2 - JERUSALEM AU XIIE SIECLE, UNE VILLE SAINTE CONVOITEE PAR LES CHRETIENS ET LES
MUSULMANS
2.1) 88 ans de domination chrétienne occidentale : 1099 - 1187
L'appel à la croisade lancé le 27 novembre 1095 par le pape Urbain II souleva les foules qui se mirent en
marche vers Jérusalem. Les motivations étaient mêlées, foi, pénitence, attrait de l'orient… Les paysans
sont les premiers à partir au printemps 1096 avec le prédicateur Pierre L'Ermite, les princes eux, avec
entre autres Godefroy de Bouillon et Baudouin de Boulogne, partent quelques mois plus tard. Après un
très long voyage, de terribles épreuves et de nombreuses batailles, les croisés arrivent devant Jérusalem
en juin 1099. Il ne reste plus qu'une armée de 1200 chevaliers et 12 000 fantassins, un effectif insuffisant
pour encercler totalement la ville bien défendue par une garnison Fatimide à l'abri de ses quatre km de
remparts. Malgré la fatigue et le petit nombre, l'enthousiasme de la foi les fait se surpasser. Le bois de
deux navires génois démontés va servir à construire deux tours mobiles pour attaquer les remparts. Dans
une exaltation messianique et eschatologique, les croisés donnent l'assaut le 15 juillet 1099. Détail
important pour comprendre la mentalité de ces hommes, à trois heures de l'après midi, à l'heure de la
crucifixion du Christ, Godefroy de Bouillon réussit le premier à approcher l'une des deux tours et à faire
pénétrer ses hommes dans la ville. Massacres et pillages dureront trois jours, la plupart des musulmans
sont massacrés, Jérusalem est libérée du joug de l'infidèle, par reconnaissance envers Dieu, ils chantent
un Te Deum au Saint-Sépulcre.
Texte n°1 : Prise de Jérusalem selon l'auteur anonyme de la première croisade.
"Et nous, exultant d'allégresse, nous parvînmes jusqu'à la cité de Jérusalem, la troisième férie (le mardi), huit jours
avant les ides de juin (le 7 juin), et nous l'assiégeâmes admirablement. Robert le Normand l'assiégea du côté nord,
près de l'église du premier martyr saint Etienne, à l'endroit où il fut lapidé pour le nom du Christ; près de lui était
Robert, comte de Flandre. A l'ouest, ce furent le duc Godefroy et Tancrède qui l'assiégèrent. Au sud c'est le comte
de Saint-Gilles qui l'assiégea, sur la montagne de Sion, vers l'église de sainte Marie, mère du Seigneur, où le
Seigneur célébra la Cène avec ses disciples…
Nos seigneurs étudièrent alors les moyens d'attaquer la ville à l'aide de machines, afin de pouvoir y pénétrer pour
adorer le sépulcre de Notre Sauveur. On construisit deux châteaux de bois et un certain nombre d'autres engins. Le
duc Godefroy établit un château garni de machines et le comte Raimond fit de même. Ils faisaient apporter le bois
des terres éloignées. Les Sarrasins, voyant les nôtres construire ces machines fortifiaient admirablement la ville et
agrandissaient leurs tours pendant la nuit…
A ce moment nous souffrîmes tellement de la soif qu'un homme ne pouvait, contre un denier, avoir de l'eau en
quantité suffisante pour éteindre sa soif.
La quatrième et cinquième férie - mercredi 13 et jeudi 14 juillet 1099 - nous attaquons fortement la ville de tous les
côtés mais, avant que nous ne la prissions d'assaut, les évêques et les prêtres ordonnèrent par leurs prédications et
leurs exhortations que l'on ferait en l'honneur de Dieu une procession autour des remparts de Jérusalem et qu'elle
serait accompagnée de prières, d'aumônes et de jeûnes.
La sixième férie, de grand matin, nous attaquons la ville de tous les côtés sans pouvoir lui nuire : et nous étions
dans la stupéfaction et dans une grande crainte. Puis, à l'approche de l'heure à laquelle Notre Seigneur Jésus-
Christ consentit à souffrir pour nous le supplice de la Croix, nos chevaliers postés sur le château se battaient avec
ardeur, entre autres le duc Godefroy et le comte Eustache son frère. A ce moment, l'un de nos chevaliers, du nom
de Liétaud, escalada le mur de la ville. Bientôt, dès qu'il fut monté, tous les défenseurs de la ville s'enfuirent des
murs à travers la cité et les nôtres les suivirent et les pourchassèrent en les tuant et en les sabrant jusqu'au temple
de Salomon - la Mosquée d'Omar-, où il y eut un tel carnage que les nôtres marchaient dans leur sang jusqu'aux
chevilles...
Entrés dans la ville, nos pèlerins poursuivirent et massacrèrent les Sarrasins jusqu'au temple de Salomon, où ils
s'étaient rassemblés et où ils livrèrent aux nôtres le plus furieux combat pendant toute la journée au point que le
temple tout entier ruisselait de leur sang. Enfin, après avoir écrasé les païens, les nôtres saisirent dans le temple un
grand nombre d'hommes et de femmes, et ils tuèrent ou laissèrent vivant qui ils voulurent. Au-dessus du temple de
Salomon, s'était réfugié un groupe de nombreux païens des deux sexes, auxquels Tancrède et Gaston de Béarn
avaient donné leurs bannières. Les croisés coururent bientôt par toute la ville, prenant l'or, l'argent, les chevaux, les
mulets et pillant les maisons qui regorgeaient de richesses.
Puis tout heureux et pleurant de joie, les nôtres allèrent adorer le sépulcre de notre Sauveur Jésus et s'acquittèrent
de leur dette envers lui. Le matin suivant les nôtres escaladèrent le toit du temple, attaquèrent les Sarrasins,
hommes et femmes, et, ayant tiré l'épée, les décapitèrent. Quelques uns se jetèrent du haut du temple. A cette vue
Tancrède fut rempli d'indignation (…). Le huitième jour après la prise de la ville, on élut le duc Godefroy prince de la
cité afin de combattre les païens et de défendre les chrétiens."
D'après "Histoire anonyme de la première croisade"
_______________
Document issu du site © www.enseignement-et-religions.org
texte établi par L. Bréhier, Paris, Les Belles Lettres, 1924, chap.37-39, pp. 195-207.
– 2008 3/23