Histoire de l`Inde : Le passé pré-colonial ASU 3A19a - Cours

Histoire de l'Inde : Le passé pré-colonial
ASU 3A19a - Cours de M. Harit Joshi, 2011-2012
Notes de cours prises par François Thomasset
Les historiens, les sources page 2
Le sultanat de Delhi page 5
Relations ambiguës entre les sultans et les maîtres soufis page 8
Le Deccan : le royaume Bahmani page 11
Vijayanagar : « la cité de la victoire » page 14
Les royaumes rajputs page 17
Le mouvement Bhakti page 21
L'empire moghol page 24
Les Marathes page 28
Awadh page 31
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Les historiens modernes 11/10/2011
Au 19ème siècle, redécouverte des anciens textes.
Parmi les britanniques du 19ème siècle, on distingue deux groupes :
Les « orientalistes » : linguistes, apprennent les langues orientales
William Jones, fondateur de la Société asiatique du Bengale
les « impérialistes » : anglais, travaillent pour la Compagnie des Indes.
Ils sont de parti pris : les anglais sont venus apporter la civilisation.
Les deux groupes comparent l'Inde au modèle grec (au désavantage de l'Inde).
Ils produisent des histoires événementielles, basées sur des biographies.
Ces historiens britanniques du début du 19ème siècle ont traditionnellement découpé l'histoire en 3
périodes :
des origines à 1000 ap. J.-C.
« période ancienne », « période hindoue »
de 1000 à 1800
« période médiévale », « période musulmane »
de 1800 à nos jours
« période moderne »
Cette classification est évidemment biaisée et sous-entend que les anglais sont venus apporter la
civilisation et l'ordre après une période obscure. Elle reste ancrée encore aujourd'hui même en Inde.
On a cependant plutôt tendance à adopter le découpage suivant :
des origines à 500 ap. J-C. (fin de l'empire Gupta)
de 500 à 1500 (installation des Moghols) « période médiévale »
de 1500 à nos jours « période moderne »
Idées reçues
Qu'est-ce qu'un « hindou » ?
C'est un mot d'origine persane, il a d'abord désigné une identité géographique (Inde du Nord).
A partir du 19ème siècle seulement : connotation religieuse.
Pour James Mill, philosophe et économiste écossais (1773-1836) : « l'Inde n'a pas d'histoire ». Il a
quand même écrit une histoire de l'Inde britannique.
Henry Miers Elliott (1808-1853), aidé par John Downson (1820-1882), a publié « The History of
India, as told by its own historians », en 8 volumes. Contient des traductions de textes de 1200 à
1800, traduits par des munshis. C'est un recueil toujours utili ; mais la sélection des textes est
biaisée : on n'y parle que de guerres, de révoltes, de massacres, et jamais de mesures administratives
prises par les souverains en faveur des populations.
Remise en cause des préjugés
De nouvelles classes émergent au 19ème siècle, ouvertes sur le monde. Les nouveaux historiens
remettent en cause la vision coloniale, mais prennent un parti pris opposé : l'époque coloniale
devient un âge d'or qu'auraient détruit les anglais.
L'école d'Aligarh
Mohammedan Anglo Oriental College : fondé en 1875 par Syed Ahmed Khan (1817-1898, grand
réformiste musulman), devient Aligarh Muslim University en 1920. Visait à former des
administrateurs.
Ses historiens ont une vision marxiste. La période précédant les anglais n'est plus une période de
stagnation.
L'école « subalterne » (subaltern studies)
Renvoie dos à dos les « impérialistes » et les « marxistes ». Objectif : produire une histoire qui
restaure la parole du peuple des « subalternes », histoire vue « par le bas ». Etude de la période
coloniale.
Cf. Jacques Pouchepadass (EHESS) : http://ceias.ehess.fr/docannexe.php?id=445
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La politisation de l'histoire
Depuis la partition la montée de l'orthodoxie hindouiste s'est affirmée.
En Inde Akbar a une image de bon souverain, tolérant, ouvert, administrateur compétent, tandis
qu'Aurangzeb passe pour intolérant et fossoyeur de l'empire.
Au Pakistan c'est l'inverse : Akbar est au mieux ignoré, ou bien est présenté comme contribuant au
déclin de l'Islam, et Aurangzeb est le champion de l'Islam.
Aujourd'hui on sait qu'il faut nuancer ces jugements ; par exemple Aurangzeb a bien détruit des
temples (hindous), mais pour des raisons politiques.
Années 1990 : BJP au pouvoir : réécriture des livres scolaires.
Imaginaire populaire
Pendant 6 siècles, jusqu'en 1837, la langue de culture a été le persan. A cause de la rupture de 1837
beaucoup d'Indiens sont coupés de leur passé.
Exemple : une colonne d'Ashoka (transportée dans la forteresse Feroz Shah Kotla construite par
Feroz Shah Tughluq à Delhi) couverte d'inscriptions en brahmi, est considérée par les habitants des
environs comme une demeure de djinns. On y dépose des messages exposant des vœux que l'on
espère voir exaucés.
Cinéma
Beaucoup trop de libertés avec l'histoire
Les sources
Les chroniques officielles, mandatées par les souverains ; écrites en persan indien, très
pompeux ; doivent donner une image positive du souverain.
Akbar Nāma par Abdul Fazl, homme de confiance d'Akbar
Le 3ème volume Ain-i-Akbari (institutions créées par Akbar) parle de tout.
Les autobiographies impériales
Bābur Nāma (en turc), Humāyūn Nāma (en persan, par la fille d' Humāyūn), Tuzuk-i
Jahāgīrī (en persan)
Souvenirs très personnels, que n'oseraient pas écrire des biographes officiels.
Textes normatifs sur la gouvernance : akhlākī = « moeurs, traditions » : les « miroirs des
princes ». Spécifient ce que devrait faire les souverains.
Les écrits individuels non mandatés par les souverains.
Courtisans écartés du pouvoir, qui jugent que des gens moins compétents qu'eux-mêmes
sont désormais proches du souverain.
Tarikh-i Firozshāhī par Ziauddin Barani (1285-1357)
Muntakhab-ut-Tawarikh (« Sélection de chroniques ») par Abd al-Qadir Badauni
(1540-1615) : critique acerbe d'Akbar
La correspondance diplomatique, avec : ottomans, ouzbeks, safavides
Entretiens avec des maîtres religieux
malfūzāt : entretien avec un maître soufi
Amīr Hasan Sizji, disciple de Nizamuddin Auliya (1238-1325)
Oeuvres littéraires à caractère non politique
Amīr Khusrau, poète et mystique (1253-1325)
Discours vernaculaires
Banarasidas (1586-1643), commerçant jaïn et poète. Parle de sa vie sous Akbar.
Récits de voyageurs étrangers
Alberuni (973-1048) : mathématicien, historien, géographe, linguiste...
Ibn Battuta (1304-1368) : berbère, grand voyageur, né au Maroc
Thomas Roe (1581-1644) : diplomate anglais
François Bernier (1625-1688) : médecin personnel d'Aurangzeb, né en Anjou
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Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689) : commerçant en diamants
Niccolao Manucci (1639-1717) : récits de règnes de Shah Jahan et Aurangzeb
Littérature biographique nobiliaire
Mumtakhab-ul-lubab par Khafi Khan
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Le sultanat de Delhi 18/10/2011
Le « sultanat de Delhi » désigne les dynasties d'origine turque et afghane qui ont régné sur le nord
de l'Inde entre la fin du 12ème siècle (1192 : bataille de Tarain) et la moitié du 16ème siècle (1526 :
bataille de Panipat, victoire des moghols). Les souverains sont certes musulmans, mais on ne saurait
voir cet établissement uniquement comme un processus religieux.
Précisions sur les termes géographiques employés
Irân = l'Iran contemporain
Tûrân = Asie centrale = Transoxiane, entre Syr Daria et Amou Daria
Hindostân = Inde du Nord, au nord de la rivière Narmada (Inde du Sud = Deccan)
Le contexte politique dans le Nord-Ouest du sous-continent à la fin du 12ème
siècle
Un premier contact avec l'Islam avait eu lieu dès les 7ème-8ème siècles : Muhammad ben Al-Qasim
s'empare du Sindh en 711.
Au 11ème siècle existent un ensemble de petites principautés contrôlées par des gouverneurs
militaires d'origine turque, les « amîrs », ou « commandants ». Ceux-ci font symboliquement
allégeance au calife de Bagdad, dont le pouvoir réel est très affaibli, mais qui reste un symbole. Les
amîrs envoient chaque année au calife des ambassades avec une partie du butin qu'ils ont pu
conquérir. En échange ils reçoivent des cadeaux de prestige (robes d'honneur) ou des titres pompeux
(« bras droit du calife ») qui, espèrent-ils, soutiennent leur légitimité.
Ils frappent des monnaies au nom du calife.
Mais en 1258 les mongols mettent fin au califat.
Pour gouverner les amîrs font appel à des « esclaves » militaires qu'ils font venir des régions
montagneuses. Ces « esclaves » (ghulâm, mamlûk, banda) sont en fait de redoutables guerriers,
dévoués à leurs maîtres ; ils sont sous influence islamique depuis 2 générations au plus, et ont donc
le zèle des convertis de fraîche date. Ce sont d'habiles cavaliers.
Enfin la menace mongole est constamment présente au 13ème siècle.
Il faut retenir le nom de deux personnages emblématiques : Mahmoud de Ghaznî et Muizuddîn de
Ghur.
Mahmoud de Ghaznî (971-1030), d'origine turque. Son père était un amîr qui avait été esclave.
Très ambitieux. Il mène 17 campagnes en Inde, dans le but de ramasser du butin et de s'enrichir. Sa
capitale est à Lahore depuis 1022. Il servira de modèle pour les premiers sultans de Delhi. Il pille le
temple de Somnath (Shiva) au Gujarat. Il laisse à la postérité une image fausse de musulman bigot ;
en fait il n'a jamais cherché à faire de conversions ; mais il a cruellement persécuté les chiites.
Firdausi a écrit Shahnamah (histoire des anciens rois de Perse) pour Mahmoud.
Alberuni a suivi Mahmoud à Ghazni (écrit un livre très critique sur les brahmanes).
Muizuddîn de Ghur (1150-1206), d'une famille de petits commandants. Mène des campagnes en
Inde pour s'enrichir, mais son centre d'intérêts reste l'Afghanistan. Persécute lui aussi les non
sunnites. En 1192, mène une campagne contre la plus puissante dynastie hindoue, les Chauhan ; bat
Prithvirâj Chauhan à Tarain.
En 1206 : assassinat de Muizuddîn ; les esclaves amenés par Muizuddîn restent en Inde et se
déclarent indépendants.
Pour la postérité, Prithvirâj garde l'image de l'hindou courageux qui lutte contre les envahisseurs
musulmans.
Les raisons des succès des ghurides
On a avancé des hypothèses erronées, surtout soutenues par les membres de l'université d'Aligarh :
les intouchables auraient vu les musulmans comme des libérateurs
seuls les kshatriyas auraient pu participer aux combats
Hypothèses plus sérieuses :
manque d'unité dans le camp hindou
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