Prédication pour le dimanche 14 août 2016

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Eglise Réformée Evangélique du Valais - EREV
PAROISSE PROTESTANTE DE SION
pasteur François SCHLAEPPI
Dimanche 14 août 2016 – DÉPASSER LES HISTOIRES DE FAMILLE
1ère lecture : Abdias 1 : 1-9
Voici ce que le Seigneur DIEU a fait connaître à Abdias dans une vision. Voici les paroles qu’il a dites sur Édom. Le
Seigneur nous fait entendre ce message qu’un envoyé apporte aux autres peuples :
Debout ! Allons attaquer Édom !
Le SEIGNEUR dit :
Édom, je vais te rendre petit parmi les peuples. Tu seras le plus méprisé de tous. Ton grand orgueil te trompe ! Tu
habites dans les trous des rochers, tu bâtis tes maisons sur les hauteurs. Tu te dis : Qui peut me faire descendre ? Même
si tu montes aussi haut que le vautour, si tu places ton nid parmi les étoiles, je te jetterai en bas. C’est moi, le
SEIGNEUR, qui le déclare. Si des voleurs ou des pillards viennent chez toi pendant la nuit, ils prendront tout ce qu’ils
peuvent, et il ne te restera rien du tout. Si des ouvriers viennent cueillir du raisin dans ta vigne, ils laisseront seulement
quelques grappes. De la même façon, chez vous, gens de la famille d’Ésaü, on a fouillé partout, même vos richesses
cachées sont découvertes. On vous chasse de votre pays, tous vos alliés vous trahissent et vous détruisent. Ceux qui
mangeaient avec vous tendent des pièges sous vos pas. On dit de vous : Ils ont perdu la tête.
Oui, je le déclare, moi, le SEIGNEUR : le jour de ma colère, je ferai mourir les sages du pays d’Édom, je ne laisserai sur
ses montagnes aucun homme intelligent. Tes combattants seront paralysés par la peur, ville de Téman. Alors tous les
habitants du pays seront tués.
2ème lecture : Abdias 1 : 10-15
Vous avez pillé et tué vos frères, les gens de la famille de Jacob. C’est pourquoi vous serez couverts de honte et vous
serez détruits pour toujours. Vous êtes restés à l’écart au moment où leurs ennemis leur ont tout pris, quand les
étrangers sont entrés dans leur ville. Quand ces gens-là ont tiré au sort les richesses de Jérusalem, vous aussi, vous
avez fait comme eux.
Édom, tu ne devais pas te réjouir en voyant tes frères au moment où ils étaient perdus. Tu ne devais pas être joyeux au
moment où ils étaient détruits, ni les insulter au moment où le malheur les frappait. Tu ne devais pas entrer dans la ville
de mon peuple au moment où il était détruit. Tu ne devais pas te réjouir de son malheur au moment où il était perdu, ni
prendre ses richesses au moment où il était pillé. Tu ne devais pas te placer aux carrefours pour tuer ceux qui fuyaient, ni
livrer aux ennemis ceux qui étaient toujours en vie au moment du malheur.
Oui, il est proche, le jour où moi, le SEIGNEUR, je jugerai tous les peuples. On te fera ce que tu as fait aux autres. Tes
actes mauvais retomberont sur ta tête.
3ème lecture : Abdias 1 : 16-21
Vous les Israélites, vous avez déjà bu la coupe de ma colère sur ma montagne sainte. Eh bien, les autres peuples la
boiront de la même façon, sans s’arrêter. Ils la boiront jusqu’à être ivres, puis ils disparaîtront totalement. Alors ceux qui
seront toujours en vie viendront se réfugier sur la montagne de Sion. Ce sera de nouveau un lieu saint, et les familles de
Jacob reprendront leur pays à ceux qui le leur ont pris.
Les familles de Jacob et de Joseph seront comme un feu. Elles détruiront totalement les gens de la famille d’Ésaü,
comme de la paille. Personne ne restera en vie. C’est moi, le SEIGNEUR, qui le dis.
Les gens du sud de Juda prendront les montagnes d’Édom, ceux de la plaine prendront le pays des Philistins. Ils
occuperont la région de la tribu d’Éfraïm et la Samarie. Les gens de la tribu de Benjamin prendront la région de Galaad.
Les exilés du royaume d’Israël, au nord, formeront une véritable armée. Ils prendront la Phénicie jusqu’à Sarepta. Les
exilés de Jérusalem qui sont à Sefarad, occuperont les villes du sud. Ils remporteront la victoire et ils monteront sur la
montagne de Sion. De là, ils gouverneront
Édom. Le SEIGNEUR sera roi !
PREDICATION
Il est - ou plutôt il était dans des
époques quelque peu révolues - de
bonne tradition protestante d’attribuer
aux enfants des prénoms tirés de
l’Ancien Testament. On raconte qu’au
moment de la naissance de l’enfant, la
grand-mère prenait une aiguille à
tricoter - ou peut-être s’agissait-il de
son épingle de chignon - et la piquait
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entre les pages de Bible ; on donnait alors à l’enfant le prénom le plus proche de la cible ainsi
atteinte…
Eh bien je constate que le sort est rarement tombé sur Abdias ! Connaissez-vous des Abdias, en
aviez-vous un comme camarade d’école ? Certainement pas. Mais peut-être y a-t-il une explication
toute simple : le livre du prophète Abdias est tellement bref que l’aiguille à tricoter ou l’épingle de
chignon de la grand-mère avait bien peu de chance - ou de risque - de pointer cette seule page. Car
effectivement, le « livre » d’Abdias, c’est une page unique, c’est un chapitre unique - tellement unique
qu’on ne prend même pas la peine de lui donner le numéro 1 -, vingt et un versets en tout et pour
tout. C’est assez rare que nos lectures dominicales puissent ainsi couvrir un livre biblique en entier.
Abdias est pourtant un bien beau nom ; un nom typiquement hébraïque qui peut se traduire par
Serviteur du Seigneur. Que voilà, en guise de prénom, un beau programme de vie, un programme de
vie auquel chaque croyant, auquel chaque baptisé peut se référer.
Au-delà de ça, on ne sait rien de ce prophète Abdias - une discrétion qu’il partage d’ailleurs avec
d’autres de ses confrères « petits » prophètes dont le nom n’apparaît dans la Bible qu’à la faveur du
seul livre qui leur est dédié. Livres dédiés en fait plus aux paroles ou aux visions de ces prophètes
qu’à leurs propres personnes.
A la lecture de ces vingt et un versets, on se dit que ça ne rigole pas ! De lourdes menaces pèsent
sur le pays d’Edom, et cela en représailles au mal qu’il a fait subir aux gens de Juda, Juda, qui, au
final, sera rétabli dans son droit. Ça ne rigole pas, mais ça paraît bien simple, voire simpliste : œil
pour œil, dent pour dent ! Est-ce qu’on va pouvoir aller bien loin comme ça ?
Pour répondre à cette question, je me dis qu’il est nécessaire de sortir quelques clefs de
compréhension de ce petit livre prophétique ! Parlons d’abord du contexte historique.
On est certainement au 6ème siècle avant Jésus-Christ, juste après la prise de Jérusalem par les
armées de Babylone - rappelez-vous, toute cette période couverte par les Petits prophètes est
marquée par les chutes successives du royaume d’Israël et de sa capitale Samarie puis du royaume
de Juda et de la ville Jérusalem.
Jérusalem tombe donc sous les coups des Babyloniens en 587. Mais, et c’est là que les choses
commencent à s’éclairer, les Edomites ont largement participé au sac de la capitale de Juda. Ils sont
venus se servir, et non seulement en faisant razzia dans la ville, mais aussi en s’appropriant
quelques territoires du sud de la Judée. Précisons encore que le royaume d’Edom occupait toute la
région allant de la Mer Morte au golfe d’Akaba sur la Mer Rouge.
Voilà donc pour le contexte historico-politico-militaire. Mais ce n’est pas tout ; une autre clef de
compréhension consiste à savoir qui sont les Edomites. Pour cela, il faut remonter assez loin dans
l’histoire d’Israël et même jusqu’à l’époque des Patriarches.
En fait, la racine du problème plonge tout simplement dans un plat de lentilles, dans LE plat de
lentilles le plus célèbre de toute l’histoire sainte et même de toute l’humanité, ce plat de lentilles
contre lequel Esaü céda un peu stupidement son droit d’aînesse à son frère cadet et néanmoins
jumeau Jacob. Eh oui, la rivalité entre les pays d’Edom et de Juda, remonte à une vieille histoire de
famille, histoire qui a rapidement tourné à l’aigre, souvenez-vous : la fuite de Jacob pour se mettre à
l’abri de la fureur meurtrière d’Esaü, les retrouvailles délicates des deux frères bien des années plus
tard et, malgré tout, une nette prise de distance de l’un par rapport à l’autre.
Oui, une triste histoire de brouille de famille, comme il en arrive justement dans les meilleures
familles. Et ça dure de générations en générations, on continue à ne pas se parler entre frères, puis
entre cousins, petits cousins et arrière petits cousins, jusqu’à ce qu’on ne sache plus vraiment ce qui
s’était passé il y a si longtemps… Jacob a donné naissance au peuple d’Israël, Esaü est l’ancêtre du
peuple d’Edom et ces deux-là au minimum se regardent en chiens de faïence lorsque l’un ne profite
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pas d’une bonne occasion pour donner un coup de griffe à l’autre. Triste histoire de brouille de
famille !
Alors voilà, par sa participation au pillage de Jérusalem aux côtés des Babyloniens, Edom est accusé
d’avoir trahi son devoir de fraternité en adoptant à l’égard de Juda la même attitude que celle des
peuples étrangers, même si cette fraternité, en raison de ce que je viens de rappeler de rapports
familiaux tendus, même si cette fraternité donc était censée conserver un brin de vigueur.
Ve s’ensuivre de la part d’Abdias un message de jugement contre Edom dont la ruine sera décrite
comme un complet renversement de situation. Il y a là comme un jeu d’oppositions : à la hauteur, à
l’orgueil, à la réputation de sagesse dont bénéficie Edom, fait suite le plus total abaissement. Celui
qui a trahi se voit lui-même trahi ; celui qui a pillé le peuple frère est à son tour pillé et reconquis ; là
où la fraternité n’est pas vécue s’applique le principe on te fera ce que tu as fait aux autres, pour citer
le verset 15. Voilà donc qui nous renvoie à la loi du talion que je citais tout à l’heure : œil pour œil,
dent pour dent.
Ainsi donc, comme d’autres textes bibliques, Abdias aborde le difficile problème de la vie entre frères
et entre peuples. Il montre que la violence appelle la violence et qu’à l’agression répond la
vengeance. Est-ce à dire qu’il laisse uniquement ouverte la possibilité de la revanche et du retour à
l’expansion nationaliste du frère meurtri ?
Il ne faudrait pourtant pas s’en arrêter là ! Le dernier mot, en quelque sorte, appartient à Dieu. La
dernière phrase du livre d’Abdias dit ceci : Le Seigneur sera roi ! Au final, le pouvoir n’appartient pas
à l’armée la plus puissante, fusse-t-elle l’armée du Peuple élu. Au final, le pouvoir n’est pas entre des
mains humaines, mais dans les mains de Dieu.
En fait, la parole spécifique du livre d’Abdias réside dans sa force provocatrice, dans cette question
de la violence qu’il nous pose. Et en creux, Abdias vient nous dire que seul le pardon peut briser le
cycle infernal de l’inimitié et de la violence.
Les derniers versets du livre sont consacrés à la vision du rétablissement de Juda dans ses droits et
dans sa dignité. Mais comme chrétiens, ne devons-nous pas voir là une annonce de l’avènement du
Messie, de l’avènement du Christ lui-même. La Nouvelle Alliance nous permet de dépasser les
rivalités entre tribus, les tensions entre royaumes rivaux, les histoires entre membres d’une même
famille. L’Evangile nous place devant l’exigence de la réconciliation ; une réconciliation dont
l’exemple nous est donné par Dieu lui-même qui vient à notre rencontre.
Oui, le règne appartient au Seigneur - nous en faisons du moins la demande chaque fois que nous
prions le Notre Père. Nous ne sommes donc plus sous la logique du on te fera ce que tu as fait aux
autres, logique de la loi du talion. Le règne appartient au Seigneur, mais nous avons pour mandat de
rendre la réconciliation effective. Sinon entre les peuples, du moins déjà entre les frères et sœurs en
Christ.
Le Seigneur sera roi ! Et rappelons-nous que le nom Abdias signifie Serviteur du Seigneur. En vivant
la réconciliation, nous sommes toutes et tous des Abdias.
Amen.
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