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UFR SJE site juridique de NARBONNE
Gaëtan FERRARA
Licence 3 - Droit Public
année universitaire 2014-2015
La doctrine américaine de la guerre
préemptive
entre illégitimité et illégalité
Initiation à la recherche
Droit constitutionnel comparé
Sous la direction de
Philippe Ségur
Professeur des universités
La doctrine américaine de la guerre
préemptive
entre illégitimité et illégalité
Par Gaëtan Ferrara
Publié dans le cadre du Cycle relations internationales - La
doctrine américaine de la guerre préemptive
entre illégitimité et illégalité
sur le site internet : www.historius.fr
Juin 2016
La doctrine américaine de la guerre préemptive, entre illégalité et illégitimité
Publication de juin 2016 pour www.historius.fr
Gaëtan FERRARA
Sommaire
I- Le Léviathan étasunien
A- Le colosse aux pieds dargiles
B- Les conditions nécessaires à linvocation de la guerre préemtpive
II- Illusions et désillusions de la guerre par divination
A- Les dangereuses limites de la préemption
B- Lultime action préventive
La doctrine américaine de la guerre préemptive, entre illégalité et illégitimité
Publication de juin 2016 pour www.historius.fr
Gaëtan FERRARA
« La guerre est le fruit de la faiblesse des peuples et de leur stupidité » écrivait Romain
Rolland dans son œuvre Au-dessus de la lée;et à Nicolas de Condorcet d’anticiper dans son
ouvrage posthume « Les peuples, plus éclairés, se ressaisissant du droit de disposer d’eux-mêmes,
de leur sang et de leurs richesses, apprendront peu à peu à regarder la guerre comme le fléau le plus
funeste, comme le plus grand des crimes. »1À la fin du XVIIIème siècle, ces lignes de Condorcet
apparaissent comme un vœux pieux. Pourtant c’est bien en ce sens que semble prendre pour
aspiration l’évolution du droit international public. Il est avant toute autre chose impératif de
distinguer, au sein du droit international public, le jus in bello du jus ad bellum.
Le premier désignant le droit international humanitaire, encore appedroit dans la guerre ou
Droit de Genève, et se distingue du second par son caractère récent. À ce jour, en effet, les
conventions applicables en la matière sont au nombre de sept, soit les quatre Conventions de
Genève du 12 août 1949, auxquelles s’ajoutent les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 ainsi
que le troisième protocole additionnel du 8 décembre 2005. Les Conventions de Genève sont des
traités internationaux, initiés par le Comité International de la Croix Rouge, qui définissent les
règles à respecter au cours d’un conflit armée en ce qui concerne « le respect de la personne
humaine et de sa dignité. »2 Puisqu’un exemple vaut toujours mieux qu’un long discours, aux
termes de l’article 12 des Conventions de Genève du 12 août 1949 « les membres des forces armées
et les autres personnes mentionnées l’article suivant, qui seront blessés ou malades, devront tre
respectés et protégés en toutes circonstances. »3
Ainsi, alors que le jus in bello glemente les règles à respecter pendant la guerre, le jus ad
bellum se place en amont et pose les fondements d’un droit à la guerre, encore intitulé droit de faire
la guerre. En cela il établit les règles qui conditionnent la possibilité de faire une guerre dite juste,
voire gitime, en droit international public. À titre d’exemple, à partir de la seconde moitié du
Moyen-Âge, les souverains ont intégré comme droit coutumier d’établir une déclaration de guerre
préalablement à toute agression armée.4 Cela se pouvait se faire par lettre de défi, ou affiches
installées sur le territoire du souverain pour peu qu’il ait refusé d’ouvrir la missive précédente. Dans
le cas un seigneur n’avait pas reçu de déclaration de guerre, il le considérait comme une vilenie
et n’hésitait pas à le scander aux autres seigneurs. Tel fut le cas du capitaine de l’armée vénitienne
qui attaqua le seigneur de Padoue sans commune mesure en 1372. Ce dernier n’hésita pas à
« dénoncer la traitrise au monde entier. »5 C’est ainsi qu’au XVIIème siècle, le juriste néerlandais
Hugo Grotius - posant par la même occasion les fondements du droit international - rédige un traité
Sur les lois de la guerre et de la paix.6 Il restreint alors la guerre aux termes de sa proposition XXVI
« qu’en se tenant dans les bornes de la Justice et de la Bonne Foi. »7 Dès lors le droit international
n’a cessé d’évoluer vers une légitimité toujours plus étroite du recours à la guerre.
1 Condorcet, Esquisse d'un tableau des progrès de l'esprit humain, 1795.
2 Les Conventions de Genève du 12 août 1949, note préliminaire.
3 Les Conventions de Genève du 12 août 1949, Chapitre II Des blessés et des malades, Article 12.
4 Glénisson Jean. Notes d'histoire militaire. Quelques lettres de défi du XIVe siècle. In: Bibliothèque de l'école des
chartes. 1948, tome 107, livraison 2. pp. 235-254.
5 Ibidem. p.245.
6 Hugo Grotius, De iure belli ac pacis, 1625.
7 Ibidem. § XXVI, Discours préliminaire de la certitude du Droit en général, Nouvelle traduction par Jean Barbeyrac,
1746, p17.
La doctrine américaine de la guerre préemptive, entre illégalité et illégitimité
Publication de juin 2016 pour www.historius.fr
Gaëtan FERRARA
Le 26 juin 1945, la Charte des Nations Unies8 est signée à San Francisco et entrera en vigueur
le 24 octobre de la même année. Aux termes de l’article 2 §4 de la Charte « les membres de
l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit
de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. » À ce titre la Charte exhorte
les États parties à régler leurs différends de manière pacifique9. L’emploi de la force armée apparaît
donc comme un ultime recours. Pour autant les États les plus belliqueux cherchent des parades pour
légitimer leurs interventions armées aux yeux de la communauté internationale et surtout à ceux du
Conseil de Sécurité. C’est ainsi que, tout droit sortie de think tanks10conservateurs, George W. Bush
prononce en 2002 un discours dans lequel il invoque la nécessité de « preemptive action11 ». Cette
doctrine de l’action préemptive sera ensuite un peu plus détaillée dans le rapport sur la National
Security Strategy de 200212. L’action préemptive se caractérise par une intervention armée anticipée
à l’encontre d’une menace potentielle. Mais le manque de certitudes constitue un défaut probant en
Droit.
Pourquoi la guerre préemptive ne peut pas être considérée comme gal en droit international
public ?
Avant d’afficher les illusions etsillusions de la guerre par divination (I) comme il serait bon
de définir la guerre préemptive, il semble judicieux de revenir sur les causes de son apparition au
sein de la doctrine militaire américaine qui vise notamment à la pérennisation du Léviathan
étasunien (I).
Le sujet présentement traité, la doctrine de la guerre préemptive, peut apparaître en premier
lieu comme un objet d’étude vaste. Pourtant, le concept de guerre préemptive est loin de faire
consensus. Il est d’ailleurs difficile, voire impossible, de le distinguer du concept de guerre
préventive. Il s’agira donc d’envisager, dans un premier temps, la raison pour laquelle les États-
Unis en sont venus à concevoir la guerre préemptive ; puis, dans un deuxième temps, à examiner les
conditions nécessaires à l’invocation d’une guerre préemptive ; ensuite, dans un troisième temps, il
semblera judicieux de revenir sur les limites de la guerre préemptive ; enfin, dans un quatrième
temps, il conviendra d’ouvrir le sujet sur les concepts de guerre préventive et de légitime défense
8 Charte des Nations Unies, San Francisco, 26 juin 1945. http://www.un.org, 1er mai 2015. [En ligne]
http://www.un.org/fr/documents/charter/index.shtml
9 Ib. Article 33 §1 : « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix
et de la sécuri internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de
diation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par
d'autres moyens pacifiques de leur choix. »
10 Réservoir de pensée, laboratoire didée, clubs de réflexion privés qui cherchent à peser sur les affaires publiques.
11 President Bush Delivers Graduation Speech at West Point, United States Military Academy, West Point, New York,
1er juin 2002. « Our security will require transforming the military you will lead -- a military that must be ready to
strike at a moment's notice in any dark corner of the world. And our security will require all Americans to be forward-
looking and resolute, to be ready for preemptive action when necessary to defend our liberty and to defend our lives. »
Traduction : « Notre sécurirequiert que nous transformions l’armée que nous dirigeons - une armée qui doit être prête
à frapper à l’instant même l’on en donnera l’ordre dans n’importe quel coin sombre du monde. Et notre sécurité
exige que tous les Américains soient proactifs et résolus, à être prêt à mener des actions préemptives quand cela sera
nécessaire pour défendre notre liberté et défendre nos vies. »
12 The National Security Strategy of the United States of America, Septembre 2002. www.state.gov, 1er mai 2015 [En
ligne] http://www.state.gov/documents/organization/63562.pdf
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