Un aperçu de la géologie de la Belgique
Prof. Ph. Sonnet
Université Catholique de Louvain
Année académique 2004-2005
1 Qu’est-ce qu’une carte géologique
Il est rarement possible pour un géologue d’observer, dans une région don-
née, tout le détail de la structure des roches du sous-sol. Le sol et la végéta-
tion recouvrent généralement la majeure partie des roches. Celles-ci ne sont
souvent accessibles à l’observation que de façon ponctuelle, dans ce qu’on
appelle des aeurements (là où les roches sont visibles en surface, sous forme
de rochers, de fond de ruisseaux, de talus de route, le long des chemins de
campagne, lorsque l’on creuse les fondations des maisons, etc). Le géologue
ne peut donc que se baser sur ces observations ponctuelles pour débrouiller
la structure géologique de la région. Pour cela, il reporte les observations
faites sur des aeurements isolés sur une carte topographique. Là où il ne
peut pas faire d’observations, c’est-à-dire sous la couverture formée par le
sol et la végétation, il doit supposer ce qu’il se passe. Le résultat de ce
travail, qui mélange l’observation et l’interprétation, est la carte géologique.
La carte géologique représente les phénomènes géologiques d’une taille
susante pour être cartographiables, c’est-à-dire reportés sur une carte à
petite échelle (25.000ème, généralement). Pour cela, on regroupe les roches
en paquets uniformes ou monotones, dont on a toutes les raisons de penser
qu’ils se sont formés dans les mêmes conditions. Ces regroupements sont
appelés formations géologiques. La formation est l’unité cartographique.
Les formations portent un nom d’après la localité géographique où elles
aeurent le mieux.
2 La carte et la coupe présentée dans le site Web
du cours
Dans la carte géologique simpliée du site Web, on n’a pas représenté les
formations, car l’échelle est trop petite et il y aurait eu trop de détails à
représenter. On les a rassemblées par âge géologique. Chaque couleur corre-
spond donc à un intervalle de temps donné. On distingue sur la carte des
domaines de couleurs diérentes séparés par des lignes. Pour comprendre
1
ce que représentent ces domaines séparés par des lignes, il faut raisonner en
trois dimensions. A l’endroit de la carte, il existait autrefois un volume de
roche. Ce volume a été sectionné par un plan plus ou moins horizontal qui
est la surface topographique. Seule subsiste la partie inférieure du volume,
la partie supérieure, au-dessus de la surface topographique, ayant été retirée
par l’érosion. La carte géologique représente la section du volume de roche
par le niveau topographique actuel. Les formations géologiques sont en con-
tact les unes avec les autres par des surfaces (en 3-D) qui se réduisent à des
lignes sur la carte (en 2-D). Les domaines de couleur de la carte correspon-
dent donc à des volumes de roche et les lignes constituent la trace dans le
plan horizontal des surfaces par lesquelles ces volumes sont en contact les
uns avec les autres.
En dessous de la carte géologique, on a représenté une coupe géologique
orientée suivant une direction nord-sud. La coupe géologique montre ce
que l’on pourrait observer si l’on exécutait une section verticale à travers les
roches. Il s’agit d’une interprétation que le géologue construit en extrapolant
les couches qu’il a observées à la surface. Le géologue utilise également les
renseignements fournis par d’éventuels sondages en reportant sur sa coupe
les profondeurs auxquelles les couches ont été recoupées par le sondage. La
coupe présentée dans le site Web a été réalisée suivant une trajectoire qui
n’est pas tout à fait rectiligne. Elle comporte un coude, de façon à passer
par des endroits clés qui permettent de mieux comprendre la structure de
l’ensemble. Elle comporte un coude passant par le Massif de Serpont. Pour
observer cette trajectoire en entier, il faut eectuer un premier clic sur le
bouton "cliquez ici". Le dessin de la coupe représente donc deux plans
de coupe d’orientation légèrement diérente mis bout à bout de façon à
donner l’impression d’un seul plan. Pour les besoins du dessin, il y a une
exagération verticale : l’échelle verticale est 10×plus grande que l’échelle
horizontale. L’avantage de cette exagération verticale, c’est qu’il y a moyen
de représenter convenablement le détail de ce qui se trouve dans la coupe.
Le désavantage est que les pentes des lignes ne sont pas conservées (sauf les
horizontales et verticales). Ainsi, la pente de la faille du Midi, là où elle est
la plus redressée, est tout à fait exagérée par rapport à la réalité.
3Echellestratigraphique
La table 1 présente une échelle simpliée, dont le détail s’arrête au niveau
des périodes (les périodes étant, à leur tour, divisées en époques et en âges).
Il est utile, pour décrire la géologie de la Belgique de descendre au niveau
des étages. Voici, à la table 2, les dénominations des étages du Paléozoïque
utilisées dans l’ancienne carte géologique de Belgique, datant de la ndu
dix-neuvième et début du vingtième siècle.
Les dénominations et les limites des étages ont évolué depuis l’ancienne
2
106années érathème/ère système/période orogenèse
Quaternaire
n:1.75 Tertiaire Néogène
Paléogène
n:65 Crétacé Cycle alpin
Secondaire Jurassique
Trias
n : 245 Permien
Paléozoïque Carbonifère Cycle hercynien
Dévonien
Silurien
Ordovicien
Cambrien Cycle calédonien
n : 570 Précambrien
Table 1: Echelle stratigraphique simpliée. Les âges, donnés en millions
d’années, correspondent aux limites des ères.
érathème/ère système/période série/époque étage/âge orogenèse 106années
[ Permien ]1
Stéphanien n : 245
Houiller Westphallien
Carbonifère Namurien
Dinantien Viséen
Tournaisien Cycle
Supérieur Famennien hercynien
Frasnien
Paléozoïque Dévonien Moyen Givetien
Couvinien
Emsien
Inférieur Siegenien
Gedinnien
Silurien2
Salmien Cycle
Devillien calédonien
Cambrien Revinien début: 570
Précambrien
Table 2: Etages ou époques du Paléozoïque aeurant en Belgique selon la
légende de l’ancienne carte géologique de Belgique.
3
système/période regroupement série/époque étage/âge
Permien
Stéphanien
Silésien Westphallien
Carbonifère Namurien
Viséen
Dinantien Tournaisien
Supérieur Famennien
Frasnien
Dévonien Moyen Givetien
Eifellien
Emsien
Inférieur Praguien
Lockhovien
Silurien
Ordovicien 3
Supérieur, Moy.
Cambrien et Inférieur
Table 3: Etages ou époques du Paléozoïque aeurant en Belgique suivant
leur dénomination actuelle.
carte. Voici, à la table 3, les noms utilisés dans la nouvelle carte géologique
de Wallonie (les noms qui ont changé sont en gras).
4 Les roches les plus anciennes de Belgique
Les roches les plus anciennes aeurant en Belgique datent de la limite en-
tre l’ère précambrienne et l’ère paléozoïque. Il est certain, cependant, que
l’histoire géologique4de la Belgique a commencé bien avant l’ère paléo-
zoïque. Sous les roches du Paléozoïque qui sont directement observables se
trouvent très probablement des roches formées avant le Paléozoïque. Il n’y
a pas moyen de les observer de façon directe, mais on peut suspecter leur
présence à l’aide de méthodes d’observation indirectes (la gravimétrie et la
sismique). Pour leur donner un âge, on ne peut procéder que par analogie : il
faut rechercher, dans les contrées voisines de la Belgique, les prolongements
latéraux de ces roches là où elles aeurent, en supposant bien sûr qu’elles
soient bien contemporaines des roches belges qui se trouvent sous les roches
du Paléozoïque. Comme prolongements latéraux des roches belges, on cite
4L’histoire géologique d’une région a pour but d’établir la chronologie des évènements
qui se sont déroulés dans le passé et qui ont joué un rôle dans la nature et la structure des
roches de cette région.
4
souvent le microcraton d’Angleterre (sous le bassin de Londres) et les gneiss
de Witthgenstein (en Allemagne, à l’est de Liège) qui sont précambriens.
5 Une histoire géologique divisée en trois chapitres
On divise l’histoire géologique de la Belgique en trois chapitres qui amènent
à la constitution de trois ensembles successifs de roches. Dans leur grande
majorité, ces roches sont sédimentaires, mais on peut trouver des roches vol-
caniques et des roches ignées5. Les trois ensembles de roches, aeurent dans
trois domaines : le domaine calédonien, le domaine hercynien et le domaine
méso-cénozoïque6. Ces trois domaines sont indiqués sur la carte géologique
du site Web du cours et sur la coupe géologique qui se trouve en dessous de
cette carte. En cliquant sur la carte, on fait successivement disparaître les
domaines méso-cénozoïques (deux premiers clics), puis le domaine hercynien
(troisième clic) pour ne laisser, en nal, que le domaine calédonien.
6 Ements permettant de distinguer les trois do-
maines
La séparation en trois ensembles se base sur la présence de surfaces de discor-
dance7stratigraphique8majeureetdextensionrégionale. Unediscordance
5Les principaux exemples de roches volcaniques se trouvent dans le Brabant, au sein
de roches datant de la période ordovicienne. Ainsi, à Quenast, le lon vertical de section
circulaire (400×300m2) contenant la roche ignée appelée "porphyre de Quenast" est en fait
une ancienne cheminée volcanique par laquelle des laves ont pu être amenées en surface. Au
dix-neuvième siècle, les pavés en porphyre de Quenast étaient réputés et se sont retrouvés
dans la plupart des grandes capitales. Actuellement, le porphyre de Quenast, donne après
broyage, un gravier très résistant à l’écrasement et à l’usure convenant pour le macadam
et le ballast de chemin de fer.
6Il y a une diculté car "calédonien" et "hercynien" font référence à des orogenèses et
"méso-cénozoïque" fait référence à un intervalle de temps.
Calédonien et hercynien : nom de deux orogenèses. Orogenèse : de oρoς,oros, montagne
en grec ; le cycle orogénique comprend le dépôt des sédiments horizontaux sur un substrat
puis leur plissement lors de la formation d’une chaîne de montagnes. Le domaine calédonien
renferme des roches formées durant l’intervalle de temps entre le début et la ndececycle
orogénique. Même principe pour le domaine hercynien.
Méso-cénozoïque (équivalent à Secondaire-Tertiaire) : désigne l’intervalle de temps entre
le début de l’ère secondaire et la n de l’ère tertaire. Le domaine méso-cénozoïque renferme
des roches formées durant cet intervalle de temps. Pourquoi n’a-t-on pas utilisé pour ce
troisième domaine un nom d’orogenèse ? Parce que le cycle orogénique durant lequel ces
roches se sont formées n’est pas encore terminé (c’est l’orogenèse alpine, dans laquelle
nous sommes toujours) et ce cycle n’a pas abouti jusqu’à présent à plisser ces roches en
Belgique.
7discordare, en latin, ne pas être en accord.
8Dans une discordance stratigraphique, il y a non seulement une discordance angulaire
mais également il manque quelque chose: dans la série sédimentaire, il manque les dépôts
correspondant à un certain laps de temps. Ces dépôts qui manquent constituent ce que
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