Il semble que ce soit un Suisse, nommé Chavannes, théologien de son état, qui utilise pour la
première fois le terme d’ethnologie en 1787 dans son « Essai sur l’éducation intellectuelle
avec le projet d’une science nouvelle »
Cet ouvrage consacre l’idée -largement répandue au XVIIIe siècle- selon laquelle l’histoire de
l’homme est faite d’étapes progressives vers la civilisation: l’ethnologie montrera donc
comment chaque peuple (ethnie) s’inscrit sur cette échelle.
Mais pour pouvoir ranger les races et les peuples dans un ordre évolutif, il faudra auparavant
établir des critères de classification. Ainsi, au XIXe siècle, l’ethnologie servira plutôt à
caractériser les différences entre les types humains, à partir de l’anthropologie physique c’est-
à-dire de l’observation du corps humain dans ses particularités; on parlera également de
raciologie.
La grande révolution dans la pensée anthropologique - en France comme ailleurs - au XIXe
siècle, réside dans la démarche et la méthode utilisées:
jusqu’au XVIIIe siècle la question anthropologique se pose sur un registre métaphysique et
moral avec comme toile de fond le récit de la création figurant dans le livre de la Genèse:
création du couple originel, déluge, dispersion des fils de Noé etc... et même si le récit de la
Genèse est mis en doute du point de vue scientifique, on essaie de le remplacer par le mythe
de l’état de nature, comme on peut le voir chez Rousseau (qui n’est pas celui du bon
sauvage).
C’est la confrontation avec des hommes si différents par leurs mœurs et coutumes
qu’ils semblent avoir échappé au péché originel (notamment eu égard aux pratiques
vestimentaires et sexuelles) qui ébranlera, au 18è siècle, les certitudes métaphysiques et
morales. Les hommes peuvent-ils tous provenir d’une même origine? (Monogénisme :
comparatisme, diffusionnisme) (Cuvier par ex. qui distingue la race caucasique, mongolique
et négroïde)
Face à des mœurs si diverses qui paraissent aux observateurs à la fois sauvages et
paradisiaques, quel jugement porter sur ces sociétés? (Polygénisme : comparatisme,
relativisme, évolutionnisme)
Chez les philosophes les faits observés ne servent qu’à alimenter un débat d’idées, politique
ou philosophique comme l’illustrent bien les « discours » de Rousseau. La question pour eux
n’est pas vraiment de connaître systématiquement des civilisations différentes des nôtres,
mais plutôt de retracer une hypothétique histoire de l’humanité, en remontant aux origines,
soit à partir du constat désabusé de l’état actuel de la civilisation occidentale soit à partir de la
nécessité de classer des différences inacceptables face à la conviction de l’unité du genre
humain mais de l’inégalité de son développement. Dans tous les cas cela relève de la
démarche philosophique au sens large.
Gerando, par son court texte méthodologique pourrait être mis en évidence comme précurseur
d’une ethnologie non philosophique, l’ethnologie de terrain, mais précurseur malheureux
parce que non suivi, même pas par celui à qui il destinait sa méthode, le médecin Péron.
Mais tandis que les philosophes et les Encyclopédistes s’interrogent sur l’égalité des hommes
et sur la place de la raison, la révolution scientifique du XVIIIe siècle ouvre une immense
brèche: il s’agit de la naissance des sciences naturelles (complètement indépendantes de toute