55 Schedae , 2009 Prépublication n° 27 Fascicule n° 3 Utilisation de la réalité virtuelle pour l’évaluation et la réhabilitation cognitive Pierre Denise UPRES-EA 3917 Physiologie – UFR de Médecine – Université de Caen Basse-Normandie [email protected] Résumé : Au sein de l’UPRES-EA 3917, la réalité virtuelle est utilisée pour l’évaluation des fonctions cognitives ainsi que pour la rééducation cognitive, motrice et sensorielle. Actuellement, la majorité de nos travaux porte sur l’évaluation de la conduite automobile. En effet, par rapport à la conduite réelle, la réalité virtuelle présente de nombreux avantages dans l’évaluation du comportement des conducteurs : coûts réduits, sécurité, reproductibilité, contrôle total des paramètres de l’environnement… Ces caractéristiques nous permettent de quantifier le comportement de sujets ou de patients en particulier dans des circonstances très difficiles à évaluer dans le monde réel. L’utilisation de la réalité virtuelle dans l’UPRES-EA 3917, concerne trois domaines : – évaluation de la conduite automobile ; – évaluation des fonctions cognitives ; – rééducation cognitive, motrice et sensorielle. Dans ces trois domaines, la réalité virtuelle est utilisée avec deux objectifs différents : simuler ou, au contraire, distordre la réalité. Ainsi dans le cadre de l’évaluation de la conduite automobile et des fonctions cognitives, l’objectif est de simuler la réalité pour étudier et quantifier le comportement et les performances du sujet ou du patient. À l’inverse, dans le cadre de la rééducation et l’étude de l’intégration sensorielle, nous cherchons plutôt à distordre la réalité. Pierre Denise « Utilisation de la réalité virtuelle pour l’évaluation et la réhabilitation cognitive » Schedae, 2009, prépublication n° 27, (fascicule n° 3, p. 55-58). 56 Évaluation de la conduite automobile Par rapport à la conduite réelle, la réalité virtuelle présente de nombreux avantages dans l’évaluation du comportement des conducteurs : coûts réduits, sécurité, reproductibilité, contrôle total des paramètres de l’environnement… Ces caractéristiques nous permettent d’étudier et de quantifier le comportement et les performances de sujets ou de patients en particulier dans des circonstances très difficiles à évaluer dans le monde réel : – tests pouvant durer plusieurs heures pour l’évaluation de la vigilance ; – effets de la privation de sommeil, des médicaments, de l’alcool… ; – conséquences de pathologies sur la conduite (insomnie, encéphalopathie…). Une partie de nos travaux porte sur la définition des paramètres minimums pertinents permettant l’évaluation d’une fonction donnée. Ainsi dans le cadre de la simulation de conduite, un de nos objectifs n’est pas de concevoir un simulateur le plus réaliste possible mais, au contraire, de trouver l’équipement minimum permettant la détection avec la même efficacité qu’en conduite réelle d’une baisse de vigilance ou un trouble attentionnel du conducteur. L’intérêt d’un tel système est d’être à la fois suffisamment sensible dans la détection des altérations comportementales du conducteur et suffisamment économique pour envisager sa duplication dans de nombreux centres, condition indispensable à l’évaluation des nombreuses circonstances accidentogènes. Après réalisation d’un prototype, celui-ci a été validé en comparant les résultats obtenus sur le simulateur et en conduite réelle dans des situations similaires (circuit, durée, vitesse et heure identiques). Enfin, un dernier axe d’étude concerne le « mal du simulateur », phénomène qui limite l’usage de l’outil, puisqu’une partie non négligeable de la population est malade lors de la conduite simulée (souvent de l’ordre de 10 à 15 %, pouvant atteindre 80 % dans certains cas). Un des aspects particulièrement gênants de ce phénomène est que l’élimination d’une partie de la population limite la généralisation des résultats des différentes études. En vue de réduire au maximum ce phénomène néfaste, nous recherchons les facteurs prédictifs liés aux simulateurs (architecture), aux situations de conduite (autoroutière, urbaine…) et aux caractéristiques intrinsèques de la population (âge, sexe, sensibilité au mal des transports, niveau d’accoutumance au simulateur…). Évaluation et rééducation des fonctions cognitives Les fonctions cognitives sont habituellement évaluées avec des tests « papier-crayon » parfois présentés sous forme informatisée. Ces tests sont simples et économiques mais manquent souvent de validité dans le sens où ils prédisent très mal les performances du sujet dans des situations réelles (dites « écologiques »). Des tests écologiques ont été mis au point, mais exceptionnellement utilisés du fait de leurs coûts très élevés. L’évaluation des fonctions cognitives par la réalité virtuelle représente une situation intermédiaire. Le tableau ci-dessous résume l’adéquation de chacun de ces trois types de tests, adéquation d’autant plus élevée que la couleur est foncée. On constate que la réalité virtuelle cumule les avantages des deux autres types de tests. Dans le cadre de nos études, nous avons développé un supermarché virtuel destiné à évaluer la planification de l’action (partie gauche du tableau). Schedae, 2009, prépublication n° 27, (fascicule n° 3, p. 55-58). http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0272009.pdf 57 Dans ce supermarché, le sujet a pour tâche de réaliser un ensemble d’achats à partir d’une liste de « commissions ». On étudie alors son trajet, le nombre d’arrêts, la distance parcourue, le nombre d’allers-retours, le temps total… (partie droite du tableau). Grâce à ce programme, nous avons pu montrer que les patients parkinsoniens souffraient de troubles de la planification des actions comme cela apparaît clairement sur la partie droite du tableau. Type de tests Papier-crayon Écologiques Réalité virtuelle Mise en situation réelle Évaluation neuropsychologique * Simplicité * Analyse quantitative fine (TR) * Analyse qualitative fine (stratégies utilisées, analyse des trajectoires…) * Sensibilité Réhabilitation neuropsychologique * Transfert des acquisitions dans le monde réel * Motivation (due à l’aspect ludique) Évaluation de l’efficacité des traitements Tableau 1 : Parcours d’un sujet contrôle et d’un patient souffrant d’une maladie de Parkinson dans un supermarché virtuel D’autres mondes virtuels représentant des situations de la vie courante ont également été développés. Ils sont utilisés dans le cadre de la rééducation des fonctions cognitives avec un accent sur l’aspect ludique et interactif, aspect particulièrement important pour emporter l’adhésion des patients, prérequis indispensable d’une réhabilitation efficace. Schedae, 2009, prépublication n° 27, (fascicule n° 3, p. 55-58). http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0272009.pdf 58 Schedae, 2009, prépublication n° 27, (fascicule n° 3, p. 55-58). http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0272009.pdf