La résistance de l’hématopoïèse à l’érythropoïétine est une
conséquence de l’inflammation bien connue des néphrologues. La
découverte récente de l’hepcidine permet de mieux comprendre
ce phénomène. L’hepcidine est un peptide antimicrobien produit
par le foie au cours d’une réaction inflammatoire.13 Ce peptide est
capable de détruire certaines bactéries telles que Escherichia coli.
L’hepcidine est aussi une hormone qui a une action sur les cellules
cryptiques intestinales et sur les macrophages. Elle augmente l’en-
trée du fer dans ces cellules en agissant sur le récepteur à la trans-
ferrine-1 (Trf1). L’accumulation de fer dans le cytoplasme des cel-
lules cryptiques induit, lors de la maturation de ces cellules en
entérocytes, une diminution de l’expression apicale du transpor-
teur du fer DMT1. La production d’hepcidine au cours de l’inflam-
mation s’associe donc à un stockage du fer dans les macrophages
et à une diminution de l’absorption intestinale du fer. L’hepcidine
est donc une protéine de la phase aiguë de l’inflammation qui
induit une carence fonctionnelle en fer et par conséquent une
diminution de l’hématopoïèse.14-16
L’athérosclérose est une maladie inflammatoire chronique de
l’intima des artères de gros et moyen calibres (article d’Alain Ted-
gui). L’agent d’agression entraînant la réaction inflammatoire est
le cholestérol-LDL sous une forme oxydée. Les LDL oxydés s’ac-
cumulent dans l’intima, activent les cellules endothéliales et faci-
litent le recrutement des monocytes-macrophages circulants qui
endocytent en grande quantité les LDL oxydés et se transforment
en cellules spumeuses.17,18 Dans la population générale, mais
aussi chez le malade dialysé, plusieurs études prospectives ont
montré que des taux sériques modérément élevés des mar-
queurs de l’inflammation représentent un facteur de risque vas-
culaire indépendant des facteurs de risque traditionnels (article
d’Alain Tedgui). L’interprétation de ces données est complexe.
L’athérosclérose pourrait être la cause de l’inflammation systé-
mique. Dans cette hypothèse, l’augmentation des marqueurs de
l’inflammation ne serait que la traduction systémique des mul-
tiples réactions inflammatoires intimales. L’inflammation systé-
mique ne ferait alors que refléter la sévérité de la maladie athéro-
scléreuse. Au contraire, l’athérosclérose pourrait être, non pas la
cause, mais la conséquence de l’inflammation systémique. Dans
cette hypothèse, une inflammation systémique quelle que soit
son origine, en modifiant le climat cytokinique et en activant
ainsi de façon aspécifique les cellules inflammatoires présentes
dans l’intima, pourrait favoriser la progression des lésions d’athé-
rosclérose. Plusieurs exemples dans la littérature vont dans ce
sens. L’injection intra-péritonéale d’une cytokine pro-inflamma-
toire telle que l’IL-6 accélère les lésions d’athérosclérose des sou-
ris sous régime athérogène.19 Les injections répétées de lipopoly-
saccharides bactériens chez les lapins sous régime athérogène
aggravent les lésions athéroscléreuses.20 Chez l’homme, les
infections bactériennes chroniques représentent un facteur de
risque d’artériosclérose.21 Enfin, le polymorphisme faible répon-
deur de TLR4 (Asp299/Gly) diminue le risque d’artériosclérose.9
Ces données suggèrent que l’inflammation systémique pourrait
être un facteur de progression de la maladie athéromateuse.
Intervenir sur l’inflammation pourrait alors ralentir la progression
de l’athérome.
●Prise en charge de l’inflammation chez l’urémique
L’inflammation systémique des malades dialysés peut être
réduite en s’attaquant à ses causes. Dans ce but, il faut chercher
à intensifier l’asepsie des voies d’abord de dialyse, à limiter les
« biofilms », à accroître les performances de l’épuration extraré-
nale, et à améliorer la biocompatibilité des matériaux et des solu-
tions de dialyse. La connaissance des mécanismes moléculaires
impliqués dans l’activation de la réponse immunitaire innée au
cours de l’urémie permettra dans un futur proche d’identifier des
cibles thérapeutiques spécifiques. En attendant, les traitements
anti-inflammatoires classiques tels que les anti-inflammatoires
non stéroïdiens, les statines, et les anti-oxydants peuvent avoir
leur place (article de Ziad Massy). En limitant l’inflammation sys-
témique, ils pourraient réduire ses conséquences. Leurs prescrip-
tions dans ce sens devront attendre les résultats d’études cli-
niques réalisées chez le malade dialysé.
Adresse de correspondance:
Pr Philippe Rieu
Service de néphrologie
Centre hospitalier universitaire de Reims
Hôpital Maison Blanche
45, rue Cognacq-Jay
F-51092 Reims
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éditorial
Néphrologie Vol. 24 n° 7 2003
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Références