L`érosion hydrique des sols

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L’érosion hydrique des sols
Baptiste Algayer, Frédéric Darboux
Plan détaillé
Introduction : le sol (p. 3-5)
Partie 1 : l’érosion hydrique des sols, facteurs et processus
•
•
•
•
•
•
L’érosion du sol : définition et vocabulaire (p. 7-10)
Les enjeux de l’érosion (p. 11)
Les facteurs de l’érosion (p. 12-17)
Les processus de l’érosion (p. 18-20)
Interactions entre processus et facteurs (p. 21-22)
Spécificités de l’érosion hydrique (p. 23-25)
Partie 2 : Etudier l’érosion et lutter contre l’érosion
•
•
Etudier l’érosion, pourquoi et comment ? (p. 27-29)
Comment lutter contre l’érosion ? (p. 30-32)
Synthèse (p. 33)
Lexique (p. 34)
Bibliographie (p.35)
2
Introduction : le sol
Sol = couche superficielle de la croûte terrestre,
interface entre atmosphère, lithosphère et hydrosphère,
support et produit de la biosphère.
INRA, base de données géographiques des sols, 1998
Les sols se forment à partir de l’altération de la roche mère, de l’incorporation
de matières organiques* et de la redistribution des matières au sein du sol.
3
Introduction : le sol
Sol = milieu complexe composé de différentes fractions :
• minérale : particules minérales ;
• gazeuse : gaz contenus dans la porosité du sol ;
• liquide : solution du sol ;
• organique : débris de végétaux, plus ou moins dégradés (débris,
molécules,…) ;
• biologique : faune du sol, champignons, population microbienne.
Matière organique*
Particule minérale
Image MEB, INRA
4
Introduction : le sol
En agronomie, le sol est le support des cultures (eau + nutriments pour les
plantes).
La formation d’un sol est un processus long ( plusieurs centaines d’années).
Ressource non renouvelable à l’échelle humaine
Le sol est soumis à différentes menaces :
pollution, artificialisation, érosion…,
Ruissellement et érosion en cours
dans une parcelle agricole
Photo : V. Souchère / INRA
Dépôt de sédiments dans un champ
à la suite d’une pluie
Photo : M. Eimberck / INRA
5
Partie 1
L’érosion hydrique des sols :
facteurs et processus
6
L’érosion du sol
•
Processus de détachement, de transport et de dépôt des particules de
la surface du sol.
•
Différents types d’érosion : érosion éolienne, érosion hydrique, érosion
« anthropique ».
Erosion hydrique :
« ensemble des processus de déplacement du sol sous l’action de
l’eau »
En Europe, érosion hydrique majoritaire :
« 26 millions d’hectares dans l’UE souffrent de l’érosion par l’eau et 1
million de l’érosion par le vent » (FAO 1998 ).
Vitesse d’érosion :
se mesure en t / ha /an.
exemple : 10 t / ha / an = épaisseur de 1 mm / an environ, à comparer à
la vitesse de formation des sols : 0,1 mm / an environ.
7
Le sol : particules et agrégats
•
Particules minérales : grains élémentaires de différentes tailles (argiles,
limons, sables) et de différentes natures minéralogiques.
•
La texture du sol* correspond à la distribution des particules en fonction
de leur taille. Elle peut être déterminée à l’aide d’un triangle de texture.
Diamètre
Classe granulométrique
<2 µm
argile
<20 µm
limon
<2 mm
sable
>200mm
gravier
Tableau des classes granulométriques
(source NF P18-560 )
Triangle de texture (source USDA)
8
Le sol : particules et agrégats
•
•
Ces particules peuvent s’agglomérer entre elles pour former des agrégats.
Les agrégats sont constitués de particules minérales « collées » entre elles
notamment par des molécules organiques (invisibles sur ces photos).
Porosité
Particules
minérales
(grains de quartz)
Image synchrotron ESRF O. Rosenbaum, ISTO
Coupe d’un agrégat de sol de diamètre 1mm
Zoom sur les particules qui le composent
9
Stabilité structurale
•
Sous l’action de la pluie, des liens qui agrègent les particules entre elles
vont se casser  les agrégats se fragmentent.
Avant la pluie
Après 5 min.
Après 90 min
Fragmentation d’agrégats sous l’action de la pluie. Source : Y. Le Bissonnais, INRA.
•
La stabilité structurale* correspond à la capacité d’un agrégat à conserver
sa structure lorsqu’il est soumis à la pluie.
Si la stabilité structurale est forte, l’agrégat ne se fragmente pas ou peu.
Si la stabilité structurale est faible, l’agrégat se fragmente facilement.
Plus la stabilité structurale est forte, moins le sol est sensible à l’érosion
10
Les enjeux
L’érosion engendre un transfert de matière de l’amont vers l’aval.
Amont
Photo : Y. Le Bissonnais / INRA
Dégâts pour l’agriculture
Pertes en sol, en matières
organiques, pertes à la
levée*…
Aval
Altération de la qualité de
l’eau : turbidité*,
pollution..
Inondation boueuse
Photo : Y. Le Bissonnais / INRA
11
Pluie et partition entre ruissellement et infiltration
Sol nu
PLUIE
Splash
INFILTRATION
L’effet splash* fragmente les agrégats à la surface et ceux-ci bouchent la
porosité du sol en surface.
La capacité d’infiltration* dépend de la porosité du sol.
L’eau qui n’est pas infiltrée ruisselle à la surface.
Il en résulte une érosion potentielle
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Pluie et partition entre ruissellement et infiltration
Sol végétalisé
PLUIE
INFILTRATION
La végétation intercepte une partie de la pluie, limitant l’effet splash.
L’eau qui atteint le sol a moins d’énergie cinétique et peut s’infiltrer le long des
racines.
Le réseau de racines maintient la structure du sol.
Il en résulte une érosion limitée
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Facteurs de l’érosion
• La pluie : agent essentiel de l’érosion
Potentiel érosif de la pluie (érosivité) déterminé par :
• les caractéristiques d’un événement pluvieux : intensité et durée,
• la pluviométrie globale : saisonnalité.
• Le ruissellement :
Potentiel érosif du ruissellement (érosivité) déterminé par :
• énergie cinétique et vitesse de l’eau,
• concentration du ruissellement lié à la topographie du terrain.
• Le sol
Résistance du sol à l’érosion (érodibilité) déterminée par :
• stabilité structurale = capacité d’une motte de terre à ne pas se
fragmenter sous l’effet de la pluie et de l’humectation
• La végétation
Le couvert végétal limite l’impact des gouttes de pluie.
14
Erosion, érosivité et érodibilité
EROSIVITE
Pluie
Ruissellement
X
EROSION HYDRIQUE
ERODIBILITE
Sol
Végétation
• Erodibilité = sensibilité du sol à l’érosion
• Erosivité = intensité potentielle de l’érosion
Pour que l’érosion ait lieu, il faut à la fois une pluie ou un ruissellement érosif et
un sol sensible à l’érosion.
ex : si la surface est très sensible à l’érosion par l’eau et qu’il n’y a pas
de pluie alors il n’y aura pas d’érosion.
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Ruissellement
Le ruissellement peut avoir différentes origines :
• le dépassement de la capacité d’infiltration du sol par des pluies de
très fortes intensités (ex : orage sur un sol sec,)
• la saturation en eau des surfaces (ex : pluie fine sur sol gorgé d’eau).
Dans les deux cas, le ruissellement entraine le détachement de particules
de la surface du sol et donc un début d’érosion.
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Deux grands types de ruissellement et d’érosion
Ruissellement et érosion diffus :
concernent toute la surface cultivée
des bassins versants.
L’érosion est liée à l'impact des gouttes
(dit « effet splash »).
•Ruissellement et érosion concentrés
avec incision des talwegs :
sont localisés à l'aval des bassins
versants.
L’érosion est liée à la vitesse de
l’écoulement.
Le ruissellement diffus à l’amont alimente le ruissellement concentré à
l’aval
17
Processus de l’érosion diffuse
•
•
0
Effet splash : déplacement local de fragments du sol
sous l’impact des gouttes de pluie.
fragmentation des agrégats
Phénomène de battance : les nouveaux agrégats (plus
fins) obturent les pores en surface
formation d’une croûte de battance
Croûte de battance*
Lit de semence
5
10mm
La croûte de battance diminue la porosité du sol donc la capacité d’infiltration
ce qui provoque l’imperméabilisation de la surface
ruissellement
mobilisation de fragments
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Formation de croûte battance
Source : B. Algayer, INRA
Présence d’agrégats de toutes
tailles
Les agrégats les plus petits ont
été fragmentés et scellés
Les agrégats de taille plus grande
sont encore visibles
Les agrégats de taille plus
grande ont été fragmentés
ou sont scellés
28 avril : lit de semence
Tous les agrégats ont été
fragmentés et scellés
5 mai (après pluie) : croûte
de battance en formation
10 juin (après orage) :
croûte de battance formée
La formation d’une croûte de battance est un
processus discontinu dans le temps et dans l’espace
8 août (après fortes pluies) : croûte de
battance étendue sur toute la surface du sol
19
Processus d’érosion concentrée
La concentration des écoulements de surface
dans des modelés linéaires (sillons, chemins,
talwegs ) entraine :
•
détachement de fragments  incision,
•
transport de fragments sur de longues
distances (plusieurs centaines de mètres).
Ce processus d’érosion dépend de :
• l’énergie cinétique du ruissellement (et donc la vitesse de l’écoulement,)
• la topographie concentrant le ruissellement dans les talwegs,
• la résistance du sol à la contrainte cisaillante exercée par l’eau en écoulement.
20
Interactions entre processus et facteurs
pluie
couvert
végétal
Croûte de battance :
ruissellement et
érosion diffuse
morphologie du terrain
pratiques agricoles
Rugosité
sol
Sens de travail du sol
Rigole et ravine :
ruissellement et
érosion concentrée
21
Interactions entre processus et facteurs
•
A l’échelle du bassin versant, on observe une forte variabilité :
-
•
de la topographie du terrain : pentes plus ou moins forte, talwegs,…
du type de sol : plus ou moins sensible à l’érosion ;
de l’occupation du sol : présence et nature du couvert végétal, sol
imperméabilisé,…
des pratiques agricoles : compaction plus ou moins forte du sol.
Du fait de cette variabilité :
-
certaines zones seront soumises à l’érosion, certaines ne le seront pas ;
certaines zones seront soumises à des processus d’érosion diffuse, d’autres à des
processus d’érosion concentrée.
Il faut considérer ces interactions entre processus et facteurs pour pouvoir
comprendre et prédire l’érosion.
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Spécificités de l’érosion hydrique
Grande variabilité spatiale : climat, type de sol, pente, végétation varient
dans l’espace
Forte érosion
Echelle locale
Faible érosion
Echelle de la France
Gis Sol-Inra-SOeS 2011
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Cartographie de l’aléa érosion
• Aléa érosion* = probabilité d’occurrence de l’érosion.
Il permet de localiser les zones où l’érosion est potentiellement forte
 Plus l’aléa érosion est fort, plus l’érosion est probable
• La carte de l’aléa érosion est calculée en combinant différentes
données :
-
occupation du so,l
sensibilité du sol à la battance (formation de croûte),
Pente,
érodibilité du sol,
érosivité des pluies (données climatiques moyennes).
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Spécificités de l’érosion hydrique
Grande variabilité temporelle
• de l’érosivité :
l’intensité des pluies varie selon la saison, et varie d’une année à l’autre
• de l’érodibilité :
le couvert végétal varie selon la saison
la présence d’une croûte de battance varie au cours d’une saison
hauteur de pluie (mm)
40
Pluviométrie au cours de l'année 2011 sud du bassin parisien
Pas ou peu de pluie : érosivité nulle ou faible
Fortes pluies : érosivité forte
30
Variation temporelle de la surface du sol
Avril :
ruissellement faible
= pas de croûte
Août :
ruissellement fort
= croûte de battance
20
10
0
01/04
01/05
01/06
01/07
01/08
Source : B. Algayer, INRA
25
Partie 2
Etudier l’érosion et lutter contre l’érosion
26
Pourquoi étudier l’érosion ?
•
Comprendre les processus et mécanismes de l’érosion,
•
Analyser les facteurs et mesurer leur influence sur l’érosion à différentes
échelles (agrégat, parcelle, bassin versant),
•
Prévoir les flux d’eau et de terre à l’échelle du bassin versant,
•
Cartographier les risques (identifier des zones à risque),
•
Lutter : mettre en place des moyens de lutte contre l’érosion pour
-
préserver les ressources en sol,
limiter les nuisances liées à l’érosion.
27
Comment étudier l’érosion ?
•
Différentes approches, différentes échelles
Bassin versant 100 à 1000 ha
Parcelle 500 m ²
Placette 20 m ²
Porosité
agrégat altéré
Particules
minérales
(grains de
quartz)
agrégat intact
Bacs 1 m²
Inter - agrégat (cm)
(lame mince – microscope optique)
Intra - agrégat (0.01 mm)
(lame mince – microscope électronique)
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Comment étudier l’érosion ?
Etudes de laboratoire
Agrégat
Stabilité
structurale
Bac
1 m²
pluie simulée
Etudes in situ
Placette et parcelle
Bassin versant
1 m², 20 m² et 500 m²
100 à 1000 ha
pluie simulée ou naturelle
pluie naturelle
Etudes par modélisation numérique
Intégration des processus
Maîtrise des facteurs étudiés
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Lutter contre l’érosion
• Amont :
Limiter le détachement des fragments
Limiter la genèse du ruissellement
« Casser » le ruissellement (flux d’eau et de particules)
- Adapter les pratiques culturales (travail du sol, taille des parcelles,
couverture végétale,…)
- Augmenter la stabilité structurale (apporter des matières organiques,…)
- Mettre en place des aménagements (bandes enherbés, bandes tassées,..)
Photo : V. Souchère / INRA
Bande tassée  limite le
détachement des fragments
Photo : DRAF Haute Normandie
Bande enherbée  ralentit le
ruissellement, diminue l’érodibilité
30
Fonctionnement d’une bande enherbée
INFILTRATION
La bande enherbée constitue un obstacle (quelques mètres de larges) qui
ralentit le ruissellement.
L’eau peut s’infiltrer le long des racines.
 Le ruissellement à l’ aval de la bande enherbée est fortement diminué.
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Lutter contre l’érosion
• Aval :
« Casser » le ruissellement (flux d’eau et de fragments),
Limiter la connexion des réseaux ruisselants,
Canaliser le ruissellement.
- Limiter la taille des parcelles agricoles,
- Diversifier l’occupation du sol sur un bassin versant,
- Mettre en place des aménagements (mares tampons, bassins de
rétention,…) .
Photo : DRAF Haute Normandie
32
Synthèse
•
L’érosion hydrique est une cause majeure de dégradation des sols.
•
Les caractéristiques de la pluie, du ruissellement et du sol, ainsi que la
présence et la qualité du couvert végétal sont les principaux facteurs de
l’érosion hydrique des sols.
•
L’érosion du sol est un phénomène discontinu dans l’espace et dans le
temps, que l’on peut observer à différentes échelles.
•
Les études de l’érosion permettent de comprendre les processus, de
prévoir les flux et de mettre en place des stratégies de lutte contre l’érosion.
33
Lexique
Agrégat : assemblage élémentaire entre les particules minérales d’un sol « cimentées » par des forces physiques et/ou des
molécules organiques.
Aléa érosion : probabilité d’occurrence de l’érosion.
Artificialisation : pertes de surfaces de sols liées à l’urbanisation .
Bassin versant : portion élémentaire de territoire délimitée par des lignes de crête, dont les eaux alimentent un exutoire commun.
Capacité d’infiltration : quantité d’eau maximale qui peut s’infiltrer dans le sol sur une durée donnée.
Croûte de battance : croûte superficielle compacte formée par l’action des gouttes de pluie à la surface du sol. Elle réduit la
capacité d’infiltration du sol et favorise ainsi le ruissellement.
Effet splash : déplacement local de fragments du sol sous l’impact des gouttes de pluie .
Erosivité : degré d’érosion des pluies et des vents .
Erodibilité : résistance à la battance des gouttes de pluie et à l’entaille du ruissellement entre les mottes dans les rigoles .
Intensité de la pluie : quantité d’eau de pluie par unité de temps (généralement exprimée en mm/h).
Levée : germination des graines.
Lit de semence : état structural du sol au moment du semis. Caractérisé par la présence d’agrégats de tailles variées et par une
porosité importante du sol favorisant l’infiltration.
Matières organiques : matière formée par les êtres vivants (végétaux, animaux, micro-organismes) et par leur décomposition.
Porosité : volume des espaces du sol non occupé par des éléments solides .
Roche mère : roche non altérée sous jacente au sol. Les particules minérales qui composent le sol proviennent de l’altération de
la roche mère.
Rugosité : état de la surface du sol allant de rugueux à lisse. Dans une parcelle cultivée, elle dépend de la taille des mottes.
Structure du sol : arrangement des solides et des vides au sein du sol.
Stabilité structurale : capacité d’un sol/agrégat à conserver sa structure lorsqu’il est soumis à la pluie .
Talweg ou thalweg : ligne de plus grande pente d’une zone suivant laquelle se dirigent les eaux .
Texture du sol : proportion relative des différentes fractions granulométriques (sables, limons, argiles) d’un sol.
Turbidité : teneur en particules de sol en suspension dans l’eau
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Frédéric Darboux : chargé de recherche INRA
INRA, Centre de Recherche d’Orléans
Unité de Science du Sol
2163 Avenue de la Pomme de Pin, CS 40001 Ardon
45075 ORLEANS Cedex 2 - FRANCE
[email protected]
Références bibliographiques :
– L'érosion, un acteur majeur de la dégradation des sols et de l'environnement dans "Le sol" dossier
INRA 2009. p. 128-131
– Les pertes en sol dans « L’état des sols de France » p. 122 publication du GIS Sol : novembre
2011
Baptiste Algayer : doctorant en Science du sol
Thèse :
-
Identifier les processus physico-chimiques influençant l'évolution de la stabilité structurale dans le but
de mieux prévoir l'érosion
[email protected]
Professeurs du groupe IRES-SVTU: Alban Caillette, Christine Cottard, Jean-Yves Dupont, Aude de Quillacq, Laurence
Desfougères, Patricia Quincé
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