INTRODUCTION AUX TRANSFERTS THERMIQUES © École des mines de Paris, 2008 60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France email : [email protected] http://www.ensmp.fr/Presses ISBN : 978291176293 Dépôt légal : 2008 Achevé d’imprimer en 2008 (Paris) Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays. Dominique Marchio et Paul Reboux INTRODUCTION AUX TRANSFERTS THERMIQUES Collection Les cours de l’école des mines Dans la même collection Aide-mémoire de géostatistique linéaire, Pierre Chauvet Introduction au génie atomique, Jacques Bouchard, Jean-Paul Deffain, Alain Gouchet Matériaux pour l’ingénieur, Anne-Françoise Gourgues-Lorenzon, Jean-Marc Haudin,, Jacques Besson, Noëlle Billon, Sabine Cantournet, Yvan Chastel, Bernard Monasse, Loeiz Nazé Abrégé de thermodynamique, Daniel Fargue Introduction au traitement de l’énergie électrique, Georges Pierron Systèmes énergétiques, Renaud Gicquel Introduction à la physique quantique, Bernard Degrange Cours d’automatique, Brigitte d’Andréa-Novel, Michel Cohen de Lara Les imperfections des marchés, Daniel Fixari Introduction à la métallurgie générale, Jacques Lévy Comment maîtriser sa productivité industrielle, Hugues Molet Géostatistique linéaire – applications, Margaret Armstrong, Jacques Carignan SOMMAIRE NOTIONS FONDAMENTALES OBJECTIFS POURSUIVIS NOTION DE TEMPERATURE NOTION DE CHALEUR 1 1 2 3 DÉFINITIONS 3 ECHANGE DE CHALEUR À TRAVERS UNE SURFACE 3 UNITÉS SI ET UNITÉS PRATIQUES 4 EXEMPLES DE RELATIONS TEMPERATURE-CHALEUR 5 CHAUFFAGE D'UN CORPS HOMOGÈNE 5 INTERACTION ENTRE DEUX CORPS 5 MODES DE TRANSFERT DE CHALEUR 6 CONDUCTION 6 RAYONNEMENT 6 CONVECTION 6 EXEMPLE FAMILIER 7 EXEMPLES CONCRETS DE PROBLEMES THERMIQUES TRANSFERT DE CHALEUR PAR CONDUCTION FORMULATION GENERALE 9 11 11 ETABLISSEMENT DE L’ÉQUATION DE LA CHALEUR 11 HYPOTHÈSE FONDAMENTALE DE FOURIER 14 LIGNES DE FLUX DANS UN MATÉRIAU ISOTROPE 17 EQUATION GÉNÉRALE DE LA CONDUCTION 17 CONDITIONS AUX LIMITES 19 SIMILITUDE DES PROBLÈMES DE CONDUCTION 22 CONDUCTION EN REGIME PERMANENT 23 DÉFINITION 23 ECOULEMENT UNIDIRECTIONNEL 24 ANALOGIE ÉLECTRIQUE 25 PROBLÈME DU TUBE - TUBE COMPOSÉ 28 ETUDE D' AILETTE - BILAN THERMIQUE 31 DIFFÉRENCES FINIES - PROBLÈME BIDIRECTIONNEL 34 TD CONDUCTION EN RÉGIME PERMANENT 37 ii Introduction aux transferts thermiques CONDUCTION EN REGIME VARIABLE 41 PROBLÈME GÉNÉRAL 41 PROBLÈME UNIDIRECTIONNEL 42 MÉTHODES DE RÉSOLUTION DU PROBLÈME 44 MILIEU À TEMPÉRATURE UNIFORME 48 MASSIF SEMI INFINI 49 MASSIF SEMI INFINI EN RÉGIME PÉRIODIQUE 54 MUR PLAN INFINI 56 CYLINDRE PLEIN INFINI 59 SPHÈRE PLEINE 61 TD CONDUCTION EN RÉGIME VARIABLE 63 TRANSFERT DE CHALEUR PAR RAYONNEMENT LOIS PHYSIQUES DU RAYONNEMENT 65 65 EMISSION D'ÉNERGIE PAR RAYONNEMENT 65 RÉCEPTION D'ÉNERGIE PAR RAYONNEMENT 67 DÉFINITIONS RELATIVES AUX CORPS OPAQUES 68 CORPS À ÉMISSION DIFFUSE ISOTROPE 72 LOIS DE RAYONNEMENT DU CORPS NOIR 75 CORPS GRIS À DIFFUSION ISOTROPE 83 CORPS COLORÉS ET QUELQUES DONNÉES 85 TD RAYONNEMENT 89 RAYONNEMENT MUTUEL DE SURFACES OPAQUES 92 PROBLÈME GÉNÉRAL 92 PLANS PARALLÈLES INFINIS 92 PROBLÈME DE L'ÉCRAN 94 SPHÈRES CONCENTRIQUES 95 SURFACES NOIRES FACTEURS DE FORME 98 EVALUATION DES FACTEURS DE FORME 103 SURFACES GRISES - MÉTHODE DES RADIOSITÉS 105 TD RAYONNEMENT ENTRE SURFACES 108 Sommaire iii TRANSFERTS DE CHALEUR PAR CONVECTION ETUDE PHYSIQUE ET DÉFINITIONS 111 111 COEFFICIENT LOCAL DE CONVECTION 111 GÉOMÉTRIE FERMÉE OU OUVERTE 111 RÉGIMES D’ÉCOULEMENT LAMINAIRE OU TURBULENT 113 CONVECTION NATURELLE ET CONVECTION FORCÉE 114 EQUATIONS GÉNÉRALES - SIMILITUDES 115 CONDITIONS AUX LIMITES 120 RÉCAPITULATIF DES NOMBRES SANS DIMENSION 122 INTERPRÉTATION CORPUSCULAIRE 123 RÉSULTATS CONCERNANT LA CONVECTION FORCÉE 127 LE LONG D’UNE PLAQUE EN RÉGIME LAMINAIRE 127 LE LONG D’UNE PLAQUE EN RÉGIME TURBULENT 131 ECOULEMENT PERPENDICULAIRE À UN TUBE 131 GÉOMÉTRIE OUVERTE – RÉCAPITULATIF 133 DANS LES CONDUITES EN RÉGIME LAMINAIRE 134 DANS LES CONDUITES EN RÉGIME TURBULENT 140 DANS LES CONDUITES – RÉCAPITULATIF 146 AUTOUR DE PLUSIEURS TUBES PARALLÈLES 147 ORDRE DE GRANDEUR EN CONVECTION FORCÉE 150 RÉSULTATS CONCERNANT LA CONVECTION NATURELLE 151 PLAQUE PLANE VERTICALE 151 CYLINDRE VERTICAL 156 PLAQUE HORIZONTALE 158 CYLINDRE HORIZONTAL 161 CONVECTION EN ESPACE CONFINÉ 162 ORDRE DE GRANDEUR EN CONVECTION NATURELLE 166 CONVECTION NATURELLE – RÉCAPITULATIF 167 CONVECTION EN ÉCOULEMENT DIPHASIQUE MÉCANISME LOCAL DE L'ÉCOULEMENT DIPHASIQUE 168 168 EBULLITION DANS UN TUBE VERTICAL 174 LA CONDENSATION 180 ORDRE DE GRANDEUR 181 APPLICATION PRATIQUE : LE CALODUC 181 TD CONVECTION 183 iv Introduction aux transferts thermiques INTRODUCTION AUX ECHANGEURS DE CHALEUR GENERALITES ET HYPOTHESES PRINCIPALES 185 185 GÉNÉRALITÉS 185 HYPOTHÈSES ET NOTATIONS 184 RELATIONS FONDAMENTALES - TYPES D'ECHANGEUR 186 RELATIONS FONDAMENTALES 186 ECART MOYEN LOGARITHMIQUE 189 EFFICACITÉ / NUT ECHANGEUR CONTRE COURANT 190 ALLURE DES TEMPÉRATURES - CONTRE COURANT 190 EFFICACITÉ / NUT - ECHANGEUR CO COURANT 194 ALLURE DES TEMPÉRATURES - CO COURANT 194 ECHANGEURS QUELCONQUES 195 TD ECHANGEURS 198 INDEX 200 BIBLIOGRAPHIE 203 ANNEXE Propriétés thermo-physiques des matériaux 205 Nomenclature v NOTATIONS PRINCIPALES Symboles latins A a Symboles grecs - surface [m2] - diffusivité thermique [m2s-1] α β - absorptivité - coef. dilatation volumique [K- 1 ] b -2 -1 -1/2 - effusivité thermique [J.m K s ] δ - épaisseur de couche limite [m] c - capacité thermique [J.kg-1K-1] cp - capacité thermique à p cste [J.kg-1K-1] cv - capacité thermique à v cst [J.kg-1K-1] δ - épaisseur de pénétration [m] ∆ - direction ∆TLM - écart moyen logarithmique [K] C - débit de capacité thermique massique [W.K-1] D - diamètre [m] Eλ∆ - éclairement monochromatique directionnel [W.µm-1m2 -1 sr ] E - efficacité d'un échangeur Fij - facteur de forme G - débit massique unitaire [kg.m-2s-1] ε Φ ϕ - émissivité - flux thermique [W] - densité de flux [W.m-2] λ - conductivité [W.m-1K-1] - longueur d’onde [µm] - viscosité dynamique [kg.m-1s- λ µ 1 ] - viscosité cinématique [m2s-1] - fréquence [Hz] - masse volumique [kg.m-3] - transmitivité - angle solide [sr] - dissipation visqueuse [W.m-3] -puissance volumique [W.m-3] - aire de section droite [m2] - température de mélange [K] H - hauteur [m] h - coefficient de transfert superficiel [W.m-2K-1] h - enthalpie massique [J.kg-1] i - angle d’incidence [rad] Iλ∆ - intensité monochromatique directionnelle [W.µm-1sr-1] K - énergie cinétique [J] K - matrice des conductivités [W.m-1K-1] l - longueur caractéristique [m] Lλ∆ - luminance monochromatique directionnelle [W.µm-1m2 -1 sr ] Mλ - émittance monochromatique [W.µm-1m-2] M – masse molaire [kg.mole-1] m - masse [kg] m& - débit massique [kg.s-1] r n - vecteur normal à une surface P - périmètre [m] Q - quantité de chaleur [J] Q& - puissance thermique [W] ν ν ρ τ Ω Ω π Σ θl λ ∆ - relatif à une longueur d'onde - relatif à une direction - résistance thermique [K.W -1] - section droite [m2] - temps [s] - température du fluide froid ( échangeur) [K] - température [K] e s - entrée échangeur - sortie échangeur R S t t T Indices Exposant vi U V Introduction aux transferts thermiques - énergie interne [J] - volume [m3] 0 - relatif au corps noir - puissance mécanique [W] Nombres sans dimension Constantes Bi Ec Fo Gr c0 h k - nombre de Biot - nombre de Eckert - Nombre de Fourier - nombre de Grashof σ .K-4 2 Gz - nombre de Graetz Nu - nombre de Nusselt NUT- nombre d'unités de transfert Pe - nombre de Péclet (Re.Pr) Pr - nombre de Prandtl Ra - nombre de Rayleigh (Gr.Pr) Re - nombre de Reynolds Ri - nombre de Richardson St - nombre de Stanton Ja - nombre de Jakob - vitesse de la lumière dans le vide - 299 792 458 m.s-1 - constante de Planck - 6,626176.10-34 J.s - constante de Boltzmann - 1,380662.10-23 J.K-1 - constante de Stefan Boltzmann - 5,67032.10-8 W.m- NOTIONS FONDAMENTALES OBJECTIFS POURSUIVIS Les transferts thermiques font partie des Sciences de base de l’ingénieur, tant il est vrai qu’il est peu de domaines industriels où la thermique ne joue un rôle petit ou grand. Au minimum, l’ingénieur doit donc : en connaître les principes fondamentaux, être capable d’évaluer leur importance dans un problème particulier, dégager les ordres de grandeur par une modélisation simple. Ce cours d’introduction vise donc l’acquisition des notions minimales, il ne peut suffire à la formation d’un ingénieur thermicien. Les références bibliographiques sont là pour approfondir. Il a été privilégié un mode de présentation qui met en relief les éléments absolument indispensables à retenir. Ils sont marqués par l’encadrement : A retenir absolument Les deux notions fondamentales en transferts thermiques sont la température et la chaleur. Le langage courant introduit souvent une confusion entre elles. Nos réactions physiologiques en sont en partie responsables : toucher du bout des doigts une porte en bois ou sa poignée métallique ne procure pas la même sensation ; la seconde paraît plus froide alors que toutes deux sont à la même température. Ceci parce que nos organes du toucher enregistrent le flux thermique qu’ils reçoivent ou cèdent. La poignée semble plus froide parce que son métal est plus émissif que le bois. De même, on entend opposer : température à l’ombre et température au soleil. En réalité, la mesure d'une température d’air ne peut se faire qu’en protégeant la sonde de mesure des effets du rayonnement donc « à l’ombre ». S’intéresser à la température au soleil sous-entend qu’on souhaite intégrer en une seule mesure les effets de la température et la chaleur reçue du soleil par rayonnement. De même, on parle au Canada de température « avec facteur vent » (– 20°C annoncés comme – 30°C avec facteur vent). Là encore, on effectue, sans le dire explicitement, un bilan de chaleur tenant compte d’échanges convectifs accrus du fait de la vitesse du vent. La température caractérise l’état d’un corps ; la chaleur exprime une énergie échangée. Les notions de température et de chaleur constituent l'objet de ce cours. 2 Introduction aux transferts thermiques NOTION DE TEMPERATURE C’est une variable d’état qui, du point de vue de la structure de la matière, caractérise le degré d’agitation de ses particules. Elle résulte donc de la détermination d’une moyenne et, de ce fait, il est impossible en toute rigueur de définir la température en un point géométrique. Les moyens d’observation explorent un domaine fini (de l’ordre du mm3 ou même moins). Ce domaine très restreint contient encore un nombre de particules suffisant pour que les considérations statistiques aient un sens. C’est donc toujours la température d’une boule au voisinage d'un point que l’on mesure, et que l’on désigne par "température en ce point". On dit qu’à l'instant t la température d’un corps est uniforme si, en cet instant, tous les appareils de mesure indiquent la même valeur T quelle que soit leur position. Nous dirons en outre qu’elle est constante si T est indépendante de l’instant d'observation. Si ces deux conditions ne sont pas réalisées, nous dirons que la température est une fonction T(x,y,z,t) des coordonnées du repère d’espace-temps. A l’intérieur d’un corps homogène, on peut donc définir à chaque instant t des surfaces isothermes caractérisées par T(x,y,z,t) = cste. L’unité de température est définie officiellement comme suit (J.O. 23/12/75) : "Le Kelvin (K) est la fraction 1/273,16 de la température thermodynamique du point triple de l'eau". On utilise fréquemment la température Celsius1 définie par la différence T-T0 entre deux températures thermodynamiques T et T0 avec T0 = 273,15 K. Une différence de température peut s'exprimer soit en Kelvins, soit en degrés Celsius. Gradient thermique La dérivabilité de la fonction T permet de définir en chaque point M et à chaque instant t r un vecteur gradient de température ∇T , normal en M à la surface isotherme2, et dont les composantes sont en coordonnées cartésiennes : ( r ∇T θ M T’ T T’ isothermes r n∆ ∂T ∂T ∂T , , ). ∂ x ∂y ∂ z On définit également le gradient de température dans une direction ∆, comme le produit scalaire : r r r ∇T.n ∆= ∇T .cosθ . En l'absence de précision, le terme gradient désigne celui dans la direction normale à une surface. 1 Ander Celsius établit en 1742 une échelle à 2 points fixes. Il posa 100 degrés pour le point de congélation de l’eau et 0 degré pour l’ébullition. Après sa mort en 1744, on inversa l’échelle (0 pour le point de congélation et 100 pour l’ébullition). La division en 100 donna le nom de degré centigrade ; l’échelle ne prit le nom de degré Celsius qu’en 1948. Depuis 1954, l’échelle Celsius est définie différemment : par un seul point fixe (point triple de l’eau) et une gradation déduite du Kelvin. Le point triple de l’eau est posé à 0,01°C. 2 Ceci n'est vrai que pour un corps isotrope, voir définition page 14 Notions fondamentales 3 NOTION DE CHALEUR DEFINITIONS C’est une forme d’énergie au même titre que le travail d'un système de forces au cours d’un déplacement. On ne peut donc pas parler de la "chaleur d'un corps", ni même de la "chaleur contenue dans un corps", car la prise en compte d'une quantité de chaleur Q implique une situation évolutive. Il s’agit forcément d’un échange d’énergie entre plusieurs corps (ou entre plusieurs domaines d’un même corps) au cours d’un laps de temps déterminé. L’unité est le Joule [J]. Sa valeur est petite, ce qui fait qu’on a communément recours au kilo Joule [kJ]. Si, entre deux instants t et t', l'interaction étudiée s’accompagne d'un échange de chaleur δQ, on appelle flux thermique moyen la quantité δQ/(t-t') et, par un passage à la limite, on peut définir : Un flux3 thermique (c’est une puissance – heat transfer rate) instantanée en Watts [W], ramenée à l'unité de surface on parle de densité de flux thermique [W/m2]. On nomme flux-mètre l'appareil de mesure correspondant. ECHANGE DE CHALEUR A TRAVERS UNE SURFACE Considérons deux domaines D et D’ séparés par une surface S et supposons que D cède (algébriquement) à D’, un flux thermique Φ (pas forcément constant dans le temps). D’ dS S D La nature des corps D et D’, peut être absolument quelconque ; par exemple, D peut être un solide et D’ un fluide ; ou bien D et D’ peuvent être deux parties d'un même milieu et S une surface fictive tracée dans ce milieu. On définit la densité de flux thermique à travers S comme ϕ = Φ . Au niveau corpusculaire, S dire que D et D’, échangent un flux Φ signifie ceci : les corpuscules de D proches de S traversent cette surface et communiquent à ceux de D’, des impulsions qui modifient leur vitesse d'agitation, et vice-versa. Le bilan net de ces échanges est ressenti au plan macroscopique comme une puissance thermique. La Thermodynamique Statistique permet effectivement le calcul dans un certain nombre de cas. UNITES SI ET UNITES PRATIQUES Avant l'obligation d'utiliser les unités SI, les thermiciens avaient généralisé l'emploi d'unités dans lesquelles la chaleur s'exprimait en kilocalories (kcal) ou en thermies (1 th = 1000 kcal), et les intervalles de temps en heures. De plus, on est souvent confronté 3. Dans le cours de Thermodynamique, on réserve le mot "flux" à ce qui est transféré par unité de surface. 4 Introduction aux transferts thermiques aux unités anglo-saxonnes. Il est donc indispensable de mentionner les formules de passage : Energie4 1 kcal = 4,18 kJ 1 thermie = 1000 kcal = 4180 kJ 1 BTU = 1,055 kJ 1 kWh = 3600 kJ Puissance 1 kcal/h = 1,16 W (Heat transfer rate) 1 BTU/h = 0,2929 W 1 cheval vapeur (horse power) = 0,746 kW 1 BTU.ft-2h-1 = 3,1525 W.m-2 Chaleur spécifique 1 BTU.lb-1°F-1 = 4,184 kJ.kg-1K-1 (Specific heat) 1 cal.g-1°C-1 = 4,184 kJ.kg-1K-1 Conductivité 1 BTUft-1h-1°F-1 = 1,73 W.m-1K-1 Conductance 1 BTU.ft-2h-1°F-1 = 5,6745 W.m-2.K-1 Température le Kelvin K est l’échelle thermodynamique de référence Fahrenheit5 : x °F correspond à (x - 32)/1,8 °C Celsius : x °C = (x - 273,15) K Rankine : x °R = (x/1,8) K (même graduation que °F) C’est une échelle absolue 0 K = 0 °R Viscosité dynamique 1 Poiseuille = 1 Pa.s = 1 kg.m-1s-1 1 centipoise = 0,001 Pa.s soit encore 10 centipoise = 0,01 Pa.s = un centième de Poiseuille Viscosité cinématique 1 centistockes = 1.10-6 m2s-1 4 Cette formule de conversion bien connue doit rappeler qu'en 1847 James Joule établit l’équivalence entre le travail et la chaleur en enfermant un moteur dans une enceinte calorifugée emplie d’eau et en mesurant l’élévation de température. 5 100 °F correspondent à la température intérieure du corps humain : 37,7°C. Notions fondamentales 5 EXEMPLES DE RELATIONS TEMPERATURE-CHALEUR CHAUFFAGE D'UN CORPS HOMOGENE Si l'on fournit une quantité de chaleur δQ à un corps monophasique homogène de masse m [kg], on sait que, toute autre grandeur d'état restant constante, sa température s'élève. Si le corps se trouve initialement à une température uniforme T0 et si on attend que la température redevienne uniforme, soit Tf = T0 + dT , on peut poser : δQ = mc.dT c la chaleur massique [J.kg-1K-1] qui dépend de l’état du milieu (température, pression, etc. ...) et de la nature de la transformation (volume constant, pression constante, etc.). Pour les solides et les liquides, la nature de la transformation a peu d'influence. Pour les gaz, c'est la capacité thermique à pression constante (cp) qui intervient6. Simplification supplémentaire, la gamme de variation de température est souvent suffisamment faible pour que les variations correspondantes de c soient négligées, en adoptant au besoin la valeur correspondant à une température moyenne. Q = mc.(Tf - T0) pour un fluide ou un liquide Q = mcp.(Tf - T0) pour un gaz (à pression constante) Ordres de grandeur Le produit de cp par la masse molaire M Mcp ≈ 25 J.mole-1K-1 pour un solide : Mcp ≈ 30 J.mole-1K-1 pour un liquide : pour un gaz mono-atomique : Mcp ≈ 20,5 J.mole-1K-1 pour un gaz di-atomique : Mcp ≈ 30 J.mole-1K-1 pour un gaz tri-atomique : Mcp ≈ 37 J.mole-1K-1 Pour des composés organiques : cp varie entre 1000 et 2500 J.kg-1K-1 Pour un mélange, la première approximation est en fonction des fractions massiques xi cp =∑ xi cpi i ρ =∑ xi ρi i 6 Dans le cas d’une phase simple, on peut écrire δQ = C .dT + l.dV ou δQ = C .dT +η.dp v p Cp est la capacité thermique à pression constante et Cv la capacité thermique à volume constant [J.mole-1.K-1] 6 Introduction aux transferts thermiques INTERACTION ENTRE DEUX CORPS Si l'on met en présence deux corps à des températures uniformes T1 et T2 sans frottement entre eux, on constate que leur température7 s’établit au bout d'un temps plus ou moins long à une valeur commune T, intermédiaire entre T1 et T2. Ceci signifie que le corps le plus chaud s'est refroidi ; il a donc cédé de la chaleur. Le corps le plus froid s'est réchauffé ; il en a reçu ; la chaleur passe du corps chaud au corps froid en l'absence d’intervention extérieure. Ceci est une conséquence du deuxième principe de la Thermodynamique. En effet, si l’on imagine un système isolé constitué des deux corps, l’entropie de ce système (somme des entropies des deux corps) ne peut qu’augmenter : dS = dS 1 + dS2 = dQ1 dQ2 + ≥0 T1 T2 Or, selon le premier principe de la Thermodynamique, le système étant isolé : dQ = dQ1 + dQ21 On en déduit donc que : dQ1 .(T2 −T1 )≥0 Si le corps 2 a une température supérieure au corps 1 (T2 > T1), alors dQ1 est positif ce qui veut dire que le corps 1 reçoit de la chaleur. En l'absence d’intervention extérieure, la chaleur passe toujours du corps chaud au corps froid. MODES DE TRANSFERT DE CHALEUR On distingue trois mécanismes d'échange de chaleur entre milieux matériels : CONDUCTION C'est une transmission de chaleur dans la masse d’un milieu matériel, les zones chaudes cédant de la chaleur à celles qui le sont moins. C'est le cas lorsqu'on chauffe l'extrémité d'une barre. Au plan corpusculaire, l’interprétation est la suivante : une zone chaude est occupée par des particules à vitesse élevée, par définition même de la température. Le mouvement brownien fait constamment passer des particules d'une zone à l'autre ; mais entre zones à températures inégales, les particules ont des énergies cinétiques différentes ; le brassage a pour effet de transférer de l'énergie cinétique d'agitation, des zones chaudes vers celles qui le sont moins. La manifestation macroscopique en est un transfert de chaleur. C'est donc un mécanisme de chocs qui intervient. 7 La température est une grandeur d'état intensive Notions fondamentales 7 RAYONNEMENT C'est une transmission d'énergie à distance, entre deux corps séparés ou non par un milieu matériel (transformation d'énergie thermique d'un émetteur en énergie électromagnétique, propagation, transformation partielle en énergie thermique sur un corps récepteur). C'est le cas de l'énergie qui nous vient du soleil. L'interprétation physique est la suivante : tout corps émet des particules désignées par "photons"; ceux-ci se déplacent à la vitesse de la lumière et transportent une énergie fonction de leur "longueur d'onde". Un corps C émettant des photons dans toutes les directions possibles, certains d'entre eux sont reçus par l'autre corps C' et éventuellement absorbés, en tout ou partie. Bien entendu, le corps C' émet aussi des photons dont certains seront reçus et absorbés par C. Le bilan net se traduit par un échange d'énergie entre C et C'. CONVECTION C'est le phénomène observé entre un fluide en mouvement et une paroi, phénomène principal dans la plupart des échangeurs de chaleur. La cause profonde est encore une agitation des particules fluides, mais à une échelle beaucoup moins microscopique. Les parcelles de matière au contact de la paroi (chaude par exemple) s'échauffent par conduction ; le mouvement du fluide reporte ces parcelles dans la masse où elles cèdent par mélange une partie de la chaleur reçue ; d'autres les remplacent à la paroi et ainsi de suite. Quant au mouvement du fluide, il peut avoir deux causes. Ou bien il est imposé de l'extérieur par une machine (pompe, ventilateur, compresseur) ; c’est la convection forcée. Ou bien le contact du fluide avec la paroi plus chaude ou plus froide crée des différences de masse volumique, génératrices de mouvement au sein du fluide ; c'est la convection naturelle. Rigoureusement, même en convection forcée, les différences de densité créent un écoulement parasite, en général insignifiant par rapport à l’écoulement principal. On parle de convection mixte quand les 2 phénomènes ont de l'importance. Les trois mécanismes de transfert de la chaleur sont : La conduction : transfert dans la masse. Le rayonnement : transfert à distance d’autant plus important que la température est élevée. La convection : transfert par transport. A cela, il faut ajouter le changement d’état qui dissipe ou absorbe de la chaleur EXEMPLE FAMILIER DES MECANISMES DE TRANSFERT DE CHALEUR Les mécanismes précédents nous sont familiers puisqu’ils sont tous les trois mis en œuvre dans la thermique du corps humain. 8 Introduction aux transferts thermiques L’homme est un "homéotherme" ; son système de régulation thermique cherche à maintenir la température interne à 37,7°C. Les ressources d’énergie proviennent de la nourriture absorbée ; cette énergie étant utilisée pour différentes tâches : • • • Travail chimique d’élaboration de molécules Travail osmotique pour l’oxygénation du sang Travail mécanique Le métabolisme total M& [W] est dissipé en puissance mécanique W& et en chaleur Q& : dU = M& =W& +Q& . Le rendement mécanique est de l’ordre de 25%. Soit W& = 0,25. dt Q& L’ordre de grandeur de Q& est 150 W (pour un individu de 80 kg), mais cette puissance dissipée augmente naturellement avec le travail mécanique, le rendement restant sensiblement constant. Comment cette chaleur est-elle évacuée ? Par les trois modes de transfert : conduction ( K ), convection ( C ) et rayonnement ( R ) et par des changements d’état : évaporation d’eau ( E ). La conduction K intervient là où le corps est en contact avec un autre solide, au niveau des pieds par exemple. C’est donc un terme faible (vue la surface en contact), en général de l’ordre de 5 W (évidemment plus important chez un sujet couché). La convection naturelle C provoque une élévation de température de l’air qui s’élève à proximité d’un individu. Elle intervient pour 50 W environ. Le rayonnement R est du même ordre de grandeur : 50 W. Le rayonnement net (chaleur émise - chaleur absorbée) est donc important bien que la température du corps soit basse, du fait que la surface d’échange est d’environ 1,85 m2. Un individu est donc autant sensible à la température de l’air (convection) qu’aux échanges par rayonnement. On ressent donc fortement la proximité de surfaces froides (fenêtres en hiver) ou chaudes (paroi d'un four). En première approximation, on considère que le corps est sensible à la moyenne arithmétique de la température d’air et de la température moyenne des surfaces environnantes. Pour se protéger du froid ou du chaud, on limite les échanges convectifs (grâce à des vêtements isolants) ou les échanges radiatifs (couverture de survie métallisée, combinaison de vulcanologue). Er (respiration) 10 à 30 W R (rayonnement) 50 W C (convection) 50 W Ev (perpiration) 30 W Es (sudation) K (conduction) 5W Notions fondamentales 9 L’évaporation d’eau est un moyen d’évacuer la chaleur supplémentaire. Un individu évacue environ 2,5 kg d’eau par jour. Ces échanges se font par : • la respiration (Er) transfert par transport avec variation de l'enthalpie de l'air humide entre inspiration et expiration ; elle combine de la convection forcée et de l’évaporation, environ 10 à 30 W ; • l’évaporation par la peau ou perspiration (Ev), environ 30 W ; • la sudation (Es) qui intervient en ultime recours, c’est-à-dire quand les autres mécanismes ne suffisent plus pour maintenir la température de 37,7 °C. Elle peut permettre de dissiper une chaleur de 1100 W. La mouillure traduit l’insuffisance de la surface d’échange à assurer une évaporation complète. Le bilan thermique du corps s’écrit donc : Q& = M& - W& = K + C + R + Er + Ev + Es En cas de grand froid, le corps peut même générer de la chaleur par influx électriques : mécanisme du frisson. EXEMPLES CONCRETS DE PROBLEMES THERMIQUES Les transferts thermiques ont des applications dans tout le champ des activités industrielles, dès que de l’énergie est mise en jeu, sous quelque forme que ce soit : thermique bien sûr, mais aussi mécanique, électromagnétique ou radiative, nucléaire, électronique ou chimique ... L’objet de la discipline est l’étude et la maîtrise des transferts de toutes ces formes d’énergie, qui se dégradent en grande partie en énergie thermique. Il est fréquent que les transferts thermiques ne soient pas l'objectif de la conception d'un appareillage mais qu'ils interviennent comme contrainte à respecter : éviter des points chauds ou froids, limiter des dilatations, contrôler des transformations... Citons quelques domaines : Transports terrestres et aéronautiques Véhicule thermique - refroidissement des principaux organes du moteur, contrôle thermique de la catalyse (un pot catalytique n’est efficace qu’à partir de 350°C environ), refroidissement des freins, contrôle de température du carburant. Freinage : le problème consiste à s'assurer que les organes de freinage conservent des températures modérées, faute de quoi les surfaces frottantes perdraient leurs qualités, et les pièces magnétiques, dépassant le "point de Curie", perdraient leurs propriétés d’aimantation. Véhicule électrique - contrôle thermique du moteur, de l’électronique, de la batterie, intégration des boucles fluides (le chauffage de l’habitacle d’une voiture électrique pose un problème particulier). Thermique de l’habitacle automobile: vitrages performants (limitant les surchauffes d’été), propriétés radiatives des revêtements de siège, climatisation et confort thermique. 10 Introduction aux transferts thermiques Turbo – réacteur : Les moteurs d’avion ont un rendement d’autant plus élevé que les gaz de combustion entrent chauds dans le corps de la turbine. On pourrait donc imaginer augmenter encore leur température. La limitation provient des contraintes acceptables par les matériaux constituant les aubages. Ceci impose un refroidissement local des aubages réalisé en soufflant un film d'air froid sur leur surface. Le collage de matériaux composites impose des vitesses de montée en température bien contrôlée. Industries électroniques La miniaturisation des composants se traduit par un accroissement de la densité de puissance dissipée dans les puces électroniques. Il faut donc reconsidérer les technologies de refroidissement à utiliser. Le recours à des matériaux et dispositifs propres à évacuer la chaleur (ailettes en particulier) génèrent d'autres problèmes thermiques : conduction thermique lors du brasage des composants sur les supports ; la température ne devant pas dépasser 320°C. Chimie et agroalimentaire - maintien en température des réacteurs Réaction chimique Si la réaction est endothermique (fours à chaux, fours à ciment), il faut fournir de la chaleur aux minerais entrant en réaction. Si N est le nombre de moles transformées par unité de temps, et L la chaleur molaire de réaction, le flux thermique minimal pour maintenir la température constante vaut N.L. Si la réaction est exothermique (synthèse de l'ammoniac) ou si la température doit être contrôlée (gazéification du charbon), il s'agit au contraire d'évacuer la chaleur produite, de telle sorte que la température ne s'élève pas à l'intérieur du réacteur. Energie Production d’énergie thermique (brûleurs, foyers, chaudières...). La thermique influence non seulement le rendement de ces appareils mais aussi les émissions de polluants (exemple température de flamme et production de NOx). Dans une chaudière, on veut & d’eau à une température donnée T. La puissance à vaporiser un certain débit massique m fournir au liquide est par conséquent Φ = m& L. L désignant la chaleur latente [J/kg] de vaporisation à la température T. La conception du générateur de vapeur consiste à produire le débit de vapeur imposé avec l'installation la plus économique possible, en prenant garde toutefois de limiter en tout point la température à un niveau admissible par le métal. La production décentralisée d'énergie électrique par des petites unités conduit à rechercher des échangeurs de chaleur compacts. D'autre part, le rendement des turbines à combustion s'améliorant en aspirant de l'air le plus froid possible, on a recours dans les pays chauds à des stockages de "froid". Les quelques exemples précédents illustrent que l'ingénieur doit concevoir des surfaces d'échange, arbitrer entre consommations d'énergie et coûts d'investissement, prendre en compte les contraintes thermiques, contrôler des températures et des puissances échangées. TRANSFERT DE CHALEUR PAR CONDUCTION FORMULATION GENERALE ETABLISSEMENT DE L’EQUATION DE LA CHALEUR On se reportera à l’Abrégé de Thermodynamique de Daniel Fargue, chez le même éditeur, (premier principe pour les systèmes ouverts) dont les notations ont été en grande partie adoptées dans ce paragraphe. En particulier, on raisonne sur un domaine D de r volume V et de surface externe S animé d'une vitesse barycentrique1 w . D/Dt désigne la r r dérivée de transport : D = ∂ + w.∇ . Dt ∂t Le principe d’établissement de l’équation de la chaleur consiste à écrire le premier principe de la Thermodynamique, puis à utiliser l’équation de la dynamique pour faire disparaître le terme de variation de l’énergie cinétique. On isole alors la variation d’énergie interne, ou la variation d’enthalpie (c’est l’expression la plus utilisée pour les systèmes ouverts). Premier principe de la thermodynamique pour les systèmes ouverts : Le premier principe pour les systèmes ouverts traduit que la variation d'énergie totale (interne + cinétique) est égale à la somme de la puissance des forces externes W& et de la puissance thermique absorbée Q& : DU + DK =W& + Q& . La puissance des forces externes Dt Dt r r r r r r & peut être détaillée : W = ∫ ρ w . F dV- ∫ p n . w dS+ ∫ w . ν .n dS V S S r F [N.kg-1] est la résultante des forces externes massiques2, p la pression [N.m-2]. ν est la notation simplifiée du tenseur de viscosité ν αβ r r s'écrit plus complètement ∑ wα .ναβ .nβ r r [N.m-2]. L'expression w.ν.n αβ r La puissance thermique absorbée Q& résulte de la densité de flux thermique ϕ qui sort du système (d'où le signe -) et de l'éventuelle production de chaleur interne au système π [W.m-3]. Ce dernier terme permet de caractériser très globalement des mécanismes sans avoir à les modéliser en détail. 1 r c r Si le système est composé de plusieurs ( c ) constituants : ρw= ∑ ρi wi i =1 c r r 2 S'il y a plusieurs constituants ρ F est remplacé par ∑ ρ i Fi i =1 12 Introduction aux transferts thermiques V π r ϕ r n rr Q& = ∫ πdV- ∫ϕ .ndS V La production de chaleur π peut provenir d’une source électrique (fondamentalement une génération d'entropie), d’une réaction nucléaire (analogue à une réaction chimique). Nous verrons à la fin de ce développement que la production de chaleur due aux frottements est déjà prise en compte par le biais du tenseur de viscosité. De même, s’il y a une réaction chimique, la quantité de chaleur associée doit apparaître naturellement dans la variation d’enthalpie ; et non dans π. r ϕ sort du volume V S rr r r r r r r = ∫ ρ w . F dV- ∫ p.n .w dS+ ∫ w . ν .n dS + ∫ πdV- ∫ϕ .n dS V S S V S Equation de la mécanique d'un fluide visqueux DU + DK Dt Dt [Eq 2.1] La variation d’énergie cinétique est égale à la somme de la puissance des efforts externes et de la puissance des efforts internes (pression p, tenseur de viscosité ν) : r r Dw r r r r r r DK = ρw [Eq 2.2] dV = ∫(ρw.F − w.∇p + w.∇.ν)dV ∫ Dt V Dt V Pour faire apparaître la seule variation d'énergie interne dans [Eq 2.1], on soustrait [Eq 2.1]-[Eq 2.2] : énergie totale - énergie cinétique. D’où l’[Eq 2.3]: r r r r r r r r r r r r r r DU = p∇.w dV + ∫ w.∇pdV+ ∫ν∇.wdV + ∫ w.∇ν.dV + ∫ πdV- ∫ϕ..ndS- ∫( − w.∇p + w.∇ν)dV ∫ Dt V V V V V S V r r Si l'on note ∫ ν .∇ .wdV = ∫ Ω dV puissance de dissipation visqueuse3 : Ω en [W.m-3], on V V r r rr Du obtient : ∫ ρ dV = ∫ -p ∇ . w dV + ∫(π + Ω ) dV − ∫ϕ . n dS [Eq 2.4] V Dt V V S On remarque que la dissipation visqueuse apparaît directement, elle n’est pas incluse dans le terme de génération de chaleur π. On choisit en général l’enthalpie4 h = u + p/ρ comme grandeur d'état ce qui va faire r r disparaître le terme ∫ -p ∇ . w dV . La conservation de la masse s'écrit : V 3 précisément : ∑ναβ ∂∂wxα αβ β Transfert de chaleur par conduction 13 r r Dρ r r ∂ρ r r ∂ρ r r +∇.ρw=0= +w.∇ρ+ ρ∇.w= + ρ∇.w ∂t ∂t Dt r r rr Dp r r Donc l'équation [Eq 2.4] devient : ∫( ρ Dh− − p∇.w)dV= ∫-p∇.wdV+ ∫(π+Ω).dV− ∫ϕ.ndS Dt Dt V V V S rr Dp Dh [Eq 2.5] ∫ ρ Dt dV = ∫ Dt dV + ∫(π + Ω)dV − ∫ϕ.ndS V V V S Dp Dans bien des cas, on néglige le terme , d’où une première expression de l’équation Dt de la chaleur : r r Dh ∫ ρ Dt dV = ∫ (π + Ω)dV − ∫ϕ . n dS V V S Dans le cas où l'on peut exprimer l’enthalpie à partir de la température, on obtient : r r DT ∫ ρ c p Dt dV = ∫ (π + Ω) dV − ∫ϕ . n dS V V S [Eq 2.6] Cas particulier : milieu immobile La dérivée de transport devient une dérivée simple et il n’y a plus de dissipation r r visqueuse Ω : ∫ ρ c p ∂ T dV = ∫ π dV − ∫ϕ . n dS [Eq 2.7] ∂ t V V S Si le milieu peut être considéré à température uniforme5 et le terme source uniformément réparti ( Q& sur tout le volume), on obtient la forme simple du bilan de chaleur : Bilan de chaleur pour un milieu considéré à température uniforme rr mc p dT =Q& − ∫ϕ.ndS dt S La variation de température est due aux sources de chaleur internes moins les flux sortant du volume. Ces termes de flux sortant sont le plus souvent évalués sur les diverses frontières du volume V. Ils peuvent être conductifs, radiatifs ou convectifs. 4 u =h− p Dp p Dρ soit Du = Dh − 1 + Dt Dt ρ Dt ρ 2 Dt ρ 5 Cette approximation est parfois admissible, voir page 48 14 Introduction aux transferts thermiques HYPOTHESE FONDAMENTALE DE FOURIER Elle relie le transfert de chaleur entre zones voisines et le gradient thermique local, en admettant la proportionnalité de l'effet à la cause6. r n 2 dS 1 r ∇T Une surface dS d'un milieu continu sépare deux zones 1 et 2. Orientons la normale à dS dans le sens 1 → 2 , et désignons par dΦ la puissance cédée (algébriquement) par la zone 1 à la zone 2, à travers dS. La densité de flux vaut ϕ = dΦ/dS.r Désignons par ∇T le gradient thermique ; l’hypothèse de Fourier consiste à admettre que la puissance sortant de dS est proportionnelle au gradient (dans la direction normale) et à poser : Loi de Fourier7 r r dΦ = − K ∇ T. n .dS [Eq 2.9] Le signe moins traduit le fait que la chaleur ne peut être cédée que par la zone chaude au profit de celle plus froide. K est la matrice de conductivité. Elle dépend de la température. Si le matériau est non isotrope ses composantes sont variables (exemple dans du bois, la conductivité n'est pas la même dans le sens des fibres et transversalement où l'on traverse de minuscules couches d'air8 ; il en va de même d'autres fibres comme fibres de carbone ou de Bore ; dans les cristaux la structure influence la conductivité dans certaines directions9). Les valeurs varient au sein du milieu, en particulier, elles sont très sensibles à la température. k xx k xy k xz K = k xxk yy k yz k xz k yz k zz Si le matériau est isotrope, ce que nous considérons dans toute la suite, la matrice se simplifie : λ 0 0 K = 0 λ 0 0 0 λ λ est le "coefficient de conductivité thermique" ou, par raccourci, "conductivité". Dans de nombreux cas, λ peut être considéré comme constant (pour un milieu donné) dans un large intervalle de température. λ s'exprime en W.m-1K-1. 6 voir chapitre « Relations phénoménologiques Flux-Forces » dans le cours de Thermodynamique publié aux Presses de l’EMP. L’écriture de la génération d’entropie d’un système ouvert fait apparaître la puissance thermique et le gradient de température. 7 Jean Baptiste Joseph Fourier (1768-1830) a publié en 1822 sa Théorie Analytique de la Chaleur. 8 Dans ce cas la conductivité dépend aussi de l'humidité de l'air. 9 Voir Carslaw et Jaeger donné en bibliographie Transfert de chaleur par conduction 15 Loi de Fourier pour un milieu isotrope r r dΦ =−λ∇T.n.dS [Eq 2.10] On trouvera en Annexe (tableaux A.1.1 à A.1.9), pour quelques corps usuels, les valeurs numériques de λ et des indications sur sa variation avec la température. Conductivité thermique fonction de la température -1 -1 λ [W.m .K ] 10000 Diamant IIa 1000 Argent Cuivre Or Aluminium 100 Acier CrNi 10 Eau 1 Hydrogène 0,1 Air 0,01 0 200 400 600 800 1000 T [K] Figure 2.1.1 : Quelques valeurs de la conductivité λ en fonction de la température On remarque que : Les métaux sont les matériaux ayant la plus forte conductivité thermique. La conductivité thermique et la conductivité électrique sont très liées. La conductivité thermique λ résulte de 2 mécanismes : le mouvement des électrons et les interactions dans le réseau cristallin λp. Le premier terme noté λe est relié à la conductivité électrique σe : λ = λe + λp Dans les métaux (conducteurs électriques) le terme λe est prépondérant10 et λ ≈ λe. La conductivité dépend de la température et pour l'essentiel des métaux, c'est une fonction décroissante. En première approximation, on écrit que 10 A température supérieure à l'ambiance, λe est lié à σe par la loi de Wiedemann Franz : λe = L0σeT ; L0 désignant le nombre de Lorentz - L0 = 2,45 10-8 WΩ -1 K-2 16 Introduction aux transferts thermiques λ = λ0 (1 + βT) Dans le cas fréquent d'alliages, l'addition d'un élément modifie notablement le réseau cristallin et donc la conductivité. Ainsi, seulement 0,4 % d'Arsenic dans le cuivre fait baisser la valeur de λ de 40 %. Pour les non métaux, le terme prépondérant est λp. Les matériaux les plus conducteurs sont donc ceux qui sont les plus cristallisés (ainsi une vitro-céramique est un verre pourvu d’une structure cristalline ; sa conductivité est plus élevée que celle du verre amorphe). On notera à ce propos la conductivité du diamant : 2300 W.m-1K-1 à 300 K. La porosité fait diminuer la conductivité (milieu poreux équivalent). Pour les composés organiques, la présence d’halogène fait baisser λ. Pour les liquides, la conductivité est nettement plus faible que pour les solides (à l'exception du Mercure qui est métallique). Ainsi, à la température de solidification le rapport des conductivités solides sur liquide est de l'ordre de 1,3. L'eau a une conductivité voisine de 1 W.m-1K-1. Pour les gaz, la conductivité est très faible (à même température et basse pression, 10 à 100 fois plus faible que celle du liquide). Ce sont donc de très bons isolants (le vide étant l'isolant absolu). C'est pourquoi beaucoup d'isolants sont constitués de gaz enfermé dans des alvéoles. C'est le cas des mousses isolantes (polyuréthanne, polystyrène expansé). Il faut que les alvéoles ou compartiments soient de faible dimension, sinon il se crée des mouvements de convection qui "conduisent" la chaleur. La conductivité des gaz croit avec la température (agitation moléculaire plus importante). Elle ne dépend quasiment pas de la pression. Ceci est établi par la théorie cinétique des n gaz : λ = T ; n de l’ordre de 0,7. Elle est inversement proportionnelle à la masse λ0 T0 molaire M. En première approximation, la conductivité s'écrit : λ=v . l.Cv n 3 v désignant la vitesse moyenne des molécules [m/s] l le libre parcours moyen11 [m] Cv la chaleur molaire à volume constant [J.mole-1K-1] n le nombre de molécules dans un m3 [mole.m-3] On trouve des corrélations faisant intervenir la viscosité µ, la masse molaire M et la chaleur Cv. Exemple : corrélation modifiée de Eucker : λM =1,32Cv +3,52 µ 11 l vaut 5,7.10-6 cm pour l’air dans les conditions normales. Transfert de chaleur par conduction 17 LIGNES DE FLUX THERMIQUE DANS UN MATERIAU ISOTROPE Le flux Φ [W], est un scalaire, de même que la densité de flux ϕ [W/m2]. On peut en r r chaque point M considérer le vecteur : ϕ=-λ∇T Le champ ainsi défini admet des lignes de flux orthogonales aux isothermes. rr Combinée avec l'équation [Eq 2.9], on obtient : dΦ = ϕ.ndS Cette relation est très analogue à celle permettant de calculer le débit volumique à travers une surface dS. L'identité du formalisme amène ainsi à parler d’écoulement de la chaleur, et de lignes d’écoulement (ou de flux). Il est essentiel de se souvenir qu'il s'agit d'une simple analogie, les deux phénomènes physiques étant foncièrement différents : r dans un fluide en mouvement, le vecteur w correspond bel et bien à la vitesse d’une r parcelle de matière ; il n’en est rien pour ϕ . EQUATION GENERALE DE LA CONDUCTION Dans un milieu fixe homogène de conductivité λ et de chaleur massique c, on peut écrire l’équation de la chaleur [2.7] en spécifiant l’expression de la densité de flux ϕ grâce à la loi de Fourier (Eq 2.10). Ceci donne en utilisant la formule d’Ostrogradski : r div(λ∇T)+π = ρc ∂T ∂t [Eq 2.11] π est la production de chaleur dans la masse [W.m-3] (exemple : réaction nucléaire, induction...). Dans beaucoup d'applications courantes, on considère λ, ρ, c indépendants de la température (au besoin en adoptant une valeur moyenne), si bien que λ sort du signe divergence. Alors, les caractéristiques du milieu - conductivité, masse volumique et chaleur massique - n'interviennent que par le groupement λ/ρc = a, dénommé diffusivité, qui s'exprime en [m2s-1]. On trouve sur la figure 2.1.2 les valeurs de la diffusivité pour quelques corps et des valeurs dans les tableaux en Annexe. La diffusivité a = λ/ρc est de l'ordre de : 10-5 m2s-1 pour les gaz, 10-7 m2s-1 pour les liquides, 10-5 m2s-1 pour les solides. Contrairement à la conductivité, les valeurs sont relativement proches ; en particulier quand on compare les gaz et les métaux. Ceci est du au fait que de fortes valeurs de λ s'accompagnent de fortes valeurs de ρ et inversement. On en déduit la forme simplifiée de l'équation générale de la conduction en l'absence de production de chaleur. 18 Introduction aux transferts thermiques Equation simplifiée de la conduction [Eq 2.12] ∆T = 1 ∂T a ∂t Rappel : expressions du Laplacien ∂ 2T ∂ 2T ∂ 2T Coordonnées cartésiennes : + + ∂x 2 ∂y 2 ∂z 2 ∂ 2Τ Coordonnées cylindriques : ∂r ∂ 2Τ 1 ∂Τ + + (en annulant le terme de variation en θ) 2 r ∂r ∂z 2 ∂ 2T Coordonnées sphériques : ∂r 2 + 2 ∂T (en annulant les termes de variation en θ et ϕ) r ∂r Diffusivité et conductivité à 20°C a [m 2 s -1 ] 1,E-01 1,E-02 1,E-03 métaux 1,E-04 Gaz liquides 1,E-05 construction 1,E-06 1,E-07 1,E-08 0,01 0,1 1 10 100 1000 λ [W.m -1 K -1 ] Figure 2.1.2 : Valeurs de la conductivité λ [Wm-1K-1] et de la diffusivité a [m2s-1] pour des classes de matériaux Ordre de grandeur de la conductivité à température ambiante Métaux solides : de 10 à 400 W.m-1K-1 Solides non métalliques : de 1 à 10 W.m-1K-1 Liquides : de 0,1 à 1 W.m-1K-1 Gaz : de 0,01 à 0,03 W.m-1K-1 Isolants : de 0,01 à 0,05 W.m-1K-1 Transfert de chaleur par conduction 19 CONDITIONS AUX LIMITES Résoudre un problème de conduction consiste à trouver, parmi les solutions de [Eq 2.3], celle qui satisfait à une distribution initiale T0(x,y,z,0) et à certaines conditions à la frontière Σ. Sur cette frontière, le milieu échange de la chaleur par conduction, convection, rayonnement et changement d'état, et il serait donc nécessaire de connaître les lois correspondantes pour expliciter les conditions aux limites. Condition de température (ou condition de Dirichlet) on connaît T en chaque point de Σ et a tout instant : TΣ = g(MΣ,t) Cas particulier : TΣ = cste (ne dépend pas de M, la température est la même sur toute la surface) ; c'est le cas s'il y a contact parfait entre le milieu et l'extérieur. La frontière Σ est alors une surface isotherme. C'est pratiquement ce qui se passe quand un solide est immergé dans un liquide très agité à température constante ou en changement de phase. Condition de flux (ou condition de Neumann) r r On connaît la densité de flux en chaque point de Σ : − λ∇TΣ .n = F(M Σ ,t) Cas particulier : F(M Σ ,t) = 0 ; on dit que la frontière est parfaitement calorifugée. Alors Σ est normale à toutes les isothermes. Relation flux-température En chaque point de Σ, la densité de flux ϕ est une fonction connue de la température. Un cas particulier important celui dit de Newton : la densité de flux est proportionnelle à (TΣ - Te), différence entre la température superficielle du milieu TΣ et la température Te r r de l’extérieur : − λ∇TΣ .n = h(TΣ −Te ) h est le coefficient de transfert superficiel, il s'exprime en [W.m-2K-1] La condition de Newton est à peu près réalisée lorsque le corps étudié est baigné par un fluide dont la température moyenne est égale à Te. L’étude de la convection a pour objet de déterminer h en fonction des caractéristiques du fluide et de son mouvement. A noter que h peut lui même dépendre de la température. Il arrive qu'une condition limite d'échange par rayonnement soit écrite sous cette même forme. C'est le cas lorsqu'on arrive à écrire les échanges superficiels entre la surface Σ et une surface émettrice Σ' à température T' sous la forme : ϕ = A.σ.(T4 - T'4) où σ est la constante de Stefan Boltzmann (voir chapitre 3). Cette expression est alors linéarisée de façon approchée sous la forme : ϕ = 4A.σ. T'3(T - T') = hr.(T - T') hr = 4AσT'3 est appelé coefficient d'échange par rayonnement [W.m-2K-1]. 20 Introduction aux transferts thermiques Mise en contact de deux solides Contact parfait : il y a égalité des températures et égalité des flux r r λ1 ∇T1 = λ2 ∇T2 T1 =T2 Contact imparfait Les deux surfaces ne sont pas strictement en contact, il existe une "résistance" de contact12 due à l'air présent entre les deux milieux13. On caractérise cette résistance thermique de contact par la valeur Rc [m2K.W-1]. Les températures ne sont plus égales. r r λ1 ∇T1 = λ2 ∇T2 ϕ= 1 (T1 −T2 ) Rc r r ϕ =−λ1 ∇T1 .n1 Une résistance de contact dépend des deux matériaux en contact (les points de contact sont en nombre limité et induisent une constriction des lignes de flux) mais aussi de la pression exercée pour assurer un meilleur contact. Cette résistance peut être dominante surtout dans le cas de grande conductivité comme des métaux. Pour donner un ordre de grandeur14, on peut retenir Rc = 10-4 m2K.W-1, pour deux plaques d’aluminium. La surface de référence est celle apparente des deux solides en contact. L’état de contact peut être amélioré en insérant une pâte conductrice ou un métal plus tendre à l’interface. 12 On introduira l'analogie électrique page 25 qui justifiera l'expression "résistance" 13 Un état de surface est défini par sa rugosité, hauteur moyenne des aspérités. 14 On trouvera des valeurs dans Çengel et Turner – chapitre 17 et un développement complet dans Rosenhow. Transfert de chaleur par conduction 21 RECAPITULATIF DES CONDITIONS LIMITES DANS LE CAS UNIDIRECTIONNEL Condition de température T(0,t)=Ts T(0,t) T(x,t) 0 Condition de flux − λ∂T ∂x x =ϕ s x=0 ϕs T(x,t) 0 Condition de Newton − λ∂T ∂x =h.(Te −T(0,t)) x Te x=0 h Te température de mélange du fluide (voir chapitre 4) T(x,t) 0 Flux nul Cette condition est utilisée si la paroi est calorifugée ou quand il y a des symétries qui imposent un flux nul. Dans ce cas, la continuité des températures est une condition redondante. − λ∂T ∂x =0 x=0 x ϕs = 0 T(x,t) 0 x 22 Introduction aux transferts thermiques Contact parfait λ1 ∂T1 = λ2 ∂T2 ∂x x =0 ∂x x =0 T1 =T2 T1 (x,t) T1(0,t) T2(0,t) T2 (x,t) 0 Contact imparfait λ1 ∂T1 = λ2 ∂T2 ∂x x =0 ∂x x =0 − λ1 ∂T1 = 1 (T -T ) ∂x x =0 Rc 1 2 x T1 (x,t) Rc T2 (x,t) 0 x SIMILITUDE DES PROBLEMES DE CONDUCTION Les cas d’intégration d'une équation aux dérivées partielles, par voie littérale, sont rares. Il faut recourir en général, soit à une intégration numérique, soit à l’expérimentation. Quel que soit l'intérêt d'un résultat particulier, il est précieux de pouvoir en généraliser les éléments à des cas voisins, et notamment à des problèmes présentant une similitude15 géométrique. Soit donc une classe (C) de domaines matériels, tous semblables géométriquement ; à l’intérieur de cette classe, un domaine est parfaitement particularisé par une longueur caractéristique (l). (s'il s'agit d'une plaque plane indéfinie, l est l'épaisseur de la plaque ; pour une sphère, c'est le rayon, etc...). La nature du matériau et l'environnement extérieur font intervenir d'autres paramètres. Ce sont ceux figurant dans l'équation générale de la conduction, complétée par ses conditions initiales et aux limites. Repartons de l'[Eq 2.11] en mono - dimensionnel, avec λ constant sur le domaine d'étude, associé à une condition limite de Newton en x = 0 et x = l, et la condition initiale T = T0. ∂ 2T ∂x 2 15 + π = 1 ∂T λ a ∂t =h.(Te −T) et λ∂T =h.(Te −T) avec : − λ∂T ∂x x=0 ∂x x=l On distingue analyse dimensionnelle (on raisonne sur les dimensions fondamentales) et similitude (on travaille directement sur les équations régissant le phénomène en faisant apparaître des groupements sans dimension). Transfert de chaleur par conduction 23 Posons x + = x/l , T + = T −T0 (condition initiale T+ = 0) Te −T0 ∂ 2T + ∂x + 2 + π.l 2 l 2 ∂T + λ.(Te −T0 ) a ∂t ∂T + avec = ∂x + x +=0 ∂T + = hl .(T + −1) et − + λ ∂x Ceci fait apparaître : En posant π + = ∂ 2T + ∂x + 2 +π + = = hl .(T + −1) λ x +=1 Fo = at/ l 2, nombre de Fourier16 et Bi = hl /λ, nombre de Biot17. π.l 2 λ.(Te −T0 ) ∂T + ∂Fo , les équations deviennent finalement : ∂T + avec ∂x + = Bi.(T + −1) et + x =0 ∂T + - ∂x + = Bi.(T + −1) + x =1 Remarque T donnée sur la paroi signifie h infini ; une puissance échangée nulle signifie h = 0. Seule subsiste alors la condition de Fourier. Le nombre de Biot intervient dès que les conditions limites sont de type Newton. CONDUCTION EN REGIME PERMANENT DEFINITION On dit que le régime est permanent si, en tout point, la température est indépendante du temps. C'est la limite vers laquelle tend toute distribution de température lorsque les conditions extérieures sont elles mêmes indépendantes du temps. En théorie, l'établissement du régime permanent exige un délai infini. Dans la pratique, compte tenu de l'imperfection des moyens de mesure, les écarts avec le régime permanent cessent d'être observables après un certain délai, très variable suivant les cas. En faisant l'hypothèse que λ est indépendant de la température, l'[Eq 2.12] se réduit à : ∆T =0 16 Voir signification physique p 52 17 Voir signification physique p 52 [Eq 2.13] 24 Introduction aux transferts thermiques ECOULEMENT UNIDIRECTIONNEL Dans une plaque plane infinie d'épaisseur l, les isothermes sont des plans parallèles aux plans frontières P1, P2 et, avec des axes convenables, la température est fonction d'une seule variable T(x). d 2T =0 soit encore dT =cste dx dx 2 P1 S P2 La densité de flux ϕ(x) à travers une surface S parallèle aux frontières est indépendante de x. Le profil de température est linéaire. T1 TP1 T2 TP2 0 x Examinons maintenant deux types de conditions aux limites : celle où les températures extrêmes sont connues, celle où elles satisfont à la condition de Newton : • on connaît TP1 et TP2 sur les plans P1 et P2. T = TP1 + (x/ l).(TP2 - TP1) ϕ = (λ/l).(TP1 - TP2) En prenant l’origine des abscisses sur P1, on a : • on connaît T1 et T2, températures des milieux ambiants, ainsi que h1 et h2 coefficients d'échange superficiels. ϕ = h1.(T1 - TP1) = (λ/l).(TP1 - TP2) = h2.(TP2 - T2) Alors, la conservation de ϕ s’écrit : [ ] L' élimination des températures superficielles TP1 et TP2 donne : ϕ 1 + l + 1 = T1 - T2 h1 λ h2 On calcule ensuite les températures de paroi grâce aux équations de départ. Le mur "infini" est évidemment une fiction, mais les résultats du calcul sont encore valables en toute rigueur si les surfaces latérales du mur sont parfaitement calorifugées (pas d’effet de bord). Ils s'appliquent aussi, avec une bonne approximation, si la surface S de chacun des plans P1 et P2 est suffisamment grande vis-à-vis de la surface latérale. • Surface courbée Les résultats précédents s'appliquent à une plaque courbe d'épaisseur constante l, pourvu que le rayon de courbure soit en tout point très supérieur à l. On fait intervenir l'aire S de la surface équidistante des deux surfaces frontières S1 et S2, et on écrit : Φ [h 1S + λlS + h 1S ]= T - T 1 1 1 2 2 2 Transfert de chaleur par conduction 25 ANALOGIE ELECTRIQUE Un conducteur électrique de longueur l , de section σ, et de résistivité électrique ρe, a une résistance R = ρe l /σ. Soumis à une différence de potentiel U1 - U2, il laisse passer une intensité I donnée par : I. (ρe l/σ).= U1 - U2 formule analogue à celle donnant le flux Φ traversant un mur : Φ (l/λS).=.(TP1 - TP2) ce qui conduit à établir une correspondance entre : • les tensions électriques et les températures, • les intensités et les flux thermiques, • les conductivités électriques (1/ρ) et thermiques (λ). Mur composé - Résistances en série Un mur soumis aux conditions de Newton se comporte comme un ensemble de résistances en série, à condition d’appeler : résistances superficielles R1s et R2s les quantités 1/h1S et 1/h2S , résistance du milieu Rm la quantité l/λS. La résistance thermique R est la somme des résistances en série Rm , R1s et R2s On peut donc mener un calcul de mur plan (ou de problème s'y ramenant) par la méthode utilisée en électricité pour calculer : d'une part l'intensité parcourant une série de résistances, d'autre part le potentiel entre deux résistances consécutives. On appelle mur composé la juxtaposition de n plaques d'épaisseur li. et de conductivité λi. supposées parfaitement en contact (ce qui exclut entre elles tout vide, film d'air, traces d'huiles, etc...) ; la température de deux surfaces en contact est alors la même. Supposons ce mur composé baigné par deux fluides, à températures respectives Te1 et Te2, et désignons par Ti (i = 1 , .. , n+1 ) les températures intermédiaires. L'analogie électrique amène à considérer : deux résistances superficielles : R1s = 1/he1S et R2s = 1/he2S et n résistances de milieu : Rim = λi/λiS Le flux Φ est donné par : Φ [R1s + R2s + Σ Rim ] = (Te1 - Te2) et connaissant le flux, le calcul des températures intermédiaires s'effectue sans difficulté de proche en proche (s’il est nécessaire de les calculer), l’analogie électrique est particulièrement intéressante si l’on veut évaluer globalement le transfert de chaleur et que les températures à l’intérieur de la paroi ne sont pas recherchées. 26 Introduction aux transferts thermiques T e1 T1 T2 Tn+1 l1 λ1 l2 λ2 ln λn Te2 Résistances en série – les résistances s’ajoutent Req =∑ Ri i Φ Req = T1 - T2 Mur à épaisseur variable - Résistances en parallèle On peut assimiler une plaque quelconque, dont les faces sont soumises à des températures uniformes Te1 et Te2, à un ensemble de résistances en parallèle, si l’on connaît le tracé des lignes de flux. Considérons une plaque d'épaisseur peu variable (pour considérer le problème unidirectionnel), limitée par deux surfaces S1 et S2, et désignons par S une surface "moyenne". Soit l(x) l'épaisseur correspondant à la tranche dS d’un mur de section trapézoïdale (la hauteur du mur est L). La résistance thermique entre 1 et 2 de la tranche de section dS et d'épaisseur l vaut l/λdS. En composant les résistances en parallèle, la résistance totale entre S1 et S2 est donnée par : H 1 = λdS = λ.L dx ∫ l(x) R m ∫∫ l(x) S 0 H est la hauteur du trapèze. l varie linéairement avec x : l(x)= l' −l x +l H Transfert de chaleur par conduction 27 Φ L S1 S1 l l’ 0 x H S2 S2 Si la plaque est soumise aux conditions de Newton, les frontières ne sont plus des isothermes; il faut ajouter à la résistance Rm deux résistances superficielles R1s et R2sen série. On vérifiera que pour le cas cité, le flux Φ traversant entre S1 et S2 est donné approximativement (le problème est bi dimensionnel dans ce cas) par : Φ 1 + l m + 1 = T1 - T2 avec lm = (l' - l)/ln(l'/l) h1 S1 λ.LH h S 2 2 Les résistances en parallèle sont également très utiles pour caractériser globalement des matériaux hétérogènes (briques par exemple). On peut associer en parallèle des tranches types qui se répètent en calculant la résistance de chacune de ces tranches. Résistances en parallèle Ce sont les inverses des résistances qui s’additionnent. 1 = 1 Req ∑ i Ri Φ Req = T1 - T2 R1 R 2 R 3 etc... 28 Introduction aux transferts thermiques On récapitule dans le tableau ci après les correspondances entre grandeurs électriques et thermiques. Grandeur électrique Grandeur thermique Tension [V] Intensité [A] Conductivité [Ω-1.m-1] Résistance [Ω] Température [K] Flux thermique [W] Conductivité [W.m-1K-1] Résistance superficielle 1/hS [K.W-1] Résistance du milieu l/λS [K.W-1] PROBLEME DU TUBE - TUBE COMPOSE Soit un tube cylindrique à bases circulaires de rayons r1 et r2, et de longueur L suffisante pour que l'on puisse négliger les effets d’extrémité (ou, ce qui revient au même, calorifugé à ses deux extrémités). Désignons par r, θ, z les coordonnées cylindriques d'un point M quelconque ; si les conditions aux limites sont uniformes sur chacune des deux parois ( interne et externe) , la température est une fonction T(r) par raison de symétrie. En l'absence de dégagement de chaleur au sein du matériau, le flux traversant un cylindre d' axe Oz et de rayon r est indépendant de r, comme on s'en aperçoit en écrivant le bilan thermique d'un petit domaine compris entre deux cylindres de rayons r et r + dr. La loi de Fourier donne alors : z Φ=2πrH.(-λ dT )=cste , donc : dT =cste dr dr r2 L'intégration est immédiate et donne, en désignant par TP1 et TP2 les températures des deux faces : r1 H M T= TP1 −TP2 T ln(r )−TP2 ln(r1 ) ln(r)+ P1 2 r r ln 2 ln 2 r r 1 1 Résistance thermique d'une couronne cylindrique ln( Φ = 2πHλ TP1 −TP2 ln( r2 r1 ) r2 r1 soit R m = 2πHλ ) Transfert de chaleur par conduction 29 Ceci peut aussi être obtenu en utilisant des résistances en série18. Pour les tubes peu épais, c'est-à-dire la plupart des tubes industriels, le calcul mené avec la moyenne arithmétique des rayons constitue une bonne approximation (l'erreur est inférieure à 1,5 % pour un rapport r2/r1 de 1,5). Si les conditions portent sur les températures extérieures avec des relations de Newton, on introduit encore les résistances superficielles : R1s = 1/(he1.S1) et R2s = 1/(he2.S2) et la résistance totale est la somme des 3 résistances R = R1s + R2s + Rm. Une fois connu le flux, le calcul des températures s’effectue sans difficulté. De la même manière, pour une enceinte sphérique comprise entre deux rayons r1 et r2, r2 r −r on obtiendrait la résistance par R m = 1 ∫ dr 2 . Soit : Rm = 2 1 λ 4πr 4πr1 r2 λ r1 Exemple : Rayon critique Considérons une canalisation cylindrique rectiligne, dont les rayons de la section droite r1 et r2 sont fixés. On connaît la conductivité λ du matériau et les coefficients de transfert superficiel h (interne) et h' (externe). Le flux Φ échangé avec l'extérieur se détermine grâce aux résultats de la page 28. On cherche à minimiser ces pertes en enveloppant le tube d'un matériau isolant, de conductivité λiso ; on suppose parfait le contact entre le tube et l'isolant, et on admet que le coefficient de transfert externe h' ne change pas (c'est le cas notamment en convection naturelle, peu influencée par le diamètre). On remarque qu’augmenter l'épaisseur de calorifuge (donc riso) accroît le troisième terme, mais diminue le quatrième. Il n'est donc pas certain qu'on ait toujours intérêt à calorifuger largement. 18 r Désignons par e l’épaisseur (r2 - r1) du tube, et définissons un rayon moyen par e =ln 2 . rm Alors : Φ =2π.rm H λ (T r 1 −T )= λ S (T −T ) et on retrouve la formule du mur plan, à e P1 P2 e m P1 P2 condition de considérer comme surface d’échange une surface moyenne égale à 2π rmH. On r2 obtient directement cette expression (résistances en série) en intégrant R m = 1 ∫ λ r1 dr 2πrH 30 Introduction aux transferts thermiques r2 Pour choisir l'épaisseur du calorifuge (son rayon riso), des considérations économiques interviennent pour mettre en balance le coût de l'isolant et l'économie sur les pertes de chaleur. En ajoutant les résistances thermiques en série, on peut calculer la résistance thermique R de l'ensemble par : riso r1 h λ r r 2πH.R = 1 1 ln 2 + 1 ln iso + 1 λ hr1 r1 λiso r2 h'riso λiso h’ Les deux premiers termes étant constants, on a : 2πH. ∂R = 1 - 12 et cette ∂riso λisoriso h'riso quantité s'annule pour riso = λiso/h'. C'est le rayon critique rc = λiso/h’ . R [m 2 K.W -1 ] 6,3 6,1 5,9 5,7 5,5 5,3 5,1 4,9 rc r iso [mm] 4,7 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Notion de rayon critique Il existe donc une valeur rc de riso qui minimise la résistance globale R. Au delà, la résistance thermique globale augmente du fait de la sur-isolation. Ordre de grandeur Les isolants courants ont des conductivités de l'ordre de 0,03 à 0,3 W.m-1K-1 . Si le tube est en relation avec l'atmosphère par la seule convection naturelle, h' est de l'ordre de 10 W.m-2K-1. Les rayons critiques s'échelonnent donc entre 10 et 30 mm. Deux cas peuvent se produire : • si le rayon extérieur r2 de la conduite est supérieur au rayon critique rc, la courbe de la résistance en fonction de riso est constamment croissante. En effet seule la partie à droite du rayon critique est à prendre en considération puisque riso est forcément supérieur à r2. L'isolation est donc intéressante, et le flux est d'autant plus réduit que l'épaisseur est plus grande.