Approche scientifique des protocoles de soins infirmiers

M
ÉTH~DOLOGIE
M.
FORMARIER,
L. JOWC
APPROCHE SCIENTIFIQUE DES PROTOCOLES
DE SOINS INFIRMIERS
INTRODUCTION
Entrés insidieusement par la petite porte dans
les soins infirmiers, les protocoles sont considé-
rés actuellement comme une des bases scientifi-
ques de la pratique infirmière.
Un guide du service infirmier leur a été consacré
qui les définit comme :
«
le descriptif de tech-
niques à appliquer
et/ou
des consignes à ob-
server dans certaines situations de soins
ou
pour
l’administration d’un soin
»
(1).
A la lecture de cette définition il paraît assez
simple de bâtir un protocole de soins mais, si
l’on se réfère quelques lignes plus loin il est dit
que le protocole doit
«
être élaboré selon une
méthodologie précise
».
Cette méthodologie non
décrite dans le guide, préexiste obligatoirement
avant
la mise en oeuvre de tout protocole scienti-
fique.
Une grande confusion règne à ce niveau, des in-
firmières appellent protocole ce
qui
en ,réalité
n’est qu’une chcck list ou une fiche technique.
Alors que recouvre le terme de protocole scienti-
fique ? Quel intérêt ? Comment le bâtir ? Quelle
méthodologie suivre ? Cet article tentera de ré-
pondre à ces questions. Nous traiterons le sujet
de façon assez large pour englober aussi bien les
protocoles dans les champs cliniques, épidémio-
logiques, que ceux des sciences humaines.
1
-
DÉFINITION D’UN PROTOCOLE
SCIENTIFIQUE
1.1. Ce qu’est un protocole
Le mot protocole vient du
grec
Prôtos : premier
et Rolla : colle. Un
a
Prôtokollon
>>
était le pre-
mier feuillet collé sur des rouleaux et qui servait
chez les latins et les byzantins de formulaire
dans les lettres officielles adressées à des rois ou
des ministres.
Par extension, le protocole est
«
l’ensemble des
usages, des formalités qu’on doit respecter dans
certaines circonstances et dans certaines cérémo-
nies
»
(Larousse 3 vol.). Les scientifiques se sont
approprié ce concept pour désigner
«
un ensem-
ble d’actions, de gestes successifs accomplis
conformément à un plan bien réglé pré-établi
B
(Dict. termes scientifiques).
On parle de protocole opératoire, de proto-
cole de chimiothérapie, etc. Dans un proto-
cole scientifique, chaque action, chaque
geste est pensé, réfléchi et fait l’objet d’une
recherche pour montrer son efficacité, sa lo-
gique interne, sa cohérence avec l’ensemble.
Il est toujours un objet construit à partir de
recherches de concepts de données anatomiques,
physiologiques, biologiques, etc.
Son utilisateur doit pouvoir justifier de son
eff-
cacité et de son efficience (validité interne), il
doit aussi pouvoir dire pourquoi ce protocole est
meilleur ou moins bon qu’un autre (validité ex-
terne). Tous ces arguments lui sont fournis par
les résultats des recherches
a
beaucoup de
recherches scientifiques n’ont pas seulement
pour but de nous donner une représentation de
ce qu’il est possible de faire, mais elles ont aussi
comme objectif de légitimer des actions, et de
les motiver
»
(2).
Un protocole de soins infirmiers ne peut déroger
à cette construction scientifique sous peine de
perdre son titre de protocole et de s’appeler
«
fiche technique
»
ou
«
check list
».
Les protocoles scientifiques ne relèvent plus de
la simple technique (savoir empirique) mais de la
technologie (savoir construit mais basé
SUI
les
concepts, les méthodes, etc.).
«
Les sciences peuvent
donc être considérées comme des technologies
intellectuelles liées à des projets humains de do-
mination et de gestion du monde matériel.
»
(3).
Le protocole scientifique procure une véritable
maîtrise, une connaissance approfondie donc un
pouvoir sui les situations, il permet comme dit
FOUREZ
«
d’être scientifiquement et technolo-
giquement alphabétisé.
>>
(3). Il fait l’objet de ré-
ajustement en fonction de l’évolution des
connaissances, ou/et des évaluations dont il est
périodiquement l’objet.
Chaque science a ses protocoles. Nous connais-
sons bien les protocoles médicaux (tbérapeuti-
qua, chirurgicaux, endoscopiques, etc.). Nous
côtoyons aussi des protocoles établis par les épi-
démiologistes
souvent basés sur des enquêtes (de
APPROCHE SCIENTIFIQUE DES PROTOCOLES
DE SOINS INFIRMIERS
prévalence
ou d’incidence) et qti font l’objet actuel-
lement de nombreuses recherches. Ces tmvaux
et le respect des protocoles émis ont permis la
chute, voire dans certains endroits la disparition
des infections nosocomiales.
Les sciences humaines ont aussi leurs protocoles
(d’accueil, de prise en charge, etc.).
Nous pouvons distinguer deux grands types de
protocoles.
Ils doivent
être
respectés scrupuleusement, aucune
initiative, aucun débordement n’est autorisé.
Par définition un protocole s’adapte à toutes les
personnes, à toutes les situations.
Il est souvent énoncé de façon chronologique en
terme
très précis, exemple
:
protocole de prépa-
ration d’un patient pour “ne coloscopie.
Encore appelés protocoles à risques. Dans les
protocoIes o”“e*tS, l’action
n>est
pas pro-
grammée, elle reste à définir en fonction d’un ré-
férentiel précis, prédéterminé.
Exemple : protocole ouvert de prise de tempéra-
ture dans un service de long séjour.
Un protocole fermé consisterait à prendre la
température rectale 3 minutes durant de façon
systématique matin et soit à chaque personne.
Le protocole
ouvert
consiste à évaluer à partir
d’un référentiel prédéterminé qui a fait l’objet de
recherche, si la personne a
un
risque d’avoir “ne
hyperthermie.
Référentiel du risque d’hyperthermie :
-.
observer le faciès du patient (rougeur,
aeut
ou au contraire teint gris, etc.),
-
évaluer le rythme de la respiration,
-
toucher le patient pour évaluer la chaleur de
sa peau,
-
demander a” patient si il tousse, si il a “ne
gêne à la micùon (de nombreuses recherches
montrent que les infections pulmonaires et “ri-
mires sont les plus fréquentes chez les per-
sonnes âgées),
-
évaluer le comportement du patient
par
rap-
port à ses habitudes (ne veut pas se lever, etc.),
-
demander au patient comment il se sent.
A” terme de ce protocole
ouvert,
I’infmmière
dé-
cide de prendre ou de ne pas prendre la tempé-
rature de la personne.
Ces deux types de protocoles, fermé ou ouvert,
sont aussi intéressants
I’un
que l’autre, ils ont
des objectifs et des indications très précises.
1.2. Ce qle n’est pas un protocole
Nous pouvons définir un concept par ce qu’il
est, c’est ce que nous venons de faire, ou a”
contraire par ce qu’il n’est pas, en I’opposant à
d’autres
concepts plus ou moins proches.
Un protocole scientifique n’esf pas une ch&
rist,
que le dictionnaire Robert définit comme :
«
une
liste d’opérations successives destinées à vérifier
sans omission le bon fonctionnement de
tous
les
équipements vitaux d’un engin,
Sun
avion avant
son départ
».
La check-list ne repose pas sur
l’idée de performance mais simplement d’ordre
et de conaôle mécanique, d’ailleurs cet angli-
cisme a été traduit en français : liste de conaôle.
Les infirmières qui pensent élaborer un proto-
cole de soins en alignani simplement des actions,
sans vérifier au préalable leur impact, leur effica-
cité, leur efficience ou leur contexte d’utilisation
ne construisent en
faiait
qu’une check-list qui ne
s’adresse qu’à des engins mécaniques.
La fiche technique a la même fonction que la
check-list, elle est un outil qui récapitule des ac-
tions à faire dans un ordre logique. Elle évite la
mémorisation.
Exemple : fiche technique de diététique.
La procédure relève plutôt du droit que de la
science. Elle recouvre
<<
l’ensemble des règles,
des formes et des délais, d’ordre administratif,
pcw aboutir à un résultat»
(Laarousse
3 vol.).
Plus largement, nous pouvons décrire “ne procé-
dure comme l’ensemble des démarches à ac-
complir pour obtenir un résultat. Il n’est pas
faux de parler de procédure GentSque en ma-
tière de protocole mais cela englobe :
-
la méthodologie d’élaboration du protocole,
-
le test sur “ne population cible,
-
le réajustement éventuel,
-
I’“disation,
-
l’évaluation pop”lationneue.
$
‘/,
3 -’
76
&
Recherche en soins
infirmiers
N’ 32
-
Mars 1993
Ce terme est employé essentiellement en épidé-
miologie.
II est défini comme
«
la marche à sui-
vre dans “ne enquête épidémiologique
. durée de l’enquête,
. population choisie,
. outil #enquête...
»
(4).
Utilisé par des initiés, le protocole d’enquête est
“ne forme de recherche qui répond à une mé-
thodologie précise :
«
le choix du protocole
d’une enquête réside dans la confrontation per-
manente des objectifs avec les soutces d’infor-
mation et les techniques disponibles
»
(5).
2
-
OBJECTIFS DES PROTOCOLES
DE SOINS INFIRMIERS
Plusieurs objectifs peuvent être pris en compte.
2.1.
Sottir
des habitudes
«
L’habitude étant définie par opposition avec
l’instinct comme “ne manière d’être, d’agir, de
sentir ou de penser acquise par la répétition (6).
L’habitude n’est pas en soi un phénomène néga-
tif, elle le devient quand
«
les habitudes sont de
simples techniques généralement indifférentes en
elles-mêmes
»
(7).
un protocole scientifique souvent répété et dont
les utilisateurs ont perdu la signification et le
sens peut tomber dans la catégorie des habitudes
car d’une part,
«
l’habitude émousse la sensibili-
»
et d’autre part
«
elle crée “ne tendance à la
répétition de l’acte et un besoin de cet acte
»
(8).
Exemple : Prévention d’escarres, systématique
pour tous les patients alités du service, sans tenir
compte de l’état des patients.
Nous savons aussi que
«
la répétition n’améliore
pas l’acte
»
(8) mais aurait plutôt tendance à le
détériorer.
Les habitudes de soins que nous
avons
ne repo-
sent pas toujours
sur
des protocoles scientifi-
ques. Nombre d’entre elles sont nées de connais-
sances empiriques transmises par la tradition,
ou
encore par l’expérience.
Ces manières de faire, partagées par un groupe
deviennent des
«
affirmations qui coulent de
(4)
ROUQUETE
(C.), SCHWARTZ (D.), Méthode en épi-
démiologie,
Fiamarion,
Paris 1970,
p.
15.
(5)
ROI.JQ”ETTE
CC.),
SCHWARTZ
(Il.),
op.
Ut.,
p,
11.
(6) GUILLAUME
m.),
La
formadon
des
habitides,
PUF,
4’
ed.
1973,
p.
28.
(7) GUILLAUME
(I?),
0~.
dt.
lx
31.
(8)
GUILAUME
(l’.),
op.
cit.
p. 165.
Approche scientifique des protocoles de mins infirmiers
SOUPX
auxquelles le groupe fait confiance malgré
leur inconsistance
»
(9).
Ces habitudes ou normes ou
«
savoir-faire
»
peu-
vent
être
appelées à tort protocole de soins lors-
qu’elles sont écrites, en fait, ce ne sont que des
ch&-lists,
exemple : de nombreuses
«
habi-
tudes
>>
sont utilisées par certaines équipes pour
la prévention des escarres. Elles ne reposent
sur
aucun fondement scientifique @ar exemple l’uti-
lisation de produit alcoolisé pour pratiquer des
frictions ou encore l’emploi de sèche-cheveux,
glace, etc.).
De nombreuses recherches effectuées
sur
la
constituùon des escarres mettent en évidence
l’assèchement de la peau comme un des facteurs
favorisants
et préconisent des lotions ou pro-
duits hydratants en pulvérisations ou massages
doux.
Les protocoles établis
sur
ces bases sont adap-
tables à chaque patient, ce sont donc des proto-
coles ouverts évolutifs en fonction des technolo-
gies et des connaissances nouvelles
;
comme
nous pouvons le constater, nous sommes loin
d’une
«
habitude
»
de service.
2.2. Formaliser des connaissances
empiriques
Si certaines habitudes sont à proscrire, il en est
d’autres au contraire qui sont à formaliser pour
prouver leur bien-fondé et leur eftïcacité. For-
maliser veut dire
«
donner à un système de
connaissances une structure qui lui permet de
devenir scientifique
»,
Dictionnaire des termes
scientifiques.
Certaines infirmières ou équipes ont des intu-
tiens basées S”I leur expérience, leur expertise
qui
les amènent à avoir des actions et comporte-
ments extrêmement pertinents dans des situa-
tions données. Malheureusement, ces intuitions
ou expertises disparaissent avec leurs auteurs ou
sont supplantées par d’autres procédés beaucoup
moins pertinents, faute d’avoir été formalisées.
Le protocole de soins est un des moyens de for-
malisation des soins infirmiers.
L’intuition
«
forme de connaissance immédiate
qui ne *eco”*t pas a” raisonnement
»
(Diction-
naire Robert), est à la fois opposée aux concepts
de raisonnement et de rationalité mais en même
temps liée à eux de façon indissociable.
Nous savons que si
«
les sciences émergent peu
à peu du discours quotidien et/o” artisanal»...
elles nécessitent aussi
«
une rupture par rapport
aux pratiques quotidiennes
ou
empiriques
»
(10).
(9)
SCHUTZ
(A.),
Le
chercheur et le quotidien,
ed.
Méri-
dien Klin cK SiecK ccl société Paris 1987
p,
19.
(10)
FOURITZ
(G,),
op.
cit.
p.
79.
9
‘5
49
-
c
77
La formalisation permet de concrétiser ,cette dua-
lité de continuité et de rupture.
Une grande partie de la recherche appliquée ac-
tuelle, dans les soins infirmiers, est centrée sur la
formalisation des connaissances empiriques qui
existent déjà, en vue de les rendre plus
scientifï-
ques et de les diffuser (exemple les diagnostics
infirmiers,
les protocoles, etc.).
2.3. Améliorer la qualité des soins
Quand toutes les infirmières d’un service, voire
d’un établissement hospitalier, utilisent le même
protocole scientifique nous pouvons dire pour
plusieurs raisons qu’il y a qualité de soins.
-
L’utilisation d’un protocole dont l’efficacité
et les
applicahons
ont été prouvées et testées re-
présente un seuil minimum de qualité pour le
service.
De plus, de nombreuses recherches ont mis en
évidence que l’uniformisation des protocoles sur
un établissement donne de très bons résultats.
Exemple : étude faite en Belgique
sur
27 établis-
sements pour les protocoles de prévention d’es-
carres (11).
Le personnel qui utilise et respecte ce protocole,
sait avec certitude qu’il ne fait courir aucun ris-
que au patient.
-
De par leur construction, les protocoles por-
tent en eux-mêmes la dimension
anùcipatoire
et
prédictive
de l’action. Ainsi, nous pouvons dire
qu’un protocole permet d’assurer non seulement
un résultat sûr à court terme, mais aussi à
moyen et long terme.
Exemple : protocole d’éducation des malades
diabétiques. Ce protocole construit à partir de
recherches et évalué, met bien en évidence que
l’éducation donnée qui n’est ni du dressage, ni
de l’information, conduit les patients à l’autono-
mie et non à la dépendance (12).
2.4. Rationaliser les soins infirmiers
Si nous nous référons au concept de DONABE-
DIAN
(13) sur l’évaluation nous pouvons discer-
ner trois domaines : les ressources, les processus,
et les résultats. Ils sont liés mais peuvent être
dissociés. Quand nous bâtissons un protocole de
(11) JACQUERIE (A.) (Sous la direction de) l’évaluation de
la qualité des soins dans la prise en charge des patients à ris-
que et/ou atteints d’escarres. Présentation au
CHI2
La
Roche-sur-Yon, non publié, 19 septembre 92.
(12)
MARTEL
(F.)
1~s
S&
i&miers
et
l’éducation des
personnes diabétiques : autonome ou aliénation, in cahier de
I’AMmC
ni 11, Lyon
1990.
(13)
DONABEDIAN
(A.)
cité par DURANT
CG.),
La me-
sure de l’évaluation de la
perfommce
à l’hôpital, ed. htAU-
WELAERTS.
LO”“ain,
1979, p.
141.
soins,
,nous
aavaiUons
sur les processus en vue
d’obtknii
le meilleur résultat possible. L’action
est essentiellement centrée sur les résultats.
Dans certains cas, il est bon, lorsque le résultat
obtenu est satisfaisant! de rationaliser le proces-
sus pour le rendre moms dispendieux et aussi ef-
ficace (moins coûteux en temps, en matériel,
etc.) l’action est alors centrée sur le processus.
Exemple : étude portant sur l’efficacité, le coût
et le confort du malade lors d’utilisation de
fdrre
amibactérien
et humidificateur chez les per-
sonnes intubées.
2.5.
Scientifïser
les soins infirmiers
En leur donnant des bases solides. Les proto-
coles scientifiques doivent faire partie
du,
corpus
de connaissances sur lequel les écoles basent leur
enseignement et l’apprentissage des élèves.
Nombre de ces protocoles, véritable richesse
pour les soins
infKmiers
sont informatisés.
Comme toutes connaissances scientifiques, ils
doivent être publiés pour que les infirmiers se
les approprient et les utilisent à leur tour.
Un protocole n’est jamais
défmitif,
il doit être
réactualisé et évalué régulièrement, cette
dimén-
sion
fz&
partie du savoir scientifique qui est en
permanence requestionné.
3
-
LIMITES DES PROTOCOLES
3.1.
L’enfermement
Par définition l’utilisateur d’un protocole ne doit
pas prendre d’initiative ou avoir une conduite
créative (surtout dans les protocoles fermés). Les
attitudes intuitives sont écartées, or, dans cet-
taines situations, elles peuvent s’avérer meilleures
que l’utilisation d’un protocole. Des auteurs
avancent que dans certains cas
«
la meilleure
ré-
soluùon
d’un problème se fait dans une re-
connaissance spontanée de la solution
»
(14).
L’attitude de la personne échappe alors a” ra-
tionnel pour ne relever que de l’intuition. Cette
limite des protocoles invite à la prudence quant
à leur indication. Il est nécessaire comme nous
allons le voir dans la
problématisation
de se po-
ser la question de la pertinence des protocoles
pour résoudre certains problèmes.
Ils ne doivent pas masquer l’incompétence des
personnes qui auraient des difficultés à répondre
à des situations problématiques. Il faut se rappe-
ler qu’un protocole fermé doit s’adapter à toutes
(14)
STENGERS
p)
(Collectif
sous
la direction), D’une
science
à
I’auüe,
Des concepts nomades, ed. Seuil, Paris
1987, p. 157.
:
les situations ou patients. Aussi, gardons-nous de
tomber dans la dichotomie du discours et de
l’action !
Certains services qui prônent la personnalisation
des soins, enferment dans le même temps les in-
firmières et aides-soignantes dans “ne série de
protocoles check-lists et autres fiches techniques
qui empêchent l’initiative, la créativité et donc
l’adaptation des soins.
Autant que la construction d’un protocole, ses
indications, ses objectifs, les avantages acquis par
son utilisation demandent réflexion et bon sens.
3.2. La norme
Un protocole est “ne norme que le service se
donne : normes de qualité de soins qui aident à
asseoir des seuils de qualité et assurent “ne sécu-
rité dans les pratiques. Mais, il faut savoir que
«
les normes sont des armes offensives. C’est
d’abord pour un savoir rationnel “ne façon de
s’imposer aux pratiques
»
(15).
Un bon protocole va très rapidement devenir
norme,
être
accepté par “ne équipe et entrer
dans la routine des soins ; mais “ne nonne doit
évoluer avec le changement des données tcch-
niques, médicales, économiques
ou
sociologi-
Cl”CS.
Sans cette vigilance scientifique le protocole pré-
sente “ne fausse sécurité. Il faut donc le conce-
voir comme “ne consauction non définitive,
comme une norme provisoire qui nécessite un
réajustement et qui au besoin peut être abandon-
né au profit d’un protocole meilleur
ou
mieux
adapté.
3.3. L’efficacité populationnelle (16)
Lorsqu’un protocole est mis a” point lors de
recherche il fait l’objet de plusieurs évaluations
d’efficacité.
1
-
L’efficacité théorique : Dans un premier
temps, le protocole est évalué seul, sans tenir
compte du contexte environnemental, des autres
actes de soins. Sa validité interne et son efficaci-
té sont testées.
2 Dans un deuxième temps on procède à “ne
évaluation d’efficacité d’utilisation, c’est-à-dire
que le protocole est testé dans son occurrence
naturelle
«
on analyse les résultats d’une inter-
vention dans un contexte naturel, sur les indivi-
dus qui ont bénéficié de l’intervention
»
(17).
(15) STENGERS
QJ,
op,
cit.,
p.
308.
(16)
ENSP, Evaluation
en
santé et choix saaté&e, ed.
ENSP Rennes 1991,
p.
27.
(17)
BNSP
op.
St.,
p.
27.
On observe si le protocole s’intègre bien dans
un processus de soins, si il est cohérent avec
l’ensemble des actes de soins.
Exemple : un protocole de pose de sonde vési-
cale à demeure peut avoir “ne efficacité théori-
que et manquer d’efficacité d’utilisation car il est
réalisé dans un contexte où l’hygiène est défec-
tueuse.
3 Lorsqu’un protocole est entré dans la prati-
que des soins, il est assimilé et subit de la part
des utilisateurs des modifications qui peuvent nuire
à son efficacité, c’est ce qu’on appelle I’effïcacité
populationnelle.
Après six mois d’utilisation le protocole donne-
t-il toujours les mêmes résultats ou a-t-il subi
des dérapages, des biais qui sans que les utilisa-
teurs le perçoivent vont le rendre moins efficace,
parfois même inefficace ?
C’est une limite de l’utisation des protocoles
qui appelle “ne grande vigilance et des évalua-
tions périodiques pour s’assurer qu’il n’y a pas
eu
dérapage en quoi que ce soit.
4 - ELABORATION DES PROTOCOLES
L’élaboration d’un protocole scientifique comprend
4 phases :
-
la problématisation,
-
la documentation,
-
la construction méthodologique,
-
l’éval”ation.
Si les trois autres phases sont communes à l’en-
semble des protocoles, la construction méthodo-
logique varie suivant le type de protocole à réal-
set, le domaine scienhfique dont il est issu :
science empirico-formelle (clinique, etc.)
ou
sciences humaines @sychologie, etc.), et
I’avan-
cée de la science infirmière (travaux existants).
4.1. La problématisation
Pour
défti
la problématisation qui est la base
de construction d’un protocole, il faut revenir
sur
la notion de problème et dégager les élé-
ments constitutifs de ce concept (nous nous ap-
puierons
sur
les travaux de D. ANDLER) (18).
-
Un problème est toujours subjectif d’emblée
«
le problème est foncièrement subjectif, il est le
problème
-
pour moi
-
c’est
S”I
ma toute
qu’est placé l’obstacle. Le problème doit son
existence à ma décision de le créer ou de le re-
connaître comme tel
»
(19).
(18)
STENGERS
0,
op.
cit.
p.
122.
(19)
STENGERS,
op.
cit.
p.
122.
Approche scientifique des protocoles de soins infmmiers
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