est moins avérée que pour l’énergie, notamment parce que les fabricants
d’autres matériaux ont été historiquement dotés d’une généreuse allocation gratuite de
quotas (Figure 1b). Au niveau national, d’autres politiques viennent compléter l’EU ETS sur
les matériaux : en France par exemple, un seuil minimal d’utilisation du bois dans les
bâtiments est imposé.
Séquestration du carbone dans la forêt: ni comptée, ni incitée par la politique
climatique internationale
Si l’EU ETS donne de manière indirecte des incitations économiques en faveur de la
valorisation du bois, à l’amont de la filière forestière, en revanche, les incitations à la
reconstitution de la ressource, chiffrées ici à 0,5 €/tCO2e (Figure 1c) sont maigres. La raison
est simple : la forêt est le seul secteur à n’être pas comptabilisé dans l’objectif de réductions
de GES de l’Union européenne. En théorie, les sylviculteurs qui voient leurs ventes
soutenues par les incitations à la substitution devraient investir en forêt pour se donner les
moyens d’approvisionner une demande croissante. Mais en réalité, si le prix du mètre cube
de bois peut influer sur la décision de coupe des sylviculteurs, il influe peu sur leurs choix
d’investissement dans une replantation dont les revenus ne se concrétisent que 50 à 100
ans plus tard. Le déséquilibre des incitations illustré par la Figure 1 risque donc de gripper le
cycle croissance/récolte dès 2016, avec une ressource en forêt incapable de suivre la
demande en bois par manque d’investissement (Ellison et al., 2012).
Règles Kyoto, version 2001 : aucune incitation à la séquestration en forêt
L’absence de prise en compte du secteur forestier dans les objectifs européens découle
sans doute des règles de comptabilisation du secteur pour la première période
d’engagement du protocole de Kyoto (2008-2012). La complexité de ces règles – plafond de
crédits en-dessous du solde de la plupart des pays, autorisation de report d’une partie du